Différences n°14 15 - septembre 1982

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Sommaire du numéro

n°14-15 de septembre 1982

  • Edito: Le malheur et l'amitié par Albert Levy
  • Corse: la traque des maghrébins par Solange Oostenbroek
  • Paris n'est pas Beyrouth par Emile Murène
  • Bobo victime de la tradition (excision)
  • Quelque chose de nouveau en Israël propos de Charlie Bitton recueillis par Robert Decombe
  • L'Aikido, jeu sans enjeu par Didier Robrieux
  • La carte était truquée (projection de Peters) par Laurent Chambaud
  • Une vie pour cent dollars (tiers-monde) par Odile Naudin
  • Mulhouse ou l'usage provocateur du "17" par René Duchet
  • Grandeur et servitude des pygmées par François Misser
  • Pourquoi vous êtes unique au monde par le Pr Jean Dausset
  • "Nulle terre française ne peut plus porter d'esclaves" Victor Schoelcher par Dominique Kriwkoski
  • Culture: Et toi, tu lis quoi? par Suzie Morgenstern
  • Le M'zab, une leçon d'architecture par Yves Thoraval
  • En débat: de l'éducation des jeunes filles: textes de Balzac, Choderlos de Laclos, Louise Michel, Mme de Lambert, J.J. Rousseau
  • La parole à Yilmaz Guney (réalisateur) propos recueillis par J.P. Garcia
  • Humeur: les arabes en Espagne

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17~ ~ v~ L'UL11ME PRESENT . DE JEAN PICART LE DOUX n avril dernier, à la veille de sa disparition, notre ami Jean Picart le Doux offrait à Différences la reproduction de c~tte oeuvre qui allait être l'une de ses deux dernières créations. Sa tapisserie, intitulée « Les Enfants du monde» « symbolise, nous écrivait-il, à la fois la paix et les enfants de différentes couleurs». Son ultime présent à notre revue. Jean Pic art le Doux a eu quatre-vingts ans en janvier 1982. Ses amis lui avaient rendu un vif hommage. Que l'on nous permette de rappeler les propos de Pierre Paraf, président d'honneur du MRAP, à cette occasion. « Le magicien qui comme on l'a si bien dit, « fait chanter les murs » est aussi l'homme qui offre son concou;s prestigieux à toutes les nobles causes, en fils du siècle des Lumières, en combattant de la tolérance et de la liberté. Ainsi je l'ai trouvé aussitôt à nos côtés pour défendre les victimes de tous les racismes. Partout où un opprimé crie justice. Jean Picart le Doux sera près t!e lui. . . De cet Art de la Tapisserie paré à nos yeux de tant de mystères Il a gardé la tradition somptueuse. n a ajouté à la perfection classique cette recherche passionnée qui plonge dans le secret du Cosmos ... Plus que jamais nous avons besoin de sa féérie, de ses étoiles ». (*) Merci Jean Picart Le Doux. (*) Connaissances des Hommes - nO 94 mars-avril 1982,42, rue Vignon, Paris ge. BOUTIQUE (~harel) 54. RUE DE B~HUNE. 59000 LILLE - T~L - (20) 54.75_58 2 a g n è s b. 3 rue du Jour - Paris 1er - 233.04.13 13 rue Michelet - Paris 6e - 633.70.20 2 rue Ferdinand Doc - Aix en Provence 21 rue du Plan d'Adge - Montpellier Edito~~ 10 janvier 2012 à 15:38 (UTC)~~ DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 ET L' TIE Saurons-nous jamais qui a tué rue des Rosiers ? Quels « spécialistes» ont tenu les armes, et quels furent leurs commanditaires ? Par définition, il n'y a rien de clair dans un attentat terroriste, si ce n'est que des gens tombent au hasard, qui n'avaient rien à voir avec 1'« avertissement » destiné à d'autres, lesquels, sans doute, « savent» sans pouvoir (ou vouloir) prouver d'où vient le coup. /1 y a aussi les retombées (calculées) de cette action indirecte,' l'ordre démocratique brutalement secoué, la sensation d'une menace permanente et imparable, les tentations de vengeance aveugle, l'éclatement au grand jour des phantasmes où se cristallisent les peurs et les haines individuelles ou collectives. Bref, tandis que leurs auteurs et leurs object(fs précis restent dans l'ombre, c'est notre société elle-même qu'éclairent de telles explosions de violence. Une nouvelle fois, on a pu constater la solidarité, désormais inhérente à la conscience nationale, qui entoure la communauté juive, marquée de l'extérieur comme de /'intérieur par le souvenir du génocide hitlérien. Certes l'antisémitisme bête ou méchant n'a pas disparu .. mais, loin de traduire sa montée en France, les actes provocateurs de quelques criminels, par l'indignation qu'ils suscitent, contribuent à renforcer l'opprobre dont il est l'objet et isolent davantage ceux qui voudraient s'en réclamer. Cet acquis ne signifie pourtant pas que le racisme soit sur le point d'être banni de nos moeurs. Comme s'ilfallait une compensation aux bons sentiments, l'amitié pour un groupe persécuté s'accompagne trop souvent encore d'une attitude hostile envers un autre. De la mise en accusation de /'0. L. P. (réaction automatique, chez certains, quels que soient les faits), on en vient avec une remarquable aisance à dénoncer les Palestiniens en tant que tels (tous traités de « terroristes ») et de là, l'ensemble des Arabes, voire les réfugiés politiques et les immigrés. Généralisation, est-il besoin de le souligner, typiquement raciste, quelle que soit la confession, l'ethnie ou la nationalité de ceux qu'elle vise. De toute évidence, on ne se mobilise pàs aussi massivement, en France, quand des injustices ou des exactions sont commises à l'encontre des travailleurs étrangers, surtout ceux d'Afrique du Nord. La mort de quatre d'entre eux, cet été, en Corse et à Strasbourg, comme le dynamitage de la mosquée de Romans, ilya quelques mois, les bombes et les balles contre des foyers d'immigrés ou des cafés arabes, ne soulèvent pas une réprobation proportionnée à la gravité de tels événements. Cette différence s'explique par des raisons historiques et politiques (les rancoeurs laissées par la guerre d'Algérie, pays ayant opté, depuis, pour le socialisme), économiques et sociales (le mépris allant aux plus défavorisés). C'est sur cette réalité que s'appuient les tentatives, à partir d'une opération de nature antijuive, d'alimenter les campagnes, déjà virulentes, contre les Maghrébins. Cependant, on a vu poindre, dans cette période, un état d'esprit nouveau. La terreur guerrière déferlant sur Beyrouth a eu pour effet d'élargir le courant de sympathie enfaveur des populations palestiniennes et libanaises, soumises au pilonnage sanglant des armes les plus meurtrières. La controverse sur le rôle des médias a tourné court, car les témoignages les plus divers confirment le drame. Exposées avec insistance, les justifications des autorités d'Israël ont d'autant moins apaisé l'émotion que, dans ce pays lui-même, une partie importante des citoyens critique avec une vigueur sans précédent la politique de guerre et les méthodes employées. Comme c'est le cas pour les juifs en d'autres circonstances, l'excès des souffrances infligées aux Arabes du Proche-Orient aura peut-être assez sensibilisé l'opinion pour favoriser le rapprochement avec ceux qui vivent en France. Peut-on simultanément rejeter tous les racismes, notamment les racismes antijuif et antiarabe, peut-on à lafois soutenir les droits nationaux et humains de tous les peuples, y compris les Israéliens et les Palestiniens? A cette double question, plus nombreux sont aujourd'hui - après Beyrouth et la rue des Rosiers - ceux qui répondent,' oui. Albert LÉVY 3 SPECIAL RENTREE 100 F O--u-i,- j-e- d-é-s-ir-e -m--'a-b-o-n-n-er- ------------------------------- Je vous joins un chèque de D 100 F (1 an) D 75 F (6 mois) D 200 F (soutien) NOM ________________________ . _________ . 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Sommaire §§§§§§§§§§§§§§§§~ DIFFÉRENCES N°14-1S SEPTEMBRE 82 POINT CHAUD 6 CORSE: LA TRAQU~ DES MAGHREBINS Trois morts d'homme successives, attentats en série, les travailleurs immigrés vivent dans la peur ... Solange OOSTENBROEK ACTUALITÉ 10 PARIS N'EST PAS BEYROUTH Dans le Marais, à la Goutte d'Or, à Belleville, on a ressenti profondément le choc de la rue des Rosiers. Emile MURENE 12 DU NOUVEAU EN ISRAEL Un entretien avec le député israélien Charlie Biton. Robert DÉ COMBE EXPLIQUEZ-MOI 15 AIKIDO JEU SANS ENJEU Chorégraphie étourdissante, symphonie de gestes et de figures légères ... Didier ROBRIEUX 16 LA CARTE ÉTAIT TRUQUÉE Scandale autour du monde: la planisphère était-elle un instrument de la vision occidentale? Laurent CHAMBA UD NOTRE TEMPS 18 UNE VIE POUR CENT DOLLARS Cent millions d'enfants du Tiersmonde s'efforcent de survivre. Odile NAUDIN RÉGIONALE 22 MULHOUSE OU L'USAGE PROVOCATEUR DU «17» Qui veut créer des affrontements entre police et immigrés? René DUCHET CONNAITRE 26 GRANDEUR ET SERVITUDE DES PYGMÉES Du Rwanda au Gabon et au Cameroun, les danseurs de Dieu chantent pour éveiller la forêt. François MISSER RÉFLEXION 34 rOURQUOIVOUS ETES UNIQUE AU MONDE Par le Pr Jean DAUSSET Prix Nobel de médecine Des petits bouts de peaux échangés, des centaines de volontaires, une équipe médicale ... Une extraordinaire aventure. HISTOIRE 38 «NULLE TERRE FRANÇAISE NE PEUT PLUS PORTER D'ESCLAVES» En 1848, Victor Schoelcher et les anti-escIavagistes l'emportent. En 1982, on en parle au Parlement et sur FR3. Dominique KRIWKOSKI CULTURE 40 ET TOI, TU LIS QUOI? Un regard sur des livres pour enfants: Suzie MORGENSTERN LA PAROLE A ... 46 Yilmaz GUNEY: «JE VEUX CONTINUER A PARLER » Le réalisateur de Yo/, palme d'or au Festival de Cannes, se confie à Différences. Jean-Pierre GARCIA 1D:l:F:F::t:R::E::N::C ES, maf.adne menoue! CTH par le MRAP (Mouvement contre le radsme et pour l'amitié entre 1. . peupl. .) , ftllté ..r la Société d .. Edhlonl Dlfférene. ., " rue Oberkam:r.f, 75011 Paril, tél. 806 ....3 3. ~!'::'~~e:tl'ol.o"';,.·létran,er: 170 F· 6 mols : 7S F· Etudiant. et ehômeun: 1 an: no F - 6 mols: 6H' (joIndre une photocopie de la arte d'étudiant ou de la arte epolnta,e). Soutien: 200 F· Directeur de la publication : Albert Uvy . Secr~ta irc de r~acti o n ct maquettes : Véronique Mortal,"e - Service photos: Abdelhak Sonna. Ont collabor~ à ce num~ro : Laurent Chambaud, Robert Dkombe, René Duchet, Jean-PIerre Garcia, Dominique Krlwkookl, Annie Lauran, Françoil MI_, Su,1e MOflenllern, EmUe Mur~ne, Jean-Michel Ollt, SoIan,e OoIIenbrock, Robert Pae, Didier Robrleu., Marie-Jeanne S.lmon, Yv .. Thoranl. Administration : Khaled Debbah · Secr~tariat : DaniNe SImon· Publicité: Hubert Bismuth et Paul Na"f (tél. 106.88.33) · Imprimerie: SIRG, 9 rue Delouvaln, 75019 Parla, tél. 249.24-00 - Diffusion: N.M.P.P. Num~ro de commission paritaire : 63.6J.4· ISSN : 0247-909S. Point chaud ,,~~t,OiS morts d'homme successives, attentats C" en série, les travailleurs immigrés vivent dans la peur. Ceux qui ,l es défendent sont menaces. LA TRAQU-E DES MAGHREBINS L 'engrenage, c'est comme le feu qui prend dans le maquis. Il y a l'étincelle et puis la nature du terrain. Entre les deux, il yale vent, qui propage .. , faisant oublier la négligence générale, véritable cause de l'incendie. A Ajaccio, il y a eu le 17 mai. La scène se passe rue Fesch. Mohamed Oukhai, ouvrier boulanger en congé maladie, ne perçoit plus un centime depuis six mois parce que son patron ne lui délivre pas de feuille de paie lui permettant de toucher ses indemnités. Les journaux locaux signalent un différend d'ordre pécuniaire. Ce 17 mai, donc, le patron et son fils viennent l'obliger à reprendre son travail. On s'agite et Mohamed tire, blessant légèrement les deux hommes. Le lendemain, il se constitue prisonnier. On a dit après, de cet incident, qu'il était l'étincelle qui avait dégénéré en une terrible flambée de racisme. Double meurtre Le 19 mai, à Ih30 du matin, une explosion secoue, au 54 rue Fesch, l'appartement de deux Tunisiens qui seront légèrement blessés. Le 22 mai vers Ih du matin, toujours rue Fesch, Mohamed Tabar Mohamed est blessé à l'épaule par un coup de fusil tiré d'une voiture. Le 24 mai, c'est le double meurtre. Omar Araï, Marocain, et Massaoud Ferchichi, Tunisien, sont les cibles d'un tireur anonyme alors qu'ils discutent paisiblement en haut du cours Grandval. Deux hommes sans histoire. Omar est Ajaccien depuis 1966, gardien de la très cossue résidence Napoléon. Son ami Messaoud est menuisier. Il habite à deux pas dans ce même quartier neuf et résidentiel... La ratonnade cette fois. Le 29 juillet, Halloui Amar Ben Salah, un Tunisien de 46 ans, est abattu comme un lapin alors qu'il ferme son établissement, un petit bar de la rue Fesch : cinq petites tables bistro, un juke-box, un comptoir sans grande prétention, une glace pour tout éclairage et, dans le mur, le trou produit par un récent coup de fusil tiré de l'extérieur. Un bistro, un juke-box, un mort Nous étions venus le voir, il ya quelques semaines, avec des amis du MRAP d'Ajaccio, il voulait nous parler de son problème de logement. Après un café, il nous avait invités à monter chez lui, là, juste en face du bar: Il vivait, pour quatre cents francs de loyer par mois, dans un deux pièces tenu à la perfection, avec son fils et ses deux petites filles. Le propriétaire voulait le déloger. Il avait l'idée, nous dit notre hôte, de le relouer mais, « au lit », à des ouvriers, et à cinq cents francs le lit. Une querelle, l'alcool aidant, éclate devant le bar: un groupe de Maghrébins aurait gêné le passage de la voiture de deux Corses et Zica, d'origine italienne. Que s'est-il passé? Toujours est-il que Zica, revenu plus tard avec un de ses amis, a tiré par deux fois sur Halloui Amar Ben Salah. Cette troisième victime confirme l'engrenage de violence enclenché à Ajaccio, à l'encontre des Maghrébins. Dès lors, la terreur s'empare de tous. « Nous ne sommes plus en sécurité explique Salah,je vous jure. Après 8h, plus aucun d'entre nous ne circule ». Suite à cette tragique « série » ajaccienne, Bastia va connaître la sienne, heureusement sans victimes à ce jour. Plusieurs logements par semaine font les frais de la haine au plastic; et aussi, un 6 café, une boucherie appartenant à des Marocains. Et, point culminant, la nuit du 12 aofit, c'est le consulat du Maroc qui est visé, la nuit du 15, l'agence de la Royal Air Maroc. La liste n'est pas exhaustive ... Fait nouveau? « Seuil de tolérance » ? Rejet soudain d'une population « auparavant normalement intégrée »? s'interroge-t-on sur place. Pas d'hypocrisie! L'engrenage n'a jamais fait qu'aggraver une violence qui a toujours existé. Les Maghrébins ont toujours vécu, en Corse, en marge de la population locale. Ils sont nombreux dans les taudis de la rue Fesch à Ajaccio où ils s'entassent à 60 ou 80 sur cinq étages immondes, sans électricité, pour 250 F mensuels par lit. Ou bien dans ce ghetto des Sept Ponts, à la sortie d'Ajaccio, route d'Alata. Ils sont là trois cent cinquante, en pleine nature, répartis dans des cabanes recouvertes de tôles ondulées et de bâches en plastique maintenues par de grosses pierres. « Les Arabacciu » Ils n'ont d'existence sociale que par leur travail, encore fallait-il jusqu'à maintenant que celui-:i soit déclaré. Or, leurs conditions de travail sont aussi peu décentes que leurs conditions de logement. Le pire de la situation réside bien dans l'exploitation outrancière et organisée de cette main-d'oeuvre à bon marché. Aztota un contrat de 40h par semaine. Il en fait 70. « Si on demande à travailler moins, notre droit, le patron répond: « Tes pas content? Tu restes chez toi. Les Arabacciu (I)font la loi chez eux.» Alors on renonce». Certains n'ont jamais vu de feuille de paie. D'autres en reçoivent depuis des années sans qu'aucune retenue n'apparaisse au titre des cotisations sociales. Des exemples il y en a à l'infini. A travers les multiples récits, ce sont les mêmes plaintes, cent fois répétées. Droit, justice, protection sociale, protection du travail et surtout solidarité nationale? Ici, il n'en est pas question, insistent- ils. Les prud'hommes, l'inspection du travail, la police, le tribunal... aucune administration ne fait cas vraiment des travailleurs immigrés. Au contraire, ce sont les victimes que l'on condamne, qui voient leur dossier dormir dans un coin. Plusieurs immigrés rapportent que même les avocats sont coincés. « Inutile de porter plainte, de toute façon elle sera rejetée ». « JI y a une espèce de mafia, ils sont tous en combine entre eux » affirment les migrants. Les nombreux témoignages des uns et des autres conduisent à penser que tout fonctionne parfaitement sur un rapport de force qui a pris ici valeur d'institution et contre lequel on ne pourrait rien. Rien de nouveau sous le soleil de Corse, on a toujours fait violence aux . Nord-Africains d'une façon ou d'une autre. Rien de nouveau, si ce n'est l'accumulation de ces violences et surtout la connaissance que l'on a d'elles, car précédemment on ignorait tout des agressions faites aux Maghrébins. Cette situation a toujours existé, personne ne s'en inquiétait. Il y a eu deux morts en 1972, qui s'en est ému? Et les blessés hospitalisés en cachette? Coalition Alors qu'est-:e qui peut avoir mis ·Ie feu aux poudres cette année ? Eh bien, pour les responsables du MRAP, il ya une chose à ne pas perdre de vue, c'est que la Corse était la première région française en matière d'immigration, au premier rang pour le nombre de Maghrébins comme pour le travail au noir (2). Cest elle qui a connu le plus de régularisations depuis le 10 mai 81. Les patrons sont donc dans l'obligation de déclarer tous leurs employés. Parallèlement, les immigrés ont plus d'assurance car ils se sentent mieux protégés. Ce qui ne va pas sans créer quelques remous. En fait, c'est un « vent de panique » - ou de colère - qui se lève chez certains employeurs, dit-on, et qui crée ce climat anti-arabe. « II ne fait pas de doute que pour nous, sur ce plan, le 10 mai a été une révolution. Depuis, c'est tout le mécanisme d'un certain fonctionnement de l'économie qui s'est déréglé» . . Faut-il donc que le problème du racisme prenne une dimension politique pour que l'on s'en émeuve ? On a toutes les raisons de le croire. Car, si l'on va plus loin, les Il nous avait invités à monter chez lui, là, juste en face du bar ... Ajaccio : le ghetto des Septs Ponts. conséquences directes des régularisations sont de mettre en péril les institutions en place. Aujourd'hui, on est convaincu du changement de niveau des pratiques racistes. Comparant le double meurtre du 24 mai dernier aux événements de 1972, une militante du MRAP pense que « cette fois, ce sont des tueurs d'une autre vo- DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 Et si l'on était passé du racisme primaire d'individus isolés au racisme activiste, plus structuré, relevant d'une organisation, d'un plan? Après l'attentat de la Royal Air Maroc, le vice-:onsul marocain a évoqué l'hypothèse d'un tel plan concerté qui viserait à déstabiliser l'économie insulaire. On peut tout aussi bien imaginer que l'on est en train de passer, mine de rien, du racisme au terrorisme. Plus exactement, que l'on se sert de cette violence-là pour contribuer à créer un climat de violence générale. Cependant, le 2juin, au cours du rassemblement organisé par le comité local du MRAP d'Ajaccio après le double meurtre du 24 mai, sa secrétaire elle-même, victime de menaces, rappelait: « Ce sont les assassins qui doivent avoir peur, pas leurs victimes». Depuis les derniers attentats de Bastia, les dénonciations se succèdent. La presse régionale s'éloigne de la banalité de ses premiers fi' commentaires pour se rendre g compte que le problème était en Peu avant son assassinat, ~ germe depuis longtemps et qu'il HaHou; Amer Ben Salah ~ faudra bien situer les responsabimontre les traces ~ lités. Elle parle maintenant des d'un précédent coup de feu. :;:: « marchands de sommeil» et des ............ .....;:....-....... ___________ ...1 "" « employeurs peu. scrupuleux» qu'elle semblait méconnaître. Des mesures rapides Dans le même temps, les conditions de logement des immigrés font l'objet d'une table-ronde à la Préfecture de Haute-Corse. Et puis, la récente visite de MM. Jean-Pierre Dientilhac, conseiller technique de M. François Austin, secrétaire d'Etat aux immigrés, et Dominique Isnardi, secrétaire générai de la commission nationale chargée de leur logement, laisse penser que des mesures seront rapidement définies. Entre temps, il y a eu, le 19 aofit à Bastia, la manifestation de protestation des Maghrébins, soutenus parlaCGTetle PCF. Elleaexprimé tout à la fois leur soif de respect et leur refus de s'engager dans l'engrenage de la provocation. Le Rue Fesch: 5 étages, 80 personnes, 250 F le lit. fi' 2 juin, les immigrés d'Ajaccio rap- 8 pelaient leurs revendications dans ~ un tract qu'ils distribuaient à la ~ population: « Ce que nous de~ mandons simplement, c'est le res:;:: pect de nos droits de travailleurs "" et d'hommes, c'est un effort pour lée qui ont agi. Ils portaient des aux immigrés. Ces faits permetcagoules et tournaient en ville dé- tent de sentir que la poussée ralibérément dans l'intention de ciste a changé d'allure. Cest ce tuer ». que confirme un responsable de la Par ailleurs, ce n'est pas un hasard police de Bastia: « Au départ, si les responsables du m('uvement nous pensions que plastiquer les font aujourd'hui l'objet de me- Maghrébins, c'était l'amusement naces de mort. Ni un hasard si le du samedi soir, mais depuis que local de la C.G.T. a été plastiqué les officiels sont visés, on a comen juin, lorsque l'organisation pris qu'il y a autre chose ». syndicale a témoigné son soutien 7 nous assurer des conditions de logement décentes, un minimum d'hygiène et surtout que notre sécurité soit assurée ». Solange OOSTENBROEK (1) Arabiccu: sale arabe, le suffixe ajoute une valeur péjorative au mot. (2) Sur 230000 h, la Corse compte quelque 49 000 étrangers dont environ 22000 Italiens, 17000 Marocains, 2600 Tunisiens, 1 500 Portugais, 700 Algériens. L~été 28 MAI FRANCE • Un témoin, M. Louis Goudard, confirme au cours d'une conférence de presse à Lyon, que Paul Touvier, l'ancien chef de la milice, a participé à la désignation d'otages juifs, fusillés le 29 juin 1944. Touvier, sous le coup d'un mandat d'arrêt ' de novembre 1981 pour crimes contre l'humanité, se cacherait dans le Sud-Est de la France. 3 JUIN GRANDE-BRETAGNE • L'ambassadeur d'Israël à Londres est grièvement blessé dans un attentat. En représailles, le lendemain, Beyrouth est bombardé. Les forces conjointes libano-palestiIiiennes répliquent et bombardent le nord de la Galilée. Le 6 juin, le gouvernement de M. Begin lance l'opération « Paix en Galilée ». 7 JUIN ONU • Le Conseil de sécurité exige qu'Israël « retire immédiatement et inconditionnellement ses forces militaires du Liban ». 8 JUIN CISJORDANIE • Manifestations contre la guerre au Liban. L'armée israélienne tire des balles en plastiques. Les journaux arabes sont interdits. Al Fajr publiait un appel de personnalités arabes contre la guerre. Les maires renouvellent leur soutien à l'OLP. FRANCE • Le président François Mitterrand considère de son devoir de « rappeler que la France condamne sans réserve l'agression israélienne au Liban ». 10 JUIN FRANCE • Non-lieu dans l'affaire de l'ancien S. S. Joachim Peip.er. Sa mort dans l'incendie de sa maison en 1976 est donc officialisée. 11 JUIN FRANCE • La SWAPO, organisation de libération nationale de la Namibie, ouvre une représentation permanente à Paris. 13 JUIN FRANCE • Deux cafés tenus par des juifs sont victimes d'attentats à l'explosif rue Miron à Paris. Ils sont les premiers d'une série de caractère antisémite qui se prolongera jusqu'en août. 15 JUIN FRANCE • Des organisations juives progressistes manifestent silencieusement aux abords de l'ambassade d'Israël contre l'invasion du Liban. La communauté juive de France est divisée. Ses principales institutions expriment leur « complète solidarité avec Israël ». 17 JUIN ITALIE • Le directeur-adjoint du bureau de l'OLP à Rome est assassiné. 19 JUIN FRANCE • Le général Peled et M. Haim Baram, du Conseil pour la paix israélo-palestinienne, sont reçus à l'Elysée par des conseillers' du président. 20 JUIN FRANCE • A Paris, la « Marche pour la Paix» réunit 250 000 personnes qui défilent de la Gare Montparnasse à la Bastille. 22 JUIN FRANCE • 10 000 manifestants à Paris, avec CGT, CFDT et FEN,pourle retrait des forces israéliennes du Liban. Le MRAP soutenait leur appel. Autres manifestations à Béziers et à Montpellier. 23 JUIN FRANCE • La Cour d'appel de Paris confirme la condamnation de M. Robert Faurisson à 3 mois de prison avec sursis et 5 000 francs d'amende. La Cour n'ayant pas maintenu la publication de la dc!cision, ordonnée en première instaJ) ce, le MRAP se pourvoit en cassation. • 200 chauffeurs de taxis marseillais se livrent à des exactions à la cité Bellevue, à forte population maghrébine: un jeune maghrébin avait dérobé la recette de l'un d'eux. Deux jours plus tard, ils organisent une « ratonnade» à (ravers la ville. 24 JUIN FRANCE • Au Conseil de sécurité, que la France préside, le g6uvernem~nt dépose un projet de résolutl?~ pour favoI:iser un arrêt des h~stth~ tés au Lib~n. Les Etats-Ums lUI opposeront leur veto. 26 JUIN ISRAEL • A l'appel du « Comité contre la guerre du Liban» 20000 personnes manifestent à Tel-Aviv. 8 17 août : conférence de presse de F. Mitterrand. 1er JUILLET FRANCE • xe anniversaire de la loi contre le racisme, élaborée par le MRAP et adoptée à l'unanimité par le Parlemenf en 1972. Un colloque organisé par le MRAP le 19 juin à la Sorbonne demande l'élargissement de la loi afin que les associations puissent se porter partie civile dans les affaires de violences racistes. • Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), déclare que la politique du gouvernement français relève « d'une volonté d'empêcher la déroute de l'extrémisme arabe ». Il dénonce une « campagne d'antisémitisme sous couvert d'antisionisme ». 2 JUILLET FRANCE • MM. Pierre Mendès-France, Nahum Goldmann, ancien président du Congrès juif mondial, et Philip Klutznick, ancien ministre du président Carter, lancent un appel à la négociation entre Israël et l'OLP. Le CRIF se « démarque formellement » de cet appel. 3 JUILLET ISRAEL • 1 00 000 personnes manifestent à Tel-Aviv contre la guerre. 5 JUILLET FRANCE • Les OS français et immigrés, de l'usine Talbot à Poissy, reprennent le travail, victorieux après cinq semaines de grève. 6 JUILLET CISJORDANIE • Après les Conseils municipaux de Naplouse, Doura, Deir Dibwar et le maire de Gaza, les élus locaux de Djenine sont révoqués. Le maire de Kalkilia sera dystitué et a ssigné à résidence le 26 juillet. FRANCE • A Paris, une centaine d'intellectuels juifs protestent contre les institutions qui prétendent parler en leur nom. 8 JUILLET FRANCE • Une délégation du MRAP est reçue à l'ambassade d'Israël à Paris, pour exposer les vues du mouvement sur l'invasion du Liban et sur la solution du problème israélo-palestinien. 12 JUILLET FRANCE • Le MRAP dénonce la campagne raciste menée à l'aide du tract « Mon cher Mustapha». Il met en garde ceux qui le reproduiraient ou le distribueraient, sur les risques encourus en application de la loi du 1 er juillet 1972. 20 JUILLET FRANCE • Conférence de presse commune, à Paris, du docteur Issam Sartaoui, conseiller de M. Yasser Arafat, et du général de réserve israélien Matti Peled. Ils lancent un appel en faveur de négociations israélo-palestiniennes. .Attentat place Saint-Michel à Paris, blessant une quinzaine de personnes. • A Schiltigheim (Bas-R,hin) quatre jeunes gens en vOiture tuent un manoeuvre algérien à coups de carabine. Le MRAP décide d'intervenir au plan juridique. 22 JUILLET BOLIVIE • Le président bolivien reçoit Klaus Barbie, le « boucher de Lyon» dont la France réclame vainement l'extradition. 24 août: Place de l'Etoile à l'invitation du MRAP. 23 JUILLET FRANCE • M. Fadl Dani, directeur-adjoint du bureau de l'OLP à Paris est assassiné. 25 JUILLET LIBAN • A Beyrouth, M. Yasser Arafat, remet à des parlementaires des Etats-Unis, un document dans lequel « il accepte toutes les résolutions des Nations unies concernant la question palestinienne ». Refus des Etats-Unis et d'Israël de prendre ce texte en considération. 28 JUILLET FRANCE • Le Conseil des ministres décide la dissolution du Service d'action civique (SAC). 29 JUILLET FRANCE • Un Tunisien est abattu à Ajaccio. Le troisième meurtre raciste en Corse depuis le mois de mai. 5 AOUT FRANCE • Les dispositions qui aggravaient la répression, en cas d'homosexualité, des relations sexuelles avec des mineurs de moins de 18 ans, sont abrogées. 6 AOUT AFRIQUE DU SUD • Trois membres du mouvement sud-africain de libération, ANC sont condamnés à mort, à. Pretoria. 7 AOUT FRANCE • Dix-sept organisations dont les partis communiste, socialiste et socialiste unifié et les grandes organisations syndicales publient une déclaration commune dénonçant l'agression isréalienne au Liban et formulant des propositions pour la paix au Proche-Orient. • Le Conseil d'Etat confirme l'essentiel des conditions imposées aux étudiants étrangers pour s'inscrire dans l'enseignement supérieur et annule les restrictions prévues quant au choix de l'établissement. TURQUIE • Deux membres de l'Armée secrète de Libération des Arméniens (ASALA) attaquent l'aéroport d'Ankara. Il y a onze morts et soixante-trois blessés. 8 AOUT FRANCE • La Corse, en raison de son statut particulier, élit la première assemblée régionale. Les partis de la majorité forment le bureau qu~ préside M. Prosper Alfonsl (MRG). 9 DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 ISRAEL • 2000 soldats et officiers de réserve israéliens opposés à la guerre d'agression contre le Liban envoient une pétition à M. Beguin. 9 AOUT FRANCE • Attentat rue des Rosiers à Paris qui fait six morts et vingt-deux blessés. Le MRAP exprime sa condamnation d'un tel acte et de l'utilisation partisane qui en est faite. Il « invite la population à exprimer sa vive émotion dans la dignité et dans l'union en réclamant la recherche active et le châtiment des coupables quels qu'ils soient, en combattant toutes les formes de racisme, en oeuvrant à une paix équitable au ProcheOrient fondée sur les droits, la sécurité et l'amitié de tous les peuples en cause ». 10 AOUT FRANCE • Attentat contre l'ambassade d'Irak à Paris revendiqué par le Mouvement iranien Chiite Amal. Il y a six blessés. 11 AOUT FRANCE • Le consulat du Maroc à Bastia est plastiqué alors que se poursuivent les agressions et attentats contre les travailleurs maghrébins. Le 15 août c'est l'agence de la Royal Air Maroc qui sera détruite. 18 AOUT FRANCE • Dans l'ensemble des mesures anti-terroristes adoptées par le gouvernement on relève la dissolution du groupe terroriste Action directe. 21 AOUT LIBAN • Le premier contingent de militaires français arrive à Beyrouth. Le premier groupe de combattants palestiniens quitte le Liban. 24 AOUT FRANCE • A l'appel du MRAP, soutenu par vingt-cinq organisations, plusieurs milliers de Parisiens se réunissent place Charles-de-Gaulle sous les mots d'ordre de « Halte au terrorisme», « Non à tous les racismes», « Paix dans la justice au Proche-Orient ». 27 AOUT FRANCE • Une délégation du MRAP est reçue par M. Gaston Defferre, ministre de l'intérieur. Elle souligne l'urgence de mesures pour contrecarrer les campagnes de haine!. • A l'invitation de quatorze organisations françaises dont le MRAP, des représentants des forces de paix israéliennes, de l'OLP, et du Mouvement national libanais se rencontrent à Paris à l'Assemblée nationale pour affirmer ensemble qu'une paix juste et durable au . Proche-Orient est possible. Actualité PARIS N'EST PAS BEYROUTH Samedi 14 août. La place des Vosges est quasi déserte, seuls deux ou trois touristes flânent sous les arcades aux boutiques fermées tandis qu'une voiture de police patrouille dans le secteur ... Normal, c'est le sabbat, nous reviendrons demain. A la Goutte d'Or, par contre, c'est le jour du marché, le quartier fourmille de monde. Rue Myrha, les boucheries casher, frappées de l'étoile de David sont fermées mais dans les bistrots arabes, on boit l'anisette. Couscous casher On décide d'aller manger le couscous rue de la Charbonnière. Petit restaurant familial. Toutes les tables sont occupées. Je reviens plus tard après le service, pour discuter avec le patron. « - C'est abominable, cette histoire. Aussi abominable que les massacres de Beyrouth '" Mais qu'est-ce qu'ils veulent, les gens qui ont fait ça ? Que les Juifs envoient un commando ici ? ... et mitraillent ... et qu'on riposte? Ici, dans mon café, il y a des Juifs qui viennent manger le couscous. Des rapatriés... On essaye d'oublier nos malheurs ... On recommence à vivre en paix ... C'est abominable de vouloir casser ça ... » Même son de cloche chez Henri, Juif pied-noir venu en France après l'indépendance de l'Algérie et qui tient un salon de coiffure dans le quartier. « - Moi,je veux oublier. C'est pas bien, je sais. Mais j'en ai assez de toutes ces histoires ... On en était un peu sorti avec le Mundial, et puis voilà que ça recommence ... plus que ça à la fadio, à la télé ... Alors je tourne le bouton ». Pourtant Henri a sa petite idée: « - Je ne crois pas que ce soit l'O.L.P. qui afait le coup. On dit toujours « A qui sert le crime? » ... et le crime ne sert pas /'0. L. P., bien au contraire. Je ne crois pas non plus que ce soit des Juifs ... mais des gens qui ont intérêt à ce que la guerre ne s'arrête pas au Liban ... et peut-être qu'on se batte ici .. . On recommençait à vivre, à oublier nos malheurs ... Non, « ils» n'arriveront pas à nous dresser une nouvelle fois les uns contre les autres. Pourquoi tout ce sang, toute cette haine? Il y a la kemia pour tout le monde... ». A la Bastille une inscription a fleuri : « Juifs, aux armes ! » : comme un écho aux propos de M. Begin. Rue de la Goutte d'Or, une autre inscription: « Palestine vaincra ». Ahmed , marchand de quatre saisons -rue Lepic, voit cela d'un oeil à la fois inquiet et sceptique: « - Ils sont fous? Qu'est-ce . qu'ils veulent? Qu'on prenne les fusils et qu'on aille s'entretuer place de la Bastille? fai . 10 fais la guerre, moi... Maintenant, je vends mon ail et mes poivrons aussi bien aux Arabes, aux Juifs et même aux Français, qui ne sont ni l'un ni l'autre, et quelquefois à des Allemands... Tous des clients. Alors qu'on nous foute la paix ... ». Sympathie, solidarité défi Et Ahmed parla d'autre chose. Dimanche 15 août. Rue des Rosiers, des gosses jouent au ballon sous l'oeil des policiers de faction dans la rue. Jo Goldenberg est fermé jusqu'au début septembre. En face, le fastfood strictement casher ne fait pas recette. Il est trois heures de l'après-midi. Les restaurants ne reçoivent plus, sauf La Bonne Bouche rue des Hospitalières de St Gervais. Nous y entrons, avec Esther, qui habite le quartier et travaille dans la confection, et son frère Paul. Au menu, le foie haché, le potau- feu de viande et le vin doux d'Israël. Le serveur porte la calotte, tout comme la plupart des clients. Nous parlons évidemment de la tuerie de la semaine passée. « - Un crime abominable abominable, Monsieur ... ». Il n'en dit pas plus ... Sinon que la clientèle du restaurant n'a pas baissé, au contraire ... « - Voyez, il est quatre heures... nous al/ons fermer deux heures et reprendre jusqu'à ... très tard. Les gens viennent ... par sympathie, par solidarité ... par défi ... ». « - De toute façon. .. il serait étonnant qu'« ils» reviennent tout de suite, les assassins ». Guerre et paix Pour Paul, qui n'a pas vingt ans, et qui tient à affirmer hautement son identité, le crime est signé: « - C'est « les assassins de l'O.L.P. » ... mais ils ne perdent rien pour a'ttendre. S'ils veulent la bagarre, ils vont l'avoir. Oeil pour oeil, dent pour dent ... ». Èt Paul se voit déjà, mitraillette au point, au métro Barbès ... Esther hausse les épaules. « - Arrête de dire des bêtises... On a cru d'abord, me dit-elle, à l'oeuvre d'un fou ... Mais quand il y en a huit ou dix, organisés militairement, ça n'est plus l'oeu.vre d'unfou. C'est l'oeuvre de gens qui ne veulent pas que la guerre s'arrête au Moyen-Orient, que le massacre cesse à Beyrouth. Et le lieu de la tuerie n'a pas été pris au hasard; le plus célèbre des restaurants juifs dans la rue la plus typiquement juive du quartier juif. C'est presque trop gros. C'est presque une caricature de provocation. Pour ma part, je condamne la tuerie de la rue des Rosiers et je condamne aussi les tueries de Beyrouth-Ouest, et la politique de Begin, et ses appels aux armes adressés à nos jeunes ... Ils sont juifs, d'accord mais ils sont français ... Il est fou, ce type. Et qu'on ne vienne pas me dire que je suis antisémite parce que je n'approuve pas les menées de _M. Begin - ou alors je connais des Israéliens antisémites ... ». Ces quelques réactions contradictoires résument assez bien l'état d'esprit que j'ai rencontré dans le Marais, comme à la Goutte d'Or et aussi à Belleville, où Juifs et Arabes sont étroitement mêlés. Sentimentalement, dans leur immense majorité, les Juifs sont de coeur avec Israël, et les Arabes avec l'O.L.P., sans pour autant approuver totalement, les uns la politique de M. Begin, et les autres l'ensem- DIFFÉRENCES N°I4-15 SEPTEMBRE 82 ble des positions palestiniennes. Juifs ou Arabes, des jeunes sont prêts à en découdre - avec la flamme, la vigueur, les outrances de la jeunesse. Chez les moins jeunes et les plus vieux, j'ai rencontré l'inquiétude, le « ras-le-bol ». Si le coeur bat pour l'un ou pour l'autre, jeunes et vieux sont assez lucides, assez logiques pour déceler les provocations et ne pas se laisser entraîner, après la tuerie, dans l'escalade de nouvelles violences ... Aucun incident n'a eu lieu. « Vive Israël », soit. « Vive l'O.L.P. », d'accord. Mais aussi « Vive la Paix ». ... Et comme disait mon copain Henri: «.11 y a la kemia pour tout le monde ». Emile MURENE A Beyrouth, le camp palestinien Ain EI-Heloui, entièrement détruit . . BOBO VICTIME DE LA TRADITION Bobo, la petite Malienne, est morte des suites d'une excision. Ce drame a placé sous les feux de l'actualité le sort permanent de trente à soixante-quinze millions de filles et de femmes, selon les estimations, en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Les mutilations génitales féminines, l'excision (ablation des petites lèvres et du clitoris) ou l'infibulation (couture des grandes lèvres) appelant ensuite la dénorationau couteau, sont justement dénoncées comme des pratiques odieuses et cruelles. Cependant, pour les communautés concernées, inspirées par des tabous et des peurs ancestrales, elles constituent des traditions sacrées dont on retrouve les traces dans la plus haute Antiquité. Elles forment un des piliers de la morale dans laquelle ces sociétés baignent. Pour leurs membres, le refus est lourd de conséquences. La fille non coupée, non cousue, ne pourra se marier. Economiquement c'est une très lourde condamnation. Socialement aussi: la famille étant valeur fondamentale, porter atteinte à sa cohésion est un crime majeur. Il y a injure aux anciens, gardiens des traditioDS; injure à la société qui rejette la fille et sa famille dans un même déshonneur. Sans aucun doute ces pratiques doivent être bannies. Mais suffit- il d'un décret ? Le père de JJobo est passible des lois françaises. Une lourde peine aura-telle valeur d'exemple, encouragera- t-elle le renoncement? Il Y a peu de chance, en tous cas, qu'elle change quoi que ce soit au drame de ces millions de femmes. 11 Un important ·effort de connaissance apparait nécessaire, de la part de différents services, organismes et groupements pour convaincre les membres des communautés concernées vivant en France. Les personnels du corps de santé ont évidemment un rôle spécifique à jouer et ils ne le savent que trop bien. Mais il serait osé de leur imposer une démarche, à plus forte raison répressive, alors qu'en connaissance de cause, ils ont bien de la peine à trouver la meilleure approche. Parce que le Malien, par exemple, même convaincu, reste sous le poids du 'milieu d'origine qu'il espère bjen retrouver un jour, et Il sait les difficultés que sa fille et lui devront affronter. Les conférences de Khartoum (1979) et d'Alexandrie (1980) de l'Organisation mondiale de la santé et de l'Unicef ont permis une large ir.formation mais elles ne semblent pas avoir obtenu une réduction de ces pratiques. Evidemment, nappartient aux homntes'et aux femmes avertis d'engàger le fer, dans leur pays, au sein de leur communauté, dans les conditions les plus appropriées. Une volonté doit s'exprimer fortement. Mais ne perdons pas de vue que c'est attendre de leur part une très profonde révolution des moeurs qui remette en cause les fondements mêmes de leur société. C'est-à-dire des changements qui demandent du temps et qui Impliquent également un essor économique, industriel et culturel dont ils n'ont pas les moyens. La morale, c'est aussi une question de développement. R.D. QUELQUE CHOSE DE NOUVEAU ENISRAEL L a démarche décidée du boxeur, l'oeil vif sous le cheveu court et noir, Charlie Biton, député à la Knesset, ne se laisse guère détourner de la mission qu'il accomplit en France, avec une délégation des forces de paix israélienne (1). Parler de lui l'intéresse peu. Il préfère exposer les succès et les difficultés de la lutte des Israéliens qui s'opposent à la politique de M. Begin et du Likhoud. Arrivé à l'âge de deux mois en Israël, en 1949, venant du Maroc avec ses parents, le parlementaire israélien aime à répéter: « Je suis né avec ce pays, j'ai grandi avec lui». De son enfance, il en parle comme de celle d'un gosse de rejetés de la société. Mais tout de même quelque chose l'a marqué. Très vite engagé Dès leur arrivée dans le nouvel Etat juif, ses parents ont été frappés par les différentes catégories de citoyens, une grande injustice, et même une sorte de racisme à l'égard de certains Juifs et envers les Arabes. Ce n'était pas ce qu'on leur avait dit, ni ce qu'ils avaient espéré. Son père n'a pas accepté cette situation de citoyen de second ordre, de méprisé, bon à construire les villes frontières. Il s'est très vite engagé dans l'action pour plus de justice et d'égalité. Le père, et toute la famille, Charlie y compris qui, à dix ans, participait à sa première manifestation à Wadi Salibe, près de Haïfa. A cette époque, avec les copains, « on avait l'habitude d'aller CIl [Tl ~ ~--------~--10 janvier 2012 à 15:38 (UTC)--~--~~ dans les quartiers riches pour vo- Tel-Aviv, 3 juillet 82 : 100.000 Israéliens manifestent contre la guerre au Liban. Pour la première fois, l'opinion israélienne est divisée. Des militaires d'horizon avec Charlie Biton, député à 12 lers les fleurs » et même les couvercles des poubelles pour s'en servir comme bouclier dans les jeux. Devenu ouvrier, ses idées sur les questions économiques et sociales se clarifient. Son cheminement correspond à celui de bien des jeunes dans sa situation, et ces révoltés constituent les Panthères noires, nom emprunté au groupe des Etats-Unis. Ils s'insurgent contre la misère, contre l'injustice et se battent contre la police. Motion de censure Puis s'amorce l'étape de la pensée politique plus élaborée. On comprend que la misérable situation faite aux Juifs sépharades n'est pas une donnée naturelle, qu'elle résulte d'une politique. Les Panthères noires élargissent leur réflexion et s'accrochent à toutes les questions posées à la société israélienne. Il n'avait pas trente ans, Charlie Biton, en mai 1977, lorsqu'il a été élu député. « Les Panthères noires avaient pu trouver leur place dans le Front démocratique pour la paix et l'égalité ». Le député en mission de paix revient vite à ses préoccupations: « Non, la paix ne sera pas obtenue comme ça, même avec le massacre de tous les Palestiniens ». Depuis de nombreuses années, il milite pour la négociation avec l'OLP et les Palestiniens, pour la reconnaissance de leur droit à un Etat souverain. Ses idées ontavancé,le .mouvement pour la négociation et la paix s'amplifie. Satisfaction? Bien sûr, mais à quel prix! Des perspectives? Oui. « Il y a quelque chose de nouveau en Israël. Pour la première fois depuis trente-quatre ans, la population se divise en opinions divergentes au sujet de la guerre et des rapports avec les Palestiniens. Il y a maintenant une importante partie de la population. des soldats, des officiers qui s'organisent. Des officiers de grade élevé, des membres du Parlement, des universitaires s'expriment fortement et rejoignent les idées que le Front démocratique a avancées lorsque, dès le deuxième jour de la guerre, il a déposé une motion de censure à la Knesset, condamnant la politique d'agression au Liban ». Dans le débat ouvert au parlement, au moment du vote, le 8 juin, M. Beguin a réaffirmé qu'Israël voulait créer une zone de quarante kilomètres de profondeur pour que les roquettes des Palestiniens n'atteignent plus le nord du pays. On sait ce qu'il est advenu de cette affirmation. La motion de censure ne recueillit que les trois voix des députés du Front alors qu'elle rejoignait l'avis d'un nombre croissant de citoyens. Cette guerre, avec tous ses drames, a, en fait, « beaucoup contribué à faire avancer notre cause chez les soldats et les officiers. On s'en aperçoit lorsqu'ils reviennent du front, remarque Charlie Biton. On a réalisé que l'ennemi, c'était tout un peuple, un peuple qui a sa dignité, des soldats qui ont leur honneur de soldat. » Des gens ont su, alors, qu'ils avaient été trompés, non seulement sur les objectifs de la guerre appelée Paix en Galilée, mais aussi sur le compte des Palestiniens. L'embuscade : un gosse de 12 ans Et les exemples suivent, multiples. Une unité est immobilisée par un ou deux tireurs embusqués dans les ruines, en face. Ne pouvant avancer, elle appelle un véhicule pour forcer le passage. Lorsque ce fut fait, on s'aperçut, alors, qu'un gosse de douze-treize ans, tout seul, avait tenu l'unité en échec une heure ou deux. Un père de famille, mobilisé, a vécu ce drame. De retour chez lui, ses fils, ses parents, ses amis, lui parlent des terroristes. Lui leur raconte, les larmes aux bords des yeux, le courage de cet enfant de l'âge de l'un des siens. z [Tl c

