Différences n°147 -Décembre 1993
Sommaire du numéro
n°147 de décembre 1993
- Edito: logement, des clés par Mouloud Aounit
- Prisons du monde:
- des observateurs pour la dignité par C. Benabdessadok
- Le MRAP et l'OIT par Bernadette Hétier
- Une façon d'être citoyens: interview de Bernard Bolze par C. Benabdessadok
- Logement et discrimination par Mireille Maner et Norbert Haddad
- Droit au séjour: les nouvelles dispositions juridiques par Xavier Baroit [législation]
- La loi par l'exemple: Firmin, Sylvie, Pierre, Djamel et les autres par Nathalie Vitel
- Activités internationales: infos en vrac par J.J. Kirkyacharian
- Droit d'asile: le droit et les hommes par Malte Martin
- Des films à voir: Galère de femmes; Itgaber, le triomphe sur soi
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l DÉCEMBRE 1993 - N' 147 - 10 F ED 1 T 0 LOGEMENT, DES CLÉS! Après ~ lIGie Ile (oeussonne qli a el ~ 1Rinet5e iIit de 'égler • qotsliGo de • l'op ~aode visiiité de l'ililligratio. el propomt l'envoi lIossif des illligrés el de IH' fOlliMe li la cOllpagne 01 à la """'", ~ de ~"""'e allfoge. M. Molloi, nraie H rrerrelatte d .OI ..,1, """" Il lm l'attriltliao d'" ~I à " M.«Ii'.l. MW saisit ., la J,slloe qli a trarKhê en Hire ln", 0 16 .. , ...... l'Ii"oin paorlit .' .. êttNà. NOl. POl' • ~eoier rHgistrat de oette vie, ~ raàslle est IIII! opiion, par" délit. Se ,",ad .""H' de. Oi~ i ,"' .. """" .1 ""'" poor •• fétH Il pfélir it. xéftoplloh. NCHls attelllais les s.hes q .. dalleront il .ce.t.te. aHare les Miistères Ile la J.stice el de ,'litéA II_pe., Gérard MoIier, ".potroble d. ""or lageHII à • Mlito, ~érilerti du ".Hé \oral do WP, Hf irrrté de ... po.l. de lm," polo lllire qli eslillle ilcollpatible 50. engagellul POQI la défense dl Ut .. Iogeat pour 1"5 el ses fOlKtiOIIs lll'ofessiOllleles rdtoyns"aisez-YI)II5!1. le ~abIéoe de l'exdo n Iogemeol HI ~ h" P affede loe1 .. 1. qoe os é~",!"" MIit ........ 11 Rf ,~é P aopifie l'exdu de IIIIS CIII ~ Olt • IOde cie vie d'rfféfett, MI ... ml •• ,_ .1 !lem do Va"" ain' que .. Fral~ais "dHféretlts" .,e sOllies [tunes iUI! de l'ililligraiioft 01 les originaires ~es Territoires d'IlIt .. Mo. POl 0 MiAP, d .. ped y avO' d'" .. ,ée rigcoiliculive selS Ille prOllGlioa rèele de ~ moyenlé ~ 1015, sais l1li âpre codMd colltre l'udusio. elles &saniIatÎOls. Ceci 1léoe5S~e que soient rénies ~5 ,0000iaos de • citoy_lé dao! • d,ait co Iaogeoeot .... drIit ' ....... 101, di HSOIlieie poor 1"11é- J. à • vie .... Oté. Face à ce (onstat, il est d~ devoir dy MRA', de dé.oneer sais déIIIagogie ni d~lIatislle, (es prit' tiques_il~ste5 el iIa((~ n eslllllSsi de sa res' poorabité d' .. rir de. pecrpeclim de noOIratioo poo' que 0 drIit .. Ogémecit .ait .. ,étlfé .... el 'HpeCfée poccr 1.. .. le ,""'" d. MilP SOI • Iogemett aira 1*' tôdle d'Qlvrr III espace Ile tia· \agJe el de ,.Ial" pa" déaaoec des _. lives d'actÎOl faisant appel l1li sens le la resjtonsoei· rrté coledive de 1015 ceux qli ont enlre Ietis as Ille poe1ie des solttiols SIJ cette qmtiolL WoIAOIJN" PRISONS DU MONDE DES OBSERVATEUR, S POUR LA DIGNITE Un Observatoire international des prisons s'est créé, à Lyon, i[ y a trois ans. Son objectif : veiller, par la création d'un vaste réseau d'observateurs en France et dans le monde, - au respect de la dignité et des droits des personnes détenues. On trouvera dans ce modeste dossier les informations de base concemant cette nouvelle ONG, une interview de son Délégué général, Bernard Bolze, ainsi qu'un commentaire de Bernadette Hétier, membre du MRAP et de l'OIP. C'est à ces aUlres détenus, les dits "droits commun", que l'Observatoire a décidé de se consacrer. Bien que la conjoncture soit dominée par une crise économique peu favorab le aux solidarités et des soubresauts politiques mettant en miettes ou à mal tant dc pays, c'est au détenu ordinaire, et pas seulement politique que l'ÜIP consacre son acte de naissance à Lyon en octobre 1990. Cette association se base, pour son travail dans l'hexagone, sur le développement des groupes locaux. Selon Bernard Bolze, des groupes locaux actifs ex istent d'ores ct déjà à Pontoi se, à Paris, Rouen, Lyon, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand. Une cinquantaine d'autres sont en voie de constitution, notamment à Nîmes, Bordeaux, Lille. Rennes. Strasbourg, Chalon-sur-Saône, Dijon, Marseille. La situation en France n'est pas aussi catastrophique qu'elle l'est dans d'autres pays mais le rappon 1993 de l'ÜIP indique que "les prisons françaises ont été marquées. en 1992, pllr deux mouvements de mrveillants révélmeurI d'un profond malaise. Les principales alleilltes aux drails des persOIllles détenues SOIII manifestes dalls l'accès aux soins médicaux. le maintien des liel!s familiaux et les conditions failes (/lU délem/s isolés. Plusieurs cos de mmlw/ü traitemellfs physiques graves ont été signolé.l" ". Ure la suite page 4 POUR LE DROIT so. ...o AU LOGEMENT Ladrrll l" ......... ______ P 113 Un colloque organisé par le MRAP sur le thème "logement et discrimination'" se tiendra à Paris les 14 et 15 janvier. Un colloque ambitieux qui devrait voir la partic ipation des meilleurs spécialistes comme celle des décideurs. Compte-rendu dans l'une de nos prochaines éditions. _.-...... dIIIpI ..... dol'OIP _____ p 5 Lo&e.!nl:~_te" p VI Les_'II!I~ P • La 101 por l',..,.. P , AdiYltésialellltla.an p 18 Le dnU' p Il FIJmo, diftn P Il REPÈRES ALERTES A L'ÉCOLE Dans une lettre-circulaire datée du 15 octobre adressée aux élèves du lycée polyvalent Eugénie Cotton de Montreuil. le proviseur exigeait pour la reprise des cours après les vacances de la Toussaint. sous peine de ne pas être repris dans l'établ issement, des titres de séjo ur. Informée par une enseignante, le MRAP a aussitôt pris contact avec le rectorat de Créteil et Patrick Gaubert chargé auprès de Charles Pasqua de la lutte contre le racisme. M.Gaubert a très vivement contesté l'initiative du proviseur. Le recteur de l'Académie de Créteil a lui aussi désavoué le proviseur en affirmant: " Je désavoue complèTement l'initia/ive persoJlnelle de ce proviseur el j'ai donné des direclÎl'es pour que mardi matin (date de la rentrée. NDLR). les éleves reçoivellf une leTlre indiquant que la première est nulle ef lion w'emie A Limoges. le j ~une Zaïrois. N.Lusi lavana. exclu de l'école lui aussi. malgré la procédure de regroupement familial dont il faisait l'objct, a oblenu gain de cause: Je 20 octobre, le tribunal de Grande Instance de Limoges, a enjoint l'inspecte ur d'Académie de l'inscrire dans les huit jours. ça fait chaud au coeur un Etat de droit. ma]gré tout! Pour que ce genre d'expériences malheureuses ne se renouvellent pas. dans une longue déclaration datée du 2 novembre, le MRAP propose "d'une part, que soient inscrites dans les programmes d'instruction civique l'étude des nouvelles lois sur l'immigration, de leur répercussion sur la vie quotidienne des jeunes et des enfants, des démarches qu'ils devront entreprendre afin d'acquérir la nationalité française, Il demande égaIement: • que soit complétée la circulaire de 1984 (dont les lacunes peuvent entraîner des initiatives similaires à celles de Limoges et de Montreuil) par exemple en précisant -car nous sommes conscients que toute identité doit être prouvée lors des examens: • que le titre de séjour peut être remplacé par une carte d'identité du pays d'origine des parents • que soit précisé aux examinateurs que le Bac n'est pas réservé aux candidats de nationalité française, que les enfants d'immigrés même nés en France ne disposent avant l'âge de 18 ans que de la carte d'identité du pays de leurs parents • que les décisions des enseignants du Supérieur quant au droit au redoublement ne soient pas remises en cause par des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur, • Comme, et avec la plupart des membres de l'Education Nationale, le MRAP souhaiterait que "dalls toutes les décisiolls qui cOllcernent les enfallts .. , l'illtérêt supérieur de l'enfallt soit IIne considératioll primordiale" (article 3 de la Convention sur le Droit des Enfants), li souhaite que l'administration et les gouvernants se portent garants de signatures qui les engagent," EN FRANCE, ON N'AIME PAS LES JEUNES ? Une étude publiée par le ministère du travail, Premières synthèses, n034, d'octobre, pourrait montrer que le "modèle français" de l'emploi (encore une exception français e?) aboutit à ce qu'une seule génération travaille à la fois. Autrement dit, le marché fonctionnerait selon les caractéristiques d"une division du travail entre générations". Il est, en effet, remarquable de constater que le taux d'activité des jeunes est le plus faible de tous les pays industrialisés, Un parallèle entre 1982 et 1990 montre que l'emploi des jeunes de moins de 25 ans a baissé de 19,5 % alors que dans le même temps, l'emploi total, salarié et non salarié, a augmenté de 3,7 %. Une progression (+800000) qui est allé aux actifs âgés de 25 à 54 ans. ILS VEULENT RÉTABLIR LA PEINE DE MORT Une proposition de loi, à l'initiative de Roland Nungesser, député du Val-de-Marne, visant à rétablir la peine de mort, signée par 134 députés, a été déposée le 5 octobre dernier à l'Assemblée nationale. Le projet vise à rétablir la peine de mort dans quatre cas. La France est solidement protégée contre le rétablissement de la peine de mort du fait de sa ratification en 1986 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont le protocole n06 stipule que "la peine de mort est abolie". Mais rien n'empêche de rester vigilants en cette période de révision et d' inflation des lois. RÉVOLUTION FÉMINISTE CHEZ "NOTRE AMI, LE ROI"! Le code de statut personnel vient d'être réformé dans un sens favorable aux femmes. Le roi chérifien l'avait dit il y a un an: le Droit doit s'adapter aux réalités. Promesse tenue? Oui, des changements ont été apportés. Exemples: la validité juridique 2 du mariage est désormais liée au consentement de la future épouse et un homme ne peut plus répudiée sa femme qu'en sa présence et devant un juge après arbitrage auprès d'une commission de conciliation, Quelques minces avancées, commentent des associations de femmes marocaines. Mais ni la polygamie, ni la répudiation n'ont été abordées, L'INFORMATIQUE BLOQUE SCHENGEN L'application de la Convention de Schengen sur la libre circulation des personnes a été reportée au 1er février 1994 par le comité exécutif de Schengen réuni le 18 octobre dernier. Ces accords, rappelons- le, ont été signés par l'Allemagne, l'Espagne , le Benelux, la France et le Portugal. Le ministre français chargé des affaires européennes, qui assure la présidence du Comité, a évoqué la réforme constitutionnelle en cours mais aussi les retards dans la mise en service du Système d'Information Schengen, un outil informatique installé à Strasbourg où doivent être centralisés non seulement les fichiers des personnes indésirables ou recherchées, mais aussi ceux des véhicules, armes, documents d'identité