Droit et Liberté n°321 - juin 1973

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    • 6 Millions : l’Afrique de la faim;
      • Appel du MRAP
      • Editorial: notre solidarité par Albert Levy
      • Six pays atteints par la famine
      • Le Sahara progresse-t-il? par Jean Dresch
      • Une malnutrition permanente par René Dumont
      • Fatalité ou génocide par Jean Suret-Canale
      • Le tour des hommes par Michel Phily
      • Sénégal: la loi de l'arachide
      • Mali: une catastrophe prévisible propos recueilli par Louis Mouscron
    • Générosité ou justice? (immigration) par George-Laure Pau
    • Bordeaux: un immigré parle par Jean-Louis Fourrier
    • "Ordre Nouveau" provoque
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    • Proche-Orient: l'esprit de Bologne par Albert Levy
    • Afrique du sud: sauver les six de Prétoria
    • Aux éditions Droit et Liberté: "un drame à Bordj-Hindel de Claude Labarraque-Reyssac
    • Education à la fraternité: la savane enchantée par Françoise Ollivier


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__. . M ___. ...." '. ... ,_. .... _ .. ~ .. " M .~~ t:AFRIQUE DELA FAIM JUIN 1973 • N° 321 • 2.50 FRANCS Appel Laissera-t-on 6 millions d'êtres humains mourir de faim en Afrique? LA sécheresse qui sévit depuis cinq années dans plusieurs pays africains entraîne des conséquences catastrophiques. Six millions d'hommes, de femmes et d'enfants risquent de mourir de faim. L'économie dèjà précaire de cette région pauvre risque d'être ruinée pour une longue période. En d'autres temps, le génocide de six millions de juifs était apparu comme une de ces apocalypses que l'humanité espérait ne plus voir se répéter. Or, en 1973, à quelques milliers de kilomètres de nous, et tandis que d'énormes richesses sont dilapidées, sur six millions d'êtres humains pèse la menace d'une mort atroce. Des organisations françaises et internationales ont commencé à agir. Mais leurs interventions demeurent encore tragiquement insuffisantes, face à l'importance et à l'urgence des besoins. Quelques gouvernements procèdent à des envois de vivres et mettent en oeuvre des moyens de transport. Cet effort reste malheureusement minime par rapport à leurs possibilités, et dérisoire par rapport à ce qui est parfois mis en oeuvre lorsqu'il s'agit d'actes de guerre. L'Europe et la France, qui tirent une grande partie de leurs richesses de ces pays du « TiersMonde » et des travailleurs immigrés qui en sont issus, resteront-elles passives devant le drame qui se joue au sud du Sahara? On ne peut oublier que la crise actuelle frappe des peuples longtemps soumis à l'exploitation coloniale, qui se poursuit aujourd'hui sous d'autres formes. Il est plus profitable d'exploiter les ressources des pays sous-développés, de leur vendre des armes, que de les aider à restructurer et à maîtriser leur économie. Devant la situation de ces populations, dont nous sommes solidaires, le Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix (M.R.A.P.) en appelle aux forces politiques et syndicales, aux organisations démocratiques, aux autorités morales, à l'ensemble de l'opinion française pour exiger des pouvoirs publics qu'ils mettent en oeuvre immédiatement et sans désemparer, au niveau national et international, tous les moyens permettant de sauver ces six millions de vies menacées. Aucun homme de coeur ne peut rester indifférent. Vous qui voulez manifester concrètement votre solidarité, faîtes connaître votre soutien à cet appel, intervenez auprès des pouvoirs publics, adressez messages, pétitions, adhésions, dons, suggestions au M.RA.P., 120, rue Saint-Denis, 75002 Paris. Téléphone: 231-09-57. C.c.P. 14.825.85 Paris. Demandez cet appel au M.R.A.P. Diffusez-le. Faites signer la pétition page 9. éditorial Notre solÏdarÏté DECIMEE par la traite des esclaves, écrasée par le systéme colonial et humiliée par le racisme, largement dominée encore par les intérêts étrangers, l'Afrique offre aujourd'hui l'image poignante de millions d'êtres humains mourant de soif et de faim, en ce siécle de progrés où l'homme est engagé dans la conquête du cosmos. L'opinion découvre avec horreur cette réalite et s'in\frroge. Faute d'une analyse rationnelle, la tentation est forte de recourir aux lieux communs entretenus de longue date pour faire accepter les actions les plus inhumaines. « Ces gens-là ", maintenant indépendants, se montreraient « incapables" de s'organiser, de se développer, d'employer les moyens techniques mis « généreu sement" à leur disposition; éternels « grands enfants ", ils se montreraient « imprévoyants" et ne parviendraient pas à « dominer leurs instincts ", puisque la natalité prend chez eux des propor tions alarmantes et qu'ils consacrent des sommes énormes à l'achat d'armes ... C'EST tout simplement ignorer que l'indépendance politique « octroyée» à ces pays n'a pai supprimé les liens économiques qui les assujettissaient aux puissances colonisatrices; que les mêmes sociétés continuent de maîtriser leurs échanges et d'exploiter leurs richesses naturelles, agricoles ou minérales, et que 1'« aide ", comme on la pratique, n'a d'autre but que de favoriser, de perpétuer cette situation. C'est ignorer que la population en Afrique occidentale est beaucoup moins dense qu'en Europe; qu'en tout état de cause, la réduction et le contrôle des naissances sont conditionnés par le progrés social, et non l'inverse - et l'on peut se demander pourquoi la croissance démographique serait une calamité en certains lieux, alors qu'on y voit, en France, une bénédiction justifiant l'appel au renfort de nombreux immigrés. C'est ignorer, enfin, qu'en matière de guerres, de violences et d'arbitraire, les responsables de ce qu'on nomme « l'Occident" devraient faire leur mea cu/pa plutôt que de juger autrui; et que, les armes étant fournies par eux, à des gouvernements dont ils contrôlent plus ou moins directement les orientations, jamais ils ne sont étrangers ni aux conflits, ni aux méthodes oppressives, qui condamnent non pas les peuples qui les subissent, mais les dirigeants qui en font usage. CES faits, nous devons en tenir compte pour déterminer le sens et les formes de notre solidarité. Il est normal que, pour exprimer concrètement celle-ci, chacun soit désireux d'accomplir un geste personnel. Une journée DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN '1973 de travail (ou de vacances), est-ce trop demander à ceux qui se sentent vraiment concernés par un tel drame? Le M.R.A.P., qui appelle ses amis à soutenir cette entreprise de sauvetage, entend réaliser, avec les dons qui lui parviendront, des envois directs et ponctuels, dans des villages déterminés, selon des modalités fixées en accord avec les organisations de travailleurs africains immigrés en France. Mais si valable qu'apparaisse une tellc action, sur le plan moral et matériel, on ne saurait s'en contenter. Oans l'immédiat, les besoins les plus criants s'évaluent à un million de tonnes de céréales pour les six pays francophones menacés de famine; sans parler de ce qui sera indispensable, en vivres, fonds, équipements, dans un proche avenir et pendant plusieurs années, pour réparer les conséquences du désastre et en prévenir le retour. C'est immense. Le pro blé me se situe au niveau des Etats et des grandes organisations internationales. Or, jusqu'à présent, la France et quelques autres pays ont acheminé moins de , 100000 tonnes et prêté une dizaine d'avions. Dans une interview récente, Mgr Rhodain, dirigeant du Secours Catholique, évoquant la carence des services officiels, déclarait: « Pour l'instant, tous nos appels téléphoniques tombent dans le vide " ... L'OPINION publique doit donc peser de tout son poids pour obtenir la mise en oeuvre, sans désemparer, de toutes les ressources, de tous les moyens qui existent. Ne peut-on pas entamer les réserves de 29 millions de tonnes de blé, que conservent les pays les plus avancés du monde occidental? Ne peut-on établir un pont aérien massif, comme on l'a fait en d'autres circonstances, à des fins politiques ou militaires? Ne peut-on imposer une contribution exceptionnelle aux grandes firmes qui entretien nent de fructueuses relations