~ zz êi Sur la pancarte: Begin, Sharon, Raful - Vous avez tué mon fils. ment pour clamer leur indigna- démissionné de l'armée, brisant tion. Ils le disent: « Nous avons ainsi sa carrière. Le fils de Mme obéi, nous avons fait notre de- Gozanski, a fait deux fois quavoir », mais ils disent aussi ce torze jours de prison pour refus de qu'ils ont vu, les ruines, des servir au Liban et ses ennuis ne femmes et des enfants blessés, sont pas terminés. Début juillet, morts, les colonnes de réfugiés.. . quatre-vingt-dix soldats et dix of- « Le gouvernement a entraîné les ficiers déclaraient refuser de servir soldats dans une malheureuse au Liban, tandis qu'à Jérusalem, aventure et ceux-ci ne l'oublieront cent cinquante autres militaires pas» assurent-ils. créaient le comité Les soldats Et les pétitions se sont accumu- contre le silence, le silence que lées: celle d'une centaine de voulaient imposer les partisans de conducteurs de chars, celle de M. Bégin. ~

~ vingt-deux pilotes de chasse, celle Autre aspect nouveau, dès le déde parachutistes ... Ils participent but du mois de juin, l'opposition à des meetings. Devant les cent se manifeste très vite contre les mille rassemblés à Tel-Aviv, ce bombardements de Beyrouth, sont des officiers qui ont eu la puis contre l'invasion. Le 5, le Coparole. Le colonel Eli Geva, com- mité de solidarité avec l'université mandant d'une unité blindée, a de Bir Zeit, rassemble quelques milliers de personnes. Le 7, des étudiants juifs et arabes du mouvement Campus organisent des piquets de protestation devant la résidence du Premier ministre alors que devant l'université hébraïque du Mont Scopus, une bagarre met aux prises partisans et adversaires de la guerre. Des intellectuels de renom créent le Comité contre la guerre au Liban qui, le 13 juin, organise sa première manifestation. Le mouvement La (1) Délégation composée de Mme Tamar Berger, professeur, membre du Comité contre la guerre au Liban et de celui pour la solidarité avec l'Université de Bir Zeit, M. Charlie Biton, député du Front démocratique pour la paix et l'égalité, un des fondateurs du mouvement des Panthères noires, Mme Tamar Gozanski, membre du bureau politique du Parti communiste d'Is~ raël et du comité exécutif de l'Hista- E!L..E.:.:...:....:..:...::!..::...!.. ___ .:..:.::.:....:..::::......: _ --:..::'--_________________ ~ ___ ....I "0 drout (la confédération syndicale), M. Jean Jahshan, professeur, conseiller 6 juin 82 : plus jamais la guerre. municipal de Nazareth. parlent de leur «malheureuse aventure». Un tour la Knesset. 13 Paix maintenant, et le groupe Pont pour la paix, sont aussi dans l'action sur le thème : « La solution du problème palestinien ne peut être que politique». Le collectif Territoire libéré, créé pour libérer un espace dans la presse, publie dans Haaretz une page « Non à la guerre ». Régulièrement ce quotidien et son confrère le Jerusalem Post publieront de telles pages. Vers la fin juin un meeting de La Paix maintenant regroupe quelque milliers de participants à Jérusalem. Le 26, ils seront vingt mille à Tel-Aviv, le lendemain cent mille ... Toutes ces personnalités qui se sont enga~ées, tous ces comités qui ont surgi, envisagent-ils de se regrouper, de coordonner leur action? Si les idées primordiales de l'arrêt de la guerre et du dialogue avec les Palestiniens ont fortement avancé, un très large pluralisme s'exprime. Chacun, dans son propre secteur, a réagi avec ses conceptions, son entourage, et ce pluralisme est une force. Mais, « s'il est très difficile de s'or~ ganiser maintenant. explique Charlie Biton, chaque action contre la guerre ou pour les Palestiniens, regroupe elle-même tout le monde. IIfaut comprendre nos difficultés. L 'opinion israélienne n'a jamais eu conscience de ce qu'était le problème palestinien, Pour elle, il y DIFFÉRENCES N°14-1S SEPTEMBRE 82 avait une énorme masse d'Arabes qui veut les rejeter à la mer ». Le mouvement politique a commencé avec les Palestiniens euxmêmes lorsqu'ils se sont organisés et ont entrepris leur lutte. Des hommes politiques se sont prononcés pour la création d'un Etat palestinien, en ont expliqué la nécessité mais ils ont longtemps prêché dans le désert. Et Charlie Biton présente longuement ce contexte général: M. Begin sait utiliser les sentiments des Israéliens, même ceux des Juifs sépharades qui constituent la couche la plus importante du pays, et font la majorité au moment des votes. Il sait profiter de la soif de paix pour faire la guerre, comme il sait se servirdesdifficultés économiques pour faire encore davantage pression sur les salaires et augmenter les impôts. Tantôt il accuse tous les gouvernements qui l'ont précédé d'être responsables de la désastreuse situation économique tantôt il en accuse les Arabes ... Il sait user de la formule: Un seul peuple, un seul coeur. « Combien de temps encore pourrait-il dire une chose et enfaire une autre, comme cette guerre /'a clairement démontré ? Le mouvement pour la paix grandit, les forces de gauche aussi, mais le changement ne viendra pas en un jour». Robert DECOMBE LE MONDE A L'ENVERS Que serions-nous devenus sans Elements? De pauvres racistes, « odieux et absurdes » ... La revue culturelle de la nouvelle droite, joliment baptisée Eléments pour la civilisation européenne, reproduit dans son numéro 42 consacré à l'archéologie, le titre de mon article paru dans le numéro 8 de Différences (février 1982) : « Erratum: l'homme descend du nègre ». Puis s'indigne, larme à l'oeil: « A en croire Différences, les « nègres » ne seraient donc pas des « hommes » ... Le racisme surgit ainsi là où on ne l'attendait guère ». Merci, Eléments, sans vous, je n'aurais jamais su qu'au fond, j'étais raciste. Je ne vais pas perdre de temps à expliquer ce que c'est que l'humour à des gens qui, précisément parce qu'ils sont racistes, n'osent pas se livrer à ce genre de dérision - ou peut-être pensent-ils qu'en substituant « nègre » à ARTICLES • CADEAUX •• ROOU.NIiIR •• SERVIETTES· PORTE·DOCUMENTS « singe », j'insulte les singes. Je m'étonne simplement de cet intérêt subit pour Différences. Je vois bien, à feuilleter la revue, que pour Eléments (cf. l'article de David Barnay), Différences MRAP