ou billets volés, détournés ou dégradés dans les neuf pays concernés, soit dix millions de données environ. Selon le ministre, des "défauts dans le logiciel du système central" et des problèmes de compatibilité entres les systèmes central et national ont retardé de plusieurs semaines les tests indispensables. ESSONNE, CELLULE ANTIRACISTE Plus de trente personnes font partie de la "Cellule antiraciste" de l'Essonne, Une radioscopie de l'état du département concernant la xénophobie et le racisme a été dressée le 20 octobre. On observerait, selon la presse locale, une résurgence des mouvements d'extrême droite, notamment du Parti des Forces nouvelles européennes dans certaines villes comme Ris-Orangis, ainsi que l'aug- CHRONO mentation de la quantité d' insignes nazis vendus dans les brocantes. L'accueil des étrangers dans les services publics, mairies, commissariats, était aussi à l'ordre du jour. LES DROITS DE L'HOMME A NUREMBERG Un "Chemin des Droits de l'Homme" a été inauguré le 24 octobre dans la rue piétonne qui mène au Germanisches National-museum de Nuremberg, C'est un artiste israélien, Dani Karava, qui a conçu cet alignement de colonnes qui portent, gravés en allemand et dans d'autres langues, les articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme. ÉGYPTE" LA MALEDICTION DES ISLAMISTES Deux Américains et un Françai s ont été tués par balles et trois autres étrangers -un Américain, un Italien et un Syrieblessés, le 26 octobre, à l'intérieur d'un grand hôtel du Deux jours après cet attentat meurtrier, le 28 octobre, c'est un policier qui a été tué par les islamistes à Sqena, une ville de Haute-Egypte. On évalue à 70 le nombre de policiers tués par les islamistes depuis le printemps 1992. MASSACRES AU BURUNDI Dix mille personnes manifestent contre la haine inter-ethnique à Bujumbura, capitale du Burundi, le 28 octobre. Dans ce pays, les conflits ethniques entre Hutu et Tutsi ont fait plusieurs milliers de victimes. Le président Melchior Ndadaye qui avait été élu par une majorité de 60% a été tué à l'issue d'un putsch militaire une semaine avant ces manifestations: il semble avoir payé de sa vie la "réconciliation nationale" à laquelle il appelait, combattant à l'intérieur de la communauté hutu, majoritaire à 85%, l'idée d'une "alternative ethnique" après la dictature tutsi, Une femme veut relever le défi, Sylvie Kiningi, Premier ministre burundais qui veut tenter de croire à J'affirmation d'un pouvoir civil qui, pour l'instant, DU MOIS ne peut de toute façon se passer de l'armée, Dans un communiqué rendu public le 4 novembre le MRAP rappelle que "Le drame des familles hutu qui ont fui au Rwanda dès le début a été vite couvert par les médias. Il ne doit pas occulter la tragédie qui se déroule dans les campagnes du Burundi et qui prend la dimension d'un véritable génocide des Tutsi. Il serait illusoire de chiffrer actuellement le nombre des victimes, puisque les tueries continuent, Mais les Burundais et les observateurs de ce pays présents en France recueillent tous le jours, par différents canaux, des informations précises sur cette situation". D'après les estimations des Nations-Unies datant du 4 novembre, 650 000 Burundais sont réfugiés dans les pays voisins du Zaïre, du Rwanda et de Tanzanie. SALON DU LIVRE ANTIFASCISTE ET ANTIRACISTE De nombreuses associations, dont le MRAP, ont organisé à Grenoble les 29, 30 et 31 octobre, un salon du livre antifasciste et antiraciste. Objectif principal de cette manifestation: comment transmettre la mémoire? Cela, en sachant que les témoins des sévices des nazis sont de moins en moins nombreux et que la violence raciste épargne peu de pays, ont expliqué les organisateurs lors d' une conférence de presse tenue le 14 octobre. Forums, projections de films, musique et comédie étaient également au menu, LE FOOTBALL AFRICAIN FAIT AUSSI DES RAVAGES Des supporters du club ivoirien de football de l'ASEC (Association sportive des employés du commerce) ont violemment agressé le 1er novembre à Abidjan des ressortissants ghanéens. cette flambée de violence a eu lieu après que les supporters ivoiriens aient été euxmêmes victimes d'agressions de la part de supporters du club ghanéen, Asante Kotobo, qui rencontrait J'ASEC. Vaincue, J'ASEC, équipe-phare de Côted'Ivoire, avait été éliminée de la Coupe d'Afrique des Champions. Une femme a trouvé la mort au cours de ces bagarres. Reprochera-t-on encore aux femmes de ne pas AIMER le football? DES CHIFFRE~ ET DES IMMIGRES Selon les statistiques de J'Office des migrations internationales (OMI), publiés par Actualités Migration, en 1992, le nombre total d'étrangers non communautaires entrés en France pour y travailler s'élève à 36003 (contre 73335 en 1991 dont 44000 Ibériques qui ne sont plus comptabilisés comme "immigrés"), Autorisée depuis 1976, l' immigration familiale est logiquement en train de se tarir: 19701 familles sont entrées en France en 1992 au titre du regroupement familial, soit moins 6,8 % par an. LES TSIGANES ROUMAINS" DE NANTERRE "Dans un communiqué du 2 septembre, à la suite des événements survenus à Nanterre le 29 août: expulsions et retours forcés vers la Roumanie, le MRAP avait dénoncé ces procédés inacceptables. Puis une note commune des représentants du MRAP et d'ATD Quart Monde au groupe juridique de la Commission consultative des Droits de l'Homme déplorait le refus de leur accorder le statut de réfugié politique malgré la menace toujours présente de persécutions en Roumanie et réclamait la régularisation de leur statut. Notre position est confortée par un communiqué de la Fédération internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH) du 1er octobre. La FIDH "condamne ... les discriminations constantes dont sont victimes les Roms (Tsiganes) de Roumanie: lynchages, chasses à l'homme, véritables pogroms"; dénonce "la totale carence du gouvernement roumain"; "appelle le gouvernement allemand à suspendre l'expulsion vers la Roumanie des Roms 3 séjournant en Allemagne et assortie d'une aide .. , ". Nous considérons que cet appel concerne aussi la France, dans la mesure où de telles solutions sont envisagées. Face à cette situation, tout retour plus ou moins contraint vers la Roumanie est inacceptable. Dans le cas d'une persécution visant une communauté "au seul motif de l'appartenance ethnique", les membres de cette communauté devraient pouvoir prétendre au droit du d'asile et au statut de réfugié sans avoir à faire la preuve de persécutions personnelles. En tout état de cause, il est évident que tous les Tsiganes roumains ne repartiront pas. Or, la situation misérable à Nanterre, avec ses sinistres conséquences, et ce, malgré des efforts humanitaires tentés sur place, ne peut se prolonger. Il faut donc envisager des regroupements en divers lieux de notre territoire, C'est une responsabilité d'ordre politique au plan national, au plan des autorités locales. Cette responsabilité implique: en direction de J'opinion française, une information objective et une sensibilisation; en direction des Tsiganes roumains: un effort pour une prise de responsabilité par eux-mêmes, visant une insertion dans le respect de ce qu' ils sont, mais dans le refus des ghettos ( .. ,)", Communiqué du MRAP du 5 novembre, UN MAIRE CONDAMNÉ POUR DISCRIMINATION RACIALE M.Jean Mouton, maire UDFCDS de Pierrelatte, par ailleurs président du Conseil Général de la Drome, et son adjoint chargé du logement, Jean Bertrand , ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis et 5000 francs d ' amende le mardi 16 novembre par la deuxième Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Grenoble pour discrimination raciale au motif du refus d'attribution d'un logement à l'encontre d'un ressortissant marocain en 1990. Le MRAP qui avait engagé la poursuite recevra pour sa part 15 000 francs de dommagesintérêts. REPÈRES LE RETOUR DES FOULARDS Après plusieurs incidents, rapportés par les médias, liés au port du foulard islamique, le ministre de l'Education nationale a rendu publique le 27 octobre 1993 une circulaire sur "le respect de la laïcité". Ce texte reprend l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989 dont l'extrait le plus significatif est le suivant: "Le port par les de!'es de signes par lesquels il,f entendent manifester leur apparle~ Nance à une religion Il' est pas. par lui-même. incompatible avec le principe de la lal'C'Îl(}. dans la mesure où il COJ1 sliwe l'exercice de la liberté d'expression ( ... ). Mais cette Liberté Ile saurail permetlre aux élèl'es d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui. par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivemem, Olt par leur caractère ostentatoire 011 revendicatif, constitueraient un acte de pression. de prol'oca/ ion. de prosélytisme ou de propagande ( ... ) pel'tuberaient le déroulement des activités d'enseignement", M. Bayrou a exhorté les chefs d'établissement et les instances compétentes il "prendre individuellement les déôsioHs nécessaires" en appréciant au cas par cas s'il s'agit de .:omportements de provocation ou de prosélytisme. Ce quc M.Chénière, ancien principal du collège de Creil qui avait défrayé la chron ique à l'automne 1989, devenu depuis député, appelle une "djihad insidieuse" concerne quelques dizaines de jeunes filles sur près de trois millions de lycéennes et collégiennes. La direction du collège XavierBichat, pour sa part, décidé d'exclure deux des quatre élèvcs qui refusaient de quitter le foulard en classe. Une décision contestée par le MRAP, dans une déclaration du 16 novembre, qui rappelle que: "ConJi'OIl1ée aux mêmes problèmes. la pLupart des établissements scolaires pril'ilégiel/t la relatiol/, le dialogue. la concertation, la négociation. parce que l'éducation est Ull droit attesté par de gral/ds textes fondaleurs: COllvell/iOI1 européenne de sauvegarde des droits de l'homme: "Nul ne peUl se l'OÙ' refuser le droit à L'instruction ". Préambule de la Constitulion: "UI Nation garantit l'égal acres de l'el/fallt et de l'adulte cl l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture". Loi du JO juillet 1989: "L'éducation est la première priorité nationale. Le service pllblic ( ... ) contribue à l'égalité de chances ". A Nantlla. on a préféré l'éprellve de force. Ceci. alors même que /' école estloill, aujourd'hui, d'assurer L'égalité des chances, d'apporter l'espoir de promotion sociale qu'elle a toujours teillé d'incarner; aLors même que, faute de moyens suffisants, elle emplit de l'ilis en plus difficilement tallt pour les enfants d'immigrés que pOlir les enfallts des cOllches les plus défavorisées, Son rôle de jormation de l'indÎl'idu et du citoyen. Avec.: l'un des enseignants de Nantua -illten'ena11l lors (le la pré~exc/ltsion de jelilles JïlIes- le MRAP déplore que la dét:ision prise sail une défaite (le la laïcité, ulle victoire de la xél1opho~ bie. " PRISONS DU MO NDE DES OBSERVATEUR, S POUR LA DIGNITE Suite de la page 1 Ainsi toujours selon ce rapport, "Francesco Filho meurt, le 21 février, au terme de son transfert de Lyon à Yzeure. Il a effectué ce trajet dans le coffre du véhicule des gendG/' mes, les mains attachées dans le dos et dans le coma à la suite de l'absorption de médicaments. Jamel Guemoun, 4 heures après son arrivée, le 20 janvier, à la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, est retrouvé inanimé au quartier disciplinaire et conduit à l'hôpital. Sa famille, qui le visite 10 jours plus tard, constate des ecchymoses autour des yeux ainsi que sur les mains et au niveau de la nuque. Elle est informée de son décès le 4 février.