avec l'Afrique? Tout cela est possible, nécessaire, urgent. Le M.R.A.P. considére comme sa tâche essentielle d'informer, de mobiliser les gens de coeur à cet effet, avec toutes les organisations intéressées. Moins de trente ans aprés le génocide de six millions de juifs, alors que l'on dénonce justement l'attitude de ceux qui se sont tus ou sont restés passifs, l'atroce agonie de six millions d'Africains ne doit pas avoir lieu dans l'indifférence des responsables, dans l'ignorance et le silence du plus grand" nombre. Albert LEVY. 3 Six pays atteints par la famine 1. MALI Superficie : 1 204000 km2 . G~graphie : le Mali est constitué aux neuf dixièmes de grandes plaines et de bas plateaux de moins de 300 m d'altitude. Climat : de novembre à mai la saison est sèche, fraîche jusqu'en mars, chaude ensuite ; pendant l'hivernage, de juin à octobre, elle est humide et pluvieuse. Population: 5018000 habitants. Capitale : Bamako. Agriculture (estimations) : mil, 920000 t ; riz, 130000 t ; mais, 70000 t ; fonio, 19000 t ; pois de terre, 10000 t. 3. NIGER Superficie: 1 267 000 km2 • Géographie : caractérisée par sa continentalité, sa massivité et son étalement, c'est une immense pénéplaine d'une altitude moyenne de 300 m. Climat: saison sèche d'octobre à juin, saison humide de juin à octobre; deux zones climatiques

zone désertique du

Nord, climat saharien ; zone Sud, climat sahélien où la partie la plus au Nord ne peut être cultivée sans irrigation. Population : 4 020 000 habitants. Capitale: Niamey. Agriculture (1967) : mil, 1000 150t ; sorgho, 342 160t; manioc, 168 800t ; niéhé, 77 000 t; patates, 12 100 t; mais, 2 600 t ; blé, 370 t. 5. TCHAD Superficie : 1 284 000 km2 • Géographie : le pays est une pénéplaine en forme de cuvette dont les bords s'élèvent de manière inégale: sommets de 1 500 m vers l'est, de 3400 m vers le nord. Climat: trois grandes zones: au sud, zone tropicale semi-humide ; au centre, zone de deux composantes , climat tropical sec et sahélo-saharien; au nord, zone saharienne et désertique. Population : 3 640 000 habitants. Capitale: Fort-Lamy. Agriculture (1968) : mil et sorgho, 825000 t; manioc, 50000 t; riz, 33 000 t; maïs, 23000 t; dattes. 25000 t . 4 2. MAURITANIE Superficie : 1 030700 km2 • Géographie : relief assez faible dans l'ensemble du pays, formé Oe dunes, de plaines, de quelques plateaux dont ceux de l'Adrar Climat: très chaud et sec, sauf dans la zone sahélienne, au sud, temperé par la proximité de l'Océan . Population : 1 170000 habitants. Capitale : Nouakchott. Agriculture (estimations) : mil et sorgho, 90000 t; dattes, 12 000 t ; maïs, 3000 t ; patates, 500 t ; arachides, 500 t ; orge et blé, 200 t; riz, 90 t . 4. SENEGAl Superficie : 196 192 km' Géographie : sept régions naturelles très différenciées; les principales sont la « zone arachidière », la plus peuplée mais en déclin économique ; le Sénégal oriental au climat rude; le Forlo sub-désertique, le bassin du fleuve Sénégal; le Cap Vert, pointe de l'extrême- Ouest de l'Afrique. Climat: quatre zones: côtière, au Nord de Dakar, température fraîche en hiver ; région sahélienne au climat chaud et sec ; région soudanienne aux pluies plus abondantes; Casamance: saison fraîche de janvier à mars. Population : 3 870 000 habitants. Capital: Dakar. Agriculture (1968) : sorgho et mil. 450000 t ; Manioc, 150 000 t ; riz 120 000 t. 6. HAUTE-VOLTA Superficie: 274200 km2 • Géographie: un vaste plateau continental dont l'altitude moyenne ne dépasse pas 300 m, incliné vers le sud ; la faible déclivité du relief gêne l'écoulement des trois fleuves : Volta noire, Volta blanche, Volta rouge. Climat: de type sahélien au nord, le climat devient progressivement soudanais vers le sud. Population : 5 380 400 habitants. Capitale : Ouagadoudou. Agriculture (1967) : sorgho, 370000 t; maïs, 100000 t; arachide, 94000 t ; riz, 42900 t. Le Sahara progresse-t-il ? DEPUIS quelques mois, seulement, les journaux, radios, télés des pays développés émeuvent l'opinion à propos de la famine qui décime les pays situés au Sud du Sahara, Mauritanie et Sénégal, Mali et Haute-Volta, Niger, Tchad, Soudan, Ethiopie. A vrai dire cette sécheresse est plus générale encore, bien qu'on en parle moins en Europe occidentale, du moins en France . Elle touche la péninsule indienne et certains pays d'Amérique du Sud. C'est une catastrophe planétaire. par Jean DRESCH Professeur al l'Université de Paris (VII) Partout les troupeaux atfamés fuient, vers les basses latitudes plus humides, les pâturages desséchés, et les pistes sont jalonnées de bêtes mortes ou mourantes, des zébus magnifiques quand leurs cornes couronnent des corps bien nourris, Les pasteurs comme les cultivateurs de mil fuient les villages aux greniers vides et leurs os saillants évoquent les prisonniers des camps de concentration. Les Etats victimes et les Etats qui ignorent la faim demandent et organisent des secours. Ceux-ci parviennent lentement, presque au comptegoutte et l'on craint que les grains envoyés ne parviennent pas à destination. On va peut-être sauver des vies humaines. Mais les pluies qui font défaut, non pas cette année, ni l'année passée, mais depuis quatre ou cinq ans, si elles tombent enfin pendant la saison pluvieuse qui vient, vont-elles faire renaître les herbages et les arbres, être suffisantes pour réalimenter les mares et les puits? Le désert progresse-t-i1 inexorablement? Les régions qui bordent au Sud le Sahara et qu'on appelle en arabe Sahel, rivage, sont des régions de transition entre l'aride désert et les régions tropicales humides. Elles sont plus ou moins DROIT ET LIBERTÉ - N' 321 - JUIN 1973 D.R . semi-arides. Et cette menace d'aridité se manifeste par une végétation herbacée de plus en plus basse, appauvrie, discontinue, (1 ouverte», vers le désert, la présence d'arbres épineux, des acacias surtout, petits, aux feuilles minuscules et dures, aux racines immenses qui vont chercher l'humidité nécessaire dans un vaste espace vital qui éloigne le voisin, des sols de moins en moins évolués. C'est une savane très claire, qu'on appelle parfois steppe sahélienne. Cette semi-aridité est facile à expliquer. Les cellules de haute pression tropicale, qui déterminent les déserts tropicaux, exercent ICI encore une influence dominante pendant la plus grande partie de l'année. Elles empêchent la formation de dépressions ou de mouvements ascendants d'un air au surplus privé d'humidité, dirigent vers les basses latitudes des vents desséchants, les alizés continentaux, qu'on appelle harmattan en Afrique occidentale. Cette saison sèche se prolonge de l'automne au printemps, La saison humide, estivale, bien qu'on l'appelle hivernage, s'explique par l'irruption vers le nord de masses d'air humide qui s'enfoncent sous l'air tropical sec. Elles suivent le mouvement apparent du soleil et s'avancent jusqu'au Sahara. Mais la durée de la saison humide est logiquement d'autant plus courte que l'on s'éloigne davantage des basses latitudes et, par suite, les précipitations sont d'autant plus faibles, 6 à 800 mm quand la saison humide dure 5 à 6 mois, 250 mm quand elle dure environ 3 mois. Mais en outre, comme dans toutes les régions arides et semi-arides, les pluies sont d'autant plus irrégulières d'une année à l'autre qu'elles sont plus faibles . Elles peuvent varier de 1 à 3 quand elles sont en moyenne de 7 à 800 mm, de 1 à 4 ou 5 quand elles sont en moyenne de 2 à 300. Elles peuvent débuter trop tard, s'arrêter trop tôt, être interrompues par une petite période sèche. Dans ces conditions, les plantes cultivées n'ont pas le temps d'achever leur cycle de végétation, Les années déficitaires peuvent se succéder, comme les bonnes années du reste. Le souvenir se conserve des années sèches 1 91 0-1 914, car la famine fut meurtrière. Les années 1941 et suivantes furent aussi très sèches. Comme aujourd'hui, bêtes et gens durent refluer vers le Sud. Mais, dès qu'au contraire se succèdent les années humides, pasteurs et agriculteurs reprennent espoir et repartent vers les marges du désert à la recherche de pâturages et de terres neuves à cultiver. Les populations connaissent bien ces incertitudes de la nature. Les paysans de la savane prennent soin