communistes  mauvais

Européens. Mais ce n'est pas ' bien nouveau. Non, ce qui m'attire, c'est le contenu de cette revue. Pour « défendre» la civilisation européenne, il faut eJl dégager l'unité, l'isoler des autres. A ce jeu, on a très vite besoin du concept de race. Or précisément mon article et celui de J.F. Demoulle et Alain Schnapp, remettaient en cause, après bien d'autres, la validité de ce concept. Dans Eléments, Christian La Halle ne peut que reconnaÎtre, un peu gêné: « Soit les races d'aujourd'hui n'appartiennent pas à la même espèce (mais là, ne rêvons pas, la nouvelle droite n'a pas acquis à ce jour suffisamment de poids pour prétendre sans GROS 1/2 GROS t11CHElER Socl'Ij Anonyme eu Cepltal ~e 200.000 Frenea 70. RUE DU TEMPLE, 75003 PARIS T6I. : 117.72·11 14 danger qu'il y a plusieurs espèces d'hommes, les vrais et les sous-hommes - J.R.), soit elles appartiennent toutes encore à l'espèce Erectus ». Cette dernière hypothèse permet d'ailleurs de réintroduire le processus de raciation. En effet, on ne peut expliquer que l'espèce Homo Sapiens soit apparue dans tous les groupes d'Homo Erectus disséminés sur les continents sans envisager des contacts génétiques entre ces groupes qui les homogénéisent. Ces contacts nuisent à la pureté européenne. On propose donc dans l'article de supprimer la düférenciation gênante entre Erectus et Sapiens au profit d'une lil!1j' raciation progressive de l'espèce Erectus, promu Sapiens pour l'occasion. Comme on le voit, on est scientifique dans la nouvelle droite: si on ne peut nier l'avancée de thèses qui desservent l'élitisme européen (qui lui, n'est pas très nouveau en ce siècle) on enfonce le clou autrement: en tentant, sans toutefois oser la reprendre entièrement, la théorie du polygénisme, version archéologique du « développement séparé », en tentant, à toutes forces, d'expliquer l'évolution par la guerre qui a le mérite de ne laisser subsister que les plus forts, les plus beaux, les plus purs... les plus Européens. Jean ROCCIA Expliquez-moi DIFFÉRENCES N°14-1S SEPTEMBRE 82 Chorégraphie étourdissante, symphonie de gestes et de figures légères, un art martial japonais en jupe-culotte qui a des racines millénaires L'AIKIDO, JEU SANS ENJEU 1 1 n'y a rien de magique, dans ces combats libres contre plusieurs adversaires, randori. Ces tournois où l'on peut voir se déployer le drapé noir ou bleu-nuit des hakama, cette sorte de jupe-culotte traditionnelle au Japon, ne sont ni de la danse ni du chiqué. Ils expriment un savoir faire qui résulte de centaines d'heures d'entraînement, de travail, de recherches. S'il réclame un engagement du corps souvent intensif, l'aïkido n'a rien de commun avec une pratique sportive telle que nous pouvons la concevoir en Occident. Cette discipline japonaise ne peut pas être abordée comme une activité physique accessoire coupée de la- vie courante. L'aïkido n'a pas de périodes. Traditionnellement, il est continuité, permanence, totalité, unification. Tous ses pratiquants peuvent parler des prolongements, des résonances de leur pratique dans leur existence de tous les jours. Son apprentissage exclut le dressage autoritaire du corps, le surenchérissement et la performance. Il n'y a rien à gagner, pas de victoires grisantes. A l'inverse, pas de revers humiliants, pas de sifflets. L'émulation, la compétition en sont absentes. A l'entraînement, il s'agit toujours d'un jeu sans enjeu, d'un échange agréable. Art de sagesse Art martial d'esquive et de riposte aux racines millénaires, l'aïkido est surtout, un art d'engagement et de défense de la vie. Un art de sagesse, une autre manière d'agir. Tour à tour, les transformations de l'histoire sociale, économique et culturelle du Japon féodal, les nombreux courants religieux bouddhistes, shintoïstes, zen, et surtout la tradition ancestrale du Bushi do, la voie des guerriers, ont permis au maître fondateur japonais Morihei Ueshiba (1883-1969) de donner à cette méthode originale d'utilisation du Aikldo: la voie (Do), l'harmonie (Ai), l'énergie (Ki) corps et du mental sa forme définitive. Le terme d'aïkido signifie : la voie (Do) de l'union, de l'harmonie (Ai) de l'énergie (Ki): un chemin à suivre, un patrimoine de principes et de techniques nouvelles de combat comportant une codification extrêmement précise, une attitude de vie, un esprit, un souffle. Ses fondements extrêmement bien définis, n'en font cepen- ' dans pas un art figé, fossilisé. Ils lui assurent diversité, mouvement, renouvellement. A chacun de trouver sa propre voie, et il s'enrichit de ce que chacun apporte. Il ne peut exister que par l'investissement personnel et unique de chacun. Pour ce qui concerne le sens du combat, pratiquer l'aïkido consiste avant toute chose à apprendre peu à peu à pressentir les nids de violence, à parvenir à deviner, àj7airer l'incident stupide et s'en écarter au plus vite. Acculé dans la provocation ou dans l'impasse d'un danger réel, l'aïkidoka use encore de toute sa perspicacité pour présenter à ses agresseurs une attitude sereine, amicale, conciliante, persuasive, et en tout dernier lieu, une attitude dissuasive. De telles manière que, « lors· que vous êtes tranquillement as· sis, l'idée ne puisse même pas venir au plus grossier des hommes d'oser vous attaquer» (1). Forcé au combat, l'aïkido ka adopte un principe qui consiste à appliquer des techniques compensatrices dl\. manière à enfer~er l'agresseur d~ropre logique de violence en provoquant son déséquilibre et en tirant profit de ce déséquilibre. C'est dans des simulacres de combats de chevalerie à mains nues que l'on cherche peu à peu à acquérir cette science de l'esquive, du détournement, le contrôle, l'équilibre, la mobilité, IS A.SENNA la continuité, la-légèreté, le souffle abdominal, le dosage du Ki, l'énergie vitale. Chacun apprend à bien sentir le sol sous ses pieds, à se déplacer dans toutes les directions, à respirer aussi. L'accès à la connaissance de l'aïkido se fait très lentement et souvent imperceptiblement. Maîtres et professeurs recommandent fréquemment à leurs étèves de ne pas se préoccuper de leur progression et de continuer l'étude avec ardeur, conviction et détachement. L'aïkido, art et étude du comportement, voie de la réalisation concrète, contient un désir, un projet idéal, un rêve poétique peut-être, de conco-rdance, d'homogénéité entre le corps, le mouvement et l'esprit. Didier ROBRIEUX (1) Ecole d'Etiquette d'Ogasawara - Cité par Christian Tissier dans « Aïkido fondamental » Tome 1 - Ed . Sedirep. Scandale autour du monde: la planisphère est-elle une représentation objective du globe ou un instrument de la vision occidentale? o CfA N .. PAC/FIO UE TEDU MONDE ~U:E /II. lo\ SUfl~.t.(;E REELLE OJECTION PETEAS oct A N 1 N Dit N Il . '" Il 02 u'" -~....; Projection de Peters : les pays du Tiers-monde reprennent Îeur place. LA CARTE ÉTAIT TRUQUÉE D epuis les bancs de l'école, lorsque le professeur d'histoire-géo nous montrait, avec sa longue baguette, en bois, la situation d'un pays (ou d'un continent) sur la carte du monde, jusqu'aux immenses planisphères (1) de contrôle qui nous permettent de suivre le parcours du premier « spationaute.) français, nous sommes habitués à une certaine représentation du monde. Et nous pouvons, grâce aux agences de voyage et à leurs dépliants alléchants, nous mettre à rêver aux vastes prairies canadiennes ou bien à l'île de' Madagascar, tout en bas de l'Afrique. Or, les cartes que nous avons l'habitude de consulter, sont inexactes ; elles pèchent par eurocentrisme. Pour mieux comprendre ce que cela veut dire, il faut remonter un peu l'histoire. Depuis toujours, l'être humain a essayé de se représenter et de reproduire le monde, tel qu'il le connaissait: les premières esquisses de cartographie retrouvées dates de 2200 ans avant Jésus-Christ! Les Grecs, il y a près de 2500 ans, émirent déjà la théorie de la sphéricité de la Terre. Les connaissances se sont progressivement développées, freinées au Moyen-Age par l'Eglise qui imposait comme reprèsenta~ tion du monde un disque plat avec Jérusalem en son centre. Pour les marins Il fallut attendre les grandes explora tions maritimes, et surtout le voyage de Magellan, en 1520, pour obtenir la confirmation expérimentale de ce que les Grecs 16 avaient supposé: la Terre était bien ronde. Un délicat problème se présentait alors: quel mode de représentation choisir? Bien entendu, le plus simple est de représenter une sphère par une sphère. Mais, outre le fait qu'il est impossible d'embrasser la totalité du gl'obe d'un seul coup d'oeil, c'était à l'époque, un instrument inutilisable pour les marins; en effet, les navigateurs, pour se diriger, devaient tenir des caps, fixer des itinéraires. Il leur fallait une projection plane. Plusieurs furent étudiées, mais c'est le Flamand Gerhardt Kremieux, connu sous le nom latinisé de Mercator, qui trouva une solution. En 1569, il publia une planisphère où les angles étaient conservés et où la représentation des lignes de navigation à cap constant (ce qu'on appelle les loxodromies) était rectiligne. Enorme progrès en ce temps, cette carte, dite « à l'usage des marins» n'est cependant pas exempte d'imperfections. Les parties éloignées de l'équateur sont fortement déformées. L'équateur lui-même se trouve abaissé au tiers inférieur de la carte. Ce qui donne des résultats pour le moins contes~ables : sur la planisphère classique de Mercator, toujours d'actualité, l'Europe semble plus étendue que l'Amérique du Sud, alors que celle-ci est près de deux fois plus grande que notre vieux continent (17,8 millions de km2 contre 9,7 millions de km2) . L'Union Soviétique apparaît près de deux fois plus grande que le continent africain. Pourtant l'Afrique couvre 30 millions de km2 contre 22,4 millions de km2 pour l'U.R.S.S. Depuis l'enfance, une vision déformée du monde De multiples erreurs , de ce type sont inhérentes à la projection Mercator, toujours au désavantage des pays proches de l'équateur, autrement dit les pays du Tiers-monde. Depuis, plus de quatre siècles se sont écoulés, et même si de nombreux géographes ont tenté de corriger ses déformations, la projection Mercator s'est révélée toujours la plus pratique ... pour les marins. Or, c'est toujours celle-ci (avec quelques modifications de détail) que l'on retrouve dans l'expression courante. Alors, comment ne pas croire que le choix d'une représentation du monde reflète un autre choix, idéologique? Comment ne pas penser que la vision, depuis notre enfance, d'un monde où l'Europe est surreprésentée (et bien au centre de la carte), influence notre conception géo-politique ? Cest sur ces hypothèses de départ que s'est réuni un groupe oecuménique dirigé par l'historien Arno Peters. Et, en 1974, était publié la « carte de projection Peters». Cette carte possède un certain nombre de qualités fondamentales

• Elle donne une représentation exacte des superficies : on peut donc faire une comparaison exacte des pays entre eux. • Toutes les régions terrestres sont présentes, y compris les pôles. L'Antarctique est souvent absent dans les représentations classiques. • L'équateur est exactement au milieu de la projection. Dans les cartes dérivées de Mercator, l'é- Charles DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 y aurait beaucoup à dire sur l'esthétisme qui rétrécit les pays du Tiers-monde), elle n'est pas la seule représentation de qualité du globe. Cependant, depuis quelques années, l'utilisation des satellites pour saisir les données, de l'informatique pour en assurer le traitement, a pour conséquence le fait que seuls les pays à technologie avancée (comme la France) peuvent bénéficier de cette évoluprésentations dérivées de la projection Mercator. Nous avons cependant trouvé avec plaisir une exception, le livre de géographie de première, édité chez Hatier, où la représentation de Peters figure en introduction, avec un texte explicatif. Il n'y a qu'à espérer que cet exemple sera suivi par les autres éditeurs. En attendant, éducateurs et profes- Il '" SUPERFICIES RéELLES EN MILLION DE KILOMÈTRES CARRÉS ;;2 Chino:9.5 M. km2 '("5 L-________________________~ 10 janvier 2012 à 15:38 (UTC) _______________~ G~ro~.~n~I.~nd~:~2~.1~M~.~km~2 _________~ , ....; Proiprtion de Mercator: un hémisphère Sud écrasé par le Nord. quateur se situe au tiers inférieur, entraînant deux inconvénients: - il ne reste qu'un tiers de la surface pour représenter l'hémisphère Sud, - l'Europe se trouve au centre de la carte, ce qui est inexact dans la réalité. Avec la carte Peters, les pays du Tiers-monde reprennent leur véritable position : centrale, au détriment, si l'on peut dire de l'Europe. Mais, comme aucune représentation plane ne peut être rigoureusement exacte,la carte Peters a égaIement des défauts . . C'est ainsi que, pour pouvoir respecter les surfaces, les 'angles ont été sacrifiés

les parallèles (traits horizontaux)

sont rapprochés progressivement de l'équateur aux pôles. C'est ce qui explique l'étirement des zones inter-tropicales et le tassement des régions polaires. La carte Peters n'est pas parfaite. Inesthétique pour certains (mais il tion. Ne retrouve-t-on pas là la situation de Mercator, les satellites remplaçant les navires? Le symbole d'un nouvel équilibre Si, dans les milieux spécialisés comme l'Institut Géographique National (I.G.N.) on connaît bien la projection orthogonale de Peters, elle demeure quasi-inconnue pour le grand public. Il est temps d'y remédier, car les applications d'une telle carte sont multiples: • Ainsi, au moment où l'on parle du fameux dialogue Nord-Sud, voici enfin un cadre plus exact pour les futures discussions. Une bonne carte vaut un long discours sur l'importance des pays pratiquement appelés en voie de développement . • Les manuels scolaires, les cartes murales, dans leur immense majorité, continuent à utiliser des re- 17 seurs disposent d'un instrument précieux pour prévenir, dès l'école, cette déformation redoutable qu'est l'eurocentrisme. Bien d'autres utilisations de la carte Peters sont possibles; véritable outil de l'amitié entre les peuples, espérons qu'elle deviendra ce que ses promoteurs ont voulu qu'elle représente: « Une carte pour un monde solidaire ». Laurent CHAMBA UD (1) Représentation plane du globe. - La carte Peters est diffusée en France par Faim et Développement: C.C.F.D. 4, rue Jean-Lantier - 75001 Paris, au prix de 30 F l'unité (format 130 cm x 95 cm), 25 F à partir de 10 exemplaires. - Nous tenons à remercier l'institut Géographique National pour les renseignements que nous avons pu obtenir. Un historique de la cartographie est actuellement en cours d'impression. Cent millions d'enfants du Tiers-monde s'efforcent de survivre parmi huit cents millions de pauvres. L'aide au développement révèle son insuffisance. N'est-il pas temps que le dialogue Nord-Sud débouche sur des mesures concrètes ? UNE VIE POUR CENT DOLLARS Combien coûte d'élever un enfant? Pas lourd apparemment, s'il vit dans les pays en voie de développement, ou à économie très pauvre. Pays en outre très souvent bouleversés par les guerres ou les chambardements politiques. Telles certaines régions d'Afrique, du Sud-Est asiatique, du Moyen-Orient et de l'Amérique Latine. Alors, le coût d'un enfant? L'Unicef l'évalue en 1981 à moins de cent dollars (environ sept cent francs). Le salaire mensuel de la plupart des enfants du Tiers-monde qui travaillent ne dépasse guère huit à quinze francs. Et il s'agit d'enfants âgés de moins de quatorze ans, qui devraient donc 'aller à l'école plutôt que de croupir comme cireurs sur les trottoirs de Bogota, s'user dans les mines de Colombie, ou dans les bateaux ateliers de Bangkok. Quand la rougeole tue Il ne semble pas non plus possible de rassembler les cinq dollars (trente-cinq francs) nécessaires pour vacciner les petits enfants de ces régions contre les six maladies infantiles les plus courantes et dont certaines peuvent une fois sur deux être mortelles pour un enfant mal nourri et affaibli: ainsi pour la rougeoie, bénigne dans les pays occidentaux, très grave en Afrique. Malgré les programmes d'action décidés au niveau international notamment par l'Organisation mondiale de la santé (O.M.S.), les vaccinations contre la rougeole, le tétanos, la poliomyélite, la tuberculose ... ne pourront être effectuées, pour plus d'un enfant sur dix. Ne pas vacciner entraîne chaque année la mort de cinq millions de petits enfants. Pour les cent vingt-cinq millions d'enfants qui naîtront en 1982, la vie, c'est la certitude que douze millions mourront avant d'avoir un an et cinq autres millions avant d'avoir cinq ans. Pour vivre, il leur faudra donc avoir vaincu les effets de la maladie, de la misère, de la mauvaise alimentation, avoir pu suivre 40% des habitants du Tiers-monde ont moins de quinze ans : un record jamais atteint. l'école. Etre resté dans sa famille, dans son pays non bouleversé par les guerres ou les crises politiques. Pauvreté" faim, guerre : triologie infernale pour les enfants du Tiers-monde Tableau noir? Certainement, mais qu'on ne peut masquer. En 1979, dite année de l'enfance, un enfant sur dix, des cent vingt-deux millions qui sont nés, est mort avant l'âge d'un an. Mort des conséquences multiples de la pauvreté. La situation ne s'est pas améliorée depuis. On sait que dans les pays les plus pauvres, quinze enfants sur cent meurent en bas âge. « La mortalité infantile indicateur sensible du bien être des mères et des jeunes enfants, avait régulièrement diminué pen- 18 dant les années 60 et le début des années 70, estime l'Unicef. Depuis cinq ans, elle a à peine bougé, conséquence des temps économiques difficiles dans le monde entier». Or, avec 40% des habitants du Tiers-monde âgés de moins de quinze ans, on se trouve en face de la génération d'enfants la plus nombreuse qui ait jamais existé. Manger, oui, mais suffisamment, et quoi? Les affreuses images de sécheresse en Afrique, de famines au Cambodge ou dans des camps de réfugiés, illustrent comme des coups au coeur les situations pratiquement inconnues en Europe: on meurt encore de faim. Mais si Armaz, dans les bidonvilles de l'Inde, Manuel, dans les favelas du Pérou, les gosses des taudis des Philippines, des camps de réfugiés thaïlandais mangent, leurs repas sont ? V rn Z Z insuffisants. Ces enfants sont non seulement sous-alimentés mais aussi mal alimentés. Leurs repas sont pauvres en protéïnes (viande, poisson, oeufs ... ), aliments constructeurs de l'organisme et du cerveau. Dix millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent de graves carences en protéïnes, ce qui a des conséquences sur leur développement physique et intellectuel. 20 % des enfants du monde, soit cent millions, souffrent de ce qu'on appelle une malnutrition modérée. C'est en Asie du Sud-Est que vit la moitié des gens souffrant de faim dans le monde. Le lait, lui, est rare et cher. Ces adolescents en pleine croissance manquent souvent de calcium pour construire leurs os. Quant aux bébés, la polémique: lait artificiel donné au biberon ou allaitement au sein a pris des proportions internationales. Elle a même fait l'objet d'un débat puis d'une résolution à l'OMS en mai 1981. On accu,se en effet les fabricants de lait artificiel de pousser les mères du Tiers-monde (par des incitations ou des cadeaux pas toujours élégants) à nourrir leurs bébés au biberon. Or, dans ces pays, l'usage des laits artificiels pose de nombreux problèmes qui ne sont pas dre à de l'eau polluée, (souvent la seule disponible) conduit à des catastrophes, les bébés étant victimes de diarrhées. Comme les paquets de lait coûtent cher (trois dollars et demi sur un salaire hebdomadaire de quinze dollars), les mères sous-dosent: résultat déplorable pour l'enfant. Sur les trottoirs ou dans les mines Actuellement l'Unicef estime que « les bébés . qui sont nourris au biberon ou nourris au sein moins de six mois risquent dix fois plus de mourir avant l'âge d'un an, que ceux qui sont nourris au lait maternel plus de six mois». Toutes ces insuffisances et ces déséquilibres alimentaires que l'on perçoit mal, confinés que nous sommes, dans l'idée que du moment qu'un enfant mange il est sauvé, fabriquent des enfants qui à quinze ans en paraissent dix. Surtout lorsqu'à cela s'ajoute un travail physique démesuré. « Les garçons de dix ans qui tirent des sacs de trente kilos dans les mines de charbon de Colombie, les fillettes de six ans courbées sur Au Liban : des enfants à jamais marqués par la guerre. liés à la qualité du lait artificiel en lui-même mais au mode d'utilisation ou à la charge financière que cet aliment représente pour la famille. Ainsi, par exemple, mélanger la poules métiers à tapis en Iran ou au Maroc ... ont des dépenses énergétiques qui dépassent considérablement la cote d'alerte» écrit Patrick Braun, médecin international (1). 19 Déjà adulte. Etre soigné n'est pas non plus aussi évident que dans le monde occidental. Il faut avoir à proximité un médecin ou un médecin aux pieds nus ou encore un auxiliaire de santé. Des locaux. Mais aussi des traitements simples applicables presque partout et des médicaments bon marché. Le Tiers-monde dans son ensemble consacre 80 % de son budget de santé aux médecins et hôpitaux calqués sur le modèle occidental, dont ne bénéficie qu'une minorité urbaine. Les efforts pour former des éducateurs de bien-être ou des agents de santé (quel que soit le nom qu'on leur donne) sont plus compliqués et plus longs qu'on ne le pense de l'extérieur, mais les résultats concernent presque toujours au premier chef les enfants. Sels, sucres et eau : une solution simple Cinq millions de petits meurent chaque année de diarrhée grave, le corps vidé des liquides et sels organiques indispensables. « La prévention, explique l'Unicef, estfonction de l'alimentation, de l'hygiène alimentaire, de l'approvisionnement en eau propre, de l'assainissement du milieu environnant, Mais ces éléments sont à des années sinon à des décennies de la majorité pauvre ». Jusqu'en 1970, le traitement consistait à réhydrater le malade par perfusion intraveineuse dans un hôpital et avec un personnel qualifié, Autant dire que ce traitement trop cher, trop éloigné, trop spécialisé, était impossible à mettre en oeuvre pour ceux qui en avaient besoin. U ne solution simple existe depuis une dizaine d'années, mise au point par des médecins indiens et américains. Elle se compose de sels et de sucre mélangés, à domicile, à de l'eau bouillie et donnée à boire. Cest très peu coûteux (quelques cents) et facile. Administré à temps, ce traitement diminue de 90 % les décès d'enfants atteints de diarrhée. L'OMS espère qu'en 1983, le quart des enfants de moins de cinq ans souffrant de diarrhées pourront bénéficier de ce traitement. Deux cent millions d'enfants ont l'an passé YU d'autres aller à l'école sans y aller eux-mêmes ou être scolarisés par TV ou radio comme cela se fait dans plusieurs pays d'Afrique (entre autres au Niger, Côte d'Ivoire, Guinée, Haute- Volta) et en Amérique latine. En raison de l'accroissement accéléré du nombre d'enfants de cet âge, en l'an 2000, il sera très difficile à la plupart des pays d'assurer quatre années de scolarité à chaque fille et garçon. Cependant, depuis vingt ans, le nombre d'enfants de six à onze ans allant à l'école a augmenté de 47 à 64 %. L'instruction primaire est pourtant déterminante. On sait qu'un cultivateur qui a suivi l'école durant quatre ans est plus productif qu'un analphabète. De même, lorsque la mère de famille a reçu un minimum d'instruction, la situation générale de la famille, et notamment la santé, est nettement améliorée. « On pourrait donner à la grande majorité des enfants une éducation primaire et des soins de santé de base pour moins de ce que le monde industrialisé dépense chaque année en boissons alcooliques •• , estime James Grant dans un rapport international sur la situation des enfants dans le monde. Au bas de l'échelle : les filles Cependant, des habitudes culturelles poussent à donner toutes les chances aux garçons plutôt qu'aux filles. Meilleure alimentaion, meilleure instruction, meilleurs soins. Les petites filles sont cn effet les grandes défavorisées parmi ces défavorisés. Les traces de cette situation durent longtemps. Une petite fille mal alimentée sera une femme beaucoup plus épuisée par les maternités (on sait qu'un tiers des femmes en âge d'avoir des enfants souffre d'anémie en fer) et des mères analphabètes auront plus de difficultés à assurer le bien être de leur famille. « Près de 80 % des enfants du Sud-Est asiatique avouent quitter l'école pour aller travai/- 1er dans le seul but de soulager un peu la famille. Leurs salaires mensuels (cités par P. Braun) sont à Bangkok de trente à cent dix francs pour un travail considérable, dix heures par jour •• (2). Christiane Rambaud décrit un cas parmi d'autres. Au Burundi où les écoles de l'Etat sont ouvertes cinq jours par semaine, la plupart des enfants sont inscrits dans des écoles catholiques parce qu'elles ne sont ouvertes que deuxjours. Ainsi les écoliers peuvent continuer à travailler comme cela s'est toujours fait, aux champs. Si la plupart des législations, mises en place au xxe siècle, protègent et surtout garantissent l'enfant, dès la naissance, sa personne physique, sa santé, son développement affectif, son éducation, son avenir social, les structures nécessaires n'ont pas forcément les moyens d'être mises en place. Une loi ne suffit pas qui se heurte à maints obstacles: financiers, géographiques, habitudes culturelles et sociales, et politiques.


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. ----. --_ ... ..------. ------- --- Au Salvador, Bianca, neuf ans, dessine des soldats: (( Ils l'ont tué. Là-bas ... à Platero . (*) Des millions d'enfants sont des réfugiés: dans la Corne orientale de l'Afrique, en Asie du Sud-Est et, dans une moindre mesure, Dans les pays déstabilisé d'Amérique latine, en 1979 on évaluait à douze millions les réfugiés. La situation est souvent dramatique. Les enfants, séparés de leurs parents, de leur famille, survivent péniblement. La situation sanitaire est effroyable. Les enfants de réfugiés du Sud-Est asiatique, s'ils ne croupissent pas dans des camps, vont presque fatalement grossir le lot du prolétariat infantile de Bangkok, notamment dans le tiers des entreprises privées de la ville où ils sont exploités. L'Afrique accueille une large part des réfugiés et personnes déplacées. Ceux-ci ne sont pas seulement des hommes adultes. La grande majorité est composée de femmes et d'enfants de moins de seize ans. Les réfugiés encore plus exploités Peut-on imaginer que ceux-ci vont s'intégrer automatiquement, apprendre une langue nouvelle, aller à l'école, être nourris, en un mot vivre comme si de rien n'était? Ce bouleversement total contraint les familles et les enfants à accepter n'importe quel travail ou conditions d'existence, pour n'importe qui et dans n'importe quelle situation: il faut survivre. La législation prévoit aussi universellement que le travail des enfants (de moins de quatorze ou seize ans selon les pays) est interdit 20 et sévèrement réprimé. Il n'en est rien et dans nombre de ces pays où s'entremêlent ces facteurs de misère, les enfants sont, de gré ou de force, mis très tôt au travail. Dits salariés mais à des salaires effroyablement bas pour un travail bien au-dessus de leurs forces. On évalue à cinquante-:inq millions le nombre d'enfants de moins de quinze ans (3) qui sont sur le marché du travail, régulièrement employés par des entreprises ou des particuliers. Rien que dix millions pour l'Asie du Sud-Est. Cinquante-cinq millions qui ne sont bien évidemment que la partie visible de l'iceberg. (( Les enfants dont la seule activité est le travai/, salarié ou non, ne sont pas repérables, il s'en faut de beaucoup, écrit P. Braun. Mais ceux qui, tout en se rendant aux cours obligatoires de l'école,fournissent parallèlement un certain travail exigé par les adultes n'entrent dans aucune statistique ••. La commission économique pour l'Amérique latine révèle qu'en 1979, 40 % des familles latino-américaines sont très en dessous du seuil minimum de pauvreté. Treize millions de Brésiliens de moins de quinze ans sont dans un état de carence latent et leur famille ne peut les aider à mieux se nourrir. Il semble qu'au Pérou la moitié des ouvriers agricoles soit des enfants et 41 % au Brésil. La Banque mondiale estime (en 1978) que 10 % des Thaïlandais de quatre à quinze ans sont occupés à des tâches d'adultes et 40 % des sept à quatorze ans ne vont pas à l'école à cause de la pauvreté de leur famille. La situation ne fait qu'empirer. En Egypte, il y aurait -....... ~.--..... -'--- 6 % de la population active composée de moins de quinze ans, 4,5 % en Tunisie, 1,8 % en Algérie. Presque tous sont tenus par un racket d'adultes (( entrepreneurs.. très particuliers. Ainsi ces enfants travaillent-ils pour le compte d'une grande personne qui leur promet faible gîte et nourriture. De trop faibles amendes Aucun respect de la législation du travail. D'ailleurs, les amendes sont si faibles que les patrons estiment quand même rentable d'employer secrètement des enfants. Ils sont en effet tellement plus productifs et moins coûteux que des adultes. Aucun respect de l'hygiène : enfants parqués dans des dortoirs sordides, peu de sommeil. Aucune protection contre les maladies ou les accidents du travail : les intoxications au mercure, l'exposition à l'amiante ou à d'autres produits chimiques (benzène notamment) ou à des métaux toxiques, entraînent des anémies et de graves intoxications. La manipulation du plomb produit à terme une accumulation dans les tissus et un blocage du développement. Certes au niveau international les préoccupations sont vives et nombre de progrès ont déjà été enregistrés. Bien des initiatives privées existent aussi mises en oeuvre par des églises ou des associations (type médecins du monde).