(. .. ) Un mineur arrêté le 29 novembre à Vénissieux est présenté à l 'issue de sa garde à vue au juge pour enfants le visage tuméfié, souffrant de multiples traumatismes et hématomes. Enfin, il faut qualifier de traitement inhumain ou dégradant le fait d'entraver des détenus lorsqu'aucune dangerosité ne vient le justifier. Après cinq ans de cellule, un détenu de l'agglomération parisienne, en phase terminale du sida, est transféré dans un service spécialisé d 'un hôpital civiL. Ne pouvant plus marcher, gardé jour et nuit par un policier armé, il subit lesfers aux pieds quatre jours et quatre nuits". Guillaume Cancade qui s'occupe du département "action événementielle" à l'OIP signalait au mois d'octobre, qu'à Marseille, une détenue a accouché menottes aux poignets avec présence policière dans la salle de travail! Aucune des ces informations n'a été démentie. C'est dire que la vigilance n'est pas de trop quand la peine privative de liberté est toujours, à la faveur de l'invisibilité des détenus séparés du citoyen libre par les murs de la prison, doublée d'atteintes à la dignité, de brimades et d'humiliation. Quoi d'étonnant dans ce contexte si la prison et la vie qui y est faite au prisonnier favorise la récidive. Comme l'écrit Christine Daure-Serfaty, présidente de l'OIP, "entasser dans les prisons des hommes et des femmes qui ressortiront un jour sans avoir rien appris ni rien oublié, est un énorme gâchis". La prison assumant finalement une fonction aggravante, et propre à faire conserver aux citoyens libres une bonne conscience dévastatrice si elle ne se préoccupe pas de savoir si la prison respecte le contrat moral et social qui impose le respect de la personne humaine en quelque circonstance que ce soit. "Tout pouvoir frôle en permanence l'abus de pouvoir, conclut C Daure Serfaty. Seuls les pouvoirs despotiques précisément veulent ignorer et nier cette réalité. Les seuls remèdes, les gardefous, sont les contre-pouvoirs que les citoyens ordinaires que nous sommes peuvent et doivent inventer, c'est le chemin que l'Observatoire international des prisons commence à parcourir ". Le rapport 1993 (1) de l'OIP est un document d'excellente qualité tant dans la présentation que dans la qualité des informations. Un état des lieux sur les conditions de détention des prisonniers ordinaires dans vingt trois pays y est présenté ainsi que les statuts de l'Observatoire, la composition du conseil exécutif, les textes et conventions de références, les Règles pénitentiaires européennes, un répertoire des observateurs. Chérifa Benabdessadok (1) prix: 60 francs + frais de port, OIP: Il, rue Puits Gaillot BP 69 203 Lyon Cedex 01, tel: 72002779, fax: 78290995 LE MRAP ET L'OIP Dans son récent livre Un monde sans prison, le généticien Albert Jacquard écrit de nos sociétés humaines: "la façon dont nous punissons est révélatrice du regard que nous portons sur le délinquant". Nos sociétés oscillent entre le souci sécuritaire de protéger le corps social des citoyens contre les atteintes des délinquants "fauteurs de troubles" et le désir de transformer ces mêmes délinquants en citoyens respectant les lois afin de permettre leur réinsertion. Alors que la peine de prison est prononcée au nom du peuple, celui-ci n'a que trop rarement l'occasion de savoir comment elle est appliquée au quot,idien par le système carcéral. Le monde clos de la prison échappe pour une bonne part au contrôle démocratique des citoyens. Les hauts murs cachent, selon les lieux et les continents, bien des pratiques inhumaines. Les prisons du Brésil, du Maroc ou du Vénézuela ont défrayé les chroniques. Même dans nos pays démocratiques, le prisonnier ordinaire subit misère, privations, brimades ou humiliations qui sont indignes de l'homme et s'opposent à la réinsertion sociale. 4 Parmi les plus pauvres, nombreux sont les détenus étrangers ou d'origine étrangère: immigrés clandestins dont le seul ou principal délit est de ne pas avoir de papiers; demandeurs d'asile déboutés refusant obstinément de reprendre l'avion vers les geôles, la torture ou tout simplement la mort à Haïti, au Zaïre ou en Turquie; voleurs ou petits dealers consommateurs de drogue. Le MRAP, qui a pour vocation de lutter inlassablement contre les discriminations et le racisme, se sent concerné par le devoir de vigilance et d'information de l'opinion publique que cherche à promouvoir en France et à travers le monde l'Observatoire international des prisons. Etre militant antiraciste aujourd'hui peut revêtir de multiples formes, y compris rejoindre un groupe d'observation de l'OIP autour d' un établissement pénitentiaire, afin de veiller au "droit et à la dignité des personnes détenues". Bernadette Hétier Commission Immigration du MRAP Membre du Conseil de l'OIP I NTER VIEW DE BER NARD BOLZE A- UNE FACON D'ETRE CITOYENS Comment en êtes-vous venu à vous intéresser de manière aussi précise à la question de la prison? Bernard Bolze : L'Observatoire est le résultat d'une démarche militante et professionnelle. Militante, dans la mesure où il s'agit de s'attacher à un secteur précis de l'exclusion, et journalistique, parce que l'OIP est un lieu de production des informations au sens le plus classique. D'où vient votre intérêt personnel pour cette question de la privation de liberté? B.Bolze : Je me suis intéressé au cours de ma vie militante et professionnelle à toutes sortes de problèmes liés à l'exclusion; j'ai aidé des détenus à concevoir un journal en prison, et puis j'ai moi-même été détenu par antimilitarisme en m'insoumettant. J'ai connu pendant deux mois, qui m'ont paru une éternité, la condition qui pouvait être faite aux personnes détenues dans des prisons ordinaires. Le thème de la prison paraît particulièrement à contre-courant en cette période où les gens dits normaux sont eux-mêmes si mal... B.Bolze : On peut aisément penser des choses pareilles parce que tout est fait pour rendre la condition des détenus invisible. A l'OIP nous avons beaucoup de difficultés pour accéder aux informations. Le ministère de la Justice fait tout pour que nous soyons marginalisés. A la question d'un sénateur, le ministre de la Justice a répondu récemment que lui-même assurait les moyens de surveillance nécessaire et que rien ne justifiait l'existence d'un nouvel organisme pour se préoccuper de ces questions. Mais nous avons le temps pour nous. Nous travaillons sur le long terme. Ce sujet paraît d'autant plus marginal que la privation de liberté induit d'elle-même l'exclusion de la société ... B.Bolze : Plus je réfléchis, plus je m'aperçois que la peine privative de liberté est un fait dégradant en soi. La prison ne va pas sans atteinte aux droits de l'Homme. L'Observatoire demande l'application des droits de l'homme aux personnes détenues; nous voulons savoir et faire savoir ce qui se déroule pendant la peine privative de liberté. Et nous savons que plus cette peine est longue, plus les atteintes aux droits de l'homme risquent de • s'aggraver. Mais l'Observatoire ne discute ni de la durée de la peine ni des jugements rendus. Notre travail commence quand la justice a rendu son verdict. L'Observatoire ne prétend pas faire le bonheur des détenus, mais pour nous qui construisons cet observatoire, c' est une façon de nous assumer comme individus citoyens. Si les détenus ne voient pas eux-mêmes la nécessité d'être solidaires, d'énoncer avec courage et sans crainte les choses qui ne vont pas, on ne fera rien à leur place. Cette question de la prison touche à la dignité humaine. Quelqu 'un rappelait il y a peu de temps lors d'un débat, qu'un universitaire qui signe de son nom les travaux de ses étudiants n'est poursuivi par personne alors que c'est là un vol manifeste. Mais lorsqu'un pauvre vole à l'étalage ou un sac à main, il est durement réprimé. Il y a des gens qui sont condamnables et d' autres pas. _ Comment sont organisés les groupes locaux de l'Observatoire? B.Bolze : L'architecture de l'Observatoire est simple. Le but est de créer un groupe local d'observation auprès de chacune des 179 prisons de France. L'Observatoire idéal serait composé de 179 groupes locaux d'observation. Chaque groupe doit, pour élaborer son observation répondre, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année, à un questionnaire commun à tous les groupes que l'on appelle l'observeur constitué de 500 questions. L'observeur porte autant sur la population carcérale, que sur les locaux, les personnels, la discipline et les punitions, et puis aussi les fiches techniques concernant la culture, l'alimentation, l'hygiène, le travail, l'exécution des peines, le maintien des liens familiaux etc. Les questions sont de cet ordre : à quelle heure sont distribués les médicaments ? tous les détenus qui le souhaitent peuvent-ils avoir accès à une activité culturelle existante? cette activité estelle gratuite ou payante? les détenus disposent-ils d ' eau potable? comment s'assure-t-on d'un parloir? est-ce que la durée du parloir peut être réduite d'une manière inopinée? arrive-t-il qu'un détenu soit sanctionné par l'obligation d'être nu? est-ce que les détenus disposent d'un lit et d'une literie? est-ce qu'ils peuvent lire et travailler sans l'aide 5 de la lumière artificielle? est qu'il arrive qu ' une femme accouche menottes aux poignets? Comment se procure-t-on ce genre d'informations? B.Bolze : Tous les moyens sont bons. L'Administration ne tient pas à faire connaître les méfaits qui peuvent s'exercer en son nom à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Les murs servent à empêcher le détenu de s'échapper de la prison et le citoyen ordinaire de savoir ce qu'il s'y passe. Dans ce contexte, se procurer de l'information sérieuse c' est s'engager dans un jeu de piste. Le groupe local est composé de citoyens de la ville qui sont parfois d'anciens détenus, des membres des familles de détenus, des visiteurs, des aumôniers, des médecins, et aussi des surveillants, des avocats, des magistrats, et de toute personne qui décide d'aller savoir ce qui se passe derrière les murs qu'elle ait ou non la possibilité de pénétrer à l'intérieur. Il faut, de toutes les façons, faire un travail d' enquête et de vérification. Ce n'est pas facile mais c' est possible. La preuve est que notre rapport fait état de faits très précis qui n'ont pas été contestés. Quelles