de construire des greniers. Ils ont adapté leurs techniques, comme les pasteurs nomades. Mais pour astucieuse que soit leur expérience traditionnelle, si les années sèches, les séries d'anriées sèches, se multiplient, vont-ils devoir abandonner leurs savanes sahéliennes devenues inhabitables, comme si vraiment le Sahara avançait vers le Sud? Des oscillations climatiques se sont effectivement produites durant le ' Quarternaire : des dunes mortes témoignent d'une poussée de la sécheresse vers le Sud, de plusieurs centaines de kilomètres, tandis qu'à l'inverse des chasseurs et éleveurs purent à plusieurs reprises occuper des régions entières du Sahara, aujourd'hui tout à fait vides. Des ruines révèlent l'occupation, au Moyen Age, en Mauritanie et au Mali, par des cultivateurs sédentaires, de régions où aujourd'hui l'agriculture sèche est impossible : les précipitations devaient s'élever à 400-450 m, limite extrême des cultures sous pluie, alors au'elles ne sont aujourd'hui que 5 ......., de 200 à 250 mm. La différence est faible. Mais elle est ici radicale; elle fait franchir un seuil. On peut donc prétendre que le Sahara progresse. Mais on a pu prétendre aussi , pendant les séries d'années humides, qu'il reculait. Certes des mares, des puits s'assèchent , des sables redeviennent vifs, les crues des fleuves sont moins fortes. Mais on ne saurait pour autant affirmer qu' il s'agit d'une péjoration durable du climat. La responsabilité de l'homme est plus certaine. La colonisation a eu pour conséquence une augmentation de la population bien que la zone de la savane sahélienne soit particulièrement sous-développée, beaucoup moins bien équipée , en infirmières et hôpitaux comme en écoles ou en routes, que les régions plus humides. En bonnes années, le troupeau augmente et les défrichements s'étendent au risque de provoquer surpâture, dégradation de la couverture végétale et érosion des sols, tout d'un coup aggravées quand survient la sécheresse au point qu'on peut craindre parfois que les équilibres naturels ne puissent être reconstitués. Pareille situation était -elle inévitable et est-elle sans remède? On ne saurait le prétendre. La savane sahélienne n'a pas intéressé les colonisateurs, car elle ne présenta it pas pour eux un intérêt économique. Les rég ions productrices de coton ou d'arachides sont plus méridionales. La savane sahélienne produit du :Jétail et du mil qui jouent un rôle très important dans les marchés intérieurs ou inter-Etats des pays africains. Mais elle ne fournit à peu près rien à l'exportation. Elle est loin, très loin des dé:Jouchés maritimes. Elle coûte très cher à équiper. C'est pourquoi les Etats africains n'ont pas disposé des capitaux nécessaires pour l'aménagement des régions qui n'intéressent pas davantage l'économie mondiale depuis qu'ils sont indépendants. Des puits ont été creusés, mais pas en assez grand nombre, des projets d'aménagement agricoles ou pastoraux ont été conçus mais, s'ils ont été réalisés, très généralement sans suite et sans succès. S'il est nécessaire aujourd'hui que la charité internationale empêche de mourir de faim les ha bitants de la savane sahélienne, il le serait plus encore de prévoir les investissements et les travaux nécessaires à un équipement hydraulique, un aménagement des ressources végétales, un progrès économique et social qui permettent d'éviter non le retour de sécheresses, inévitables, mais du moins leurs conséquences les plus dramatiques. J.D. 6 Quelq.ues chiffres Les quelques chiffres ci -dessous, bien que très partiels, peuvent donner une idée du sous-développement qui affecte (indépendamment de la sècheresse actuelle). les pays les plus atteints par la famine, ainsi que l'ensemble du continent africain. P.I.B. Le produit intérieur brut par habitant, c'est-à-dire la valeur de la production nationale divisée par le chiffre de la population , représente les taux suivants : Mali : oU aOllars. Mauritanie : 130 dollars. Niger : 83 dollars. Sénégal : 197 dollars. Tchad: 70 dollars. A titre de comparaison, précisons que le P.I.B. par habitant se monte à 2 199 dollars pour' la France et 3 960 dollars pour les Etats-Unis. CONSOMMATION D'ENERGIE La consommation (moyenne) d'énergie par habitant se situe aux niveaux suivants Mali: 21 kg . Mauritanie : 60 kg . Niger: 14 kg. Sénégal : 147 kg . Tchad: 17 kg . En France, il est de 3282 kg , aux Etats-Unis, de 10331 kg , NATALITE, MORTALITE Le taux 'de natalité, qui est de 34 pour 1 000 pour l'ensemble du monde, et de 18 pour 1 000 en Europe, s'élève à 50 pour 1 000 pour l'ensemble de l'Afrique. La mortalité, qui est de 15 pour 1 000 dans le monde, et de la pour 1 000 en Europe, atteint 26 pour 1 000 dans l'ensemble de l'Afrique, RENDEMENTS Le caractère archaïque des méthodes, le sous-équipement, l'insuffisance des moyens financiers, le manque de spécialistes, expliquent, entre autres, les faibles rendements de l'agriculture en Afrique, comme dans tous les pays du « tiers monde», En voici quelques exemples. Le riz donne en moyenne 51 quintaux à l'hectare aux Etats-Unis, 48,2 en Europe, 14,8 en Afrique, Pour le millet et le sorgho, les rendements sont respectivement de : 31 ,6 (Etats-Unis). 21 (Europe) et 6,8 (Afrique) , Pour le coton: Etats-Unis: 5 ; Europe : 5,1 ; Afrique : 1,3, Pour le soja : Etats-Unis : 16,5 ; Europe : 8,9 ; Afrique : 7,6, INVESTISSEMENTS, AIDE, DETTE La grande misère des pays du « tiers monde» se traduit également par l'ampleur de leur dette publique extérieure. Pour l'ensemble de l'Afrique, elle se montait, à la fin de 1961, à 3309 millions de dollars, et à la fin de 1968, à 8720 millions de dollars, soit une augmentation moyenne de 773 millions de dollars par an , Même si les versements annuels pour service de la dette sont .passés de 172 à 625 millions de dollars entre 1961 et 1968, ce dernier chiffre reste au-dessous de l'accroissement parallèle de la dette, Ainsi , « l'aide» sous forme de prêts (avec les intérêts) ne fait qu'aggraver la situation de la région concernée, Quant aux investissements directs (composés d'investissements nouveaux et des bénéfices réinvestis), ils s'élèvent annuellement, en Afrique, à 540 millions de dollars (moyenne estimative des années 1967 et 1968), Dans le même temps (1968), les revenus des investissements privés officiellement transférés hors d'Afrique, se montent à 1 134 dollars, L'aide publique totale à l'Afrique s'est élevée, en 1968, à 1 562 millions de dollars (1 701 millions en 11:l65), (D'après Pierre Jalée : ft Le tiers monde en chiffres n, éditions Maspero, 1971.' l"..:. ~ '. ~ 0 DROIT ET LIBERTÉ - N' 321 - JUIN 1973 Une malnutrition permanente 1 A situation est très grave au nord du L Sénégal et en Mauritanie . Mais les secours peuvent y parvenir plus aisément qu'ailleurs , par route ou par mer. Elle est grave dans l'extrême nord de la Haute-Volta et dans les provinces du Mali situées encore plus au nord, où se sont par surcroît accumulés les réfugiés venus de Haute-Volta . Les nomades sont les plus touchés. Entendons - nous bien : les appels répétés à la générosité ne résolvent pas le problème de fond , qui est d'abord un problème politique posé aux gouvernants et à l'ensemble des hommes et femmes de notre pays, problème auquel ils doivent s'attaquer dans une double perspective : survie (des autres et de nous-mêmes, d'une certaine façon) et justice sociale. Il faut changer les institutions, briser les structures; chez nous aussi .. . celle que nous avons importée telle que nous la pratiquons, sans l'adapter aux conditions locales. Le drame, c'est que l'on a partagé l'Afrique au hasard des intérêts de ses colonisateurs, en séparant la côte de l'intérieur du pays. Au lieu de privilégier certaines provinces. Il aurait fallu développer équitablement un ensemble. Est- il juste que de jeunes Mossis atteigant la force de l'âge , entre 15 et 20 ans, quittent la Haute-Volta , qui malgré sa pauvreté a investi jusque là pour leur éducation et s'en aillent travailler au Ghana , en Côte-d' Ivoire ou au Gabon? Dans la plupart de ces pays, le pouvoir appartient à deux groupes, qui se font une idée très particulière de l'intérêt national : les fonctionnaires ou militaires , classe