  • Dessin extrait de (( Les enfants du Salvador

dessinent ». Droits de l'homme· El Salvador· 45 bis rue de la Glacière 75013. Au Maroc, sur des métiers à tisser. Cependant, la récession économique mondiale fait piétiner le progrès social dans maintes nations à faibles revenus. Les organismes internationaux ne cachent pas cette indubitable réalité. (( Il est probable, écrit l'Unicef, que dans le monde le nombre des pauvres absolu passe d'un peu moins de huit cent millions aujourd'hui à un milliard ou plus d'ici la fin du siècle. Et la moitié de ces pauvres seront de jeunes enfants et des mères • • Il n'est guère question qu'on augmente les crédits affectés au développement (4). Il n'est pas question bien sûr que les enfants attendent tranquillement une reprise économique pour obtenir une amélioration de leur situation. Une réponse possible est sans doute d'améliorer le rapport ressources/ résultats, de mieux faire fructifier ces ressources quitte à repenser profondément les modalités qui ont jusqu'ici présidé aux aides au développement. Ce qui veut dire sans doute moins de projets concoctés à l'ombre des bureaux confortables. N'oublions pas que si cent dollars étaient consacrés à chacun des enfants pauvres dans le monde, cette somme aurait permis de leur donner le minimum vital et d'éviter en J 98 J la mort de dix-sept millions de petits. Odile NAUDIN (1) Auteur des Gosses du désespoir, Mercure de France. (2) Christiane Rambaud : 52 millions d'enfants au travail Plon. (3) Enquête du Bureau international du travail, 1978. (4) L'Unicef assure que les dépenses militaires mondiales, en quatre heures, équivalent son propre budget annuel. ~6?xkt pSpChânâ/pste 21 1 ( OU L'USAGE PROVOCATEUR • DU « 17 » Bourtzwiller: un quartier où ne manquent pas les provocations. Le racisme frappe dans la capitale du Haut-Rhin. Tous les moyens ont cours, notamment pour créer des affrontements entre jJolice et immigrés. A qui profite cette politique ? M ulhouse, vous connaissez? C'est, au sud de l'Alsace, la capitale du Haut-Rhin (en bas sur la carte). Une cathédrale de grès rose, deux places principales: celle de l'Europe, moderne et bruyante de jukeboxes et de moteurs, vivant à cent à l'heure; celle de la Réunion, tapis au centre du quartier piétonnier, typique et traditionnelle. Dans le canal, pas encore très pollué, les goujons taquinent les pêcheurs. A vingt minutes de là, suivant la route de Guebwiller, et selon la saison, on va cueillir la framboise sur les pentes du Grand Ballon, visiter la vieille abbaye de Murbach - où les abbés, racontet- on, furent jadis défenestrés par les Huns - faire de la planche à voile sur le lac de Gérardmer ou du ski à la station du Markstein. Ou bien encore se recueillir au sommet de l'Hartmannwellerkopff où Français et AiIemands se massacrèrent pendant quatre ans. Mulhouse, c'est aussi un carrefour de races, de nationalités, de religions où le mineur de potasse, venu de Pologne ou d'Italie, a rencontré l'ouvrière du textile native de Colmar ou d'Alkirch, de Bâle ou de Bade. Ici, on parle le dialecte avec l'accent du Piémont, de Rhénanie du Vaudois ou de Cracovie... ' Mulhouse, une si jolie petite ville où les mélanges ethniques étaient tels que tout heurt racial semblait impossible, impensable. Et pourtant... ~ourtant, depuis quelque temps, des incIdents se produisent à Mulhouse: • 6 mars 1982, un enfant de dix ans est blessé d'une balle dans la cuisse, rue des Jardiniers. II s'appelle Amar Bouhadjira. Peu de temps après des graffiti racistes souillent les murs de la ville. Des tracts sont introduits dans les boîtes aux lettres et distribués aux alentours des grandes entreprises de la région: « SOS Alsaciens 1 JI est temps de vider tous ces étrangers comme vous videz vos poubelles ». • 16 mars, à Huninge, là où, comme par hasard, on a retrouvé des exemplaires de ces tracts, une bagarre oppose un chômeur alsacien et un Nord-Africain. Le 22 premier sort le fusil. II y a un blessé, un gosse, dix ans lui aussi. • 8 juin, « Flambée de violence à Mulhouse- Bourtzwiller » titre le journal L'Alsace qui précise: « Neuf policiers face à quatre cents habitants. Deux gardiens et un garçon de seize ans blessés. ». • 24 juin, nouvel incident rue des Oiseaux, etc. Que se passe-t-il à Mulhouse? Les combattants de la pleine lune Samedi 9 juillet. Je suis au commissariat central. Ils sont une dizaine de policiers en tenue, plus deux en civil et un maîtrechien, avec l'animal tout gentil quand il est muselé. Treize hommes et un chien: l'effectif total pour surveiller, pour protéger Mulhouse cette nuit. « Vous voulez participer à une patrouille? » me demande le chef de poste. Evidemment. Je suis là pour ça. Toutes autorisations acquises. « Evitez Bourtzwiller, a conseillé le chef. Ce n'est pas la peine de provoquer». Kamel, Hamed et les autres ... Dans le fourgon, nous sommes quatre. Trois policiers (dont deux Basques, Pierre et Jean, et un Alsacien, Charles) et moi. Nous restons en contact radio avec le commissariat central. - « Marguerite appelle Angèle 17 ... (Angèle 17, c'est nous !) - Angèle 17 ... J'écoute. - Tentative de suicide à la maison d'arrêt. Le SAMU est sur place ... -« Nous y al/ons ... » « Il va fal/oir accompagner le SAMU pour surveiller le détenu, explique Jean. Ce n'est peut-être pas une tentative de suicide mais une tentative d'évasion. C'est un coup de deux heures du matin. .. ». Le « suicidé» est un Tunisien de 25 ans. II a avalé des cachets. II s'en sortira - pas de la prison mais du coma -après un lavage d'estomac ... « C'est la pleine lune », dit Charles ... Et de préciser qu'à la pleine lune, les femm.:s accouchent, les taulards se suicident et les bagarres sont plus fréquentes que d'habi, tude. Comme pour lui donner raison, la Iradio .grésille de nouveau: - « Marguerite appelle Angèle 17 ... Bagarre générale au café Mole ... Toutes les unités s'y rendent ... » La terrasse est noire de monde. Mes trois « collègues» d'un soir, la trique à la main, traversent la foule sous les quolibets du genre: « Voilà les carabiniers ... Toujours en avance pour la pro- §§§§§§§~~§§~ DIFFÉRENCES N°14-1S SEPTEMBRE 82 §§tl La patrouille. Treize hommes et un chien pour veiller sur Mulhouse la nuit. chaine ... ». Moi, je suis (du verbe suivre) à quelques mètres. Prudent. Les combattants sont là: trois malabars tatoués, torses nus, taillés comme des armoires rustiques et ronds comme des manches de pelles. Trois Alsaciens de souche. Charles tente de les raisonner, en dialecte. Ça aide. Les gars se calment. Les événements aussi. Nous repartons. Nous apprenons qu'entre temps un accident grave s'est produit place de l'Europe, aussi que trois jeunes Allemandes, échappées d'un pensionnat et à court d'argent, sont venues se réfugier au commissariat. - « Braves petites, commente Pierre, elles auraient bien pu faire une roulotte 1 ... » Les provocateurs du Ramadan Et puis, de nouveau la radio: « Appel à toutes les unités ... Rendez-vous rue de Bordeaux ... - « Merde, dit Charles, ça recommence à Bourtzwiller ... ». Déjà, la veille, un coup de téléphone - anonyme - avait prévenu la police que des inconnus « visitaient » nuitamment la crèche. A leur arrivée, les policiers ne remarquèrent rien d'autre que trois adolescents caracolant sur un triporteur de la ville. Ils avaient interpellé les « délinquants» 23 sous l'oeil réprobateur de la populàtion estimant qu'il n'y avait pas là de quoi fouetter un chat, ni de déranger la policé. Pour l'heure, nous arrivons dans la cité Brossolette de Bourtz. Plein de monde dans la rue. - « Il semble qu'on nous attendait ... - Pas spécialement, dit Pierre, mais en ce moment c'est le Ramadan ... » - « On reste à l'écart, dit le chef. Les gars de la société de gardiennage sont sur place. Il paraît qu'on cambriole encore l'école maternelle. S'il y a quelque chose, on emballe les individus et on met les bouts en vitesse. Pas la peine de provoquer ». Des jeunes, des mômes, garçons et filles, de 8-10 à 16-18 ans· entouraient le car. Combien étaient-ils? Vingt? Quarante? Plus? Ils posaient des questions avec l'insolence que permettaient leur nombre et le soutien de leur quartier. - « Encore vous 1 ... Qu'est-ce que vous venez foutre ? .. Vous n'avez rieY/ àfaire ici ... Et lui, qui c'est ? ... » Lui, c'est moi. Le seul qui soit en civil. - « Lui, c'est un journaliste. - Qu'est-ce que vous foutez avec les flics? - Un journaliste 1 Avec les flics 1 Allez 1 Racontez pas d'histoire ... » Alors je suis descendu dans l'arène, me jeter dans la gueule du loup. Dans les griffes des « émeutiers» de Bourtzwiller qui, jour après jour, défrayaient la chroEtienne: « Il faut nous laisser tranquille. Deux jeunes sur une mob, il n'y a pas de quoi en faire un fromage ». nique locale, puis nationale. - « Vous êtes journaliste ? - Oui. - Z'êtes pas inspecteur? - Non. - Z'avez pas de revolver? Même pas un petit 6,35 ? - Non. - On peut vous fouiller ? - Oui. - A lors, qu'est-ce que vous foutez avec les flics ? ... ». Difficile, effectivement, d'expliquer qu'on fait une enquête impartiale quand on descend d'un fourgon de la police. Je leur promis de revenir le lundi suivant. - « Tout seul? - Oui, tout seul ». Ils ont ricané, persuadés que je les bluffais. Il n'y avait personne dans l'école maternelle, ni dans les caves. Encore une fausse alerte. Une fois de plus, un coup de téléphone anonyme avait alerté police secours pour rien. Heureusement, cette . nuit-là, l'aventure n'avait pas tourné au tragique comme un mois plus tôt. Un simple appel sur le «17» Un mois plus tôt, tout était calme à Boutzwiller, dans le quartier Brossolette autant qu'ailleurs. Et puis, dans la nuit du 7 au 8 juin ... Mais écoutez plutôt Jean, policier en tenue, raconter l'aventure: « Au départ, un simple appel à la salle de commandement, sur le « 17 », mentionnant que des jeunes enfonçaient une porte ' d'appartement dans le quartier Brossolette. /1 était 20 h 30 environ. Deux co!lègues motards, en patrouille sur l'autoroute, donc à proximité, ont capté l'appel-radio. /ls se rendent sur les lieux, visitent le secteur, ne trouvent rien d'anormal et cone/uent à unfaux appel. En repartant, ils tombent sur deux jeunes, chevauchant le même cye/o-moteur et sans casque. /ls les reconnaissent comme étant des voleurs de mobylettes connus depuis longtemps. /ls prennent l'initiative de les contrôler. Ils les interpellent. Un des jeunes commence à se débattre et à crier au secours. L'un des motards chute et se blesse à nouveau à un bras déjà endommagé à la suite d'un récent accident de moto. Il a encore une broche dans le bras. Pendant ce temps arrive une masse de personnes, toutes de type arabe, puisque les deux jeunes étaient des Arabes. Les collègues, devant cette foule, commencent à prendre peur et demandent des renforts. Arrivent sur place deux maître-chiens, avec leurs bêtes. Les pierres commencent à voler. D'autres renforts rejoignent les lieux. Jusqu'à concurrence de dix fonctionnaires, l'effectif total disponible du commissariat. Les jets de pierres redoublent. Des tuteurs d'arbres sont arrachés et lancés comme des javelots. Entre temps, les chiens ont été démuselés et l'un d'eux mord le frère du cye/o. A ce moment, le chef de section, le brigadier-chef qui était sur place, donne l'ordre de repli. Il prend un pieu sur l'épaule. Heureusement, il avait fait un mouvement de recul sinon il prenait le pieu lancé comme 24 un javelot - en travers de la gorge. Les collègues ont réussi à s'échapper et l'échauffourée s'est arrêtée là ». Mais au fait, connaissez-vous Bourtzwiller? C'est un quartier excentré de Mulhouse. Brossolette, c'est un quartier excentré de Bourtzwiller. Un bout de ville coincé entre les bords de la Doller, la voie rapide nord-sud et l'autoroute. On a l'impression de ne pas pouvoir aller plus loin. Ceux de chez Peugeot « Le quartier s'est construit sans aucun plan d'ensemble, expliquera Mme Bernard, membre de l'ASTI (1). On a rajouté des groupes d'immeubles à d'autres et un beau jour, on s'est trouvé devant une masse de béton ... ». Les pre~ miers ont été construits par les mines de potasse pour loger leurs ouvriers dans la rue de la Tuilerie, en 1955. Deux ans plus tard, c'était le centre PSR, très laid et très rudimentaire. Et puis d'autres bâtiments pour les ouvriers des mines. En 1962, l'ensemble des « 420» (420 logements, d'où son nom) a été édifié pour accueillir les rapatriés d'Algérie: des pieds-noirs et aussi des harkis que leurs familles ont rejoints. Et puis des Turcs sont arrivés, par l'intermédiaire de Peugeot. Et puis des Yougoslaves ... Peugeot s'était fait réserver des logements aux « 420 » et dans le quartier pour loger les gens que la société faisait venir. Ici, la plupart des gens travaillent chez Peugeot, à la S.N.I.P., à la S.A.C.M., chez Manurhin, dans la construction, à la S.N.C.F ... ou bien sont chômeurs. Surtout les jeunes. A qui profite le crime? Je suis retourné à Bourtzwiller. Seul avec Francine, une des responsable du M RAP. Les jeunes m'ont tout de suite reconnu. Kamel et Ahmed (33 ans à eux deux), tout en nous faisant faire le tour du propriétaire, nous ont expliqué l'affaire. « Les j7.ics sont arrivés; des motards. /ls trouvent deux copains sur une mob, et sans casque. Tu parles d'une affaire. Tas besoin d'un casque pour faire un tour de mob dans ton quartier? Un desj7.ics veut attraper le bras du gars. Le gars esquive et lej7.ic tombe. Alors ils sont devenus hargneux et un copain a pris une baffe. Alors il a crié et sonfrère est venu pour le défendre, et plein de gens avec lui. Vous pensez, en ce moment, c'est Ramadan, alors tout le monde est dans la rue, à neuf ou dix heures du soir ... » Nous connaissions la suite. Tandis que je prenais quelques photos, Etienne et Amar sont arrivés, à deux sur une mob ... et sans casque ... - Ça vous amuse de photographier les graffiti sur les murs? Vous allez encore raconter qu'ici c'est le ghetto, dégueulasse, plein d'Arabes et d'étrangers ... C'est pas un ghetto ici, c'est un quartier comme les autres, avec de la verdure et des arbres en plus. On n'est pas mal ici. Qu'est-ce que vous cherchez à lafin ? » ... Nous avons discuté. Etienne, monteur en charpente, est d'origine russe. Il y a ici dix-sept nationalités différentes mais les Algériens sont les plus nombreux. II ne se passe rien - « Vous savez, m'sieu,fautnouslaisser tranquilles. Il ne s'est rien passé ici: rien d'autre que ce qui se passe partout ai/leurs. Deux jeunes sur une mob, ça se voit partout, tous les jo' ~rs. Pas de quoi en faire un fromage. Evidemment, y'a des jeunes quifont des conneries, chouravent un vélomoteur ou cassent une porte. Ou, comme c'est arrivé avant-hier, piquent un triporteur de la ville et vontfaire les cons à trois dessus ... - Pour le rôder, précise finement Kamel. - Bref, reprend Etienne" i/ ne se passe rien ici. A moins que vous"ne cherchiez à f~~tre la merde parce que c'est plein d etrangers ... ». Effectivement, il n'y avait pas de quoi fouetter un chat avec ces histoires. Mais Livres et liberté 1) « LES GRANDS REVOLUTIONN AIRES ». 8 volumes magnifiquement reliés et illustrés, présentant l'action et la pensée d'hommes et de femmes tels que Marx, Louise Michel, Bakounine, Schoelcher, Jaurès, Blum, Dubcek, Allende, étc. DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 faisant gros titres et sujets de conversation, elles nourrissent les ressentiments, engendrent la suspicion, alourdissent l'atmosphère. Elles risquent d'aboutir à la catastrophe, peut-être à l'irréparable. Coups de téléphone « Chaque fois qu'il y a une connerie de faite, c'est un Arabe », concluait un policier. « On ne peut plus éternuer dans la rue sans que le car soit là, s'insurgeait Kamel. A croire qu'ils viennent exprès pour provoquer. » On peut en effet s'interroger. Pourquoi chaque soir, maintenant, le commissariat central reçoit-il un coup de téléphone de Boutzwiller réclamant une intervention qui apparaît, un peu plus chaque jour, comme une provocation raciste? Qui a intérêt àjeter de l'huile sur le feu? A faire monter la tension? Ces appels provocateurs renouvelés, racistes, cette recherche délibérée de l'affrontement ne sont-ils pas les moyens d'une politique qui a besoin de la haineetdu désordre ?Pourquel profit? René DUCHET (1) Association de solidarité avec les travailleurs immigrés. ZILLI 2) « FEMMES & SOCIETE». 7 volumes montrant l'importance et le rôle de la femme dans ' l'évolution de la société depuis 150 ans. Demandez une information gratuite en retournant le coupon ci-dessous aux EDITIONS MARTINSART, 58, rue des Capucins 41200 ROMORANTIN LE VËTEMENT DE PEAU POUR HOMMES NOM .......... PRENOM ADRESSE ................................... .