sont les autres fonctions du groupe local ? B.Bolze : Le groupe local a pour fonction, sur le long terme, de faire remonter l'information pour l'Observeur et un travail plus immédiat, ce que nous appelons la veille informative : quand un incident a lieu, le groupe communique les faits à la presse, aux pouvoirs publics et à un certain nombre d' autres destinataires. Cette information donnée est non polémique et non idéologique: tel jour, telle heure, voilà ce qu'il s'est passé. Existe-t-il un profil culturel, social ou politique dominant dans vos groupes locaux ? B.Bolze : Oui, ce sont des gens disponibles, notamment d ' un point de vue psychologique. Il faut avoir personnellement réglé bien des problèmes pour réagir au délit autrement que par l'injure et l'esprit de représailles. On y rencontre peu d'anciens détenus car lorsque le détenu a purgé sa peine, il est peu enclin, et on le comprend, à se replonger dans le monde qu'il a quitté . Les familles, elles, sont présentes. A Clermont-Ferrand, par exemple, c'est la mère d'un détenu, femme de service dans une maison de retraite, qui est en train de faire exister le groupe local. A Nîmes c'est la compagne d'un ex-détenu qui a indiqué vouloir créer un groupe avec une autre personne. Deux ex-détenus participent au groupe qui s'est constitué autour de la prison de la Santé à Paris. Vous avez rapidement acquis une certaine notoriété. Comment l'expliquez-vous? B.Bolze : Nous avons acquis cette notoriété grâce au sérieux de notre travail. Pour nous la meilleure des évaluations est là : la FIDH a engagé l'ensemble des Ligues à travers le monde à nous soutenir, et Amnesty nous accompagne, de même que l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture, la Fondation de France et la Commission des Communautés européennes qui nous ont aidé financièrement. Qu'attendez-vous des associations comme le MRAP ? B.Bolze : J'attendrais que dans un certain nombre de villes où le MRAP est implanté, un militant puisse suivre l'activité du groupe local de l'Observatoire, et notamment la partie qui concerne les étrangers détenus dans la prison de la ville. Cette vigilance du militant antiraciste nous aiderait beaucoup et lui-même pourrait en tirer un profit certain ainsi que les instances de son association. N'est-ce pas terriblement triste de se consacrer à cet univers de la priso1l ? B.Bolze : Non. Je crois que notre ennemi principal ce n'est pas une méchante Administration qui nous voudrait du mal, c'est nous. Il faudra constamment trouver des réponses à cette question de fond : comment gérer les rapports entre les gens et les compétences des uns et des autres. Ce n'est pas si simple. Faire fonctionner un groupe c'est aussi accepter les contraintes. Et puis, nous avons des problèmes d'entreprise: trouver de J'argent, le gérer, établir des outils d'évaluation et de contrainte budgétaire. Nous avons bien travaillé sur l'action événementielle pour donner de la notoriété à l'Observatoire; aujourd'hui, cette notoriété est peut-être sur-évaluée par rapport à nos capacités; aussi, c'est vers le travail de terrain que tous nos efforts vont aller. Notre communication sera tournée vers le développement des groupes locaux, Propos recueillis par Chérifa Be1labdessadok LOGEMENT ET DISCR IMIN ATIO N VOYAGE SUR LE TOIT Au moment où ce numéro est fabriqué, la préparation du colloque du MRAP sur la question du logement va bon train. Pour l'heure, Mireille Maner et Norbert Haddad, membres du Secrétariat national, présentent un exposé très circonstancié de l'activité du MRAP en la matière. L a question du logement doit, dit l'Abbé Pierre, être déclarée "catastrophe nationale". 2,5 millions de familles sont mal logées, 400.000 personnes "littéralement, couchent dehors". Un million de demandes étaient en instance en 1992 soit "une file d'attente estimée à deux années et demie d' attributions" dit encore l'Union Nationale des Fédérations d'Organismes HLM. A Paris , où la ville laisse inemployés des crédits attribués par l'Etat pour le logement des plus défavorisés, moins de 5.000 logements sociaux sont construits chaque année. Le MRAP, souvent interpellé tant au plan local que national puisque, bien sûr, dans ce domaine aussi , la condition d'immigré devient un plus dans la difficulté à se loger, s'est depuis plusieurs années préoccupé de la question. Rappelons d'abord les "Assises pour l'Egalité" de décembre 1989 qui avaient retenu le problème du logement parmi leurs quatre thèmes : • le droit au stationnement des nomades (témoignage des Gens du Voyage rejetés à Priziac); • les foyers de jeunes travailleurs avec un représentant de l'U.F.I.T. soulignant la ségrégation dont étaient victimes les jeunes et la nocivité du "couple maudit": pas de travail pas de logement, pas de logement pas de travail. • les foyers SONACOTRA • les difficultés des cités et de la réhabilitation (maire de Vénissieux) • le travail du MRAP sur le terrain: Meaux et Grasse solidaires des sans-logis. VIVRE SANS TOIT? Au-delà du constat, une analyse du projet de loi Besson et une intervention de Véronique de Rudder étaient venues éclairer la réflexion. Mais depuis, que s' estil passé? L' aggravation des conditions de logement a suivi la courbe de dégradation de l'emploi et de la situation économique. En mai 1990, la fédération MRAP du Vaucluse organisait un colloque "Immigration et insertion en Vaucluse". La "table ronde habitat" y constatait que "la notion d'habitat dépasse la notion simple de logement. il est vrai que le logement est plus proche des préoccupations de chacun, notamment pour les exclus" ... Mais "la notion de vie sociale du quartier nous paraît importante " . Réflexion donc autour de ces thèmes menée par des partenaires nombreux, di vers, de terrain, prenant en compte les réhabilitations , constatant le manque criant de logements dans le département, les moyens financiers trop réduits des HLM, le besoin de concertation et d'implication de tous les partenaires, revendiquant que "chaque ville du Vaucluse" se dote d'un projet de réhabilitation en HLM ou dans le parc privé. C'est en 1990 que des expulsions collectives entraînent des réactions organisées de sanslogis. Près de 50 familles expulsées de deux immeubles parisiens -rue de la Fontaine au Roi XIIème, rue des Vignobles XXème- organisées dans le Comité des Mal Logés et soutenues par des organisations maintiennent un campement dans le square de la Réunion XXème. Le bras de fer avec la Ville de Paris dure près de 6 mois, la revendication se structure autour de cette idée force "une clé, un bail" et aboutit au relogement de toutes les familles. Les années 91-92 ont vu les problèmes du logement à Paris envahir la scène publique à la 6 faveur de quelques grandes "affaires" auxquelles le MRAP a participé tant localement que nationalement. Chronologiquement, le "quai de la Gare", lieu de la plus grande opération d ' aménagement jamais vue à Paris (caractérisé par un déséquilibre logements-bureaux de l' ordre de 1 m' pour 2 m' et par le peu de logements sociaux -un tiers- projeté) a inauguré le cycle des actions spectaculaires. Celleci concernait 103 familles -pour la plupart immigrées- qui, ayant occupé le site durant quatre mois (13 juillet à fin novembre 91) soutenues par un collectif d'associations et de personnalités ont vu leur revendication aboutir puisque la dernière famille était relogée en juillet 92 et que 78 familles bénéficient maintenant d'un logement définitif. Le choix de ce site symbolique, un chantier, a failli faire tourner à la catastrophe cette opération du fait de la dégradation progressive des conditions d'hygiène. TIRER LES ENSEIGNEMENTS Les effets de Vincennes paraissent, hélas, beaucoup moins probants. 312 familles -77 immédiatement expulsables, les autres étant des "mal logés" (95% "bénéficiant" de moins de 5 m' par habitant), maliennes à 72%, sénégalaises à Il %- ont investi l'esplanade de Vincennes à partir du 21 mai 1992 jusqu'au 29 octobre, date de leur expulsion par les pouvoirs publics. Le MRAP, très impliqué sur le terrain, à travers le comité de Vincennes, constamment présent dans le "camp", dans les négociations, relayé par le National (intervention à la CNCDH, courriers et interventions en direction des ministres concernés, de la Préfecture, des groupes du Conseil Régional.. .) a tenté de jouer un rôle positif malheureusement battu en brèche par des rivalités et dissensions qui ont coûté cher aux familles. C'est ainsi que, malgré la détermination des familles de "Vincennes" les tensions de type communautaire et militant conduiront à leur dispersion dans une dizaine de sites après leur expulsion. Un an et demi après l'occupation de l'esplanade de Vincennes, la situation des familles qui avaient dressé le campement n'est toujours pas réglée. Seule une cinquantaine d ' entre elles a été convenablement relogée en logement définitif ou "logement-passerelles". Les autres, elles, continuent de vivre dans des conditions d'hébergement d'urgence - hôtels, hôpitaux, ALGECO. 80 enfants maliens hébergés à Limeil-Brévannes (94) depuis leur expulsion de l'esplanade de Vincennes, en octobre 92, n'ont pu effectuer leur rentrée scolaire faute de classe pour les accueillir. De multiples actions sont égaIement menées par le comité du 20ème au sein d'une coordination d' associations défendant "le droit pour les habitants du 20ème de continuer à vivre dans leur quartier" face aux "démolitions à tout va" des promoteurs immobiliers. Les plus marquantes restent sans doute celles organisées autour du 36 rue de la Mare et de ses enfants atteints de saturnisme dont L. Schwartzenberg dit: "ce n'est pas une pathologie de migrants, c'est une pathologie de gens mal logés". La spéculation immobilière, les loyers exorbitants conduisent aux expulsions du 35 rue des Partants XXème et à la transformation progressive de la ZAC des Amandiers XXe en zone résiden tielle d'accession à la propriété au détriment des logements sociaux. l J) 1 Autre action d' importance où le MRAP -comité Paris 14-15ème comme le National- a pris, aux côtés d'associations et de personnalités, une part active: le 41 avenue René Coty. Nous avons participé à l'occupation, le 26 mars 1993 , de la fondation Koppe un orphelinat désaffecté puis à toutes les actions, manifestations, démarches ... pour tenter de résoudre les cas des 23 familles installées là. Le 26 août au matin, les familles sont expulsées par plusieurs centaines de CRS et de gardes mobiles. En septembre, un affrontement a eu lieu entre les forces de l'ordre et des personnes venues réclamer leur relogement. Le 24 septembre, l'Abbé Pierre, venu soutenir les familles expulsées de l'immeuble, a réussi à obtenir de la Ville de Paris que celles-ci soient relogées en hôtel meuble, aux frais de la Ville, jusqu'à ce que soit trouvée une solution définitive. DES QUESTIONS DIFFICILES La Seine-Saint-Denis n'est pas à l'écart de ces difficultés: Stains, La