privilég iée : les représentants de groupes économiques étrangers. Il faudrait que s'élaborât un contrepouvoir paysan capable de faire entendre par René DUMONT Ingénieur agronome Certes on peut penser que les Etats et les organismes internationaux achemineront suffisamment de grain vers les zones sinistrées. Quand les grains arriveront, il sera trop tard pour le bétail : un quart est déjà mort, le reste aura bientôt le même sort, Pendant ce temps, les pays ainsi frappés continuent à exporter des produits agricoles : le Niger, comme la Haute-Volta ou le Tchad, expédie ses tourteaux vers l'Europe qui en nourrit ses troupeaux; et la graine de coton part au Japon . Alors que sur place les éleveurs n'ont pas d'argent pour l'achat d'aliments destinés au bétail. Autre fait significatif. En 1970, bien que fournissant un pourcentage d'huile supérieur, le kilo d'arachide était payé au paysan sénégalais 1/3 de ce que l'on payait le kilo de colza au paysan français, Idem pour les tourteaux. Si l'Europe payait correctement coton et arachide .. , Sur le plan international, un effort a été entrepris afin de doter l'Afrique de la sécheresse d'un réseau hydro-agricole (Office du Niger, barrages de HauteVolta ... ), De tels équipements restent sous-utilisés; il faut en effet, à la base , de bons paysans de culture sèche pour tirer parti des terres irriguées. Alors , comment passer de la grande jachère à la culture intensive? Il faut faire ici le procès d'une certaine école africaine , sa voix aux deux autres partenaires. C'est ce qu'avait tenté Mamadou Dia , au Sénégal. Il a été jeté en prison , voici dix ans. Il y est encore. L'opinion publique est toujours réti cente quand il lui faut s'approcher de vérités désagréables. Or un evenement, la sécheresse en Afrique, sert de révélateur, met en évidence une situation chronique : on ne mange pas à sa faim toute l'année au Sénégal, au Niger, en Haute-Volta! Il nous montre ainsi les conséquences de notre comportement politique, économique, social. La sécheresse, bien sûr, c'est spectaculaire, impressionnant ... Et l'on passe les yeux fermés devant d'autres drames, dont nous ignorons le développement sournois. Je pense à ces millions d'enfants d'Afrique victimes de carences alimentaires; parce que privés de protéines entre un an et cinq ans, ils sont destinés à devenir des sous-hommes. Jusqu'à un an, ils ont le lait maternel ; après cinq ans, ils chassent à la fronde et mangent leur butin : insectes, oiseaux, rats, lézards. Mais dans l'intervalle ... Il faudrait leur distribuer des protéines. On en fabrique bien pour le bétail : pourquoi pas pour les enfants? ( Réforme Il. Propos recueillis par Marcel Reguilhem.) 7


~ES rives de l'Atlantique à la vallée du Nil, plusieurs millions d'hommes vivant à la lisière sud du Sahara sont menacés de mort. Depuis 1968, les pluies d'été, qui seules apportent la vie, alimentent les réserves d'eau , créent les paturages et permettent les cultures, ont été très insuffisantes. Le déficit pluviométrique a été catastrophique en 1 972. Le bétail a péri, de soif et de faim; les récoltes insuffisantes - quand elles ont été possibles - sont épuisées. Dans l'immédiat la famine menace des millions d'hommes. Et si même les pluies qui commencent sont cette année suffisantes, il n'y aura ni semences à confier à la terre, ni hommes en état de semer. .. S'agit-il d'une fatalité du sort, dont le climat est seul responsable?

La faim, sans doute, a frappé l'humanité à toutes les époques. En des temps où la technique permettait à l'homme de produire à peine plus que le minimum nécessaire à sa survie , la moindre anomalie climatique pouvait conduire à la famine. Aujourd'hui, les immenses progrès de la science et de la technique devraient permettre à tous les hommes de disposer, sinon du superflu, au moins du minimum nécessaire à la survie. Or, avant même les années 1968 à 1970, pendant que des « excédents» agricoles étaient stockés ou réduits, que des mesures étaient prises pour réduire la « surproduction» agricole dans toute une série de pays (notamment les plus développés). le nombre des sous-alimentés et des affamés ne cessait de croître (1). Comment cette absurdité est-elle possible? 8 Fatalité ou génocide? Faut-il incriminer la poussée démographique qui a abouti au doublement de la population mondiale en quarante ans environ? La poussée démographique, surtout si elle se poursuivait, ne manquerait pas de poser des problèmes très réels. Mais aujourd'hui, on ne peut l'invoquer comme facteur déterminant. Les thèses de Malthus, qui, il y a bientÔt deux siècles, annonçaient comme inévitable une progression des effectifs humains plus rapide que celle des ressources, ont été démenties par l'histoire. La produc- ,.------ par -------. Jean SURET-CANALE Agrégé de l'Université tivité du travail humain - y compris en agriculture - a progressé plus vite que le nombre des hommes. Dans toutes les zones de « faim» surpeuplées, la pratique de techniques agricoles modernes, analogues à celles qui sont pratiquées dans les pays les plus avancés, permettrait de couvrir largement les besoins et d'atténuer les effets des irrégularités climatiques. La Corée du Nord, la Chine , le Viet-Nam du Nord - malgré la guerre et les bombes - ont vaincu chez eux la famine naguère endémique. Pourquoi ce qui a été possible ici ne le serait-il pas ailleurs? L'absurdité de la surabondance juxtaposée à la disette montre bien que les causes naturelles, climatiques ou démographiques, ne sont pas à la racine des problèmes. Le drame est de caractère social. " tient à une organisation de la société humaine, où la production a pour mobile majeur, non la satisfaction des besoins du plus grand nombre, mais le profit de quelques-uns. Ces pays ont subi pendant trois quarts de siècle la colonisation. Les i ndépendances, acquises en 1960, n'ont pas modifié substantiellement les structures économiques héritées de l'époque antérieure . L'objectif de l'économie coloniale, puis néo-coloniale , n'a jamais été d'élever le niveau de vie des populations, mais de « mettre en valeur» le pays, c'est-à-dire d'exploiter au maximum les richesses du pays et le travail de ses habitants pour le seul bénéfice de grandes firmes capitalistes, commerciales ou minières. Par la pression administrative et l'élévation de l'impôt « personnel» (payé par chaque adulte à un taux unique, donc très lourd pour les plus pauvres) et qui obligeait à se procurer de l'argent liquide, on a « poussé » les cultures d'exportation (arachide, coton) aux dépens des cultures vivrières, sans amélioration technique sensible, alors que la population doublait. Le prélèvement accru sur les populations a réduit à néant les réserves que traditionnellement, les paysans africains accumulaient pour faire face aux années défavorables. « Plus de ce mil de trois ans que les chefs de famille entassaient naguère dans leurs greniers» notait le gouverneur général Delavignette dans les années trente. L'extension abusive des surfaces, la réduction des temps de repos du sol, ont précipité la ruine des sols cultivés. La commercialisation a débouché sur le développement des inégalités sociales, l'exploitation coloniale ou néocoloniale étrangère se doublant de l'usure pratiquée par certains « notables» nationaux à l'égard des paysans et éleveurs démunis. La production par tête d'habitant de produits vivriers à décru. La malnutrition, les « disettes» de soudure - dans la période qui sépare l'épuisement des stocks de la récolte antérieure de la rentrée de la récolte nouvelle - sont devenues un phénomène permanent. La ruine des campagnes a précipité l'exode rural , l'émigration vers les bidonvilles urbains, puis depuis une dizaine d'années, vers la France . Les investissemnents de 1'« aide» et le produit des impôts locaux ont permis de construire des routes, des ports, des aérodromes, d'exploiter les ressources minérales. Des crédits ont été consentis aux stations agronomiques se consacrant aux cultures d·exportation . Mais rien n'a été fait - ou presque - pour les cultures vivrières. Les grands travaux hydrauliques n'ont été entrepris qu'à une échelle dérisoire ou repoussés parce que « non rentables ».