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-Connaître ~~ Du Rwanda au Gabon et au Cameroun, les danseurs de Dieu, de plus en plus soumis aux Mokolos, chantent pour éveiller la brousse. Mais combien de temps encore? GRANllEUR ET SERVITUllE ~ DES PYGMEES D e par leur mode de vie unique, depuis très longtemps, les Pygmées ont exercé un puissant attrait sur le restant des humains. Voilà plus de quatre mille ans, Neferkara, l'un des derniers Pharaons de la VIe dynastie, tressaillait d'allégresse en apprenant qu'une expédition envoyée au Pays des arbres, Pays des esprits (le Rwanda actuel probablement) lui ramenait un de ces étranges danseurs de Dieu. Beaucoup plus tard, les Grecs avec Homère, puis Aristote, se prennent à rêver à ces êtres qui demeurent au Pays des montagnes de la lune. Héritiers de cet émerveillement, des sculpteurs romains traduiront, avec fantaisie, sur les fresques d'Herculanum et de Pompéï, d'imaginaires luttes des petits hommes contre les hippopotames et les grues du Nil. Quoi d'étonnant alors à ce que le Français Paul du Chaillu, qui fait connaissance en 1865 avec les Pygmées de l'Ogooué, au Gabon, n'en croit pas ses yeux en apercevant pour la première fois ces êtres « hauts d'une coudée» ? Les récits dont il disposait avaient été tellement travestis et enjolivés au gré de siècles d'imagination et de spéculations! L'histoire d'une fascination Pourquoi cet engouement? L'histoire et les motivations de cette attirance des autres peuples pour les Pygmées feraient un gros livre. Contentons-nous de prendre acte de ce sentiment qui connaît aujourd'hui un regain aussi foudroyant que commercial, à enjuger par la multiplication des incursions touristiques chez les Pygmées. Mais où vivent-ils donc? Leur domaine est la sylve équatoriale primaire, dense et humide qui s'étend du Rwanda au Gabon. Ils sont un peu plus de 50000 à vivre essentiellement de la chasse et de la cueillette, répartis en trois groupes. Les Babingas, hommes à la sagaie selon la traduction enlangue bantoue, qui s'appellent eux-mêmes les Akas. Ils nomadisent dans une zone chevauchant les frontières du Cameroun, du Gabon, de la Centrafriq ue et du Congo, baignée par les rivières Sangha, Ogooué, Oubangui et leurs tributaires. 26 Entre les rivières gabonaises Ogooué et Kouilou vit un second groupe: les Babongos. Enfin, le long du fleuve Ituri, un autre affluent du Zaïre, se trouvent les Bambutis dont les deux groupes précédents ont été séparés depuis la nuit des temps. Les langues, les coutumes des peuples avec lesquels chacun de ces groupes pygmées est en contact, diffèrent. Le feu dérobé au chimpanzé? Diffèrent aussi l'histoire et les péripéties de la conquête coloniale comme le degré de pénétration de ces sociétés par les Bantous et celui des Bantous par les multiples manifestations de la culture conquérante. Aussi, nous trouvons-nous aujourd'hui en présence de plusieurs stades d'acculturation et de domination au sein de chacun de trois groupes de Pygmées. Mais pour tous, une patrie commune: la forêt, domaine du NIG~ .. .' ,1 , ,, \ , CAMEROUN _ ... 4 __ , ' .......... ANGOLA 1 . , UmE ." 1 ..... - SOUDU L. NILSSON - RAPlfO 27 r Odeurs de cuisine Les chenilles grillées ou à l'huile de palme Les Pygmées sont particulièrement friands de kongos, ces chenilles multicolores et velues que les femmes et les enfants ramassent dans la forêt ou élèvent en les gavant de .feuilles grasses. Grillées, elles ont la consistance d'une crevette, craquantes à l'extérieur, douces à l'intérieur. On les mange alors accompagnées de baies sauvages, cueillies et consommées sur place. De plus en plus, ces chenilles sont préparées à la façon de grands noirs bantous, cuites à l'huile de palme, à déguster avec des chikwangue (des bâtons de manioc), le tout SIlns sel, qui reste une denrée rare. Pour le dessert, les Pygmées raffolent du miel sauvage recueilli une fois les abeilles enfumées. Si le coeur vous en dit ... La chasse, activité essentielle. Les hommes s'y initient dès leur plus jeune âge. chimpanzé, du gorille, du paon, de l'éléphant nain et de Quant aux grandes chasses à l'éléphant, au gorille ou au l'antilope. Les Pygmées sont ses enfants et se proclament tels. potamochère, ce porc sauvage d'Afrique, du fait des périls Le Dieu de la brousse, Mugu, Tore, Djingui, selon les appella- encourus, elles requièrent un grand nombre de chasseurs et tions, habite aussi cette forêt. Enfants de la forêt, du feu et du n'ont donc toujours eu qu'un caractère exceptionnel qui s'acsang de la lune, les Pygmées le révèrent, ce dieu de la brousse, centue de nos jours. émanation du père éloigné, si loin qu'il ne lui est voué aucun culte et qui, fâché de la malignité des humains, vit caché derrière l'astre nocturne. De lui, ruisselle le Megbe, la force vitale qui aengendréMaiga, l'antilope, l'animal totem chez les Bambutis de Eba-Eba dans l'lturi, auquel on offre, ainsi qu'à Mugu, le gibier avant la chasse. Liés par un pacte sacré avec la brousse et ses ha bitants, les Pygmées n'y ont jamais vu un monde hostile; d'elle, ils ont tout appris, à commencer par le feu, dont maintes légendes attestent qu'il fut dérobé au chimpanzé, et le moyen de se nourrir ... La chasse est i'activité essentielle des hommes pygmées qui toute leur vie cherchent à développer leur connaissance de la psychologie animale et des méthodes cynégétiques. Mise à part la chasse individuelle, assez ponctuelle, qui se fait volontiers avec l'arc aux traits empoisonnés, la quête du gibier se pratique en groupe. L'une des techniques les plus répandues est la chasse aux filets. Une fois les filets posés, les chasseurs rassemblent quelques branches très feuillues qu'ils lient en bottes. En frappant violemment le sol, ils produisent un bruit mat, et rabattent le gibier vers un second groupe embusqué derrière les fourrés. D'autres chasseurs, encore plus discrets, agitent de petites branches dont le bruit évoque irrésistiblement la course d'une petite antilope. Ils cherchent à leurrer les animaux qui fuient dans leur direction et vont s'empêtrer dans les filets où les attendent, munis de leurs lances, les frères à l'affût. Parfois, les femmes participent à la battue quand les espèces chassées ne présentent pas trop de danger. 28 Le produit de la chasse est partagé sur-le-champ, selon un code de répartition assez strict: chez lesBamboutis le tireur reçoit le râble et les pattes de derrière, le chef de chasse le dos, le propriétaire de l'arme, le cou et la tête. Le restant est distribué entre l'ancien et les autres chasseurs. Les femmes construisent les huttes Seconde activité des hommes, la récolte du miel des ruches sauvages qu'il faut chercher au faîte des grands arbres. Elle revêt une importance capitale pour la communauté, du fait de la valeur nutritive de cet aliment essentiellement destiné aux nourrissons. En marge de ces activités primordiales, à l'origine, les hommes passaient l'essentiel de leur temps à confectionner les objets destinés à la chasse: arcs, filets de liane tressée, haches. Aux femmes sont dévolues les tâches de la récolte: des tubercules nombreux et variés, tels que les kitsombi, pommes de terre sauvages, des apa, bananes sauvages, des tewe, racines de liane, des oignons, des courges,des champignons, des chenilles qui tombentdes arbres à la saison des pluies, et des termites . . Tous travaux qu'elles effectuent souvent le front ceint du bandeau maintenant la hotte derrière le dos, et l'enfant attaché par une sangle à la hanche. La pêche qu'elles pratiquent dans les marigots barrés de branchages, leur revient également. Fait notable, la construction des huttes rondes couvertes de feuilles de phrynium reste leur apanage exclusif. Plutôt monogame, la société pygmée leur réserve une large place. Il n'y a guère que la vue du Molimo, l'animal mythique du campement chez les Bambutis, qui leursoitdéfendue. Pour La pipe n'est pas l'apanage des hommes ... le reste, société de tolérance, le campement - unité de parentèle - ne connaît pas de chef selon l'acception communément accordée à ce terme en Afrique. Conséquence de ce mode de vie exclusivement basé sur la chasse à ses origines: le besoin impérieux de la migration. D'autant que, « société de /'immédiateté permanente » selon Lucien Demesse, la société des Pygmées n'a pas prévu, initialement, l'accumulation des biens de consommation alimentaire. Ce qui n'a pas empêché, du reste, cçtte société de rester auto-suffisante pendant des millénaires avant l'irruption soudaine du monde extérieur. Prenons le cas de la Centrafrique. Vers le XVIIe siècle, venus de l'Est, ceux que les Pygmées appellent les Grands Noirs s'installent. Ainsi les M'Balis sur les rives de la Lobaye et les Pomos sur les rives de la Sangha. Un phénomène analogue se produit auparavant dans la forêt iturienne avec les Baleses. Parfois chassés par d'autres envahisseurs ou par les chasseurs d'esclaves, ces Bantous, forgerons, céramistes, agriculteurs, possédaient un ascendant technique indiscutable auquel se combinait, sinon la possibilité d'accumuler les vivres du moins celle de les reproduire à volonté, de manière à se nourrir régulièrement. Ces peuples savaient depuis longtemps travailler le fer qui leur permettait de fabriquer les pointes des lances, les haches, autant d'objets susceptibles d'exciter la convoitise des Pygmées. L'échange du sang, gage de paix En revanche, ces populations expulsées d'autres régions de la savane arborée, étaient le plus souvent dépourvues d'une tradition cynégétique comparable à celle des Babingas ou des Bambutis. La forêt leur apparaissait comme un milieu hostile, mystérieux. Qu'il s'agisse de circuler dans ce nouveau monde ou d'en tirer le complément de protéines nécessaire à l'équilibre de leur alimentation, l'intérêt de trouver un.accommodement avec les aborigènes leur apparut assez rapidement. 29 Le troc qui, en maints endroits, allait s'instaurer, ne s'effectuait pas toujours dans les conditions les plus pacifiques. Témoin ce récit rapporté par Luciên Demesse chez les Pomos et les Babingas de la Sangha (1) : « Quand Bodumbi - un ancien chef traditionnel du clan Pomo des Bukuses - était enfant, les Pomos Bukuses habitaient comme aujourd'hui des villages au nord de la Sangha. A cette époque, les Bukuses entretenaient des relations d'échange avec les Babingas de la région,' ils leur donnaient du manioc, des lames de hache, des fers de lance,' les Babingas leur apportaient de la viande de chasse et les d~renses des éléphants qu'il leur était donné d'abattre. Dans la forêt, nomadisaient des Babingas qui « vivaient comme des bêtes » (dixit l'informateur Pomoy, ne possédaient ni haches, ni lances ei ne mangeaient exclusivement que leur gibier, des fruits, des racines sauvages ou les petits animaux qu'ils capturaient dans les marigots. Au début, les Babingasse montrèrent plutôt craintifs, timides à l'égard des nouveaux arrivants,' mais avec le temps leur comportement se modifia. Peu à peu, ils s'enhardirent, prirent l'habitude de dérober durant la nuit, le manioc que lesfemmesfaisaient rouirau bord du cours d'eau et se mirent à piller les plantations. Rares au commencement, ces actes se multiplièrent. Exaspérés, les Pomos s'embusquaient, capturaienï les voleurs qu'ils pouvaient surprendre, et les abattaient. Mais en revanche, ilnefaisaitpas bon, pour les Noirs, se promener seuls loin du village, car à leur tour les Babingas les épiaient et, à la moindre occasion tuaient les imprudents, s'emparaient de leurs lances, puis disparaissaient enforêt ». Finalement Bodumbi le Pomo et Molumba le Babinga vidèrent la querelle par l'échange du sang en absorbant une calebasse pleine de vin de palme mêlé à quelques gouttes de leur sang. Plus saisissant encore, ce témoignage du Dr Regnault qui séjourna avant la Première Guerre mondiale chez les Pomos " « Anthropophages, ils considéraient les Babingas qu'ils trouvaient dans la forêt comme des bêtes de la brousse et les L a Lobaye en République centrafricaine. Une région de forêts irriguée par la rivière du même nom, tributaire de l'Oubangui. Tumultueuse, capricieuse en diable, elle accuse sur une bonne partie de son cours une dénivellation supérieure à deux mètres au kilomètre. Autant dire qu'en amont des rapides, avant que l'administration coloniale française n'installe quelques bacs entre les chutes dévalant sous les tunnels de verdure de Siki à Zomea, la pénétration par les tribus de l'Ouest a été longtemps contrariée. Plus tard, même lorsque les bacs furent mis en place, de larges pans de forêt restèrent, à l'Ouest comme au Sud de la rivière, bien à l'écart de la colonisation du terrain par les compgnies forestières. Les Babingas, déjà en contact avec les M' Batis, les N'gbackas, les /songos et les Bagandous, disposaient encore de zones de chasse relativement étendues. Cette situation s'est prolongée jusqu'au début des années 70, quand une société forestière française, la S.C.A.D., a jeté un pont sur la rivière afin d'avoir accès à une concession de 17 000 ha dans la région de M'Baïcki. ,« Notre vie a bien changé » C'est à trois heures de marche du pont, que j'ai rencontré Goumbé et les siens. Guidé par le fils de son Mokolo, son maître, à travers le sous-bois sur un sentier tortueux coupé de quelques marigots limpides, je suis arrivé un matin au campement: une clairière où se blottissent cinq huttes à l'ombre des grands se.palis, si l:on peut ~pp~ler a!nsi cet esp~ce de ,uelques dizames de mètres carres ou les hanes ont ète coupees et les fourrés éclaircis. De la voûte un rai de lumière éclaire le foyer. Les Babingas répugnent à abattre les arbres. Nous ne sommes pas les premiers Européens que Goumbé ait rencontrés. Loin de là. A une heure de marche du campement, en bordure de la piste qui vient du pont, il y a un peu plus d'un an, trois religieuses alsaciennes ont installé une mission: une chapelle ronde, deux cases en poto-poto rectangulaires à la manière des Bantous du voisinage, quelques champs de manioc, un mini-dispensaire et une petite école que les Babingas ont aidé à construire. Tranquille, Goumbé, étonnamment grand, musclé, pour un Babinga, accepte les cigarettes que je lui tends et iIIes distribue sur-le-champ aux deux autres hommes présents, Diboï, dont le sourire dévoile les dents taillées en pointe, et Sanza, un moustachu calme dont la crâne, rasé entièrement à l'exception d'une crête, le distingue de ses frères. Des femmes assises devant une case tressent leurs hottes. Un enfant suçote le sein de sa mère. Plus loin, une vieille édentée, le tapa d'écorce pour tout vêtement, embroche des chenilles qu'elle fait griller sur lefeu. Elles ne nous ont pas jeté un regard. Petit à petit, les gens du campement s'approchent. Et bientôt la proportion des shorts souvent en lambreaux augmente. « Les soeurs l, sussure le fils du Mokolo, ce sont elles qui veulent remplacer les tapas ». Le surlendemain, dès l'aube un vrombrissement harmonieux m'éveille. Je rampe hors de l'auvent qui protège mon lit de rondins. C'est Ginzando, le plus jeune des pères du campement. Drôle de jeu: agrippé à une liane, une vingtaine de mètres au-dessus de ma tête, il tourne dans un sens puis dans l'autre, de plus en plus vite, autour d'un arbre colossal, produisant un son qui évoque à s'y méprendre le ronronnement d'un 30 UN PONT SUR Ven la cueillette, avec la hotte et renfant ... moteur. Des rires fusent. Un chant s'élève, repris en choeur par les enfants qui observent ce manège. Que fait-il donc? Les rires redoublent quand Jean, le fils du Mokolo traduit cette question; « Il y a quelques lunes, m'explique- t-i1, des hommes blan.cs sont ve,!,!s, .non .loin d'ici p'r~s de la grande clairière sur la p,ste, des mliltOlres, lis sont arrives avec l'hélicoptère ... les Pygmées ont été très intéressés ». Par la suite, Soeur Marie-Agnès, l'une des trois soeurs de la Providence, donnera plus de précisions: une dizaine de barracudas (nom donné communément aux soldats des forces d'intervention française en Centrafrique depuis la célèbre opération du même nom qui a mis fin au rè~e de Bok~~sa~, sont venus dans la région pour une reconnlllssance prehmlnaire à une opération de présence, le long de la frontière congolaise, toute proche, histoire de contrôler la p~ssibilité d'infiltrations en provenance du Sud en cas de conflit ... « Notre vie a bien changé ces dernières années. Quand le pont a été construit, les Bangandous ont traversé la rivière et se sont installés près de la piste. Maintenant je travaille pour le Mokolo avec mes frères, commente Sanza. Pendant les pluies comme maintenant, nous sommes en forêt pour les congos (les chenilles) nous y restons jusqu'à tenvol des fermites. Après nous retournons dans la plantat/O.n~ de cafe du Mokolo. Maintenant je chasse souvent pour lUI, Il me donne LA LOBAYE deux cartouches à la fois, une pour moi, une pour lui. En échange je lui rapporte une bête. Mais il y a encore des frères qui chassent avec l'arbalète ... ». Prudence oblige, les critiques ne percent pas si aisément à l'endroit des maitres. Il y a suffisamment de palabres comme ça. Parfois, les soeurs s'interposent pour que le prix de la hotte ramassée soit effectivement payée aux BabÎ11gas. Ce qui déclenche la fureur des M okolos. Mais peu à peu, au détour d'une phrase, le voile se lève sur l'amertume: « Ils ne nous considèrent pas comme des êtres humains », m'a soufflé Goumbé. « Mais vous, les Blancs, vous ne nous considérez pas beaucoup non plus. - Mais les soeurs? - Les soeurs, c'est différent, elles nous guérissent... » « Unefois, des Blancs sont venusavecdesmachinescomme ça, fait-il en désignant nos appareils photos. Ils voulaient nous faire danser. Mais nous ne pouvions pas. Nous devions partir. Une vieille venait de mourir. Et comme nous le faisons toujours dans ce cas, nous voulions partir pour établir notre campement ailleurs. Les Blancs n'ont pas voulu partir. Ils voulaient quançl même prendre des poses. Finalement, nous avons dû envoyer un enfant pour chercher les soeurs. » Ils sont assez nombreux, du reste, les touristes à franchir le pont, nous confieront les religieuses, et cela bien que la direction de la société forestière ait décidé d'interdire le pont à toute circulation. Pourquoi cette mesure? C'est une longue histoire. Ces dernières années, le docteur Jaeger,et toute une équipe de chercheurs du C.N .R.S., biologistes, herboristes, linguistes sont venus étudier les Pygmées de Bangandou sous tous les angles. Le médecin français s'était emporté contre les exploitants forestiers. Il les a accusés de perpétrer un ethnocide. Après avoir entrepris des démarches auprès du gouvernement de l'ancien président de la République, M. Dacko, les scientifiques ont obtenu, en 1981, que la région soit décrétée « biosphère pygmée ». Les forestiers ont dû se retirer. En représailles, le patron de la S.C.A.D., a fait barrer le pont sur la Lobaye afm d'entraver la circulation des chercheurs. Ce qui n'empêche pas les ,touristes d'enfreindre l'interdit. Les véhicules ne peuvent plus passer. Qu'à cela ne tiennent, le café sera porté de l'autre côté des rapides par les Pygmées dans leurs hottes maintenues pàr un bandeau de liber placé sur le front. Mais qu'on ne s'y trompe pas, pour défavorisé qu'il soit dans ses rapports commerciaux avec les Bantous, le Pygm'ée garde une large part d'autonomie. « Parfois, ils s'en vont avant d'avoir été pay és, me confiera un légionnaire reconverti en planteur. Il ne faut pas exagérer, les Babingas sont des hommes libres. Ils ont un besoin impérieux de la forêt ». « Quand je ne veux pas travailler, je ne vais pas » dira simplement Diboï. Je pense à Michel, mon ami de Mongoumba, là-bas sur l'Oubangui. Lui, l'instituteur, le seul instituteur pygmée de tout le pays. Un jour ,sans crier gare, il a tout plaqué, l'école, les nippes. Pendant des mois, il a été introuvable. Il étaitretourné chez les siens. Je pense aux Babingas d'Epena, dans la forêt congolaise, à qui deux expéditions américaines sont venus demander où se trouvait le Mokélé Mbembé, leur animal mythique. Ici, on ajetéun pont. Une piste a été ouverte. L'autre monde s'y est engouffré. Il n'en repartira pas. F.M. 31 chassaient comme un gibier pour les manger. Plus tard, ils cessèrent de leur faire la guerre et se les attachèrent comme chasseurs ». (2) D'un autre côté, il convient de relativiser quelque peu les images de cette confrontation. De nombreux observateurs, il est vrai, davantage chez les Bambutis que chez les Babingas, ont célébré la symbiose culturelle et religieuse qui résulta de la cohabitation des Pygmées et des Bantous. Ainsi, Colin Turnhull et le R.P. Schebesta ont-ils observé la célébration en commun des rites de circoncision des jeunes Bambutis et de jeunes Baleses. Des mutations trop rapides Sur tous les plans donc, avant le XX· siècle, l'on assiste à de profondes mutations. Aujourd'hui, beaucoup de communautés pygmées ont perdu jusqu'à l'usage de leur langue et ne parlent plus que celle de leurs maîtres bantous. Certains Bambutis héritèrent de coutumes inconnues chez eux, telles que le consommation rituelle de chair humaine. Parfois l'on aboutit à des mariages mixtes entre femmes pygmées et hommes bantous. Bien entendu; toutes ces transformations, répétons-le, ne se sont pas succédé partout simultanément, si bien qu'à l'heure actuelle, nous sommes en présence d'au moins trois types de situations différentes: celle de l'auto-subsistance intégrale, en voie de disparition; celle de la sédentarisation totale et du salariat dans les plantations; enfin, celle intermédiaire d'une sédentarisation et d'un nomadisme partiels, saisonniers. Comment se sont produites ou se produisent ces transformations ? On constate généralement que les nouveaux occupants disposaient d'atouts déterminants sur le plan commercial. Sédentaires, ils disposaient du moyen de satisfaire régulièrement leurs besoins alimentaires, besoins qu'ils créeront chez les Pygmées pourvoyeyrs de venaison qui avaient Travail quotidien au village. trouvé ainsi un moyen de juguler l'incertitude que représente l'effort permanent de la quête de nourriture. Assez vite, cette situation débouche sur un déséquilibre croissant. A cause de la présence d'un village, le rayon d'action des chasseurs pygmées se réduit de moitié tandis que la demande s'accroît. les bêtes quittent le secteur et les Babingas et Bam butis se trouvent dans l'incapacité de pourvoir les villageois en venaison. A ce stade, les rapports ne tardent pas à se gâter de nouveau. Les larcins dans les plantations se multiplient. Il devient de plus en plus d).lr pour les Pygmées de se procurer les fers de lance et de hache. Les Grands Noirs peu à peu cèdent aux exigences des Pygmées puis accroissent leur demllnde avec l'irruption d'un nouveau besoin, conséquence de leur intégration progressive dans l'économie monétaire introduite par les colons: l'ivoire. Avec les prestations obligatoires, le travailforcé que devait le Grand Noir à l'administration coloniale et l'exode rural qui s'ensuivit, la population villageoise devint de plus en plus déficitaire en éléments masculins d'où le besoin de recourir à d'autres bras pour assurer le défrichement. Dépendants économiquement, attirés par cette sécurité que pourvoit le mode d'exploitation agricole, en comparaison de leur vie, les Pygmées sont ainsi devenus associés à ces tâches et de plus en plus assujettis à leurs nouveaux maîtres, les Mokolos, qui se disent «propriétaires des Pygmées». Tous ces facteurs attirent petit à petit le Pygmée vers une situation de salariat et les conséquences apparaissent alarmantes: avec la disparition progressive du nomadisme, tout est affaire de nuances, de nouvelles habitudes naissent. Le type d'habitation que construisent les Pygmées convient mal à la sédentarisation et les pratiques d'hygiène correspondantes ne sont pas assimilées. Combinées avec la détérioration du régime alimentaire moins riche en protéines, ces déficiences aboutissent à une prolifération de maladies nouvelles contre lesquelles les guérisseurs pygmées se trouvent désarmés. Sur le plan familial, les mariages se règlent de plus en plus entre Mokolos qui cherchent à se faire rembourser par le biais d'une mini-dot la perte d'une femme procréatrice du groupe. L'avance de la banane et du café On peut espérer, comme Lucien Demesse, qu'une maîtrise accrue de la technologie du manioc vers laquelle évolue d'ellemême la communauté pygmée pourra permettre à ce peuple de connaître un mode d'existence fondé sur une double pratique de la chasse et de l'agriculture. Qu'on le veuille ou non, quand ces changements se seront produits la société pygmée aura vécu. Le même 0 bservateur a décelé des traces subtiles de la déculturation. Dans les campements visités de la Sangha, il a remarqué, aufildeses multiples séjours, quedesmanifestations'aussi capitales que lechant, cette polyphonie étonnante des hommes de laforêt, expression du mimétisme et de la conjuration de tout un monde, occupe une place moins importante que par le passé. En fait, c'est une harmonie de tout un monde qui est en train de se briser. Sans vouloir l'ériger en mythe rousseauiste, cette harmonie, cette fréquence du chant dans la vie des Pygmées, demeure l'un des traits qui ont le plus impressionné les hommes qui ont vécu chez eux. Ainsi, Colin M. Turnhull qui s'en est fait livrer la signification par un vieux chasseur M'ball' : « Normalement, 32 ,. tout va bien dans notre monde. Mais la nuit, lorsque nous dormons, quelquefois les choses vont de travers parce que nous ne sommes pas éveil/és pour les empêcher d'aller de travers. Une armée de fourmis envahit le camp, les léopards peuvent venir et s'emparer d'un chien de chasse ou même d'un enfant. Si nous étions éveillés, ces choses n'arriveraient pas. Ainsi, lorsque quelque chose d'important va de travers, comme une maladie, une mauvaise chasse ou une mort, cela doit être parce que la forêt dort et ne s'occupe pas de ses enfants. Alors que faisons-nous ? Nous /'éveillons. Nous l'éveil/ ons en chantant parce que nous désirons que son éveilsoit heureux. Alors, tout va bien de nouveau. Et lorsque notre monde va bien, nous chantons aussi la forêt parce que nous voulons qu'elle partage notre joie» (3) Le chant de la forêt Le chant et la danse tiennent encore une place prédominante dans la vie des Pygmées. Un disque y est consacré (Musique de l'Afrique traditionnelle - Volume II - Pygmées - Playsound n" PS 33 509, distribué par Audivis et enregistré par Freddy Bonnot et J.P. Calvel). On y tr.ouvera une vision panoramique de la musique pygmée: de la Danse de l'éléphant (djoboko)des .Pygmées de la région de la Lobaye, au Bogongo, un chant de séduction où un homme et une femme mêlent leurs voix mélancoliques. Divers instruments sont utilisés: le soko, une sorte de marakas en lianes tressées et rempli de sable, le mdumu, tam-tam local, et aussi des guitares. Un monde enchanteur. Si pathétique que soit l'extinction progressive d'un culture sous toutes ses formes, l'évolution des coutumes apparaît inéluctable. Ainsi, au sud de la Lobaye, en forêt congolaise, de nombreux villages pygmées s'établissent, parfois à l'écart des Mokolos. L'agriculture tend àdevenir l'activité principale. La scolarisation s'intensifie comme on peut le constater en Centrafrique, à Bélemboké, Mongoumba. Au Zaïre, les Premiers citoyens ont fait depuis longtemps leur apparition dans les discours de Mobutu Sese Seko et, dans maints centres de la région de M'Baïki en Centrafrique, les Babingasontétéinvités à voter pour le parti de l'ex-président Dacko. La christianisation se propage. Toutes ces transformations s'interpénètrent pour accélérer le changement du mode d'existence des Pygmées. Ces derniers pourront-ils trouver une alternative, ne serait-ce que sur le plan économique? Il est permis d'en douter quand on sait que de toutes parts, en Centrafrique comme au Gabon les compagnies forestières ne cessent de gagner du terrain en empiétant sur le domaine des Babingas. Non que l'abattage en soi constitue un danger pour la forêt dans l'hypothèse où, bien sûr, les normes imposées par les Eaux et Forêts sont respectées. Le véritable danger est ailleurs: les pistes ouvertes dans la sylve ont offert de nouvelles possibilités aux villageois d'étendre leurs plantations en élargissant les brèches par des brûlis. Le domaine du café et de la banane s'étend, empiétant sur la forêt. Les hypothèses les plus 33 Salariat, agriculture ... L'harmonie d'un monde se brise. pessimistes ne lui donnent pas jusqu'à l'an 2000 pour survivre. Plus vite encore que le procès d'assujjettissement, le déboisement risque de mettre un terme à une civilisation par destruction ou modification du milieu. François MISSER (1) Lucien Demesse : Changements techno-économiques et sociaux chez les Pygmées Babingas, SELAF, /978, Paris. (2) Dr Regnault : Les Babingas (Négrilles de la Sangha), L'Anthropologie, XXII, 3 (mai-juin), 1911 , Paris. (3) Colin M. Turnhull : The forest People. Simon and Schuster, 1962, New York. Bibliographie Balandier Georges: Chez les négrilles du Moyen-Congo, Connaissance du Monde, numéro JO (juin-juillet), Paris, 1957. - Ballif Noël: Les danseurs de Dieu. Chez les Pygmées de la Sangha, Hachette, 1954, Paris. - Copans Jean : Anthropologie et impérialisme. François Maspéro, Paris, 1975. - Janni Pietro : Etnografiaemito : la storia dei Pigmei. Ed. dell'Ateneo e Bizzazi, 1978, Rome. - MaquetJ.J. ; Les civilisations noires, Horizons de Francé, 1962, Paris. - Philippart de Foy Guy: Chez les génies de laforêt, Géo-Magazine nO 38 (avril), 1982, Paris. - Schebesta R.P. Paul : Les Pygmées du Congo belge, Mémoire, Institut royal colonial belge, section des sciences morales et politiques, 1952, Tervueren. il Des petits bouts de peau échangés, des centaines de volontaires, une équipe médicale... Une extraordinaire aventure au pays des molécules qui vous font ce que vous êtes. POURQUOI ~ VOUS ETES QUE AUMONDE par le professeur Jean Dausset,Prix Nobel de U n jour de 1952,j'ai mélangé sur une lame de verre une goutte de sérum d'un malade avec les globules blancs d'un autre malade et observé leur brusque agglutination, en gros amas irréguliers, visibles à l'oeil nu. (*) Cette simple observation prouvant l'existence de différences d'un individu à l'autre à la surface de leurs cellules sanguines a été, en effet, le point de départ d'une extraordinaire aventure qui a largement dépassé ma personne. Ce fut celle de la définition du soi. Ce fut l'oeuvre de toute une équipe, mes collaborateurs, mais aussi de toute une communauté scientifique internationale. L'enjeu en valait la peine. Puisque des différences av;lient été mises en évidence sur les globules blancs, on pouvait. aidé par le modèle animal. penser que ces différences se retrouveraient dans l'ensemble des tissus et on pouvait raisonnablement espérer que ces groupes tissulaires joueraient un rôle essentiel en transplantation. Il se trouve que c'était justement l'époque des premiers essais de transplantation rénale entre jumeaux, puis entre individus non apparentés. Appareiller au mieux donneur et receveur, devenait un but concret immédiat qui parlait aux esprits. On voyait déjà se réaliser le rêve de Saint Damien et de Saint Côme, ces deux frères florentins qui ont greffé la jambe d'un mort sur un riche seigneur de l'époque. Mort, dans les deux sens du mot puisque le donneur était aussi un maure, m-a-u-r-e. Cet exploitest illustré dans les églises parde nombreuses peintures, dont l'une, la plus célèbre est celle de Fra Angelico. Mais, l'observation clinique des suites de l'opération ne nous est pas pdrvenue. Un réseau d'amitiés tissé au fil des expériences A vec un enthousiasme de croisé, des centaines de volontaires auxquels j'avais fait appel sont venus se mettre au service de cette cause. Avec une grande abnégation, un dévouement exemplaire, ils ont donné ou reçu sur l'avant-bras un petit greffon de peau. Pour simplifier l'expérience nous avons, le plus souvent, greffé la peau d'un ou plusieurs 34 enfants sur le bras de leur père. Ainsi, seuls pouvaient intervenir les groupes tissulaires hérités par fenfant de sa mère. Le dévouement des enfants a étéà la mesure de celui des parents. Certes, ces petits greffons étaient toujours éliminés et ce qu'il importait de mesurer c'était le temps mis à l'organisme pour les rejeter. Tantôt à peine quelques jours, tantôt vingt, voire vingt-cinq jours. II fallait donc que les receveurs reviennent quotidiennement à l'hôpital pour permettre l'examen du greffon et ainsi déterminer avec précision le jour exact du rejet. C'est avec le sourire que ces contraintes ont toujours été acceptées . Je vous ai précisé ces détails pour vous faire sentir le caractère exceptionnel, voire unique, de cette aventure. Chacun savait qu'il participait à une grande oeuvre et y mettait son coeur. Entre ces volontaires entièrement bénévoles et nous, s'est très vite tissé un réseau d'amitié, je dirais même de complicité. On dit, trop souvent, que l'homme est un loup pour l'homme. C'est peut-être, souvent, vrai mais il y a au fond de tous, un besoin d'altruisme, un besoin de dévouement que nos sociétés de profit n'arrivent pas à effacer. médecine J'ai toujours remercié du mieux que je pouvais ces volontaires mais je sentais que c'était eux qui, au fond, m'étaient reconnaissants de leur avoir permis de se dévouer à une cause, d'avoir donné un sens à leur vie, en un mot de s'être transcendés. Aventure humaine, certes, mais aussi exaltante aventure scientifique, car de cesétudes ont découlé, non seulement la connaissance des lois qui président à la transplantation chez l'homme, lois qui sont maintenant appliquées quotidiennement pour les transplantations d'organes - plus de deux cent mille transplantations de reins ont déjà été faites dans le monde - mais aussi la démonstration de l'extraordinaire diversité des hommes, en particulier par ces groupes tissulaires, ceux-là même qui entraînent le rejet ou la tolérance des greffes. Vous vous demandez certainement ce que sont, au juste, ces groupes tissulaires? Eh ! bien, ce sont de petites structures, des molécules, qui se trouvent à la surface de toutes, ou quasi toutes, les cellules de notre organisme. Elles sont, par dizaines de milliers, en antenne, à la périphérie de chacune de nos cellules. Elles présentent des variations subtiles d'un individu à l'autre, ce qui permet de classer la population selon les groupes tissulaires comme on peut la classer selon les groupes sanguins. Le hasard de l'hérédité Chacun de nous avons reçu de chacun de nos parents au moins quatre groupes tissulaires, si bien qu'au maximum nous possédons huit caractères différents. Chacun d'eux est pris au hasard de l'hérédité sur une liste de près d'une centaine de variantes. C'est dire que le nombre de combinaisons possibles est énorme. On l'estime à plus d'un milliard, mais il y a' encore certainement bien d'autres groupes tissulaires à découvrir qui viendront augmenter presque indéfiniment cette vertigineuse combinatoire. C'est ce qui nous a permis de dire que chaque homme est unique, qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura, sans doute jamais, sur la Terre (en dehors, bien sûr, des vrais jumeaux) deux hommes strictement identiques. 35 DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 L'affirmation que l'homme est unique, qui pouvait d'ailleurs être pressentie, a été bien accueillie. Comme a bien voulu l'écrire Maurice Druon: « Le caractère parfaitement « individuel » de chaque être humain, dans les limites des impératifs morphologiques de l'espèce, se trouve affirmé et donc du même coup la vocation de l'homme à la liberté, dans les impératifs du corps social, y trouve . un fondement scientifique )). Sur un plan strictement scientifique on peut se demander quel est le rôle de ces structures ubiquitaires à la surface des cellules et la finalité de leur remarquable diversité. Encore récemment on pouvait, avec Georges Snell, dire « qu'elles représentaient une page du livre de la nature, lue en dehors du contexte )). La diversité des groupes tissulaires clé de la résistance aux agressions Il semble que progressivement cette ignorance se dissipe, car il est de plus en plus clair que ces structures jouent un rôle essentiel dans la reconnaissance du soi et du non-soi. Leur situation, en antenne, à la surface de toutes les cellules du corps, leur variabilité, les désignent comme les meilleurs. candidats pour ce rôle. Elles sont, sans doute, le sceau de notre individualité, notre signe distinctif, indispensable à la défense de l'individu. En effet, lorsque ce sceau personnel, c'est-à-dire ces structures situées à la surface cellulaire sont altérées ou modifiées, disons par exemple par un virus, l'organisme reconnaît aussitôt cette modification comme étrangère. L'alerte est donnée. Toutes les défenses de l'organisme sont mises en branle pour aboutir à la formation des armes immunologiques spécifiques que sont entre autres les anticorps et les cellules tueuses. Mais, la modification n'est pas systématique. Pour un virus donné, elle ne peut se faire que si certains groupes tissulaires sont présents à la surface de la cellule. Un virus ne sera reconnu comme étranger que si le sujet infecté P?ssède la bonne structure modifiable par ce VIruS . C'est dire que tel individu sera résistant alors que tel autre appartenant à un autre groupe tissulaire ne possédant pas la bonne structure sera, par contre, sensible au virus donc vulnérable. C'est dire aussi que l'individu qui aura la plus grande diversité dans ses groupes tissulaires aura plus de chance d'avoir la bonne structure. Il sera plus apte à résister à de nombreuses agressions que celui qui n'aura reçu qu'un jeu plus restreint. On voit ici la raison de la vigueur des hybrides. S'il y a une grande injustice à laquelle il est, malheureusement, très difficile de remédier, c'est bien celle des hommes devant la maladie puisque chaque homme ayant sa propre formule tissulaire, aura de ce fait une capacité particulière de se défendre contre telle . ou telle agression. Formule certes bénéfique pour tel type d'agression mais qui peut être néfaste pour tel autre. Cette découverte a eu des conséquences pratiques immédiates. En effet, ce phénomène explique, sans doute, les multiples associations trouvées entre les groupes tissulaires et de nombreuses maladies, dont certaines sont très importantes sur le plan social. Avoir un certain groupe tissulaire peut indiquer une susceptibilité particulière à une maladie donnée. Par ' la détermination du groupe tissulaire, il est donc désormais possible de dépister dans la population les individus susceptibles de contracter telle ou telle maladie. On pourrait, ainsi, mettre en oeuvre une médecine préventive personnalisée, surveiller les individus à risque, leur appliquer un traitement précoce, voire un éventuel traitement préventif. Grâce aux extraordinaires exploits du génie génétique on peut espérer, bientôt, isoler ces gênes de suceptibilité, en connaître l'.exacte fonction et donc en corriger l'anomalie. Ainsi, un nouveau chapitre de la médecine, plein de promesses d'avenir, puisqu'il s'agit de prévenir et non plus guérir, a été ouvert. Pour collaborer, des milliards de cellules doivent se reconnaître J'ai parlé, jusqu'ici, de la défense de l'individu mais je ne voudrais pas négliger un autre aspect essentiel, pour l'humanité, celui de la défense de l'espèce. Il découle d'ailleurs de ce que je viens de dire. Au cours des grandes épidémies du passé, comme par exemple la peste qui sévissait jusqu'à la Renaissance, beaucoup mouraient, un petit nombre survivaient. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », est faux, car certains étaient totalement réfractaires. Ces chanceux avaient, sans doute, les groupes tissulaires adéquats pour leur permettre de résister à l'infection. Ainsi, l'espèce s'est-elle perpétuée. On voit donc que la grande variabilité du capital héréditaire est la sauvegarde d'une espèce. Elle lui permet de survivre à une épidémie et de s'adapter à toutes modifications sournoises ou brusques du milieu écologique. Comme le disait si justement le grand biologiste Albert Vaudel « ce que nous nommons espèce constitue un état d'équilibre qui s'établit entre la physiologie de l'animal ou du végétal et le milieu où il vit )). 11 en découle, bien évidemment, que la théorie des races dites pures est un non-sens biologique. Les groupes humains les plus vigoureux sont ceux qui possèdent la plus grande diversité de leurs caractères héréditaires. Enfin, permettez-moi de vous entraîner encore un peu plus loin à la recherche de la signification profonde de ces groupes tissulaires. Leur rôle ne semble pas se limiter à Comment dévoiler les mystères? veiller à l'intégrité de l'individu. 11 ne se cantonne pas aux seules réactions de défense immunitaire. En effet, leur rôle est, sans doute, encore plus général. C'est à eux que l'on doit probablement l'extraordinaire cohésion de nos organismes. 11 est clair que pour collaborer entre elles, les milliards de cellules de notre corps doivent se reconnaître, afin de s'unir, de coopérer. C'est grâce à l'identité de leurs structures de membrane, c'est-à-dire essentiellement à l'identité de leurs groupes tissulaires qu'elles se reconnaissent comme formant une entité biologique. Mot de passe Les groupes tissulaires sont donc le signe de reconnaissance qui permet le langage commun entre les diverses cellules d'un même corps. Ils assurent ainsi la cohabitation harmonieuse des multiples cellules aux fonctions les plus diverses. Ils apparaissent comme le dénominateur commun, en somme le mot de passe qui permet l'heureuse coopération indispensable à la vie commune en société pourrait-on dire des milliards de cellules des êtres « dits supérieurs )). Ils sont donc les garants de l'individualité. Ils font l'unité de l'être. 36 Voici, trop brièvement résumée, l'aventure que j'ai vécue au cours de ces vingt-cinq dernières années. Vingt-cinq ans de travaux, de trouvailles exaltantes, qui m'ont conduit, moi-même, mon équipe et bien d'autres équipes de par le monde, d'une simple observation, celle de l'agglutination de quelques globules blancs, à l'exploration d'un champ de recherche presque infini, s'ouvrant devant nous progressivement et s'élargissant sans cesse: partis de préoccupations très pratiques comme l'application immédiate de transplantation d'organe ou de moelle osseuse dont les succès ne font que s'accroître au fil du temps, passant par la perspective d'une nouvelle médecine préventive pour de nombreuses maladies d'un grand impact social, pour arriver, enfin', à la découverte que les groupes tissulaires jouent un rôle essentiel dans la défense de l'homme et de son espèce dans la cohésion de chacun de nos organismes. Ces années ce sont écoulées dans la joie et je souhaite à tous les chercheurs de toute discipline d'en vivre d'aussi pleines. Comme toutes les belles histoires, qu'il s'agisse d'un récit authentique ou d'une fable, celle-ci doit se terminer par une morale: de même que la richesse d'une espèce est dans la diversité de son patrimoine héréditaire, de même la richesse de l'humanité réside dans la diversité de ses concepts, de ses cultures collectives et de ses opinions individuelles. L'isolement relatif des groupes humains,jusqu'à une époque récente, a favorisé l'éclosion de cultures très diverses ayant chacune leur tonalité, leur résonance. Toute la subtilité de l'âme 'humaine s'y exprime sur des registres divers. Ici encore, comme pour l'unité physique de l'espèce humaine,le fond commun des cultures apparaît avec évidence, ce qui indique bien que ces variations infinies qui en émanent sont toutes conditionnées par une nécessité biologique commune. Cependant, chaque culture n'est pas le fruit du hasard. Elle est guidée par les nécessités locales d'adaptation de la vie collective à un certain milieu. Elle a donc une immense valeur adaptative. 11 en est, certainement, ainsi pour la culture occitane formée au cours des siècles dans la sérénité des plaines fertiles de cette région mais aussi forgée au feu des conflits politiques et religieux, pour aboutir enfin à cette philosophie humaniste qui caractérise aujourd'hui votre société. Chaque culture contribue à la conscience universelle par son apport singulier et irremplaçable. Par son particularisme, elle y ajoute chaque fois une saveur originale. Elle permet l'éclosion de nouveaux concepts qui font gravir à l'humanité un nouvel échelon évolutif vers une meilleure intégration avec son milieu. Malheureusement, la rapidité des communications, la puissance des médias et les nécessités économiques ont tendance à effacer progressivement les singularités des cultures et à les transformer en folklore: c'est-à-dire en 89, bis rue Lauriston 75116 Paris Métro Ho;;;" NI • ) J culture pétrifiées, non évolutives, qui ne jouent pas leur rôle adaptatif. Chaque folklore disparu est un appauvrissement du fond culturel de l'humanité, comme chaque espèce disparue est appauvrissement du fond génétique global de la vie sur la terre. Des réactions salutaires se produisent actuellement dans la coriscience collective. Celle-ci a perçu le danger et chacun cherche à perpétuer ou à raviver sa propre culture. Les cultures doivent redevenir le moteur de la marche en avant de l'humanité. 11 n'y a pas d'évolution sans diversité. Pour s'en convaincre ne suffit-il pas d'imaginer ce que serait une humanité uniforme? Cultiver, chérir la dHférence et la diversité J'en arrive, enfin, à l'essentiel, je veux dire à l'importance capitale qui s'attache à préserver la diversité intellectuelle de chaque individu, c'est-à-dire sa singularité: celle-ci découle de sa nature et de son passé. Chaque homme est issu d'une infinité d'interactions entre son patrimoine génétique, c'est-à-dire sa nature - et son environnement - c'est-àdire son passé. Par son éducation, ses expenences vécues, son appartenance à un groupe social il a acquis une personnalité qui, elle aussi, est unique. Ses tendances, ses désirs, ses joies, DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 ses options lui sont propres. 11 est un merveilleux alliage entre les gènes qu'il a reçus à la loterie de la naissance et les influences reçues, plus ou moins fortes, de sa famille et de son univers social. 11 est façonné par la vie mais aussi par sa volonté, par son libre arbitre. Car, malgré toutes ces contraintes il restera un homme libre, libre de son choix et donc de son destin. La liberté de pensée, la liberté d'opinion, le libre exercice des cultures, ne sont que la libre expression des diversités individuelles. Celle-ci est le levain de l'humanité, chaque individu a un droit imprescriptible à la différence. Biologiquement, idéologiquement la différence n'est pas seulement un droit, mais une nécessité absolue, on pourrait même dire un devoir envers l'espèce humaine. La diversité des opinions, des idéologies, des croyances de chaque individu ou de chaque collectivité est en soi porteuse d'espoir. Il faut non seulement, la tolérer mais aussi la cultiver et la chérir. Car, chacun doit savoir que la différence d'autrui lui apporte une nouvelle dimension, une nouvelle vision, un nouvel horizon, en un mot, un enrichissement. Comme l'a si bien dit Saint-Exupéry: « Si tu diffëres de moi, frère, loin de me léser tu m'enrichis )). Jean DAUSSET