Courneuve, Aubervilliers ont vu les places de leurs mairies occupées. La fédération 93 a participé aux réunions qui tentaient de résoudre le problème des expulsés de La Courneuve, même si elle pense que les choses sont ici beaucoup moins claires, puisqu'une bonne partie du département compte une proportion énorme de logements sociaux et connaît les qifficultés afférent à ce type d'habitat. Rappelons le propos de V. de Rudder: si les "municipalités de gauche" appliquent elles aussi les quotas, "on ne peut oublier qu'elles ont eu plus que d'autres recours au logement social" et ont donc "participé à l'amélioration des conditions de vie " ... "pas seulement des ouvriers de nos agglomérations, mais aussi des immigrés". Elle ajoute: "ne refusons pas de voir qu'il y a des problèmes de mauvaise répartition des charges sociales entre les municipalités". Le maire de Saint-Denis ne dit rien d'autre face à certains qui lui demandent d'installer l'eau dans des garages squattés lorsqu'il s'interroge sur le degré de responsabilité d'associations qui, une fois obtenu le relogement, se désintéressent de ses conséquences sur la santé, l'éducation, l'aide sociale ... locales et l'éventuel terreau raciste ainsi conforté. Bien loin de la Seine-SaintDenis, le comité local de Grasse dans un département dont le Conseil Général rêve de faire la "Californie française", travaille depuis longtemps sur ces questions et, comme l'affirme la présidente du CL: "les obstacles n'ont guère varié depuis 89" date des Assises où l'exposition "Est-ce ainsi que les hommes vivent?" avait révélé l'envers du décor. Là-bas, on se bat concrètement pour aider "l'immigré en quête d'un appartement" dans son "parcours du combattant". On intervient en direction des agences privées et de leurs attitudes discriminatoires, des HLM et de leurs quotas, de la municipalité qui évin,çe du centre-ville sauvegardé et rénové les immigrés, qui utilise son droit de préemption pour les empêcher d'acquérir un appartement, du sous-préfet, des propriétaires abusifs ... Bref, un combat tous azimuts et de chaque instant. Autre CL très impliqué dans les questions du logement: Etampes, "seule ville du Sud-Essonne à posséder des logements sociaux" qui compte 800 demandeurs dont 30 % d'immigrés et où le CL tente de "coordonner la réflexion et l'action", de "gérer l'urgence" (une trentaine de dossiers) et le "long terme" (faire reconnaître le droit au logement "sur le terrain et non dans les discours"). "II y a exclusion, dit-on ici, "si le débat est absent de la gestion d'une ville". A Dreux, la question du logement vient directement après les problèmes de régularisation des séjours dans l'activité du Comité. L'office des HLM contrôle une grande partie du parc immobilier et les critères d'attribution des logements relèvent "d'un autoritarisme discriminatoire" LOGEMENT ET DISCRIMINATION 7 selon le président du comité. En effet, il ne suffit pas de présenter des attestations de revenus, il faut travailler sur place à Dreux. Cela exclut la population qui a un emploi dans l'agglomération parisienne. Au moins 2.000 travailleurs prennent le train chaque matin pour Paris ou sa banlieue. Parmi cette population, beaucoup sont des résidents d'origine étrangère. Enfin, d'autres c.L. se préoccupent d'un autre genre de droit au logement: celui du stationnement des nomades. Aux côtés d'autres associations, ils sont conduits à intervenir au sujet de l'article 28 de la loi Besson, qui prescrit à toute commune de plus de 5.000 habitan ts d'avoir une aire d'accueil aménagée. La loi n'est pas appliquée par la grande majorité des municipalités. De plus, il arrive que des communes de moins de 5.000 habitants se croient déchargées de toute obligation alors que restent valables pour elles les prescriptions antérieures: un terrain, sommaire, mais correct, où les Gens du Voyage puissent stationner 48 heures minimum. Reste le cas, souvent plus difficile, des Gens du Voyage qui ont acquis un terrain privé, mais sont en butte à toutes sortes de vexations: refus d'eau et d'électricité, refus sans motivation de séjour au-delà de 3 mois, limitation arbitraire du nombre de caravanes. Parce que, pas plus que le droit au travail, cette société n'offre le droit au logement qui reste à conquérir parce qu'aussi face à toutes les difficultés, les immigrés se trouvent un peu plus exclus que d'autres, le MRAP est donc aujourd'hui de toutes les batailles pour le logement, partie prenante de toute action de "terrain", de "proximité". Mais nous savons aussi que cela ne peut suffire, que nous ne ferons évoluer la situation que par des prises de décision plus globales, plus politiques aussi. La rencontre "Logement et Discrimination" en préparation portera donc ce regard plus analytique, mais aussi plus largement revendicatif sur les questions de l'habitat. Mireille Maner Norbert Haddad COLLOQUE SUR LES DROITS DES MIGRANTS La Commission des Eglises auprès des Migrants en Europe (CEME) a organisé les 8 et 9 novembre dernier à Strasbourg un séminaire sur l'utilisation des conventions internationales visant à protéger les droits des migrants et des minorités ethniques. Les objectifs de ce séminaire, a forte tonalité, juridique se sont articulés autour de trois ateliers de travail portant sur la discrimination raciale, les minorités et l'égalité de traitement. Au MRAP, nous sommes attachés au scrupuleur respect des textes fondateurs de la République française: Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789; Préambule de la constitution de 1946 et des engagements internationaux de la France; Convention européenne des Droits de l' Homme; Convention des Nations-Unies relatives aux droits de l'enfant; Convention des Nations-Unies sur l'é limination de toutes les formes de discrimination raciale; Charte sociale européenne. Le MRAP a pu présenter son analyse des lois votées récemment en France sur l'immigration, les contrôles d'identité ... A la réunion plénière, sur l'utilisation des instruments internationaux et plus particulièrement des Cours de justice internationales de Strasbourg et Luxembourg, nous avons insisté pour qu' aucune disposition législati ve ou réglementaire ne doive conduire, directement ou indirectement, à remettre en cause les principes républicains fondamentaux: Liberté, Egalité, Fraternité. Nous avons également in sisté sur le fait qu' il ne faut pas instaurer de discriminations entre les enfants et les jeunes vivant en France, ce qui serait contraire aux principes laïques sur lesquels s' appuient les institutions françaises de la République française et en infraction avec les Conventions signées et ratifiées par notre pays; on ne doit pas non plus priver certains d ' entre eux de repères identitaires fondamentaux ni compromettre leur insertion sociale et culturelle, leur avenir personnel et celui de leurs proches. L'idée de cette réunion sur le rôle des ONG était certes importante , mais, pour être utile, elle aurait dû s'engager sur des faits précis et éviter de se limiter aux idées générales abordées sous un angle et une perspective exclusivement juridiques. N.H. DROIT AU SÉJOUR LES NOUVELLES DISPOSITIONS JURIDIQUES La loi du 24 aoû~ rèt;'ve à "la maîtrise de l'immigration et aux conditions de séjour des étrangers en France", dite 'loi Pasqua, modiftant l'ordonnance du 2 novembre 1945, précarise ou exclut du droit au séjo e.t..dJ:...Jlj e en famille un nombre probablement important de personnes. - Bref panorama et exemples pratiques en page ci-contre. . Cette loi restrictive remet en cause des droits reconnus antérieurement et entérine les abus issus de pratiques administratives, souvent discriminatoires et jusque-là illégales. La logique de ce nouveau texte est de considérer d'emblée tout étranger comme un fraudeur potentiel: "faux conjoint, faux étudiant, faux demandeur d'asile ... ". Contrairement aux déclarations faites, c' est un véritable Etat policier qui se dessine pour les étrangers, adultes ou enfants. DROIT A LA RÉSIDENCE En clair, c'est le droit d'être un "résident privilégié" qui est battu en brèche et cette fois, beaucoup plus gravement que sous l'empire de la première loi Pasqua du 9 septembre 1986. Contrôle et doute sur tous les mariages mixtes. L' interdiction de célébration de mariage au motif de l'absence d'un titre de séjour d'un des futurs conjoints a été écartée par le Conseil Constitutionnel. Mais un nouveau projet gou vernemental dans le même esprit ne saurait tarder à être présenté au Parlement. Les "suspects" empêchés de se marier en France, où se marieront- ils? Au pays du conjoint étranger? Ce n'est pas évident, mais à supposer que cela soit parfois possible, la délivrance du visa d' entrée en France par les services consulaires reste hypothétique, sans parler des difficultés et tracasseries multiples qu"'offre" la procédure de transcription de l'acte de mariage étranger sur les actes de l'étatcivil français! La délivrance de la carte de résident n'est accordée désormais qu'après un an de communauté de vie entre les époux. Durant la première année de mariage, une carte de séjour temporaire sera délivrée sous conditions, au conjoint étranger du ressortissant français. Double exigence. Entrée régu lière et séjour régulier au moment de la demande pour le conjoint de français, l'enfant étranger de français, le parent d'enfant français, l'accidenté du travail... A défaut, est prononcée une décision de refus de séjour. Les refus de séjour et décisions d'arrêtés de reconduite à la frontière ne pourront que compromettre l'équilibre des couples et des familles concernés. L'alternative offerte est soit la clandestinité forcée soit le retour dans le pays d' origine afin de solliciter des consulats la délivrance d'un visa d'entrée en France. Réduction des catégories bénéficiaires de la carte de résident. L' étranger qui séjourne depuis plus de dix ans sous couvert d' une carte d'un an "étudiant" régulièrement renouvelée et l'étranger qui séjourne irrégulièrement depuis plus de 15 ans sur le territoire français sans s'en être absenté ne peu vent plus obtenir de carte de dix ans. L'enfant entré en France hors procédure de regroupement familial ne pourra bénéficier à sa majorité que d' un titre de séjour d'un an (précarité de son statut) et encore à la condition qu ' il soit entré en France avant l'âge de six ans! Regroupement familial. Les conditions du regroupement familial sont encore plus strictes. La réglementation précédente était déjà en décalage avec la Convention Internationale des Droits de l ' Enfant; pourquoi l'accentuer en multipliant les obstacles, en créant de nouvelles impossibilités, en empêchant l'enfant de rejoindre légalement son ou ses parents en France? Le regroupement familial partiel n'est désormais possible que "pour des motifs tenant à l'intérêt de l'enfant" ... Cette formule n' offre aucune garantie puisque c'est le préfet qui considérera ce qu 'est "l'intérêt de l'enfant". En 8 outre, l'enfant né d'un premier lit ne pourra venir rejoindre en France son père ou sa mère que dans l'hypothèse où son autre parent, resté au pays, est décédé ou déchu de ses droits parentaux. Les regroupements famil iaux partiels ou de familles "recomposées" sont souvent le seul projet réalisable pour de nombreuses familles . Ainsi, de nombreux jeunes seraient interdits de vie familiale. Et ceux qui seraient venus après la promulgation de la loi, même âgés de 6 ou 7 ans, hors procédure, n'ayant plus de soutien au pays n'auraient plus droit à aucun statut en France et pourraient même le "faire" perdre à leurs parents. Du jamais vu depuis 1945! REFUS DE SÉJOUR, RETRAIT Les motifs de refus de séjour et de retrait de titre sont multipliés. Nouveautés de la loi: Un article (15 bis) est inséré dans le texte de loi stipulant "qu ' un étranger polygame peut se voir retirer sa carte de résident". Des "dispositions transitoires" prévoient que cette mesure ne doit pas s'appliquer à ceux qui ont un droit de résidence antérieur à la loi du 24.08.1993. Le climat d'exclusion qui règne aujourd' hui ne rassure pas quant aux risques de dérapage ... Le problème de la polygamie doit susciter une autre approche que celle visant purement et simplement à destabiliser des résidents en règle. La carte de résident peut aussi être retiré ou non renouvelée aux résidents réguliers qui avaient fait venir un ou des membres de leur famille en dehors de la procédure du regroupement familial très contraignante et peu accessible. Les mesures d'éloignement sont maintenues ou renforcées. Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, interdiction du territoire français (ITF), expulsion pour menace grave à l'ordre public ou en "urgence absolue", nouvelle version: toutes ces mesures ne sont plus assorties que de garanties symboliques et les recours contre ces décisions rendues encore plus difficiles: La Commission d'expulsion et la Commission de séjour n'ont plus qu'un rôle consultatif. Les hypothèses de saisine de la Commission de séjour sont réduites: elle n'a plus à connaître des procédures de refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire. LES DROITS SOCIAUX Les droits des membres de familles des assurés sociaux (ayant droit) se trouvent dans cette loi réduits à néant, sauf pour ce qui concerne l'Aide médicale d'urgence, notamment si les mêmes ayant droit ne sont pas un situation régulière. Cette mesure vient légaliser les pratiques d' exclusion courantes mais illégales jusque-là, et rendre donc tout recours impossible. Les conséquences en seront d' une gravité sans précédent. Cette loi tend à faire croire que le laxisme a régné jusqu'à présent: il n'en est rien! Nombre de conjoints ou parents de Français voient leur régularisation refusée depuis des années; nombre de conjoints et d'enfants se voient obligés de repartir (même s' ils sont scolarisés en France) parfois à l'autre bout du monde pour satisfaire aux exigences de la loi. Ce nouvel arsenal juridique répressif ne peut que générer plus de désarroi et d'angoisse dans de nombreuses familles, rendre précaire voire impossible l'installation de nombreux travailleurs, conjoints de Français ou d'étrangers, des jeunes et des enfants. Xavier Baroit, Commission Immigration du MRAP et Permanence juridique -/ L A LOI PAR L'EXEMPLE FIRMIN, SYLVIE, PIERRE, DJAMEL ET LES AUTRES Cette loi va faire émerger de nouvelles formes de clandestinité. L e nouvel article 15 de l'ordonnance du 2/11/45 modifiée, prévoit que la délivrance de plein droit de la carte de résident peut-être refusée lorsque "la présence de l'étranger constitue une menace à l'ordre public". La circulaire du 8 septembre prise en application de la nouvelle loi précise à cet effet que "la menace à l'ordre public, s'apprécie au regard des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement de l'étranger en cause. Il n'est ni nécessaire ni suffisant que l'étranger ait fait l'objet de condamnations pénales". MENACES A L'ORDRE PUBLIC Djamel, marocain, est entré en France à l'âge de sept ans par la procédure de regroupement familial pour rejoindre son père, travailleur immigré en France, titulaire d'une carte de résident. C'est un adolescent qui n'a jamais quitté la France depuis son arrivée . Il est amené au cours d'une soirée, à consommer des stupéfiants, et se fait arrêter en flagrant délit. Passible d'une condamnation pénale pour usage de stupéfiants, il est possible qu'il puisse se voir refuser la délivrance de la carte de résident à laquelle il pourrait normalement prétendre. Motif: menace à l'ordre public!. Léonie, zaïroise est titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an. Elle vient de mettre au monde une petite fille, Vanessa, reconnue par son père, français. Après avoir traversé quelques semaines de chômage, sans ressource et désemparée, Léonie est surprise en flagrant délit de vol dans un supermarché. L'administration, au regard de la nouvelle loi, pourra en s'appuyant sur cette condamnation pénale, lui refuser la délivrance de la carte de résident à laquelle elle aurait pu prétendre en qualité de mère d'une enfant française. Nathalie Vitel, de la permanence juridique du MRAP, a imaginé quelques cas-types qui ne tarderont pas à se présenter à la réalité. Dans les deux cas, le refus de délivrance de la carte de résident sera aussitôt suivi d' un arrêté de recondui te à la frontière sans même disposer d' un délai d'un mois pour quitter le territoire français. La délivrance de la carte de résident aux catégories de plein droit est désormais également subordonnée à la double condition d'entrée régulière en France et de régularité du séjour au moment de la demande. Faraji et Anne se sont rencontrés en faculté à Paris . Ils s'aiment et ont choisi, il y a six mois , de se marier. Anne est Française , Faraji Marocain. Faraji est entré 'régulièrement en France, mais est aujourd' hui en situation irrégulière. Après six mois de mariage et de communauté de vie, Faraji ne peut espérer prétendre à la délivrance d'une carte de résident, depuis l'entrée en vigueur de la loi Pasqua. D'une part, pour solliciter la carte de résident, il faut justifier d'un an de mariage, mais surtout justifier d'un séjour régulier sur le territoire. Faraji a donc le choix de se maintenir clandestinement sur le territoire, ou retourner au Maroc, sans garantie de pouvoir revenir en France. Antonio T. est angolais. Entré en France en janvier 1992 sans visa, il a sollicité l'asile politique, qui lui sera refusé en septembre 1993. Devenu entre temps père d' un enfant français (la mère de l'enfant est française), Antonio T. ne peut pourtant prétendre à la délivrance d'une carte de résident puisqu ' il ne peut justifier d' une entrée régulière en France (absence de visa). La loi Pasqua a privé d'effet la jurisprudence du conseil d'Etat (MAMOKA, 22 janvier 1993) qui avait admis que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au demandeur d'asile valait régularisation des conditions de son entrée en France. 9 PERTE DU BÉNÉfiCE DE LA CARTE DE RESIDENT • L'étranger qui réside habituellement en France depuis quinze ans: Monsieur Z, Sénégalais, est aveugle et ne peut travailler. Il vit depuis 17 ans en France à la charge d'une personne dévouée mais ne s'est jamais préoccupé de sa situation administrative. La carte de résident, ou tout autre titre de séjour, lui sera refusée. • L'étranger qui séjourne en France depuis dix ans sous couvert d'un titre de séjour étudiant: Pierre T. ressortissant béninois, est entré en France en 1984 pour y suivre des études supérieures. Il y séjourne depuis un qualité d' étudiant. Inscrit en thèse, Pierre ne peut plus prétendre après 10 ans de séjour régulier à la délivrance de la carte de résident. Au terme de ses études, il ne pourra donc envisager d' exercer une profession en France et devra, en principe, quitter le territoire. • L'étranger entré en France durant sa minorité hors procédure de regroupement familial: Sylvie, camerounaise, est entrée en France à l'âge de 8 ans en compagnie de sa tante à laquelle elle a été confiée. A sa majorité, Sylvie ne pourra prétendre à la délivrance d'aucun titre de séjour. Firmin est ivoirien. Il est entré en France hors procédure de regroupement familial à l'âge de 3 ans (moins de 6 ans), pour rejoindre sa mère titulaire d'une carte de résident. A sa majorité Firmin pourra seulement prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an. Amadou est malien, polygame, et titulaire d'une carte de résident. Sa première épouse vit à ses côtés. Elle est récemment tombée malade et ne peut s'occuper seule de leurs enfants. Ils conviennent ensemble de faire venir la seconde épouse d'Amadou. Or, la carte de résident ne sera pas délivrée à cette seconde épouse et sa venue pourrait faire obstacle au renouvellement de la carte de résident d'Amadou et même motiver le retrait des cartes de résident des deux époux. Les familles de polygames vi vant en France avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont également touchées par les nouvelles dispositions dans la mesure où on leur refusera le renouvellement de leur carte de résident. LES COUPLES MIXTES La circulaire prise en application de la loi Pasqua exclut le bénéfice de la procédure de regroupement familial pour les conjoints de Français. Nous avons vu que Faraji, époux de Anne, ne peut prétendre à la délivrance de la carte de résident. Anne ne pouvant solliciter la procédure de regroupement familial pour son époux, Faraji n'a plus que le choix de repartir au Maroc et solliciter la délivrance d'un visa long établissement pour rejoindre Anne. Cette démarche demeure très aléatoire puisque les autorités consulaires françaises ne sont pas tenues de déli vrer un visa. Dans l'hypothèse où Faraji obtiendrait la délivrance de son visa, il lui faudrait de retour en France ju stifier d'un an de mariage et de communauté de vie pour obtenir la délivrance d'une carte de résident. Faraji n'est donc pas au bout de ses peines, dès lors que l'Administration n'est pas dans l' obligation de lui délivrer dans cette attente, une carte de séjour temporaire d'un an. N.V. A CTIVITÉS INTERNATIONALES INFOS EN VRAC Jean-Jacques Kirkyacharian, président du MRAP chargé des questions internationales, fait ici le compte-rendu d'une réunion du comité directoire de l'IMADR à laquelle ont également participé J. Chevassus, co-président du MRAP et M. Aounit, secrétaire général. A la suite, le lecteur trouvera des extraits d'une intervention de J-J.Kirkyacharian à la sous-commission de l'ONU pour les droits des minorités et contre les discriminations (août 93) ainsi qu'une information sur la commémoration de la Nuit de Cristal. DIRECTOIRE DE L'IMADR Le Directoire de l'IMADR s' est réuni les 6 et 7 décembre à Strasbourg. Ce Mouvement est une structure souple qui réunit des mouvements et des individus dans la recherche d'une plus grande coordination et de J'information mutuelle