L'implacable logique du système aboutit aujourd'hui au risque d'extermination massive de populations entières. La solidarité humaine exige que tout soit fait pour sauver ceux quie les calculs égoistes de « rentabilité» ont conduit au seuil de la mort. Les responsabilités ne peuvent être rejetées sur la nature, qui n'a fait que précipiter une catastrophe prévisible ; ni imputées à parts égales aux bénéficiaires du système et à ses exécutants mineurs, aux « Kapos» de cet Auschwitz à l'échelle d'un continent . (1) Nous renvoyons sur ce point à la brochure de J.-C. MOUCHEL et J. SURET-CANALE : La faim dans le Monde. 1969. En vente au C.D.L.P .. 146. rue du Faubourg-Poissonnière . Paris 75010 (7 F) . M'associant à l'appel du M.R.A.P., je demande que les pouvoirs publics mettent en oeuvre immédiatement et sans désemparer, au niveau national et international, tous les moyens permettant de sauver les six millions de vies menacées par la famine en Afrique. Signature Nom ................................... Prénom . .. . ..... . ..... . Adresse ................. . ........... . ....................... . . . Don pour la campagne du M.R.A.Poo .................... ... .. . . . Solidarité: ce que vous pouvez faire .•• SIGNER ET REMPLIR la pétition ci-dessus et l'envoyer au M.R.A.P. DIFFUSER l'appel du M.R.A.P (parmi vos connaissances, dans votre quartier, s ur votre lieu de travail). COLLECTER des signatures et des fonds. INTERVENIR, PARTICIPER A DES DEMARCHES auprès des élus et des pouvoirs publics pour demander que soient prises d'urgence les mesures qui s'imposent pour sauver les six millions de personnes menacées. AIDER A LA SENSIBILISA TION de l'opinion : ventes publiques de « Droit et Liberté ", expositions de panneaux dans des lieux de passage, assemblées-débats, conférences, projections, etc. PRENDRE CONTACT avec les travailleurs et les étudiants africains en France pour mieux connaître et faire connaître la situation et les besoins de leurs familles restées dans leurs pays. Quelques prises de positions SI VOUS ETES enseignants, étudiants, lycéens, organiser des cours, exposès, débats, expositions, projec tions sur la situation en Afrique, ventes d'objets au profit des sinistrés. ... ET PRENDRE TOUTES AUTRES INITIATIVES réalisables personnellement et collectivement. • Un groupe de chercheurs frança is ayant /ravaillé en Afrique: " ... Il nous incombe de dénoncer la politique du gouvernement français dont la soidisant coopération camoutl e, à travers un cha ntage permanent, le pillage des ressources en hommes comme en matières pre mières d'Afri que. Les maigres et tardi fs secours qu'il envoie, compensation dérisoire, ne sauraient être tenus pour un acte de généro sité ... » • Mgr Jean Rodhain, présidelll du S ecours Catholique: « ... Il existe un comité de coordin ation interministériel qui devrait en principe fonc tionner dans le cas où il y a nécessité de tà ire DROIT ET LlBERTË - N° 321 - JUIN 1973 face à une catastrophe. Ce comité fonctionna en faveur du Laos. du Biafra, du Bangladesh, mais il est en sommeil depuis deux ans ... Il est question que le gouvernement crée un Comité national de lutte contre la famine en Afrique avec le concours du professeur Robert Debré. Mais, pour l'instant, tous nos appels téléphoniques tombent dans le vide ... » • M. Boerma. directeur général de l'O.N. U. pour l'alimentation et l'agriculture: " ... Mon précédent appel n'a pas abouti au rés ultat espéré. Cette vaste opération de secours ne peut absolument pas être retardée étant donné que dans quelques semaines, la saison des pluies rendra les routes impraticables. » Pour participer pleinement à cette campagne, adhérez au M.R.A.P., participez aux activités de ses comités locaux, aidez à en créer de nouveaux s'il n'en existe pas dans votre ville ou votre quartier. Ne partez pas en vacances sans avoir pris part à la solidarité avec les popu · lations africaines en péril. M.R.A.P. : 120, rue Saint-Denis 75002 Paris. Téléphone: 231 -09-57. C.C.P. : 14.825.85 Paris. Permanence : .lu lun ,11 au \ .:ndre,J. de 1) à 19 h.:ures. 1.: samedi de 1) heur.: , à i_ h 3() 9 Le tour des hommes? t Problème de la vie ou de la mort de plusieurs millions d'Africains est aujourd'hui posé. l'échéance est proche. A la limite, il n'est même plus temps de situer les responsabilités car les caprices de la nature ne sont pas seuls en cause aujourd'hui. Où en est-on au début du mois de juin? Quelle est la situation dans les six pays de l'Afrique de l'Ouest les plus atteints par la sécheresse? En 1914, l'Afrique avait déjà subi une grande famine. Or, cette année les récoltes désastreuses mettent en présence une population supérieure pour des ressources moindres. C'en est à ce point que les pays touchés ne peuvent plus compter que sur raide rapide des pays industriels. En effet, il va manquer plus d'un million de tonnes de céréales. le Sénégal et la Mauritanie, Etats côtiers seront plus faciles à ravitailler, mais le Mali, le Tchad, le Niger et la Haute-Volta ne pourront être approvisionnés à temps par suite de l'impardonnable retard et faute de moyens de transports suffisants. A Rome, le Programme Alimentaire Mondial intensifie ses envois de céréales, avec le concours de la F.A.O. et du Programme des Nations Unies pour le développement. De son côté, les neuf pays de la Communauté Economique Européenne, ont rassemblé l'équivalent de 32 000 tonnes de céréales. le Fonds Européen de Développement, qui dépend de la C.E.E. se charge plus particulièrement de faciliter l'acheminement des subsides. Nous avons interrogé, compte tenu des responséilbilités particulières dans ces pays d'Afrique longtemps maintenus sous la tutelle française, un fonctionnaire du ministère de la Coopération qui nous a fait part de son inquiétude : 10 Il l'aide française, n'est pas négligeable; le gouvernement a fourni 40 000 tonnes de céréales et a participé pour un tiers à la fourniture de 150 000 tonnes en coopération avec la C.E.E., deux avions ont été mis à la disposition de chaque pays sinistré pour le transport des vivres, mais ce n'est pas suffisant. Il y a des millions de personnes qui sont disséminées sur des territoires grands comme la moitié de l'Europe. Ces pays sont ruinés, il leur faudra quatre ou cinq ans pour reconstituer leurs paturages. lorsque les premières pluies tomberont, les routes seront impraticables. C'est par hélicoptères qu'il faudra ravitailler ces régions. Y a-t-on pensé? Un million de tonnes de céréales seraient nécessaires, mais avant la fin de l'année combien parviendront à leur véritable destinataire, 100 000 t, 200 000 t au plus! Il le mal est plus profond. l'aide française aux Il pays sous-développés Il va en grande partie aux D.O.M.-T.O.M., où elle entretient une économie défaillante, au bord de la misère, le rapport Gorse lui-même le dit. En Afrique cette Il aide Il s'adresse surtout à l'enseignement dont l'inadaptation flagrante est maintenant démontrée. Il est aberrant que des centres de formation pour le traitement de sous-produits animaux (cuirs, peaux, farine d'os) soient inexistants dans ces régions où l'élevage est pourtant la production principale. Il les paysans sont écartés de toute participation à la direction de leur pays par la puissance des intérêts étrangers, économiques, politiques, cuiturels et aussi par la minorité privilégiée urbaine qui prélève la majeure partie d'un revenu national faible, laissant bien peu de place aux investissements nécessaires pour l'agriculture. Il Au moment où se multiplient les initiatives individuelles et collectives, la nécessité de réagir plus massivement, plus vite et de façon plus coordonnée se fait sentir! Il est regrettable qu'aucun plan d'ensemble n'ait encore été mis au point alors que pour chacun la coordination des secours tant à l'échelon national qu'international apparait nettement insuffisante Il. Il y a plusieurs semaines déjà que les cris d'alarme ont été lancés, des bêtes mouraient par milliers, épuisées par la recherche de l'eau disparue. Faute de moyens, parce que les pays producteurs ne veulent pas grever leurs stocks, parce que les transports coûtent cher, faudrat- il attendre le tour des hommes? Michel PHilY. Sénégal •• Sally N'Dongo, président de l'Union générale des travailleurs sénégalais en France, membre du secrétariat national du M.RA.P., répond ici aux questions de (( Droit et Liberté ». D.L. - Que savez-vous de la situation dans votre pays? - Elle est très grave. Les trois regions du nord sont sinistrées à 100 %. Des gens meurent. Les troupeaux sont détruits. Alors qu'il aurait fallu eau moins 500 kg de céréales par personne pour tenir jusqu'à la prochaine récolte - là où elle sera possible - on n'a pratiquement rien dis: tribué dans de nombreux secteurs. Et même dans les zones les plus touchées par la famine, le gouvernement exige le paiement des impôts! D.L. - Qui est responsable? - La famine qui frappe aujourd'hui six pays de l'Afrique de l'Ouest n'est pas le seul fait de la sécheresse. Elle est le résultat de la politique agricole menée par la colonisation et dont les dirigeants actuels acceptent qu'elle continue. On s'est préoccupé, avant tout, de dèvelopper l'arachide, même au détriment des produits vivriers. A l'indépendance, les dirigeants, ayant conscience des méfaits d'une telle orientation, avaient fixé comme objectif la diversification des cultures. Mali •• une Un ingénieur agronome - qui souhaite garder l'anonymat - nous a déclaré : J'ETAIS au Mali en avril. Un Européen se trouvant à Bamako peut très bien ignorer la sécheresse et ses effets, même si ses fonctions ont rapport aux problèmes agricoles, dans la mesure où elles le confinent dans les bureaux et un logement climatisés, loin des quartiers périphériques et des campagnes. De plus, si la ITÙsère de certaines couches s'est accrue, élie n'est pas une nouveauté dans ce pays, et, l'accoutumance aidant, il faut être en étroites relations avec les milieux populaires pour se rendre compte de l'aggravation de la situation. Il y a aussi, parITÙ les Maliens, des différences criantes de niveaux de vie. Les commerçants, les fonctionnaires les plus favorisés, qui fréquentent les restaurants à l'européenne, ne connaissent que peu de problèmes de ravitaillement, et, pour la plupart, ils n'avaient pas toujours conscience de l'ampleur de la catastrophe. la loi de Mais le prix de l'arachide exportée diminuant sans cesse, ainsi que le pouvoir d'achat des sommes encaissées, tandis que la diversification ne donnait pas des bénéfices immédiats, c'est au développement intensif de l'arachide qu'on est revenu. Aujourd'hui, les conséquences sont dramatiques. Ainsi le systéme économique n'a pas changé depuis la colonisation : le Sénégal est de plus en plus dépendant des pays vers lesquels il exporte ses matiéres premiéres et d'où il fait venir ses produits de consommation; les mêmes sociétés assurent le fonctionnement de ce systéme, dans les deux sens. Et le budget de l' Etat est alimenté, pour l'essentiel, par les taxes à l'exportation, les taxes douaniéres et les taxes à la consommation. D.L. - Pensez-vous que l'émigration va s'accentuer? Pour aller où? En France ? ... On parle beaucoup de l'émigration en ce moment, après les scandaleuses dispositions de la « circulaire Fontanet». Il y a ici 14000 Sénégalais. Mais savez·vous que, pour une population de 3 500 000 habitants, il y a au Sénégal 28000 Français, dont 3000 militaires, et au total 800000 étran gers? Inutile de dire qu'ils ne sont pas traités comme les Sénégalais en France : ils tiennent en main les secteurs clés de l'arachide l'économie et de l'administration... Les Français entrent librement au Sénégal, contrairement li ce qui se passe pour les Sénégalais en France. Mais même si des hommes souhaitaient émigrer plus nombreux, à la suite de la famine, ils ne le pourraient pas ; car le voyage coûte une vérifable fortune, et ils sont complètement ruinés pour longtemps. D.L. - La France, la C.E.E., différentes organisations ont commencé à expédiel des vivres; que pensez-vous de l'aid€ apportée? Je réponds tout de suite qu'elle est tout à fait insuffisante. Pourtant je tiens à remercier tous ceux qui expriment leur solidarité, individus et organisations privées. Je voudrais aussi souligner la respon sabilité des classes dirigeantes locales et occidentales, qui s'attribuent déjà les mérites de cette solidarité de derniére heure, alors que la prétendue « coopération ", telle qu'on la pratique aujourd'hui, camoufle le pillage de nos pays, en hommes et en matiéres premiéres. La crise actuelle ne fera qu'aggraver la misére, les inègalités. Et face au mécontentement qui en résulte, que fait notre gouvernement? Nous le voyons multiplier les mesures répressives contre tous ceux qui prennent conscience des causes réelles de la situation et réclament un changement de politique ... D.L. - Que faut-il faire? - Ce qui est urgent, c'est une infor· mation de grande envergure, pour mettre tous les gouvernements devant leurs responsabilités. Les pays qui en ont les moyens, comme les U.S.A., le Canada, la France doivent prendre sur leurs stocks de céréales - qu'on estime à 29 millions de tonnes! Des millions d'hommes vont périr de famine parce que le blé est trop cher, parce que les bateaux et les avions sont retenus ailleurs! Pour envoyer des bombes et des renforts militaires au Vietnam, au Tchad, on trouve des avions. Pourquoi cela serait·il impossible quand il s'agit de blé, de lait, de boîtes de conserves ? ... catastrophe prévisible Tout cela explique peut-être, sinor. l'imprévoyance des pouvoirs publics, qui n'ont tiré la sonnette d'alarme qu'en février, du moins cette impression première Iu'il ne se passait rien d'anormal. En avril, personne ne semblait s'affoler dans la capitale. On parlait moins de la famine dans la presse du pays que dans les journaux étrangers. Restrictions et hausses des prix Mais un observateur quelque peu attentif pouvait déjà faire des constatations significatives. Dans les « buvettes» éloignées du centre, les repas des consommateurs africains témoignaient des restrictions auxquelles se voyaient contraints les plus humbles. La population des quartiers pauvres s'était gonflée considérablement par l'affiux des paysans, accueillis par leurs familles, dont ils partageaient les ressources plus que modestes. La solidarité est un DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN 1973 devoir en Afrique. Chacun se restreignant à l'arrivée de nouveaux parents, les habitants des faubourgs, confrontés à la hausse galopante des prix, connaissent des diffi cultés écrasantes. Une grande effervescence régnait autour je l'O.P.A.M. (Office des Produits Agricoles du Mali), assiégé par une foule récla. nant du mil et du riz. Cet organisme, qui concentre les denrées récupérées dans les zones excédentaires, les distribue par sacs de 100 kilos ITÙnimum, à des tarifs contrôlés, aux revendeurs et aux familles, selon le nombre de bouches à nourrir. Ce qui ne va pas sans qu'entrent en jeu les relations et la débrouillardise individuelles. Mais ceux qui ne peuvent pas acheter en quantités importantes - c'est-à-dire la majorité - s'approvisionnent au détail, à la calebasse, sur les marchés, où sont pratiqués, évidemment des taux plus élevés, qui montent sans cesse, au fur et à mesure que les stocks s'amenuisent. Des zones désolées Il y a longtemps maintenant que la ,ituation était devenue préoccupante. Une ,ècheresse, cela peut arriver, les paysans le savent. Aux confins du Sahara, surtout, connaissant bien le climat, habitués à une vie austère, ils font toujours des réserves de céréales. Mais on comprend facilement que celles-ci soient épuisées, après quatre années de récoltes dérisoires, voire inexistantes. Dans bien des cas, ils ont même .::onsommé les semences. Si bien qu'en juillet-août, quand viendra la saison des pluies - s'il pleut! - nombre d'entre eux, d'ailleurs loin de leurs terres, ne p-ourront pas reprendre leurs cultures. La crise risque donc de se prolonger encore des années. Il est vrai que la situation varie d'une région à l'autre. Près des fleuves et des riviéres, même si la récolte de l'an dernier n'a pas été brillante, les villageois ont pu, ~ 11 en se privant depUIs des mOls, sauvegarder de quoi ensemencer une surface minimum. J'ai vu, par exemple, le delta intérieur du Niger, où les bras du fleuve, recouverts en temps de pluies et différenciés pendant la saison séche, étaient au plus bas : c'est un de ces secteurs (relativement) privilégiés, où subsiste un mince espoir. Mais ailleurs? Au nord du Mali, comme en Mauritanie (où un collégue m'a dit, en octobre dernier, qu'il ne restait des réserves que pour quatre mois), il y a des zones désolées, isolées, où les gens semblent voués à une mort certaine si des moyem exceptionnels ne sont pas mis en oeuvre pour leur faire parvenir les rations indispensables à leur survie. Des ossements près des rivières taries Ce n'est pas simple. Lorsque, grâce a l'aide internationale, des vivres parviennent par bateau à Dakar, le problème est loin d'être résolu. Il faut les acheminer vers Bamako. Comment? Il existe un chemin de fer à voie unique, déjà saturé. Puis, pour faire la répartition, des camions sont nécessaires. Mais leur nombre est cruellement insuffisant. Et bientôt, la pluie rendra les chemins