  • Extraits du discours prononcé devant l'Académie

des Jeux Floraux, Toulouse, le 6 juin 1982. 7 quai de l'Oise 75019 Paris Métro : Crimée LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT: SULLY,85 rue de Sèvres, Paris 6- 5 % sur présentation de cette annonce NOUS IMPORTONS ET VENDONS v SIEGEL DIRECTEMENT AU PUBLIC HI-FI VIDEO LIGHT - SHOW CADEAUX TELEPHONES SANS FIL TELEPHONE LONGUE DISTANCE (plus de 20 km) PROMOTIONS {»ERMANENTES Une visite s'impose !!! Garantie S.A.U. assurée Mise au point et réparations d'émetteurs récepteurs professionnels et grand public 37 5 fabrication prêt à porter 168, Rue Saint-Denis - 75002 PARIS Téléphone 2SS 71.09 '::1:' En 1848, Victor Schoelcher et les anti-esclavagistes l'emportent. En 1982, le Parlement organise la commémoration de cette victoire et FR3 fait revivre l'événement. « NULLE TERRE FRANÇAISE NE PEUT PLUS PORTER D'ESCLAVES » Nous avons bien choisi le moment: à Fort-de-France en ce 22 mai 1982, dans le parc Floral, c'est la fête. L'équipe de la télé, venue des cieux gris de Lille et dirigée par le réalisateur Sam Itzkovitch (1), est éblouie par le soleil et aussi par la foule qui envahit, de plus en plus, l'aire centrale, mangeant des cacahuètes, léchant une glace au coco, faisant vibrer le corps au rythme endiablé des orchestres jouant, sur le podium, la salsa ou le reggae traditionnels

Puissance 8, la Selecta International, Magma, Charlie Palmieri

défilent, acclamés. La population célèbre à la fois la fête du Parti populaire martiniquais, le PPM fondé par M. Aimé Césaire et l'abolition de l'esclavage à la Martinique, le 22 mai 1848. Le balisier, cette longue fleur tropicale à la tige épaisse et raide, symbole du PPM, est partout présent dans les stands politiques. Les Martiniquais ont choisi, en ce jour, de rendre hommage à leurs courageux ancêtres qui ont décidé de conquérir leur liberté. Un discours du secrétaire général du PPM, M. Camille Darsières, rappelle les faits historiques et souligne que l'arrivée de la gauche au pouvoir permet d'instituer, pour la première fois, un jour férié pour commémorer l'émancipation des Noirs. En Guadeloupe, c'est le 28 mai qui est retenu comme date de l'abolition de l'esclavage (le 28 mai 1848). Ce même jour marque aussi le sacrifice des Noirs comme Delgrèsqui, en 1802, ont choisi de mourir en luttant contre les troupes de Napoléon venues rétablir l'esclavage. A Pointe-à-Pitre, le 28 mai, jour de liesse populaire, nous assistons à un vibrant hommage rendu à Delgrès et à tous ceux qui ont lutté en 1802 et en 1848, par le Dr Bangou, maire communiste de la ville, très attaché à ces souvenirs historiques. La population connaît la signification de ces journées, même si la célébration semble être l'apanage des partis de gauche et des mouvements indépendantistes, les uns et les autres, selon des optiques différentes. Nous sommes allés, à Case-Pilote, à Schoelcher, au Prêcheur, à Saint-Pierre, en ce 22 mai, à la Martinique, pour tourner des places désertes car les municipalités n'avaient rien organisé. Le Prêcheur et St-Pierre, pourtant lieux symboliques où se sont déroulés les événements du 22 mai. Pour le Mouvement indépendantiste martiniquais, (MIN), le 22 mai est le symbole même de la lutte à mener. Il s'agit maintenant de faire un deuxième 22 mai pour se délivrer du joug colonial français, me dira le maire de Rivière-Pilote. Les querelles des tendances Il Y a diverses tendances : les partisans, comme on dit là-bas, du 27 avril et ceux du 22 mai. Pour certains, souligner l'importance du 27 avril 1848, c'est mettre l'accent sur l'oeuvre de Victor Schoelcher. Comme le résume un philosophe rencontré lors du tournage, M. R. Suvelor : «C'est là une fausse querelle, les mouvements indépendantistes rejettent le 27 avril et Victor Schoelcher parce qu'ils représentent la France dominatrice ». Le PPM concilie l'hommage à Victor Schoelcher et celui rendu aux hommes qui ont rompu les chaînes de l'esclavage. Et les Martiniquais? A côté des partisans d'une tendance définie, il y a ceux qui, tiraillés entre ces différentes optiques et les forces conservatrices, semblent vouloir oublier ce passé douloureux. Surtout ceux qui sont toujours aussi influents dans l'économie. Si les champs de canne sont moins lucratifs, ils sont toujours dans les mains des békés, les descendants de colons, ces grandes familles qui se marient entre elles, exploitent de vastes domaines, vivent dans de grandes maisons coloniales. DES DATES 1784 - Création de la Société des amis des Noirs. Condorcet, Brissot, l'abbé Grégoire, notamment, s'opposent à ceux qui pratiquent le commerce du bois d'ébène et à la situation faite aux Noirs. 1791 - 13 mai - La Constituante décrète que le corps législatif ne peut délibérer sans l'approbation des assemblées coloniales tenues par les propriétaires d'esclaves. 1791 - 28 mars - L'Assemblée législative « reconnaît et déclare que les hommes de couleur et nègres libres doivent jouir ainsi que les colons blancs de l'égalité des droits politiques ». 1794 - 4 février (16 pluviose an Il) - La Convention décide: « L'esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli. En conséquence, la Convention nationale décrète que tous les hommes sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ». 1801- 20 mai (30 floréal an X) - Le Consulat rétablit l'esclavage et la traite. 1815 - La traite des Noirs est abolie. 38 1844 - 22 janvier - Une pétition des ouvriers de Paris couverte de 1505 signatures, demande à la Chambre des députés d'abolir l'esclavage « pour obéir au grand principe de la fraternité humaine». 1848 - 4 mars - Le gouvernement crée la Commission Schoelcher. Le décret qui l'institue dit que « nulle terre française ne peut plus porter d'esclaves ». 1848 - 27 avril - Décret sur l'abolition de l'esclavage: «Le Gouvernement provisoire, considérant que l'esclavage est un attentat contre la dignité humaine, qu'en détruisant le libre arbitre de l'homme il supprime le principe naturel du droit et du devoir, qu'il est une violation flagrante du dogme républicain « liberté, égalité, fraternité », considérant que si des mesures effectives ne suivent pas de très près la proclamation déjà faite du principe de l'abolition, il en pourrait résulter dans les colonies les plus déplorables désordres, décrète: « Article 1 : L'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises deux mois après la promulgatiàn du présent décret dans chacune d'elles ». Toutes les communes ont une rue Schoelcher ou un buste de Schoelcher. Et si peu de gens connaissent les faits historiques avec précision, beaucoup lui rendent hommage. Des enfants me confient, émus : « S'il n'était pas là, je ne pourrai pas jouer... être là ». Un habitant de Schoelcher : « Je suis fier d'habiter la commune qui porte le nom de ce grand homme ». Yaya, une ancienne porteuse de charbon qui suit des cours de théâtre, me dit que,Schoelcher est pour elle « un homme de coeur » et elle enchaîne en chantonnant d'une voix langoureuse, l'air de La montagne est verte en hommage à Victor Schoelcher. L'émancipation des Noirs se pose avec de plus en plus d'acuité à l'époque de la monarchie de Juillet, en 1830. Les esclaves constituent alors les neuf dixièmes de la population totale des colonies. Le courant anti-esclavagiste qui se développe regroupe des tendances diverses. Les abolitionnistes modérés, comme TocquevilIe, veulent une émancipation progressive. C'est l'orientation du gouvernement qui, en 1840, confie à une commission, dite de Broglie, le soin d'étudier ce problème et ses travaux aboutissent à une émancipation différée. Un courant plus radical est représenté par Victor Schoelcher qui a découvert l'atrocité de la condition des Noirs, au Mexique en 1828, puis aux Antilles en 1829. Victor Schoelcher, franc-maçon et humaniste, se consacra, toute sa vie, à l'abolition de l'esclavage. Il fut aussi un précurseur pour Victor Schoelcher, franc-maçon et humaniste. l'abolition de la peine de mort. En 1842, il publia un ouvrage Des colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage. . La Ile République naît, aux termes des Journées de février 1848 avec la formation d'un Gouvernement provisoire comprenant Ara: go, secrétaire d'Etat à la marine et aux colonies, Lamartine, LedruRollin, Garnier-Pagès, Louis Blanc, Marie, Marrast ... Arago charge Victor Schoelcher de présider une commission qui préparera