des forces antiracistes dans le monde. Le noyau fondateur s' est constitué, au Japon, à partir de militants de la Ligue de libération des Buraku. La présidente actuelle est Madame Shreiber, par ailleurs viceprésidente de l'Alliance abolitionniste internationale et personnalité fort connue parmi les ONG. Jacques Chevassus fait partie du Directoire, où il cotoie entre autres, Romani Rose, président du Conseil central des Roma et Sinti en Allemagne, Marion Yutsis, théologien luthérien et membre du comité de l'ONU contre la discrimination raciale. Le vice-président était F. Diamani de l'ANC, disparu récemment. L' un des conseillers les plus écoutés est Théo Van Boven, ancien Directeur du Centre des Droits de l'Homme, qui a rapporté sur les discriminations et les minorités à la pré-conférence des ONG à Vienne. Ajoutons que la réunion de Strasbourg a vu la participation du Comité des Eglises pour les Migrants, lequel a le lendemain même organisé un colloque (auquel le MRAP a également participé (lire page 9). Il faut se féliciter de la souplesse de J'organisation de l'IMADR; nous y sommes affiliés, mais nous sommes le MRAP et nous ne dépendons que de nous-mêmes. Il n' est pas question (serait-ce seulement possible? j 'en doute) d'une sorte de "confédération mondiale d l' antiracisme" . Les idées du MRAP ont eu, à Strasbourg, un écho très favorable, en particulier notre analyse de l'exclusion sociale et plus précisément du mécanisme de "double exclusion". L' IMADR, qui a un bureau auprès de l'ONU à Genève, souhaite créer une antenne "européenne" qui pourrait être située à Bruxelles. C' est une idée que nous soutenons. Cela ne modifiera en rien nos apports avec d'autres mouvements ou groupes qui sont d'ailleurs d'une tout autre nature. Par exemple, le "réseau européen" ou encore les groupes parlementaires des Verts allemands ou du PDS etc. L'IMADR entend poursuivre son travail de confrontation par des colloques en Amérique, en Asie, en Afrique. Il est aussi projeté de constituer un "réseau mondial d'appel" permettant d' instruire des plaintes de particuliers ou de groupes devant les juridictions internationales. Dans l'immédiat, nous allons pouvoir coordonner l'action de la Commission Tsiganes et Gens du Voyage avec le Conseil central des ROMA en Allemagne (la question des Tsiganes de Roumanie nous est commune). Il est patent que racisme et discrimination dans le monde, varient dans leurs formes, mais nous avons constaté une fois de plus que les analyses convergent d'elles-mêmes, dès lors que la signification sociale fondamentale, qui est celle de l'exclusion, n'est pas escamotée. SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME Il est courant d ' entendre autour de nous des réflexions pess imistes : le monde devient fou, la violence irrationnelle gagne partout agit le retour du refoulé, et la diversité des situations est inassimilable à l'explication: racisme anti-immigrés, violences inter-ethniques venues du fond des âges, désordre économique et social à l'échelle mondiale, faisant craindre J'invasion des miséreux du Sud, flambée des fanatismes, bref explosion de l' unité humaine qui demeurait le projet de notre moder nité. Que tous ces événements produisent du désarroi, c'est normal, mais il serait immoral de s'y abandonner. La forme des phénomènes peut être nouvelle, mais leur objectivité doit inciter à la pensée claire et à l'action résolue. L'exclusion. On oublie souvent que l'exclusion sociale est un mécanisme double, jouant de façon quasi-circulaire. Il y a des exclus qui portent sur leur personne les marques de l'exclusion, ceux qui sont d'emblée rejetés à la marge, corps étrangers dont il est comme naturel de se méfier, qu ' ils soient à l'intérieur de notre société partielle, ou qu'ils vivent au-delà des mers. Il ya aussi les exclus "invisibles", qui pensent (ou quelquefois ne font que deviner) qu'ils sont exclus ou promis à l'exclusion. Ceux-là sont portés à rejeter la responsabilité de leur malheur sur les "exclus visibles ", qu 'i ls perçoivent comme parasitaires et même comme privilégiés. Il suffit de noter que toutes les enquêtes font apparaître qu'une majorité de Français croient dur comme fer que "les immigrés" jouissent d'allocations sociales particulières. Les débats sur l'antiracisme. Trop parler du racisme, disent certains, c'est l'exacerber. D'autres incriminent le caractère moralisateur, voire passéiste, en tout cas étranger à la réalité vécue, de l'antiracisme organisé. Il y a, en particulier, tout un débat parfois très nourri d'arrières-pensées, sur "identités et différences ". En forçant un peut le trait, on voudrait faire choisir entre l'adhésion à un modèle identitaire figé et l'attachement à des différences culturelles insurmontables. ( ... ) Facteurs politiques et sociaux. Certes, il n'est pas simple d'en dessiner les contours pour ce qui est des guerres inter-ethniques ou de la persistance de fait de l'apartheid. Encore que sur ce dernier point, l'inégalité sociale soit si criante que le suffrage universel, difficile à arracher, devra entraîner des réformes dans la condition du peuple noir pour qu'il puisse devenir pleinement citoyen. Mais ne citons que le plus facile: • un effort considérable doit être fait dans les pays développés en faveur de toutes les victimes de la crise. Les poches de pauvreté doivent être résorbées, il ne doit plus y avoir de résignation à la 10 misère sociale et culturelle. Celui qui est dépossédé ou rejeté n'est pas libre de se vouloir citoyen, et ceci vaut pour tous: les "nationaux" comme les immigrés; pour ceux du "dedans" mais aussi pour ceux qui vivent loin, dans le "dehors" du sousdéveloppement et de la misère , derrière les grillages parfois. • les mesures de fermeture des frontières, voire d' expulsion des candidats à l'immigration, sont présentés comme étant de nature à calmer le racisme spontané des pays développés désormais en crise. Des gouvernements affirment à voix haute leur volonté de lutter contre "le racisme", né selon eux d'un trop-plein d'hommes, femmes, enfants d'origine étrangère, tenus par certains pour inassimilables et dangereux. Ils devront reconnaître tôt ou tard que ce genre de" mesures encourage au contraire le racisme diffus, nourrit la conviction, que cultivent les politiciens d'extrême droite, que les maux de la société occidentale ont pour cause la présence de la population d'origine étrangère; bref, ils devraient au plus vite renoncer à encourager objectivement la logiquedu bouc émissaire! c'est une erreur de laisser entendre: si tu es pauvre, c'est à cause des pauvres! • Les gouvernements doivent prendre des mesures énergiques d'ordre pénal, réprimant sévèrement les menées racistes, la propagande raciste et xénophobe. Les conditions sociales ne créent pas le racisme, elles en favorisent l'exploitation démagogique. Il y a des groupes néo-nazis, des révisionnistes de l'histoire contemporaine, des idéolog ues de l'exclusion. La volonté de lucidité dans l'analyse sociologique ne doit pas offrir une couverture pudique à ceux qui prétendent que le racisme est une donnée naturelle. Je me borne à ces extraits, mais il faudrait aussi aborder les données du sondage de la CNCDH, que j'ai commentés à Vienne. Si un militant voulait donner son avis sur ce sujet, ce serait instructif pour tous. LA NUIT DE CRISTAL ET LE MUR Le groupe parlementaire PDS-LL (ex-communi stes) a déposé au Bundestag deux projets de lois très intéressants. Le premier tend à faire du 9 novembre (anniversaire de la Nuit de Cristal) une journée commémorant annuellement le génocide perpétré en Allemagne et en Europe contre les Juifs. Ce groupe parlementaire demandait, en outre, que soit tenue une séance où parleraient à titre de témoins du racisme les étrangers, les demandeurs d' asile, les Juifs, les Roms. Le projet de loi a été rejeté par la majorité. Le parti social-démocrate et les Verts ont voté pour. En remplacement, la même majorité a décidé de tenir le 9 novembre au Reichstag une séance de commémoration de la Nuit de Cristal et de la chute du Mur de Berlin. J-J.Kirkyacharùm DROIT D'ASILE LE DROIT ET LES HOMMES Le projet de loi constitutionnelle relatif aux "accords internationaux en matière de droit d'asile" a été voté par le Congrès réuni le 19 novembre. Le MRAP s'est opposé à cette restriction majeure du droit d'asile par des prises de position publique et des manifestations, notamment à Paris le 27 octobre et le 18 novembre. Nous publions ici des extraits de textes fournis par Malte Martin, membre de la commission Immigration du MRAP, pour l'argumentaire qu'ils développent contre cette réforme. LETTRE OUVERTE DE LA COMMISSION DE SAUVEGARDE DU DROIT D'ASILE "( ... ) Etre réfugié, ce n'est jamais un choix: c'est être confronté à une réalité qui oblige à quitter son village, sa ville, son pays et souvent sa famille à défaut d'y laisser sa vie ou sa liberté. C'est échapper à un arbitraire qui méprise les droits les plus élémentaires. Reconnaître à celui dont l'existence est niée dans son pays sa place dans une autre communauté d'accueil, voici la manifestation concrète d'un droit fondamental que la Révolution française a rappelé et que le Droit international a codifié: tous les hommes ont les mêmes droits, indépendamment de leur lieu de naissance ou de leur situation. Le droit d'asile n'est donc pas une simple manifestation de solidarité: en recevant un réfugié, nous ne faisons qu 'être fidèles à l'uni versalité de ces principes que d' autres nient. La grande majorité des réfugiés reste confinées là où règnent déjà en temps normal les coriditions de vie les plus dures et c'est faire insulte à la vérité de prétendre que les pays occidentaux, et la France en particulier, accueillent "toute la misère du monde"
- le Haut Commissariat pour les Réfugiés a recensé