impraticables. Il aurait fallu penser à tout cela longtemps à l'avance. Et, de toutes façons, l'état de sous-développement du pays crée des obstacles quasi insurmontables qui ne se rencontreraient pas si une calamité naturelle frappait un pays à l'économie développée. Ce ne sont pas les trois avions allemands et les deux avions français prêtés récemment qui suffiront pour faire face aux besoins. Car, outre les céréales, qui constituent la nourriture de base, leur unique richesse - les troupeaux - a été anéantie. C'est dans le bétail, qui fournit la viande et le lait, que les paysans peuhls, entre autres, placent leurs économies. Habituellement, ils en perdent jusqu'à 10 % dans la période de soudure, avant les pluies. Cette fois -ci, l'hétacombe équivaut à une faillite complète. Le long des cours d'eau taris, on voit les traces de la transhumance des bêtes à la recherche de l'herbe et de l'eau : par intervalles, des tas d'ossements; elles sont mortes de faim, de soif, d'épuisement, sur le chemin. Il sera difficile de les remplacer. Dans ce domaine aussi, les répercussions de la crise se feront longtemps sentir. Et combien d'agriculteurs, d'éleveurs, qui ont émigré vers les centres urbains, y resteront faute de moyens pour reprendre leurs activités normales, augmentant la masse des sans-travail, étendant les zones de bidonvilles. 12 Depuis peu ... ... Dans la région où je travaillais, c'est à la culture du riz que l'on se consacre. Si, dans un deuxième temps, on espère pouvoir envisager des exportations vers d'autres pays africains, l'objectif prioritaire reste pour l'instant la couverture des besoins nationaux. Pour pallier les aléas climatiques, il est prévu d'aménager des casiers rizicoles, permettant de régulariser l'utilisation des eaux de pluies et des crues, grâce à un système de canalisations, de digues et de vannes. La réalisation de ces projets est maintenant prochaine. Pourquoi a-t-elle tardé? C'est une question de capitaux, de personnel qualifié, de moyens techniques. Les fonds n'ont été accordés que depuis peu par les organismes internationaux dont dépend, en fait, l'économie des pays sousdéveloppés. Mais ceci est une autre histoire ... (Propos recueiUis par Louis MOUSCRON) r 1973 Année « Droit & Liberté» Abonnez vos amis C.C.P. 6070-98 ",,,.'", , ".". 'A"A, ,~,,~.~, P 0 ...... d. ,."',;, r .... , ..... 1. Charles PALANT, abbé Jean PIHAN , Fred HERMANTIN ; SECRETAIRE GENERAL: Albert LEVY. racisme, l'antisémitisme et pour la paix. COMITE D'HONNEUR Bâtonnier Paul ARRIGHI. Georges AURIC, Claude AVELINE, Robert BALLANGER, Roger BASTIDE, Jean CASSOU, Aimé CESAIRE, Charles de CHAM BRUN, André CHAMSON, Pierre COT, Louis DAQUIN, Hubert DESCHAMPS, Henri DESOILlE, Maurice DRUON, Pasteur André DUMAS, Adolphe ESPIARrJ, Henri FAURÉ, MaxPol FOUCHET, Marcel GROMAIRE, André HAURIOU, Pierre JOXE, Charles-André JULIEN, Alfred KASTLER, Henri LAUGIER, Alain lE lEAP, Michel lEIRIS, Jeanne LEVY, Darius MilHAUD, Théodore MONOD, Etienne NOUVEAU, Jean PAl N lEVE, Marcel PRENANT, Alain RESNAIS, Emmanuel ROB LES, Françoise ROSAY, Armand SALACROU, Jean-Paul SARTRE, Laurent SCHWARTZ, Jean SURET-CANALE, Jacqueline THOMEPATENOTRE, VERCORS, Dr Pierre WERTHEIMER, Robert ATIULY, Vincent AURIOL, Jean DALSACE, Georges DUHAMEL, Yves FARGE, Francisque GAY, Jacques HADAMARD, Georges HUISMAN, Jules ISAAC, Frédéric JOLIOT-CURIE, Jean LURÇAT, Léon LYONCAEN , André MAUROIS, Amiral MUSELlER, Marc SANGNIER, André SPIRE, Général Paul TUBERT, Chanoine Jean VIOLlET. J'adhère au M.R.A.P. Nom .... _.. . .. ._ .. ._ .. . .. ......_ .. . _.. ._ .. ...... .. ._ .. ...... _.. . .. ...... Prénom .... _.. ._ .. ._ .. ._ .. . .. ..... .. ..... .. ...... .. . .. . _.. . _.. .. Profession ............................................._ .. ........ . Adresse .... .. . _.. . .. ............. .. . _.. . _.. ........._ .. ........ .. Le montant de la carte d'adhésion là partir de 10 francs) est laissé à l'appréi:iation du souscripteur, selon ses possibilités, compte tenu de la nécessité d'apporter le soutien le plus efficace à l'action du M.RAP. MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTlSÉM.ITISME ET POUR LA PAIX (M.R.A.P.) 120, rue Saint·Denis . Paris (2·) . Téléphone : 231-09·57 . C.C.P. ': 14-825-85 Paris 1 * Ilff 9 IER 1-1 ---- L'AFRIQUE DE LA FAIM Six millions d'hommes, de femmes, d'enfants sont en danger de mourir de faim dans six pays de l'Afrique francophone. Que faire? Articles et interviews de Jean Dresch, René Dumont, Jean Suret-Canale, Sally N'Dongo. (Pages 2 à 12) GÉNÉROSITÉ OU JUSTICE 1 La « circulaire Fontanet» doit être abrogée. Comment définir une politique cohérente et humaine de l'immigration en France? (Pages 13-14) L'ESPRIT DE BOLOGNE La Conférence pour la paix et la justice au Proche-Orient : ce qui est nouveau, (Pages 18-19) LE PROCÈS DE PRETORIA Verdict imminent contre les six hommes inculpés par les maîtres de l'Afrique du Sud raciste, (Pages 20-211 LA SAVANE ENCHANTÉE De jeunes enfants « découvrent» l'Afrique, (Pages 30-31) MENSUEL 120, rue Saillt .. Denis ••. P4UÙ (2'1) Tel. 231·09-57 • C.C.P. Paris 6076-:98 ABONNÊMENTs • Un an; 25 F • A etnent de soutien : 50 F rln RlfUniQ1I, Maghreb. Afrique fl·all*' co phone, Laôs, Comb«lge, Ncul'ell/!"Colé· d'mie: 2.5 F: Aulres pays; 35 F. Changement d'at:(resse :.J F, Directeur de publicatfon : Albert Lévy Imprimerie la Haye DROIT ET lIBERTË - N° 321 - JUIN 1973 1 er mai 1973, à Pans. Générosité ou justice? 1 A réunion organisée par le M,R.A.P" L le 19 mai visant à sou mettre à l'examen des organisations intéressées, syndicales, de travailleurs migrants et d'accueil. les huit propositions formulées par son dernier Conseil National, a permis de faire le point sur l'immigration aujourd'hui (1). Les derniers mois écoulés ont en effet placé les immigrés au premier plan de l'actualité, Les campagnes de protestation contre les « circulaires FontanetMarcellin », les grèves de la faim entreprises par ceux qui en sont victimes, les luttes ' des immigrés pour obtenir un logement décent, notamment celles qui se développent dans les foyers, la mort de trois Sénégalais dans les Pyrénées, la grève des OS de chez Renault, la participation massive des immigrés au défilé du 1 er mai, tous ces faits survenus pêle-mêle, ont contribué à démontrer au grand public l'ampleur et l'acuité du problème. Cette prise de conscience collective, et notamment parmi les immigrés a suscité chez les autorités appelées à faire preuve « d'imagination et de générosité », par le Président de la République des déclarations d'intention et l'annonce de projets de loi; il importe de connaître ceux-ci pour en évaluer la portée au regard des problèmes actuels des migrants, M, Gorse, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Population, a présenté au Conseil des Ministres, le 9 mai, diverses propositions visant à réprimer les trafics de main-d'oeuvre; il a annoncé un meilleur contrôle des flux d'immigration, dans les pays d'origine et aux frontières, un effort social pour assurer une meilleure égalité entre les nationaux et les étrangers, la possibilité pour les immigrés d'être délégués syndicaux après trois ans de séjour, à la seule condition qu'ils comprennent le français, et non pas, comme auparavant, qu'il sachent le lire et l'écrire, Désormais, les femmes étrangères pourraient bénéficier des cartes de priorité et de réduction dans les transports, ainsi que des allocations de maternité. Un effort serait également envisagé en vue d'améliorer l'accueil, le logement et la formation professionnelle M. Gorse admet également la nécessité d'une concertation permanente à ce sujet avec les partenaires sociaux, ce qui pourrait se traduire prochainement par la création d'une commission spéciale. 