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r- '" 39 LE DÉBAT A U PARLEMENT A u printemps dernier, le gouvernement demandait au Parlement d'adopter un projet de loi comportant des dates commémoratives de l'abolition de l'esclavage. En France, le jour proposé est le 27 avril, date du décret de 1848. Ce serait une journée nationale. Dans les départements et territoires d'outre-mer où cette commémoration serait marquée par une journée fériée, chômée et payée, les conseils généraux ont retenu des dates différentes en raison de leur histoire, et que le gouvernement a fait siennes: Martinique: 22 mai - Guadeloupe: 28 mai - Réunion: 20 décembre - Guyane: 10 juin - Mayotte: 27 avril. L'Assemblée nationale a approuvé le projet gouvernemental. Pas le Sénat. Dans ses séances de début juin, il a retenu la date du 16 pluviose an II (4 février 1794) comme journée nationale dans tout le territoire et supprimé la journée fériée. Les références à Schoelcher et à la lutte des peuples- de couleur au rétablissement de l'esclavage en 1802, ainsi disparaitraient. Le débat reviendra donc devant l'Assemblée nationale lors de sa session d'automne. les textes relatifs à l'abolition de l'esclavage. Cette commission tient trente séances entre mars et mi-avril et rédige quinze décrets dont le principal concerne l'émancipation des Noirs. L'un d'eux prévoyait déjà la célébration dans les colonies intéressées de l'anniversaire du jour de l'émancipation. La nouvelle de la Révolution de février 1848 est parvenue à la Martinique à la fin du mois de mars. Elle provoque une vive agitation, de l'espoir chez les esclaves, de l'inquiétude chez les colons, qui ont tendance à quitter leurs habitations pour se réfugier dans les villes. Les esclaves, souvent libres de fait puisque les maîtres ont fui, guettent à chaque arrivée de bateaux, le représentant du Gouvernement provisoire, porteur de l'acte d'émancipation. Leur impatience est grande. Des heurts plus ou moins violents éclatent entre les esclaves et les forces militaires locales. Le tambour interdit Le 22 mai 1848, à Saint-Pierre, un maître, Duchamp, prétend interdire l'usage du tambour. Or, le tambour, la danse, étaient les seuls divertissements des esclaves. Ils protestent. L'un d'entre eux, Romain, plus vigoureusement, et son propriétaire demande au maire de Saint-Pierre de le faire arrêter. Des milliers d'esclaves, alertés, déferlent autour de la prison. Pour éviter le pire, le maire-adjoint, un mulâtre, Pory-Papy, décide de libérer Romain. Le calme revient. Mais les esclaves qui retournent vers les habitations se heurtent à des barrages de gendarmerie mis en place par le maire, et ils comptent leurs morts. La foule se précipite alors vers une maison où l'on dit que les Blancs sont rassemblés et armés. Un coup de feu part de cette maison. Les esclaves y mettent le feu, l'incendie s'étend. On dénombre une trentaine de morts. Le gouverneur Rostoland, alerté, arrive le 22 mai. Sous la pression du conseil municipal il décide de proclamer l'abolition sans attendre l'arrivée de l'émissaire du Gouvernement provisoire. Ce sera fait le 'lendemain, dans l'hôtel de l'intendance assiégé. Une conséquence de cet événement sera l'abolition de l'esclavage à la Guadeloupe, par le gouverneur Layole, à Basse-Terre, le 28 mai 1848. Comme le souligne M. Aimé Césaire : « Il reste de l'oeuvre de la Révolution de 1848, la suppression de cette institution qu'une barbarie civilisée avait, pendant deux siècles, maintenue sur le continent américain: l'esclavage des Noirs. C'est la gloire du Gouvernement provisoire de n'avoir pas supporté que ce crime contre l'homme, toléré et encouragé par la monarchie déshonorât plus longtemps la civilisation ». Dominique KRIWKOSKI (1) Dans la série Mémoires de France produite par l'historien Pascal Ory, FR3 présentera (mardi 14 septembre à 22 h.) « L'abolition de l'esclavage aux Antilles en 1848 ), un film de Sam Itzkovitch, d'après un scénario de Dominique Kriwkoski, avec la participation des historiens E. Delépine, J . AdélaïdeMerlande, René Ackéen, L. Chauleau, du Dr Bangou, maire de Pointe-à-Pitre, de R. Sulevor, philosophe, et de V. Placoly, romancier. Ce film sera suivi d'un débat entre Pascal Ory et l'invité d'honneur, l'écrivain Aimé Césaire, député-maire de Fort-de-France. !~ Culture Pour instruire, donner à réfléchir sur le monde et sa diversité, pour connaître les autres et les chances de l'amitié, l'édition, malgré ses faiblesses, reste un des moyens privilégiés. On n'arrête pas de louer les progrès accomplis dans le domaine du livre pour enfants et, en effet, on ne peut que constater la floraison d'albums d'excellente qualité graphique et de collections de livres comprenant souvent des créations qui peuvent mériter l'étiquette de littérature. Mais si ces livres reflètent de plus en plus l'imaginaire ou la vie réelle des enfants d'aùjourd'hui, nous n'avons pas encore noté, en dehors de quelques exemples, l'émergence d'une littérature qui parle de la différence et du racisme, qui instruise les enfants, sur ces sujets, à travers une lecture divertissante ou même simplement aisée. Il n'y a pas en France, pour un public d'enfants, un Alex Haley (Racines) ou un Richard Wright, un James Baldwin, un Eldridge Cie aver, ces auteurs qui ont pris leur plume seulement un siècle après la guerre civile aux EtatsUnis. Nous pouvons observer le même phénomène pour les écrivains femmes parlant de leurs revendications et de leur vie quotidienne en romans poétiques et profonds. L'une est noire ... Les ethnies ont mis du temps à sortir des placards. Il a fallu attendre 1935 pour lire le récit d'un petit garçon juif dans un ghetto de New York (Cali it Sleep, de Henry Roth) avant l'explosion de l'Ecole juive américaine. On peut donc espérer. .. L'immigré de la troisième génération se racontera ... Un écrivain peut prendre le rôle de porte-parole pour les immigrés, mais peut-il véritablement se mettre dans leur peau et produire ce qui serait la vraie voix d'une expérience vécue? Michel Grimaud a tenté le coup dans un livre qui a reçu le prestigieux Prix Jean Macé, Le Paradis des Autres (Chemins de l'amitié, Editions de l'Amitié). Nous pouvons apprécier la démarche et des intentions de ce roman qui raconte l'arrivée et le séjour en France d'un enfant d'Algérie avec son père ouvrier jardinier. Michel Grimaud met le paquet. Tous les Français sont méchants, mauvais et épouvantables. Tous les Arabes sont dociles, persécutés et naïfs. Le livre apporte un choc sain et voulu. Les enfants seront scandalisés et furieux. Mais est-ce qu'ils sont aussi simplistes et dupes? Entre le Noir et le Blanc, il ya un mur infranchissable qui s'appelle l'apartheid en Afrique du Sud. Dans un livre L'une est noire, l'autre blanche, (La Farandole) presque tout en dialogues vivants et entraînants, Toeckey Jones raconte l'amitié accidentelle entre Candy, la Blanche, avec tout ce que sa vie comporte d'aise et de confort, de sécurité, et Becky, la Noire, pauvre, à la limite de la faim et de plus en plus amère. C'est encore la bonne vieille formule qui consiste à montrer les différences et les rap- ET TOI, TU US QUOI ? • prochements possibles par le truchement d'une amitié individuelle, mais c'est mené ici avec beaucoup de naturel et le lecteur sort du livre alerté sur cette situation inhumaine. Toujours sur l'Afrique du Sud, terrain privilégié pour les portraits de racisme, nous avons un album destiné aux enfants plus jeunes. Les Chaussures de Siméon, d'Anne Jogand, illustré magnifiquement par MariePascale Collange, raconte l'histoire d'un petit garçon. Dans un poème en prose, imagé, le sort inévitable des Blancs est dicté comme une prophétie. Son succès commercial signifie, peut-être, que les parents acheteurs cherchent des livres qui contribuent à l'éveil de leurs enfants. Autre parabole pour monter aux enfants le ridicule du racisme: La Tisane arc-en-ciel de Pierre Gamarra (Editions La Farandole), illustrations intermédiaires entre la bande dessinée et l'album de Gerhard Lahr. L'auteur nous livre avec humour le personnage du bourgmestre Martin qui n'accepte personne dans sa ville s'il ne lui ressemble pas. Des habitants lui font alors boire une tisane particulière qui le transforme en un arc-en-ciel vivant. A travers cette épreuve il trouve la raison. Si on peut reprocher à ce conte d'être un peu didactique et d'arriver avec des gros sabots, il est néanmoins très amusant et il touche bien son but. Dans un album plein de dessins doux de Silvia Maddonni, Bertrand Solet offre un 40 récit anecdotique de la dure réalité tsigane. Daniel a disparu (La Farandole) raconte la disparition d'un petit garçon et l'accusation injuste que subit la communauté tsigane alors que c'est elle qui le retrouve. Pour donner à la lecture le double emploi d'une connaissance et d'une compréhension des problèmes liés au racisme et à l'amitié entre les peuples, certains éditeurs ont publié des livres documentaires qui expliquent, patiemment et passionnément, l'histoire des groupes ethniques et religieux attaqués et ses répercussions. Ainsi dans Tsiganes, Gitans, Manouches (La Farandole), Bertrand Solet met en scène ce peuple persécuté en offrant un panorama de leur histoire, de leur vie quotidienne, de leur culture, de leurs différences, de leurs problèmes, de leurs contes et légendes. L'enfant (et l'adulte) qui le lit (et celui-ci est très lisible) voit le monde un peu autrement. Il ne partagera peut-être plus l'hostilité envers les Tsiganes. Quel meilleur cadeau peut-on faire aux enfants (et adultes !) que L'Homme de toutes les couleurs (Le racisme, pourquoi?) de Pierre Paraf (La Farandole). Véritable encyclopédie des races et du racisme, ce livre en explique les points chauds, Les photos, les illustrations et les poèmes font de cette oeuvre un musée de la fraternité entre les hommes. Il était plusieurs « foi» (Ramsay) donne le portrait religieux de quatre enfants, un juif, un catholique, un protestant, un musulman présentés dans la lumière de leur histoire et de leur vie quotidienne. Information sérieuse concernant les religions, ce livre ne peut manquer de susciter l'intérêt des enfants en quête de réponses. L'injustice racontée aux enfants, de Denis Langlois (Les Editions Ouvrières) est efficace dans sa simplicité. Ce livre présente un défilé des inégalités dans la société en parlant des travailleurs, des étrangers, des personnes âgées, des handicapés, du logement, des guerres. Grand livre de petit format à petit prix, il se lit comme un roman. On peut citer quelques romans et journaux fondamentaux pour forger la mémoire des enfants sur la Deuxième Guerre mondiale. Le Journal d'Anne Frank baigne dans des eaux tellement tragiques qu'on oublie à quel point ce livre est merveilleux et extraordinaire. · Que ceux qui ont peur de le laisser devant les yeux de leurs enfants n'hésitent plus. Ce livre est au centre de la mémoire humaine. (Collection 1000 soleils, Gallimard). Du soleil sur la joue Autres titres sur cette période douloureuse: Mon Ami Frédéric, de Hans Peter Richter, (Le livre de poche-jeunesse), Un Sac de Billes, de Joseph Joffo, (J.c. Lattès), Trois Pays pour la petite Anna, de Judith Kerr, (Editions G.P.), Du Soleil sur la Joue, de Marilynn Sachs, (Père Castor Poche), Mon enfance en Allemagne nazie, de lise Koehn, (ta bibliothèque de l'école des loisirs), Hier à Berlin, de Hans Georg Noack, (Les Chemins de l'amitié, Editions de l'amitié). Plus contemporain, Rue des Gamins incomparables, de Philippe Neveu (Magnard), est un livre philosophique à la portée des jeunes enfants. Si nous avions voulu donner un grand prix d'efficacité de l'anti-racisme et de l'amitié entre les peuples, nous aurions suggéré deux titres et un phénomène unique en France, peut-être au monde: la Bibliothèque de Travail (BT) publié par le C.E.L. (Centre d'éducation laïque, BP 282 - 06403 Cannes). Avec la publication mensuelle d'une brochure, sur des thèmes très divers nés dans les Le plus beau jour de votre vie au Countr~ Club de Irande Aomaine dans un parc de 30 ha avec piscine chauffée, tennis, etc. à 25 minutes de Paris par autoroute A 4. Ouvert toute l'année Tél. 002.26.0 1/2 1.24/2 I.2H - 77330 Lési?llv La chambre des mariés est offerte par l'établissement Spécialiste du l'Inch dînatoire chaud et froid à discrétion 2 salles autonomes s'ouvrant sur le parc et la piscine. Sono, disc-jockey inclus dans nos forfaits. Hôtel'" NN, 90ch. ·Parking gratuit. -- P,r 1 .uloroule "'4 {20 kml ,ortl' V'I MautMIM N.ncy ~r AN 4 el direction Br!e·Coml .. : Ro~" A' km. louro.r. g.ue" ..... 1. Les!gny el SU!,..,. no. Iitche.IUlqU·'U p.rtt!ng 41 classes selon les intérêts des enfants et adolescents, les BT apportent une documentation extrêmement accessible et complète. Il y a trois niveaux: les BTj pour les 6 à 10 ans, les BT pour les 10 à 14 ans et les BT2 pour les lycéens. Si les parents voulaient donner à leurs enfants des éléments de réflexion, ils les abonneraient aux BT et feraient entrer dans leur maison chaque mois ces reportages toujours intéressants. Les « BT ~~ fêtent leur 50" anniversaire et les numéros réunis formeront une encyclopédie étonnante. Dans une catégorie de romans, nous retenons L'Assasin d'Ashll'mine de Felice Holman (traduit de l'anglàis, Duculot). Il s'agit du problème millénai.re de la haine entre juifs et Polonais, transposé dans une petite ville de mineurs de Pennsylvanie aux Etats-Unis et YU à travers les enfants d'Ashlymine. Le portrait du héros est aussi bien un portrait de l'enfant universel qui marche comme un canard pour se sentir unique au monde. Le prix pour un grand album irait à Peter Spier pour Quatre milliards de visa/?es, (L'école des loisirs), la sagesse dans la simplicité du texte, la sagesse dans la complexité des dessins au service de la compréhension des peuples, de la vie, des langues, des religions, des cultures, etc. Grandiose projet, entièrement réussi! « C'est très étran/?e: certains vont jusqu'à en haii' d'autres parce qu'ils ne leur ressemhlent pas. Paf'ce qu'ils sont di/N· rents. Ils ouhlient qu'eux aussi paraissel11 dif~ férents aux yeux d'autrui». ,Suzie MORGENSTERN LE M'ZAB, UNE·LEÇON D'ARCIDTECTURE L orsqu'au XI siècle, les Ibadites, Kha. redjites, c'est-à-dire sortant de l'orthodoxie musulmane sunnite, s'installèrent dans ce qui allait devenir le M'Zab au Sahara, dans' l'actuelle Algérie, ils rêvaient certainement de fonder une communauté qui se perpétue à travers les siècles. Et ils ont eu raison, puisque leurs descendants d'un type physique encore très proche des Arabes du golfe persique, grâce à une rigoureuse endogamie multiséculaire, avec leur petite calotte ronde sur la tête comme leurs cousi·ns de Moscate, sont encore là pour en témoigner. Ce qu'ils ignoraient probablement, c'est que leur pentapole, les cinq villes qu' ils ont fondées au M'Zab, dont les plus connues sont Ghardaïa et Beni Isguen, allaient donner une leçon d'architecture et d'urbanisme au monde entier et être visitées, comme une Mecque de l'art de construire, par des architectes venus de l'Inde aux Etats-Unis, d'Egypte à la France. André Ravéreau peut pader (1) de la leçon d'humanisme que les architectes mozabites, anonymes pour la plupart, ont apporté au monde en un mitlénaire de création. Pour Hassan Fathy, l'architecte égyptien. pionnier d'une architecture qui réhabilite les techniques et les matériaux du Tiers monde (2), « la heauté d'une fàrme ,'ient des fàrces l'On ciliées pour la !,,;,duire. Au M 'Z~h, les fàrmes ('oncilient toutes lesfàr('es : sociales et te('hniques ». Quelle philosophie de la vie en commun nous apprend le M'Zab? Il n'y a pas de recettes inscrites et théorisées dans des registres; c'est « une chaîne humaine », dit Hassan Fathy, qui l'a transmise jusqu'à nos jours, exprimant dans l'architecture et l'urbanisme la continuité d'une identité différente dans le contexte maghrébin, et cela depuis .un millénaire, créant une musique de terre, de chaux, d'arcs et d'arcades, en harmonie avec l'environnement naturel: désert, soleil, insularité, musique néedetoutes pièces, à partir de la nécessité et de moyens limités. André Ravéreau voit donc dans les choix des Mozabites des « critères moraux ~~ qui « ellacent l'artifice ~~ pour ne garder que ·;( la construction prestigieuse sans intention de prestige ~~, beaucoup plus que des choix esthétiques formels préétablis. Ainsi cette ar('hitecture d'environnement s'avère-t-elle égalitaire et démocratique, sans volonté d'affirmer avec ostentation le statut social et la richesse, chez ces Mozabites pourtant souvent prospères. Dans le ciel des cinq villes. seuls dominent les minarets entourés de maisons dont aucune ne domine l'autre. Cinq îles battues P!;lJ' les vents du désert ou écrasées par les deux du soleil. Tout autour. comme la frange des lagons. la mer verte des palmeraies immenses, où les citadins ont leur maison de campagne, hâvres de fraîcheur, et leurs champs sous les palmiers, irrigués parun système hydraulique perfectionné. Et cela fonctionne depuis des siècles! L'intérieur d'une maison Le M'Zab est certainement encore un des derniers « coins» préservés du monde. non qu'il soit fermé, au contraire, mais dont les habitants ont la volonté d'y perpétuer un art de vivre. Yves THORA V AL (1) Le M'Zab, Une leçon d'architecture, par André Ravéreau, ancien architecte des Monuments historiques d'Algérie (1965-1971). Prix 1980 de la Fondation Aga Khan pour le centre médico-social de Mopti (Mali). Préface d'Hassan Fathy. 177 photos de Manuelle Roche. Ed . Sindbad. 210 F. (2) Construire avec le peuple, d'Hassan Fathy. est également publié chez Sindbad. Voir encore l'ouvrage édité par le Centre Georges-Pompidou. Des Architectes de terre, à l'occasion de l'exposition du même nom. Lu... Le délire négateur faurissonien (suite) Après la publication de la Réflexion de Pierre-André Taguieff (1), de nombreux lecteurs nous ont demandé de leur livrer des références bibliographiques sur le sujet. Voici donc un choix non exhaustif. 1. Historiographie sommaire en langue française: - Arendt (Hannah) : « Eichmann à Jérusalem - Rapport sur la banalitédu mal ~~ ( 1963), trad. fr. A. Guérin, Paris, Gallimard, 1966. - Ben Elissar (Eliahu) : « La diplomatie du 1Iie Reich et les juifs, 1933-1939», Paris,Julliard. 1969. - Dawidowicz (Lucy S.) : (c La Guerre contre les juifs 1933-1945 ~~ (1975), tr. fr. G. Garnet, Paris, Hachette, 1977. - Friedlander (Saul): (c L'Antisémitisme nazi - Histoire d'une psychose collective ~~, Paris, Le Seuil, 1971. - « L'extermination des Juifs d'Europe: pour une étude historique globale», Revue des Etudes juives, jan- (1) Différences, N° 12/13, 1982. vier-septe.mbre 1976, pp. 113-144. - Kogon (Eugen): « L'Enfer organisé ~~ (1947), rééd ., Paris, Le Seuil, 1970 «( L'Etat S.S. ~~). - Laqueur (Walter) : « Le terrifiant secret -la « solution finale ~~ et l'information étouffée ~~ (1980), tr. fr. A. Roubichou-Stretz, Paris, Gallimard, 1981. - Poliakov (Léon): « Le Bréviaire de la haine. Le 1Iie Reich et les juifs ~~. (1951), éd. revue, Paris, Calmann-Lévy, 1979. - « Auschwitz ~~, Paris, Coll. « Archives », Julliard, 1964. - Pollak (Michael) : « Des mots qui tuent », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n"41, février 1982, Paris, Ed. de Minuit, pp. 29-45. - Pozner (Vladimir) : « Descente aux enfers. Récits de déportés et de S.S. d'Auschwitz », Paris, Julliard, 1980. - Ternon (Yves) et Helman (Socrate) : « Le massacre des aliénés - Des théoriciens nazis aux praticiens S.S.», Paris, Casterman, 1971 . 42 - Vidal-Naquet (Pierre) : « Un Eichmann de papier», Esprit, septembre 1980, pp. 8-56, repris in « Les Juifs, la mémoire et le présent », Paris, Maspéro, 1981, pp. 197-272. - Wellers (Georges) : « Les chambres à gaz ont existé. Des documents, des témoignages, des chiffres», Paris, Gallimard, coll. « Témoins ~~, 1981. - Wormser-Migot (Olga): « Le système concentrationnaire nazi, 1933-1945», Paris, P.U.F., 1968. 2. Ouvrages pédagogiques récents - Reshef (Ou riel) : « Le défi pédagogique de l'enseignement de l'Holocauste ~~, Centre pédagogique juif de documentation et de diffusion (19, bd Poissonnière, 75002 Paris), 1980. - « Génocide juif et enseignement », Les Cahiers de la FEN, supplément à « l'Enseignement public ~~, janvier 1982. (48, rue La Bruyère, 75440 Paris Cedex 09). - « Six millions... Enseigner l'indicible ~~, Alliance Israélite Universelle, février 1982 (45, rue La Bruyère, 75009 Paris). Lu Vu Entendu 10 janvier 2012 à 15:38 (UTC)10 janvier 2012 à 15:38 (UTC)~ DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 LIVRES Histoire des A rméniens, collectif, éd. Privat, Toulouse, 1982, 702 pages, 200 F, cartes, photos, index, biblio. • Les Arméniens, que sait-on vraiment d'eux? On sait qu'il y a environ 300 000 Français d'origine arménienne, qu'ils peuplent une république d'Arménie en URSS, qu'ils sont nombreux au Liban, aux Etats-Unis, qu'ils forment une diaspora industrieuse souvent prospère. On sait également, car ils l'ont fait savoir avec violence au monde amnésique que plus d'un million d'entre eux ont été massacrés par les Turcs avant et après la Première Guerre mondiale, dans ce qui inaugurait la série sinistre des génocides modernes. planifiés. Sait-on que c'est l'un des peuples les plus anciens, les plus civilisés, les plus tenacement accrochés à leur terre, depuis la plus haute antiquité? Sait-on que, chrétiens, ils ont maintenu leur identité nationale grâce à une Eglise complètement indépendante, dont le Catholicos, le pape, réside près de Erevan, en Arménie soviétique? En fait, du VIe siècle aux grands massacres de 1915, les Arméniens n'ont pas cessé de lutter, mais sur leur propre territoire, et n'ont connu que de brèves oasis de calme, lorsqu'ils ont pu exercer leurs droits politiques et les imposer dans un Etat à eux, créant des dynasties, des capitales, des monastères dont des milliers subsistent aujourd'hui. Cet ouvrage collectif, un peu austère, dit tout,. ou presque, sur le peuple arménien. Y.T: Chipko, de Guy Barthélémy, éd. L'Harmattan • Les problèmes écologiques qui tiennent maintenant tant de place dans notre vie, ne viennent pas secouer que l'Occident: Guy Barthélémy, chargé de mission de développement rural, nous décrit le saccage des forêts dans les montagnes de l'Himalaya par les industriels des plaines. L'existence des villages menacés amena les paysans à mener un combat opiniâtre: au cri de Chipko se répercutant de vallée en vallée, ils s'unirent pour défendre leurs arbres. Devant cette tenacité, le gouvernement, en 1979, leur donna gain de cause. Mais ils doivent rester vigilants. A.L. Max et Hélène, par Simon Wisenthal, traduit de l'allemand par Hélène Scoster, éd. Laffont/ Seghers. U ne histoire vraie, le récit d'un grand amour brisé deux fois en vingt ans. L'auteur, spécialisé dans la poursuite des criminels de guerre nazis, qui dirige toujours le Centre de documentation de Vienne, a rencontré, au cours de ses recherches, une aJJàire assez particulière. Identité antillaise, par Julie Lirùs, éd. Caribéennes. Qui suis-je? En quoi suis-je différent de l'autre? L'auteur, antillaise, psychologue praticienne, essaie d'amener ses compatriotes à répondre en s'impliquant ellemême dans une démarche participante d'enquête menée sur le terrain. Un débat qui n'est pas clos. Tsiganes, gitans, manouches ?par Bertrand Solet, éd. La'Farandole. Cette collection destinée aux jeunes de 12/13 ans présente un livre qui leur fera connaître et aimer les « gens du voyage ». R.P. Peaux Rouges: une marche pour la liberté par William Camus, éd. La Farandole. William Camus raconte avec simplicité et talent aux enfants ce qui est advenu, à partir de 1877, à une tribu indienne qui refuse de se laisser parquer dans une réserve. Poèmes de demain par Paul Dakeyo. Silex éd. Anthologie de la poésie Camerounaise d'expression française étudiée selon cinq grands registres: parole et sagesse, amour et bonheur, nature et société, tradition et progrès, colonialisme et impérialismefindépendance et liberté. Ces thèmes sont évoqués par un grand nombre de poètes, allant des précurseurs jusqu'aux auteurs les plus récents. Ceux-ci s'éloignent de la littérature conventionnelle de leurs aînés et affirment leur identité face à l'Occident. Intéressante vision du renouveau des études littéraires africaines (même si certains poèmes nous semblent un peu écrasés sous des clichés, donnant un sentiment de « déjà lu »). Les jeunes chantent leurs cultures, de Jean-Charles Lagrée, éd. l'Harmattan. • Originale explication de l'attrait manifesté par les jeunes, depuis 1955 environ, pour la musique. L'auteur souligne les relations chronologiques existant entre les mouvements de contestation de la jeunesse et les différentes formes musicales. Il distingue trois époques: les blousons noirs et le rock, les beatniks et le folk, les hippies et la pop music. Pour lui, ces musiques sont significatives des réalités différentielles de la jeunesse, les écouter jouer de leurs instruments, c'est comprendre ce qu'ils désirent nous dire. L'auteur, sociologue, attaché de recherche au CNRS, s'est spécialisé dans l'étude des processus de marginalisation juvénile. A.L. L'un meurt, l'autre aussi, par Rachel Mizrahi, éd. Hachette. Ce gros roman est avant tout une parabole de ce que Amos Oz appelait les aspects « Diurnes et nocturnes » de l'âme israélienne. En effet, à l'appétit hédoniste de vivre et de jouir de la nature de beaucoup d'Israéliens, se mêle toujours le souvenir lancinant du passé, que la confrontation avec le problème palestinien aiguise. Le tunnel, par Ernesto Sabato, éd. Seuil. Le tunnel, c'est celui de la passion · amoureuse dont l'objet se dérobe sans cesse, jusqu'à devenir ce que la presse qualifie un drame de /a jalousie, lorsque Juan Pablo Bastel assassine ~a maîtresse. Du fond de sa prison\de Buenos-Aires, le meurtrier confesse son crime et la déraison de sa passion. Par l'un des principaux romanciers latinoaméricain d'aujourd'hui, qui vit en Argentine. Les enfants de Poto-Poto, de Michel Croce-Spinelli, éd. L'Harmattan. • L'auteur, ayant abandonné le journalisme, alla vivre en Afrique et magnétophone en main, enregistra les voix noires, au Dahomey, au Gabon, au Cameroun et aussi l'environnement de ces voix, musique, bruits de la forêt. De cet essai sortit une grande épopée de l'Afrique, la découverte d'un monde jusque-là étranger. Admirable, Les enfants de PotoPOlO, comme les oeuvres de l'Américain Oscar Lewis, montrent que si elle n'avait pas été galvaudée ces dernières années, la littérature faisant appel au magnétophone donne une approche de la vérité, inconnue jusqu'alors. Il faut féliciter les Editions de l'Harmattan d'avoir pris le risque de rééditer, quinze ans après sa parution, un livre qui est le roman vrai de l'Afrique. A.L. Cartes de séjour: le premier disque d'un groupe de rock arabe venu de Lyon. 1 43 CINEMA • La nuit de San-Lorenzo, de P. et V. Taviani - (Italie 1982 - prix spécial du jury du Festival de Cannes 1982) - Un village entier vit les derniers soubresauts du fascisme et part au devant des libérateurs américains. Un intéressant travail. • L'Ombre de la Terre, de Taïeb Louichi (Franco-tunisien, !982) - La confrontation de deux mondes: celui des nomades vivant encore hors du temps et celui de la société moderne dévoreuse d'hommes. Un grand film du Tiers-monde très remarqué à Cannes cette année. • Jaguar, de Lino Brocka (Philippines, 1980) - Après Manille, sorti à Paris en juin dernier, un autre grand film du maître actuel du cinéma philippin. Un portrait féroce d'une société coincée entre la colonisation espagnole et la civilisation du Coca-Cola. Un cinéma à découvrir. DISQt 'ES Cartes de séjour - Maxi 45 tr - Clouseau musique - Mosquito. • Après bien des péripéties, ce groupe de rock arabe lyonnais sort un disque de quatre titres qui expriment ses préoccupations, le fait quotidien, la vie. Clouseau musique, dans un communiqué de presse, constate que plusieurs disquaires ont refusé le disque de Carte de séjour et qu'une radio lyonnaise aurait été menacée d'attentat à l'explosif si elle poursuivait la programmation de ce groupe d'agités basanés. Notes réalisées par Annie LA URAN, Yves THORA VAL, Robert PAC et Jean-Pierre GARCIA. 10 janvier 2012 à 15:38 (UTC)§DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 DE L'ÉDUCATION DES JEUNES FIIJLES ... Rien n'est si mal Louise MICHEL Institutrice entendu 1 semblerait que les dernières décennies aient vu se développer une hypothèse nouvelle: la femme ne seraitelle pas, par hasard, l'égale de l'homme? Et dans le cas où cette hypothèse serait juste, ne faudrait-il pas en tirer toutes les conclusions nécessaires, et en particulier celle-ci: ne faudrait-il pas dispenser à nos jeunes filles la même éducation qu'à nos jeunes gens? Différences a demandé leur avis à quelques persomialités. (1) Honoré de BALZAC Ecrivain S'ensuit-il qu'el/es doivent être élevées dans l'ignorance de toutes choses et bornées aux seules fonctions de ménage? L'hommefera-t-il sa servante de sa compagne? Se priverat- il auprès d'elle du plus grand charme de la société? Pour mieux l'asservir, l'empêchera- t-il de rien sentir, de rien connaître? En fera-t-il un véritable automate? Non, sans doute; ainsi ne l'a pas dit la nature qui donne aux femmes un esprit si agréable et si délié; au contraire, elle veut qu'elles pensent, qu'elles jugent, qu'elles aiment, qu'elles connaissent, qu'elles cultivent leur esprit comme leur figure; ce sont les armes qu'elle leur donne pour suppléer à la force qui leur manque et pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement celles qu'il leur convient de savoir. Choderlos de LACLOS Ecrivain O Femmes! Approchez et venez m'entendre. Que votre curiosité, dirigée une fois sur des objets utiles, contemple les avantages que vous avait donnés la nature et que la société vous a ravis. Venez apprendre comment, nées compagnes de l'homme, vous êtes devenues son esclave; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parven. ues à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel; comment enfin, dégradées de plus en plus par une longue habitude de l'esclavage, vous en avez préféré les vices avilissants mais commodes aux vertus plus pénibles d'un être libre et respectable. ( . .) Ne vous laissez pas abuser par de trompeuses promesses, n'attendez point les secours des hommes auteurs de vos maux; ils n'ont ni la volonté ni la puissance de lesfinir et comment pourraient-ils youloir former des femmes devant lesquels ils seraient forcés de rougir? Apprenez qu'on ne sort de l'esclavage que par une grande révolution. Cette révolution est-elle possible? C'est à vous seules à le dire puisqu'elle dépend de votre courage. Mais tant que les hommes règleront votre sort je serai autorisé à dire, et il me serafacile de prouver, qu'il n'est aucun moyen de perfectionner /'éducation des femmes. 44 Jamais je n'ai compris qu'il y eût un sexe pour lequel on cherchât à atrophier l'intelligence comme s'il y en avait trop dans la race. Les filles, élevées dans la niaiserie, sont

- désarmées tout exprès pour être mieux

~ trompées: c'est cela qu'on veut. C'est ~ absolument comme si on vous jetait à o l'eau après vous avoir défendu d'appren~ dre à nager ou même lié les membres. o.j Sous prétexte de conserver l'innocence d'une jeune fille, on la laisse rêver, dans une ignorance profonde, à des choses qui ne lui feraient nulle impression si elles lui étaient connues par de simples questions de botanique ou d'histoire naturelle. Mille fois plus innocente elle serait alors, car elle passerait calme à travers mille choses qui la troublent: tout ce qui est une question de nature ou de science ne trouble pas les sens. Est-ce qu'un cadavre émeut ceux qui ont l'habitude de l'amphithéâtre? Que la nature apparaisse vivante ou morte, elle ne fait pas rougir. Le mystère est détruit, le cadavre est offert au scalpel. La nature et la science sont propres, les voiles qu'on leur jette ne le sont pas. Ces feuilles de vigne tombées des pampres du vieux Silène ne font que souligner ce qui passerait inaperçu. (d àprès nature) 8'" m

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~ Mme de LAMBERT Femme de lettres On a dans tous les temps négligé l'éducation des fil/es; l'on n'a d'attention que pour les hommes, et comme si les femmes étaient une espèce à part, on les abandonne à el/esmêmes sans secours, sans penser qu'elles composent la moitié du monde, qu'on est uni à elles nécessairement par les alliances; qu'elles font le bonheur ou le malheur des hommes, qui toujours sentent le besoin de les avoir raisonnables; que c'est par elles que les maisons s'élèvent ou se détruisent; que l'éducation des enfants leur est confiée dans la première jeunesse, temps où les impressions se font plus vives et plus profondes. Que veut-on qu'el/es leur inspirent puisque dès l'enfance on les abandonne ellesmêmes à des gouvernantes qui, étant prises ordinairement dans le peuple, leur inspirent des sentiments bas, qui réveillent toutes les passions timides et qui mettent la superstition à la place de la religion? Ilfal/ait bien plutôt penser à rendre héréditaires certaines vertus, en les faisant passer de la mère aux enfants, qu'à y conserver les biens par des substitutions. Rien n'est donc si mal entendu que l'éducation qu'on donne aux jeunes personnes; on les destine àplaire; on ne leur donne des leçons que pour les agréments, on fortifie leur amour propre; on les livre à la mol/esse, au monde et aux fausses opinions; on ne leur donne jamais de leçons de vertu ni de force; il y a une injustice ou plutôt une folie à croire qu'une pareille éducation ne tourne pas contre el/es. Jean-Jacques ROUSSEAU Philosophe I l n'importe ( ... ) pas seulement que la femme soit fidèle, mais qu'elle soitjugée telle par son mari, par ses proches, par tout le monde; il importe qu'elle soit modeste, attentive, réservée, et qu'elle porte aux yeux d'autrui, comme en sa propre conscience, le témoignage de sa vertu. Enfin s'il importe qu'un père aime ses enfants, il importe qu'il estime leur mère. Telles sont les raisons qui mettent l'apparence même au nombre des devoirs des femmes, et leur rendent l'honneur et la réputation non moins indispensables que la chasteté ( ... ) Soutenir vaguement que les deux sexes sont égaux, et que leurs devoirs sont les mêmes, c'est se perdre en déclarations vaines, c'est ne rien dire tant qu'on ne répondra pas à cela. N'est-ce pas une manière de raisonner bien solide, de donner des exceptions pour répondre à des lois générales aussi bien fondées? Les femmes, dites-vous, ne font pas toujours des enfants! Non, mais leur distinction propre est d'en faire. Choix de textes de Jean-Michel OLLE Mme de Lambert - Avis d'une mère à safille -1728. Honoré de Balzac - Contre l'instruction destinée aux femmes. Jean-Jacques Rousseau - Emile, /ivre 5 -1762. Choderlos de Laclos - Discours pour l'académie de Chalons-sur-Marne « Desfemmes et de leur éducation)) - 1783. (1) Exceptionnellement, le débat dece mois n'a pas lieu entre nos contemporains mais sans doute n'est-il pas totalement inactuel. 45