19 millions de réfugiés dans le monde alors que J'Europe de l'Ouest n'a reçu que 700 000 demandeurs d'asile en 1992. Pourtant, depuis de nombreuses années, le traitement réservé aux demandeurs d'asile est allé se dégradant dans divers pays d' Europe. En France, dans un premier temps, les moyens dont disposaient l'OFPRA et la Commission des Recours étaient si insuffisants que les dossiers se sont accumulés par milliers. Dans un deuxième temps, lorsque les pouvoirs publics se sont rendus compte de la dimension du problème, les moyens ont été accrus mais avec l'objectif notamment de rejeter vite et dans de grandes proportions les demandes présentées. Aujourd'hui encore, un demandeur d ' as ile sur deux n'est toujours pas entendu par un officier de protection. Dans la même logique, les critères appliqués sont devenus si restrictifs que bien des réfugiés accueill is il y a 10 ans seraient aujourd'hui rejetés. Or, voici qu'aujourd'hui le gouvernement entend modifier la Constitution afin de concilier, les dispositions de l' accord de Schengen avec les principes fondateurs de la démocratie. Nous avions dénoncé les conséquences de ces accords qui , présentés comme un grand pas en faveur de la liberté de circulation des personnes, signifient aujourd'hui aussi une restriction au droit d' asile. Certes, la Convention de Schengen prévoit une réserve qui permettrait à la France de recevoir les demandeurs d'asile, même si leurs dossiers relevaient d' un autre Etat. Le Conseil constitutionnel a considéré que les demandeurs d'asile se prévalant du préambule de la Constitution de 1946 devaient demeurer en France jusqu'à ce que l'OFPRA ait statué sur leur sort. Or, les demandeurs d'asile relevant du préambule de la Constitution de 1946 sont très peu nombreux. Ce serait donc pour leur faire barrage que le Parlement serait réuni en congrès pour modifier notre charte fondamentale: Nous ne sommes pas dupes, le présent débat constitue avant tout une diversion démagogique. Outre la charge symbolique attachée à cette modification de la Constitution, celle-ci aurait pour effet, en limitant considérablement la portée du Préambule, de rendre encore plus dissuasif le dispositif français en matière de droit d'asile. Nous n'acceptons pas qu'il soit ainsi fait bon marché du droit des gens. Nous avons une autre idée de la France et de ses devoirs que celle qui conduit à protester contre les atteintes aux droit de l'homme pourvu que ceux qui en sont les victimes restent au-delà de nos frontières (. .. )" COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME Avis adopté par la réunion plénière du 1 6.09.93 de la Commission nationale consultative des Droits de l 'homme sur "l 'harmonisation des politiques d'asile en Europe": la CNCDH dans l'extrait qui su it a clairement exprimé son refus de voir liés le contrôle des flux migratoires et le droit d' asile; c'est pourtant bien dans le chapitre politique que le droit d'asile a été réformé. La réforme a été défendue politiquement par Charles Pasqua pour donner "les moyens de lutter contre "immigration clandestine". LaCNCDH "Rappelle l'importance historique du droit d' asile en France et en Europe comme dimension fondamentale des droit de l'homme dont notre pays a été, et doit demeurer, promoteur dans le monde. Souligne la nécessité pour toute harmonisation des politiques d' asile, à quelque niveau que ce soit, de prendre pleinement en compte les engagements internationaux de la Convention de Genève en étroite liaison avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et les principes constitutionnels. Souhaite vivement que J'harmonisation des politiques d'asile au sein des Etats européens aille de pair avec le renforcement des garanties juridiques et pratiques qui assurent le respect effectif du droit d'asile. 11 Relève que la spécificité juridique des principes constitutionnels et internationaux qui fondent le droit d'asile interdit que celui-ci puisse être envisagé dans les travaux en cours sous la seule perspective de restriction des flux migratoires. Relève le récent effort accompli pour combler le "déficit démocratique" en décidant de soumettre au Parlement les propositions d' actes communautaires comportant des dispositions de nature légi slative (article 88 al.4 de la Constitution française) et Estime qu'il serait paradoxal de tourner cette nouvelle disposition en soustrayant des matières aussi sensibles que le droit d'asile à ce contrôle pour les traiter dans le seul cadre intergouvernemental. Rappelle que toute décision relevant du domaine légi slatif prise par le Comité exécutif prévu pour l'application de la Convention d'Application de l' Accord de Schengen ne peut entrer en vigueur qu'après avoir été ratifiée par le Parlement. Demande au Gouvernement français de mettre à profit la présidence que la France occupe actuellement au Groupe Schengen pour renforcer la transparence des travaux de ce groupe. Souligne fortement l' importance d'une concertation permanente avec les organisations non gouvernementales et les personnalités compétentes et le rôle d'une information approfondie de J'opinion publique sur un sujet aussi sensible. Demande à avoir connaissance des documents d 'exécution de la Convention d'Application de l'Accord de Schengen relatifs à la situation des demandeurs d' asi le et au traitement des demandes d' asi le et à être informée par les services compétents des ministères concernés sur les réflexions en cours relatives à la mise en oeuvre en droit interne des mesures prévues dans le cadre du Groupe ad hoc Immigration ou du Groupe de Schengen. S'inquiète tout particulièrement de ce que l'admission des réfugiés et demandeurs d'asile dans l'espace européen, ne soit rendu très aléatoire par l'application de notions telles que: -la possibilité d'asile "interne" dans le pays d'origine -le renvoi sur des pays d'origine sûrs "où en règle générale, il n' existe pas de risque de persécution" -le renvoi sur des pays tiers d'accueil qui sont en réalité le plus souvent que des pays de simple transit -la politique des visas -des sanctions imposées aux transporteurs acheminant des passagers dépourvus de document requis pour l'entrée sur le territoire -l'utilisation dès l'arrivée à la frontière du concept de demande manifestement infondée ". La CNCDH a également décidé de créer en son sein un sous-groupe chargé de suivre les politiques d'asile. ENBREF DES FILMS À VOIR GALÈRES DE FEMMES Le JO novembre est sorti sur les écrans des salles de cinéma un excellent documentaire intitulé "Galères de femmes", réalisé par JeanMichel Carré, consacré aux femmes en prison, Un film beau, douloureux et respectueux sur la réclusion et la récidive. Le réalisateur a suivi pendant deux ans. à l'intérieur de la prison de Aeury-Mérogis, puis à l'extérieur, sept femmes impressionnantes d'intelligence, de vivacité et de lucidité. Sept femmes condamnées à la récidive par \es conditions socio-économique mais aussi par autre chose qui pourrail à voir avec le "destin". Ces femmes en prison (qui paient pour toules?) rescmblent tant à d'autres qui vivent en liberté: la marque de l'enfance et des drames familiau::l;, le refus de certains compromis, l'attachement à la dignité. Bien que le sujet soit grave. le film de JM. Carré est une bel le inivation à prendre conscience de la valeur eomme des limites de notre libené. 1 TGABER, LE TRIOMPHE SUR SOI Eyal Sivan, réalisateur israélien que les lecteurs les plus assidus de Différences connaissent pour en avoir notamment lu une interview dans le numéro spécial de Différences consacré il y a deux ans au conflit israélo-palestinien. récidive avec un étonnant documentaire sur l'homme le plus controversé d' israël, Yeshayahou Leibovitl.. Ce documentaire se présente en deux panies de 80 minUles chacune. Dans la première panie intitulée"De la science et des valeurs", Leibovitz expose en philosophe, sa vision du monde à panir d'un concept-clé: "C'est sa volonté qui fait l'Homme". Savant (il enseigne la médecine neurophysiologique et dirige la section de biochimie à l'université hébraïque de Jérusalem) et philosophe (il dirige une chaire de philosophie dans la mêmc université), Leibovitz retourne dans tous les sens la question de la volonté el de l'obéïssance. ou plutôt de la désobéïssance à la loi. Un régal d'excitation intellectuelle. Dans la seconde partie intitulée "De l'Etat et de la loi", LeibovÎlz est interrogé sur la philosophie politique dont le cas d'application est, en l'occurrence, Israël. Cct hommc de 90 ans qui incarne en Israël "la violence verbale, la méchanceté. la haine de soi"' pour les uns et "la sagesse, la conscience morale" pour les autres, vaut la peine et le bonheur d'être écouté. Pour mieux comprcndre Israël. mais aussi pour mieux comprendre là où l'on vit, parce que Leibovitz est un universaliste. Ce film, co-produit par FR3 est, pour l'instant en pannc d'antenne! Il est néanmoins disponible en 2 cassettes-vidéo auprès des Editions du Momparnasse, 10 Impasse Robiquet. 75006, Paris, tel: 45481046. fax: 45489469, prix: 130 francs la cassene. ERRATUM Le Docteur Jean Blum, président du comité local de Mont De Marsan, a attiré notre attention sur les erreurs suivantes, qui se sont glissées dans le nO 145 de Différences du mois d'octobre: • Dans l'article sur les Cellules départementales contre le racisme et l'antisémitisme, il fallait lire que la Cellule dépanementale des Landes a été créée à Mont De Marsan ct non à Bordeaux comme nous l'avons écrit. • A la page J2 de ce même numéro, dans J'encadré consacré à l'Appel à souscription . les Landes ont été oubliées: en fait, la Fédération des Landes a souscrit la somme de 1500 francs el ce dès le 17 juillet 1993. Nous remcrcions Jcan Blum pour son courrier et présentons toutes nos excuses aux militants des Landes. IMAGES ET COLONIES Du 23 octobre au 31 dkcmbre, une exposition de brUe fat.'!ure se d&oule à I"HÔltI des Invalides sur le thème Images et colonies. Iconographie et pro~ ande coloniale sur rAfrique française de 1880 à 1962. U: thème cotonial fut un étonnant générateur d'imaginaire. Des peintures officielles aux images d'Epinal_ des représentations publicitaires à celle de la bande dessinét. des affiches de propagande aux livres scolaires. l"icooo. graphie cotoniale s'est présentée aux Français sur de multiples supports. Ces imagcs racontcnt comment se sont constituées. sur une longue période. ta conscience coloniale des Français el les stérWtypes qui l'accompagnent. ~nc exposition souhaite" ouvrir une page de I"Histoire commuAI' li; la France el à l'Afrique. Elle cS! construite chronologiquement et, au-detà du plaisir esthétique et de la d6.:0uverte d'oeuvres et de documents rares. l"icono. graphie cotoniale nous inte"rroge SUT certains stéré«ypes qui continuem 11 façonner notre perception. Dans le contexte actuel. souhaitons qu'un tel bilan permette non !;Culemenl de comprendre le passé mais d'anerer une rtnexion qui contribue il étabtir dt: nouveaux supports. N.HaMad INNONCE DE U COMMISSION -aNTISÉMITISME ET NÉO-NAZISME- DU MUP Répondre efficacement aux actes de l"e.\U"ême droite" nécessile de connaître !;Cs motivations pour démonter ses argumentaires. Si nous nI." nous formons pas, nos réponses il ceux qui nous interpellent risquent de ne pas être à la hauleur. Aussi, ta commission "Antisémitisme el néo-nazisme" met en place. à la veille dl." chaque Conseil national. une séance de formation dt: 18 heures à 21 heures. La première ! êance aura lieu le 8 janvier 1 994. Avis aux amateurs. 12 Chérifa Be/labdessadQk 89. rue Oberkampf 75543 Paris Cedex t t Tél.: 48068800 Tétécopie: 48 06 88 01 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérant bénévole Martial U: Nancq • Rédactrice en chef Cberifa Benabde,sadok • Administration - gestion Patricia Joubannet • Publicité aujoumal • Abonnements Isabel Dos Martires • Mise en page Areo - TéL :4850 18 tl • Impression Monttigeon Tél.: 3385 8000 • Commission paritaire n° 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légat 1992- tO 1
Notes
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