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'o".j ETABLISSEM ENTS illEX 70, rue du Molinel - LILLE Tél. : 54;86.21 BONNETERIE GROS ET DEMI-GROS gadgets - maroquinerie sacs exclusif pour chausseurs gros - 1/2 gros import - export mataia ~ bo'%. Maisons Recommandées • Ets V~NBEL 144, rue du Chemin- Vert 75011 PARIS • Ets Jean KOLPA 56, rue du Fg-Poissonnière 75010 PARIS • Ets SWIERCZ et Cie 132-138, rue de Paris 59000 LILLE • Union Lainière 20-21 rue des Capucins 69001 LYON • Fourrures Guy Arnaud 14, rue Gasparins 69002 LYON Spécial rentrée Différences chez vous pendant un an pour 100 F Courrier~~ La parole à Yilmaz GUNEY Le film Y 01, palme d'Or du dernier Festival de Cannes, sort le premier septembre sur les écrans parisiens. C'est dans une cellule que le scénario a été conçu, comme ceux de T roupeau et de Dusman (l'ennemi), deux autres films du même auteur. Des cinéastes amis leur ont donné vie. Evadé des prisons turques, recherché par lnterpool, sous le coup d'une demande d'extradition, le réalisateur se confie à Différences. « JE VEUX CONTINUER En ce qui me concerne depuis l'âge de dix·sept ans, je suis interdit de toute activité civique. Je ne sais pas quelles seront à long terme les réactions du gouver· nement militaire à mon égard. Ils ont dans l'immédiat deman· dé mon extradition au gouver· nement français. Depuis que j'ai quitté la Turquie j'ai été, dans le cadre d'une instruc· tion en cours, condamné à vingt ans de prison supplémentaires. Si j'ai été amené à quitter la Turquie, ce n'est pas pour une question de liberté person· nelle. Pour ma personne, cela n'a pas tell~ment d'impor· tance ; ce qui compte c'est d'avoir les conditions maté· rielles pour pouvoir continuer à parler des luttes de tous les peuples du monde car mon cinéma est un cinéma de lutte. Certains peu· vent dire : « Güney fait ses films en racontant son peuple, mais maintenant qu'il est cou· pé de ses racines il ne va plus rien avoir à dire». A ceux·là je répondrai ; il y a tant de peu· pies qui ressemblent au mien, il y a tant de pays qui ressem· blent au mien ... Et si c'était nécessaire, comme je suis par· ti de Turquie je pourrais y re· tourner pour y faire des films. De toutes façons, l'essentiel ce n'est pas tellement de cher· cher des sujets nouveaux, de faire du jamais vu, du jamais fait. On peut très bien faire des choses qui ont été travaillées des centaines de fois, et puis trouver une nouvelle perspec· tive, une nouvelle approche, une nouvelle façon de racon· ter les choses. L'essentiel, c'est d'amener une nouvelle dimension aux histoires déjà racontées. Parler des ouvriers turcs en Europe aujourd'hui, pour moi, n'a pas beaucoup de sens, dans la mesure où ce qui les détermine, ce n'est pas le fait qu'ils sont turcs, ils ont les mêmes problèmes que les tra· vailleurs yougoslaves, les émi· grés espagnols, italiens, que tout le monde. Si j'en parle, je parlerai plus généralement du problème de l'émigration, et peut·être que ce sera un Arabe, peut·être que ce sera un Turc, je n'en sais rien. L'influence du néo-réalisme italien Comme la plupart des artistes du Tiers·monde je n'ai jamais pu travailler véritablement dans la liberté. Ce qui ne signi· fie pas pour autant que les ar· tistes du monde « libre» puis· sent créer en toute liberté et sans difficultés. Mes films sont le signe d'une contestation. Fair~des films pour moi c'est l'unique condition de mon existence. Je considère que le cinéma néo·réaliste italien m'a beau· coup influencé. D'une ma· nière générale le cinéma occi- 46 A PARLER» dental nous a beaucoup marqués en Turquie. Mais comme la majorité des films que le monde occidental four· nit à mon pays - comme aux autres pays du Tiers· monde - sont des films de gangsters ou des westerns, cette influence n'a pas été aus· si forte qu'elle aurait pu l'être. Etant en prison ces huit der· nières années, je n'ai pas pu voir les films du Tiers-monde. Mais je peux dire que les ci· néastes et moi, nous sommes tissés du même fil et nous avons donc beaucoup de points communs. Prisonnier, je n'ai pas eu l'oc· casion d~ voir Midnight Express. Je n'ai pu voir, simplement, que des photos ou des articles· qui l'évoquaient dans la presse. A la suite de ce qu'on m'en a dit je souhaiterais faire deux remarques; tout d'a· bord, on peut dire que c'est un film réaliste dans la mesure où il parle de la répression dans les prisons, mais on doit dire aussi en deuxième lieu que c'est un film qui engendre le racisme dans la mesure où il met tout le monde dans le même sac, et qu'il laisse en· tendre que tous les Turcs sont méchants. Je suis quant à moi convaincu - et j'ai passé de nombreuses années dans les prisons turques - que la grande majorité des Turcs sont des gens braves et généreux. Je suis heureux d'avoir la palme d'or du Festival. Je suis heureux de la partager avec Costa Gavras. Je suis heu· reux de trouver également la nuit de San Lorenzo de Vit· torio e Paolo Taviani, dans le palmarès. Je suis heureux de voir que le plus grand festival du monde a inscrit dans son livre d'or trois films dont l'antifascisme est le dénominateur commun. Grâce à Cannes, aujourd'hui, je me sens plus fort pour continuer la lutte. Comme se sentiront plus forts, plus justifiés ceux qui combattent à mes côtés. L'ethnie, la confession, sont des clivages provoqués par la caste dominante. Personnelle· ment, je ne les reconnais pas. Les Arméniens, les Kurdes entre autres, sont mes frères, mes compatriotes au même ti· tre que les Turcs. Je consi· dère que les Arméniens ont tout à fait raison de nommer génocide le drame épouvan· table dont ils ont été les victimes. Et ce préalable devra être considéré, recon· nu. En revanche, je désap· prouve formellement les ac· tions terroristes. Je les juge irresponsables en ce qu'elles se trompent de cible, et dé· tournent l'attention du vrai problème, qui est celui de la démocratie. Dans la Turquie que nous rêvons de construire, toutes les commu· nautés jusqu'à la plus minori· taire devront vivre en bonne intelligence, !ans le respect. Propos recueillis par Jean·Pierre GARCIA Les Domiens à la recherch e de leur identité Je voudrais par cette lettre apporter ma contribution, limitée bien sûr, aux problèmes des DOMTOM. Tout d'abord, je voudrais dire que j'ai travaillé aux PTT et dans un hôpital en contact avec des Antillais, Réunionnais et Guyanais. Ceci dit l'article ne m'a pas plu. Pourquoi? Parce qu'il ne parle pas de la domination française dans les DOM-TOM, source de l'immigration. En effet alors que l'on parle des rapports Nord-Sud, d'un nouvel ordre économique international, etc. qui ont comme conséquence l'immigration, comment se fait-il que l'on oublie de parler du colonialisme aux couleurs de la France ? Comment oublier que l'Etat français domine, exploite, voire tue (comme en 1967 à la Guadeloupe) ces peuples dans tous les domaines? Comment oublier que ces îles se sont vidées de leurs habitants (par exemple: un Guadeloupéen sur cinq est en France) et qu'elles sont devenues un petit paradis pour les riches Français (que le BUMIDOM soit démocratique ou pas cela n'aurait rien changé). Ensuite l'article aborde la question de la nationalité des Damiens. A mon avis il ne reflète pas leurs préoccupations. Par exemple, il ne me semble pas juste d~ dire que l'immigration des Damiens ne se pose pas en terme de nationalité, surtout lorsque l'on dit plus loin qu'« ils cherchent leur identité». En effet, s'ils cherchent leur identité c'est bien parce que l'on a tout fait pour qu'ils la perdent. En commençant dans leur pays, à l'école en refusant de leur apprendre leur histoire, en refusant qu'ils parlent leur langue et bien évidemment cela s'est accentué avec l'immigration. Alors évidemment, il y a une partie des Damiens qui à la longue se sont intégrés, assimilés, qui ont perdu tout lien avec leur pays. Effectivement ces Damiens sont français et c'est une véritable honte de les considérer comme étranger (les racistes ont une attitude semblable vis-à-vis des Juifs). Mais la grande majorité d'entre eux ne se sentent pas français .. Bien sûr, ils revendiquent cette nationalité lorsqu'on essaye de les rabaisser, de les diminuer ou de leur enlever l'égalité des droits par rapport aux Français. Mais au fond d'eux-mêmes, ils rêvent de retourner dans leur pays, de vivre là-bas. Cest leur souci principal. Entre eux ils parlent créole, ils aiment danser des danses de leur pays (ou des pays voisins). Ils préfèrent la nourriture de leur pays même si elle est plus chère. Bref, la majorité d'entre eux inconsciemment ou consciemment refusent de se couper de leurs racines. Autonomie, indépendance, ce sont ces questions qui reviennent le plus souvent comme solution à leur exil. « Gérer leurs propres affaires, se déterminer par eux-mêmes », c'est ce que l'on a indiqué lors du congrès du MRAP. En définitive ce sont eux qui répondront sur leur identité, sur leur nationalité. Daniel Kupferstein Paris 11e Le Ramadan J'ai été très intéressée par l'article de Nabile Farès sur le Ramadan. La réhabilitation culturelle des différentes ethnies face à l'Européen ou au Français, je trouve ça très important. Moi-même, je suis sympathisante du Peuple Breton, mouvement breton qui lutte pour la reconnaissance des droits autant économiques que culturels. Mais j'ai éprouvé un grand malaise, en lisant cet article. J'habite la Villeneuve de Grenoble, où les communautés arabes sont assez nombreuses. Cette année, l'été a' été bien chaud (le mois du Ramadan y compris). Aussi les manifestations nocturnes, rassemblements, musiques ont eu lieu assez régulièrement la nuit dans notre parc (celui-ci est entouré d'habitations assez hautes, jusqu'à 20 étages, aussi y existe-t-il un bon phénomène de résonance). Enormément d'habitants, dont un foyer de personnes âgées, ont donc été troublés durant de nombreuses nuits. Ces manifestations ajoutées aux autres tapages nocturnes (rodéos de mobylettes, pétards, etc.) ont installé un climat de nervosité qui peu à peu renforce le racisme. Conclusion ; les départs du quartier se font de plus en plus nombreux. tendant à déséquilibrer la 47 DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 population. Personnellement, je pense que le droit au sommeil est très important et inattaquable. Comment donc concilier ces manifestations culturelles ou religieuses, avec ce droit qui est indispensable à un bon équilibre personnel ou collectif? Une solution: un salle bien isolée phoniquement. Et encore faut-il ' qu'elle soit utilisée? (Quand il fait beau.) Un genre de réaction m'inquiète beaucoup: celle de l'intellectuel français qui voit facilement un raciste dans la personne qui se plaint de ce tapage noctu: ne. Cet intellectuel est quelquefOIS une personne très influente sur le quartier. Il a choisi d'y vivre. ~'il en a un peu marre du quartier, II passe quelques temps dans sa maison de campagne. Il a les moyens. Alors que l'ouvrier qui habite ici n'a, en général, pas choisi d'y vivre, il y passe toute l'année, et par-' fois même ses vacances et, de plus, n'a pas l'ouverture d'esprit ou un niveau intellectuel suffisant pour comprendre et accepter les autres races. Cet intel/ectuel est raciste: ~ n'admet pas que le Français moyen ait des raisons de se plaindre de l'Arabe. Aussi je ne suis pas aussi enthousiaste que vous dans l'article Sarcel/ es ou les tours apprivoisées, paru le même mois. Et je trouve très juste cette réflexion qu'on entend de temps en temps à Grenoble; « C'est facile de ne pas être raciste quand on habite Meylan. » (Meylan est la commune « bien» de l'agglomération. Il n'y a pas un Arabe.) !outes ces critiques mises à part, Je pense que votre journal doit vivre. Il peut être un des moyens de lutte contre le racisme. Il est à la portée de presque tout le monde. M. Vandame 38000 Grenoble « Punks not dead » Mon père étant abonné à Dijjërences je lis régulièrement votre journal que je trouve intéressant car il traite de sujets qui me tou~ chent de très près, étant dans un lycée dont la majorité des élèves sont juifs ou maghrébins. Je tenais simplement à relever quelques erreurs faites dans votre article Les enfants d'Attila, à propos des Punks, car j'en suis une et ne cherche qu'à faire découvrir ce mouvement qui est considéré par beaucoup comme un mouvement de clowns qui ne pensent qu'à taper. Le Punk n'est pas né en 1970, mais en 1976, avec les Sex-Pistols, en Angleterre. Les jeunes du prolétariat n'en pouvant plus d'être exploités par la société, se sont révoltés. Pourquoi les cheveux roses et les pantalons joyeusement entaillés? Pour se faire voir. On ne voulait pas les écouter, alors il fallait bien qu'ils s'imposent. Au départ, le Punk n'était pas un mouvement violent, et n'était surtout pas de tendance raciste, antisémite. Seulement, ils n'ont pas été acceptés, et c'est de là que vient leur violence. Et puis, ce fut la guerre Skin-Punk qui ne dura pas longtemps, car ils s'aperçurent que leur musique et leurs moeurs avaient des points communs. Seule l'idéologie divergeait: les Skins sont fascistes, les Punks sont anarchistes. Maintenant, en 1982, il y a un renouveau du Punk: « Punk's not dead» (les Punks, pas morts) est écrit partout, mais il est vrai qu'une minorité est fasciste ... En Angleterre, c'est différent car Skin-Punk vont de paire, mais les Punks restent tout de même de bons vieux anars, et ce n'est pas leur genre de descendre dans un quartier pakistanais pour tout casser. Les Punks ne cherchent qu'une chose ; tourner cette putain de vie en dérision. C,e ne sont pas les Harders qui dIsent « nés pour mourir », mais les Punks ! Maintenant, ils s'amusent à nous copier, c'est leur problème, mais cela prouve qu'on est les meilleurs ! Il est sûr qu'on n'est pas très évolué et qu'on n'a pas trouvé la chute, mais comme dirait Boris Vian: « Dire des idioties de nos jours, où tout le monde réfléchit, c'est prouver qu'on a des idées libres et indépendantes ! ». J'espère que ma lettre prouvera que les Punks ne sont pas nihilistes ou totalement illettrés ... Punkette. Paris Intéressant Je vous signale que dans votre numéro 10 d'avriI1982,j'ai noté avec satisfaction et intérêt, à la page 34, un article intitulé Mon enfant sera métis. C'est une très bonne chose que la publication d'un tel article car il se penche et 'traite d'un problème qui trop souvent fait d'un enfant un malheure. ux, racialement, presque apatrIde. Il en souffre toute sa vie. C'est bien un sujet d'actualité. N. Rigonaux Dakar Agenda 30 AOUT/5 SEPTEMBRE • ve Festival du cinéma des minorités nationales, Arménie, Kirghizie, Georgie, Bretagne, à Douarnenez. Une quarantaine de films, dont une dizaine d'inédits en France, avec la participation de réalisateurs. Des débats, des rencontres avec les réalisateurs bretons. Un petit festival de grande qualité. (Rens. : Maison des jeunes et de la culture. Il. bd Camille-Réaud - Douarnenez. Tél.: 92.10.07.) 7-17 SEPTEMBRE • Dix jours pour les Aborigènes d'Australie. Depuis la nuit des temps, les Aborigènes peuplent le continent australien. Michel Potage a vécu parmi eux et en a ramené une nouvelle série de peintures, une cinquantaine de tableaux et de sérigraphies qui seront exposés. "M. Short y O'Neil, le représentant des Aborigènes en Europe, et des membres d'une tribu du désert central, parleront des aètions de ce peuple pour sa dignité, sa liberté, ses terres. projections de films et conférences. Galerie J. etJ. Donguy, 57 rue de la Roquette - 75011 Paris. Tél. : 700.10.94. 8 SEPTEMBRE • Centre Georges-Pompidou - tous les jours sauf mardi -, films, à 17 heures: Le pays englouti, sur les descendants des esclaves noirs de Surinam, l'ancienne Guyane hollandaise~ à 19 heures: Iran,la révolution assiégée, la situation' de ce pays à la fin de 1981. Salle Raymond Queneau. 10 SEPTEMBRE • Exposition Les Samouraïs, les armes et les armures du XVIe au XIxe siècle de la caste des guerriers japonais. Printemps Haussmann. • TF 1 présente à 21 h 30, Le refus et la peur, un documentaire réalisé par Roger Pic sur les problèmes de lajeunesse et de la délinquance. FOND DE ROBE CHEMISE DE NUIT JUPONS, SLIPS, 11-12 SEPTEMBRE • Fête du quotidien l'Humanité au parc paysager de la Courneuve. 13-16 SEPTEMBRE • De Darwin au darwinisme: science et idéologie, colloque consacré au centenaire de la mort de Darwin, organisé par l'Université de Picardie, au centre culturel de Fontaines, à Chantilly. Inscription: Mme Yvette Conry, 17, rue de Javel-750l5 Paris, Dominique Lecourt, 106, rue de la Glacière, 75013 Paris. 14 SEPTEMBRE • FR3 présente, à 22 heures, dans la série Mémoires de France, de Pascal Ory: L'abolition de l'esclavage aux Antilles en 1848. 15 SEPTEMBRE • Ouverture de l'exposition; Lettres des Amériques : La nouvelle et le roman hispano-américain, à la Salle d'actualité du Centre Georges-Pompidou. 16 SEPTEMBRE • FR3 présente, à 20 h 35, à l'occasion de la semaine nationale des DOM-TOM, un film de Constant Gros-Dubois: O'Madiana. 18-25 SEPTEMBRE • La Semaine de l'Outre-Mer, lancée par le secrétariat d'Etat au DOM-TOM, donnera lieu à diverses manifestations dans la région parisienne, à Marseille, Villeurbanne, Bordeaux. 19 SEPTEMBRE • Centre du Christ libérateur (minorités sexuelles) : réunion pour l'aide aux prisonniers homosexuels, à 17 heures, 3 bis rue Clairaut - 75017 Paris. Mardi 28 à 10 heures, réunion des chrétiens homosexuels. (Rens. : 627.49.36). 20 SEPTEMBRE • Dernier jour, à la galerie du Centre Culturel International du Centre Georges-Pompidou, de l'exposition L'environnement quotidien en Chine. LINGERIE FEMME ET ENFANT ENSEMBLES ROBES DE CHAMBRE SOUTIENS GORGES ... 11 RUE BARODET - 69004 LYON Téléphone 16 (78) 29.83.60 48 DIFFÉRENCES N°I4-15 SEPTEMBRE 82 21-24 SEPTEMBRE • Architecture méditerranéenne: un colloque-exposition sur l'habitat dans son environnement est organisé à Marseille par la Fondation postuniversitaire internationale (FPI) . (Rens. : F.P.I.. 103. rue de lille - 75007 Paris). 22 SEPTEMBRE • Jusqu'à ce jour l'office municipal de la culture de La Seyne-surMer (Var) présente à la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville l'exposition: 10 jeunes peintres du Sud. 22 SEPTEMBRE/1er NOV • Centre Georges-Pompidou, exposition commémorative du centenaire de Zoltan Kodaly. Vie et ·oeuvre de ce compositeur hongrois, à l'espace musique. 24-26 SEPTEMBRE • IVe colloque international organisé par le Centre de recherches méditerranéennes sur les ethnotextes, l'histoire orale et les parlers régionaux (C.R.E.H.O .. P.) de l'Université de Provence et l'Institut d'histoire du temps présent du C.N.R.S. (Rens. : Université de Provence. 13621 Aix-enProvence. Tél. : (42) 59.99.30 poste 575). 24 SEPTEMBRE/ter OCTOBRE • Le VIe Festival mondial des théâtres de marionnettes aura lieu à Charleville-Mézières. Le programme comportera 150 spectacles représentant 40 nations, des expositions, des animations. 9 OCTOBRE • Journée internationale de Solidarité avec les peuples indiens des Amériques, organisée par le MRAP, le Comité de soutien aux Indiens des Amériques, Diffusion INTI, à la Faculté de droit, Université Paris l, 12 place du Panthéon, de 14 h à 22 h. Des délégations des populations indiennes des Etats- Unis, de Bolivie, du Pérou, de l'Equateur participeront à cette manifestation. Au programme: projection de films, groupes musicaux indiens, exposition, vente de produits d'artisanat, plats et boissons typiques. 11-16 OCTOBRE • Le Centre d'entraînement aux méthodès d'éducation actives (CEMEA), organise à Marseille un stage ouvert à tous, membres d'associations, d'équipes de santé, syndicats, cadres ... qui sont en relation avec des Maghrébins immigrés en France. (Rens.: 47. rue Neuve Sainte-Catherine -13007 Marseille. Tél. : 54.25.36). Il organise également, à Pontoise, pour les vacances de la Toussaint, un stage de préparation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Rem. : 13 rue Eric de Martimprey - 95300 Pontoise. Tél. 031.24.18). 16-17 OCTOBRE • Une formation développement et Tiers-Monde est organisée à Marseille pour toutes les personnes intéressées avec le concours de l'Institut d'Etudes Sociales de Lyon. (Rens. : M. Mme Popin. Tél. : (91) 44.49.34). 19 OCTOBRE • Exposition internationale d'affiches contre l'apartheid au Musée de l'Affiche, 18 rue du Paradis - 75010 Paris. Quatre-vingts affiches de divers pays témoigneront de la sensibilisation de l'opinion mondiale sur les douloureux problèmes des Noirs en Afrique du Sud. MARTINE Garber 28, rue de Bethune 59000 LILLE ® 65 rue de Béthune 59000 Lille tél. 54 .21.71 so,." en septembre, octobre 175' 11 91 5' , rt de N\ce au depo , rt de por\s au depo t c.ompris) tsé\ours toU , orr\ère-P°'lS rte cl un ur\ste, Découve , sons to \ '\ thent\que, , au sO e\ au de v",re s DOUceur \es co\onque ' dons d por\s 490' o~ déport e 2. t c.omprls) é'ours toU ts \ \eS S\d\\ens la S\d\e avec ort\Sonot , à travers \eu\eur cu\s\ne .. , L \k\ore, b 'gner \eur 10\ ' \r de se 0\ octobre, e•\ \e p O\S mer .\'\e ' de en dons une


1) o .s::. 0.. -- -- _ - - . recevO.I r _----QUPER: j e déS\ i.r\e" r-:ON A DE;: . ° "'2 \\es au SO el 1 g rneo'O'IO 1 1 1 1 1 1 1 i 1 vo,re doeu Nom prénOm Adresse Humeur §§§§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES N°14-15 SEPTEMBRE 82 LES ARABES EN ESPAGNE Troisième récit Mais que s'est-il passé vraiment? demandions- nous dans notre dernier numéro, en reproduisant les récits quelque peu contradictoires faits par deux élèves, l'un espagnol, l'autre arabe, de l'invasion et de la présence des Arabes en Espagne, du VIle au XVe siècle. A ces interprétations tendancieuses, publiées par un journal humoristique de Madrid pour montrer comment le chauvinisme peut biaiser l'enseignement de l'histoire, nous souhaitions que nos lecteurs répondent en racontant objectivement les faits. Ce n'était pas facile. Comme prévu, nous publions ici le meilleur des essais qui nous sont parvenus. Il nous est envoyé par Mme Joan Misser, d'Armentières. Dans le même style que précédemment, il donne la parole à une troisième élève. Le professeurmaison de Différences lui octroie généreusement 16 sur 20. Voyons, dit le maître, élève Fatima Benavides. - Oui, Monsieur. - Cette terre où nous habitons, l'Andalousie, de l'arabe Al-Andalus, se caractérise par une culture qui l'a enrichie pendant plus de cinq siècles dans sa partie occidentale et presque huit siècles dans l'orientale. Sais-tu comment cela est arrivé? - L'ancienne Betica constituait une province sénatoriale dans l'Empire romain,' elle était donc profondément romanisée. Sa partie orientale a connu ensuite la présence byzantine. C'est ainsi qu'au septième siècle elle connaissait un niveau culturel bien supérieur à l'ensemble de l'Europe occidentale, à l'exception de l'Italie. Ceci explique en bonne partie l'accueil sympathique dont les musulmans ont été l'objet lorsqu'ils ont traversé « l'étroit » de Gibraltar et ont vaincu les Wisigoths. La péninsule Ibérique, et notamment l'Andalousie, connut alors des siècles brillants: à l'instar de Damas et de Bagdad, des villes, Cordoue en tête, ont grandi et excellé par leurs édifices rèligieux et civils et par les progrès en urbanisation (jardins, conduites et écoulement des eaux, éclairage),' l'horticulture a embelli et enrichi les campagnes, la richesse minière a été bien exploitée et a donné vie à 50 un artisanat de qualité,' la population des trois cultures et des trois religions a partagé la vie des cités comme peuvent en témoigner encore les vieux quartiers de Cordoue et de Tolède, se communiquant entre elles les connaissances et les expériences. Le commerce fut très fleurissant. Lorsqu'au treizième siècle l'Andalousie orientale et la partie nord de la régionfurent conquises par les chrétiens du Nord, les populations connurent encore des décennies de vie de partage et de tolérance, bien que la propriété de la terre mise dans les mains des conquérants castillans eût commencé de marginaliser les couches sociales les plus actives, généralement de confession musulmane. Finalement, lorsqu'à lafin du quinzième siècle les Castillans conquirent le royaume de Grenade, le glas sonna pour les siècles de prospérité andalouse: malgré les conditions stipulées, les populations musulmanes connurent des atteintes de plus en plus graves à leur culture et des entraves à leurs pratiques religieuses, jusqu'à être définitivement expulsées de cette terre qui était vraiment la leur, sous réserve de se faire baptiser et de s'assimiler culturellement. L'Andalousie, comme le reste de l'Bpagne, se mit alors au diapason de l'Europe occidentale incapable d'admettre une culture différente et une religion autre que celle du Souverain. Cependant, tout l'humanisme et toute la fécondité de l'art andalou n'est que la conséquence de cette présence de la culture arabe et de cette longue rencontre de cultures. - Très bien, Fatima. Assieds-toi. TRI-CO-JO SARL au capital de 70.000 F Prêt-à-Porter - Tricots - Hommes Femmes - Enfants Gros - Demi-Gros 15 et 17 rue des CaDucins - 69001 Lyon Tél. 828.83.58 Vient de paraître aux éditions François Maspero Cahiers libres Petite collection Maspero Kamata Satoshi Japon: l'envers du miracle ]afJOI1: ['evl'vers cl,.! miracle Le premier document disponible en Europe qui raconte /' envers du "miracle japonais": surexploitation, répression syndicale, précarisation de /' emploi ... Un témoignage exceptionnel sur la vie quotidienne des ouvriers japonais. Traduit du japonais 45 F Hélé Béji Désenchantement national Essai sur la décolonisation Yves Eudes Après la victoire des indépendances, le temps de la réflexion. Ou comment l'idéologie nationale peut engendrer un nouveau discours d'oppression. Hors des sentiers battus, un débat essentiel erifin ouvert. 47F La conquête des esprits L 'appareil d'exportation culturelle américaine vers le tiers monde. Le rôle stratégique de "/' exportation culturelle" dans l' affirmation du leadership mondial des Etats-Unis. Un dossier complet sur ses mécanismes, et les nouvelles techniques de communication et de "dénationalisation" des élites du tiers monde. 72F Pour être info rmé de nos parutions en recevant gratuitement le bulletin Livres partisans, retournez ce bon à ,' Editions François Maspero l, place Paul-Painlevé - 75005 Paris . Pierre Salam a et Patrick Tissier L'industrialisation dans le sous-développement Pourquoi l'industrialisation du tiers monde peut être compatible avec la perpétuation du "sous-développement". Une analyse originale de /'industrialisation et de /' exploitation des travailleurs dans onze pays d'Amérique latine et d'Asie. 30F Jean Eglin et Hervé Théry Le pillage de l'Amazonie L'" enfer vert" livré aux multinationales. Un témoignage en forme de réquisitoire sur l'un des plus graVes scandales écologiques contemporains et ses conséquences sociales. 30F Samir Amin, Giovanni Arrighi, André Gunder Frank, Immanuel Wallerstein La crise, quelle crise? Par quatre économistes de réputation internationale, la première tentative d'interprétation globale de la crise/mondiale, dans toutes ses dimensions,' historique, économique, politique et sociale. "Textes à ['appui" 69F Nom Adresse ______________ _

Notes

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