13 P-as- de .._ mo-dif_i.c_ a_tio ..n. _ pr-ofo.nd-e L'Assemblée Nationale a adopté le 10 mai un projet de loi règle mentant l'hébergement collectif, destiné à lutter contre les « marchands de sommeil ». Aux termes de ce projet, toute personne exploitant un local affecté à l'hébergement collectif est tenue d'en faire la déclaration , sous peine d'une amende de 2 000 F à 20 000 F, la condamnation pouvant être assortie d'une peine d'emprisonnement de 2 à 6 mois, et de l'interdiction d'exploiter un foyer pour une durée de trois ans. Si le local ne satisfait pas aux prescriptions législatives et règlementaires, le Préfet peut mettre le propriétaire en demeure de se conformer au droit, et, en cas d'inexécution , fermer le local. S'il est vrai qu'en ce moment, « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil pour l'immigré », selon le mot de M, Claudius- Petit, d'où vient alors ce sentiment d'insatisfaction que nous laisse tout ceci? C'est que ces modifications retouchent ponctuellement la condition de l'immigré sans la modifier profondément, Quant aux projets de M . Gorse, ils demeurent d'une réalisation incertaine, et leur formulation demeure bien trop générale pour qu'on puisse s'en faire une opinion précise . On aurait souhaité, l'urgence étant admise par tous, les voir concrétiser davantage, de quelque manière. Mais surtout, malgré les protestations et les luttes menées, la politique d'immigration illustrée par la « circulaire Fontanet », n'est absolument pas remise en cause; alors qu'il s'agit là du souci "ajeur des immigrés aujourd'hui. M. Poncelet, Secrétaire d'Etat au Travail devait déclarer, le 3 mai, au Sénat, au sujet de celle-ci : « Les critiques adressées à ce texte ne portent que sur des points de détail ( ... ). Le gouvernement demeure résolu à développer une politique visant à renforcer la maîtrise des pouvoirs publics sur le flux migratoire ». Là réside la différence essentielle entre la politique actuelle et celle qui nous semble souhaitable : d'un côté, l'essentiel est de contrôler l'entrée et d'aviser ensuite, alors que de l'autre, le plus urgent est de régulariser la situation des immigrés présents en France, de leur assurer des droits égaux et une protection sociale, et parallèlement d'organiser les entrées. Quant au projet de loi sur les « marchands de sommeil », sans vouloir minimiser ce qu'il apporte indiscutatll"' 1lent, il n'en reste pas moins que la solution au problème du logement 14 et des « marchands de sommeil» ne s'y trouve pas. Il ne prévoit rien sur le relogement des locataires du foyer fermé pour non-conformité. Que de~ iendront-ils? Ils seront chassés une fois de plus vers d'autres taudis. La nécessité primant le droit, il est évident que les immigré~ demeureront victimes de « marchands de sommeil» en toUs genres, tant que les décisions positives pour assurer leur logement ne seront pas prises et appliquées avec toute la rigueur nécessaire. Or, le Vie Plan avait estimé à 41 000 le nombre de lits en foyers nécessaires pour assurer chaque année le logement des immigrés célibataires nouvellement arrivés et le relogement des occupants de bidonvilles expulsés. A la fin de l'année 1972 le retard accumulé s'établissait à 31 000 lits. Durant l'année 1971, sur 4469 personnes isolées évacuées, seulement 2 949 étaient relogées. Quant à l'arrêté préfectoral en date du 1 e, octobre 1968 édictant la mise à la disposition de la Préfecture, au profit des mal logés et des familles vivant en cités de transits d'un contingent de H.L.M. (6,75% pour les immeubles mis en service et 50 % pour les vacances), il n'a reçu qu'une application plus que mitigée. les mesures urgentes qui s'imposent Si la même diligence était apportée à l'application de ces mesures qu'à celle de la « circulaire Fontanet », la situation serait déjà considérablement améliorée. Les désirs des immigrés et des participants au débat du 19 mai allaient plutôt dans le sens de l'application de l'arrêté en cause, car si une quantité considérable de logements doit être allouée aux immigrés pour résoudre le problème, il convient surtout d'éviter le ghetto, en construisant des logements spéciaux pour immigrés (à l'exception des foyers, encore valables dans certaines conditions) . Concernant l'alphabétisation qui, en 1972, n'a atteint que 55000 personnes, l'avis de la Commission des Affaires sociales rejoint les souhaits des migrants, en préconisant le développement de cours donnés sur les lieux et aux heures de travail. Mais ce point aussi, pourtant au centre des préoccupations des migrants, n'a pas été abordé de manière précise dans les projets annoncés. Il fut également beaucoup question du Fonds d'Action Sociale, les participants ayant tous exprimé la même exigence d'un droit de contrôle sur sa gestion, et d'une réforme de son financement, les allocations familiales, salaire différé, devant être versées à leurs bénéficiaires, Le même contrôle sur l'Office National d'Immigration et l'Agence Nationale pour l'Emploi était revendiqué aussi, ce qui éviterait sans doute les offres d'emploi racistes que nous avons pu voir. Tous les participants ont souligné la nécessité de prévoir des sanctions contre les employeurs qui embauchent de la main-d'oeuvre clandestine, entravent les droits syndicaux accordés aux migrants, ne logent pas décemment les travailleurs, pratiquent la discrimination dans les offres d'emploi, en bref violent impunément la loi en vigueur. Il apparaît donc bien que le logement, l'alphabétisation, la formation professionnelle, la suppression de la carte de travail, l'allègement des formalités et des contrôles, l'octroi du statut de réfugié politique aux jeunes déserteurs portuguais, la garantie des droits sociaux et syndicaux, et des sanctions contre les véritables responsables, tels sont les problèmes auxquels il faut s'attaquer sérieusement pour répondre à l'idée de la justice la plus élémentaire. Et le reste n'est que littérature. George-Laure PAU. (1) Voir « Droit et Liberté», avril , mai 1973. Encore De nombreux correspondants nous envoient des offres d'emploi discriminatoires, publiées en violation de la loi du 1 er juillet 1972. Ainsi : • Dans « France-Soir JJ (19 avril) " Importateur gare Est recherche magasiniers qualifiés, 30 ans min. Préparations commandes, stock emballage. Place stable. Vacances assurées. Nat. européenne. • Dans « Nord Hebdo PA. JJ (13 janvier) " Imp. Cie assurances risques divers' recherche jeune chef de famille 25- 35 ans pour travail le soir de 17 h 30 à 20 h. Important, étre de nationalité française et justifier d'un casier judiciaire vierge. Ecrire sans timbre pOUl réponse au journal qui tr. nO 1327 Eglise St-Pierre : la longue attente. « Quand la (( circulaire Fontanet» esl apparue, cela nous a tous inquiétés. Des juristes du comité local du M. R.A. P., avocats et conseillers juridiques nous ont aidés à faire de l'information sur les foyers des travailleurs immigrés, pour parler de cette circulaire, des conséquences qu'elle entraÎnerait, notamment le manque de sécurité pour les travailleurs, la façon dont ils seraient liés au patron, le contrôle qu'ils vont subir ... Nous avons fait la grève de la faim, à la fois pour attirer l'attention des autorités et les conduire à régulariser notre situation (ce qui a été fait partiellement) et aussi pour lutter contre certaines dispositions de cette circulaire aux • • migré parle ••• D,R. Pour illustrer les grèves de la faim qui se sont déroulées au cours du mois nous avons choisi l'exemple de Bordeaux où vingt-quatre travailleurs immigrés (2 Portugais, 9 Marocains et 13 Tunisiens) ont trouvé aSile dans l'église Saint-Pierre. Jean-Louis Fourrier, responsable du comité local du M .R.A.P. a rencontre l'un d'eux, Salah Khaddache, cheville ouvrière du mouvement de grève. Celui-ci lui a déclaré: Fontanet qui nous laisse souvent à la merci des circonstances ou d'employeurs abusifs. Pour les 24 grévistes de l'église SaintPierre, je crois que c'est momentanément résolu. Pour les autres, toujours en situation irrégulière et qui viendront toujours plus nombreux, je ne vois pas comment cela va tourner. J'espère qu'il y aura d'autres actions, d'autres moyens de lutte ou que le gouvernement français et les pouvoirs publics modifieront la loi pour lui ôter son caractère inhumàin et discriminatoire. » A l'issue de la grève, les travailleurs ont obtenu de la Préfecture un récépissé valable trois mois. Pendant ces trois mois ils devront trouver un contrat nominatif d'un an avec un patron pour être en situation régulière par rapport à la circulaire ministérielle. Mais les grévistes sont conscients de la fragilité et de la précarité du résultat ainsi que l'a expliqué Salah Khaddache : « Dernièrement, un employeur a avoué être obligé de renvoyer un ouvrier tunisien qui lui donnait entière satisfaction, mais qui était en situation irrégulière. A sa place il va embaucher un des grévistes de Saint-Pierre ... en situation régulière désormais. » des annonces discriminatoires A l'appel de 28 organisations, le samedi 24 mars a eu lieu à travers la ville une importante manifestation. Le comité local du M. R.A. P. y était présent. Manifestation dans le calme, où l'on comptait de nombreux travailleurs immigrés aux côtés de travailleurs français. Tous les mots d'ordre et les banderoles étaient sous le contrôle des • Dans (( Le 26 JJ, nO J 30, journal de immigrés grévistes de Saint-Pierre. petites annonces de Valence (8 février) " Soval Z.1. Les Bruyéres, Bourg-IesValence, embauche : ouvriers spécialisés européens, stables, actifs pr format. Trav. au poste. • Dans (( Hebdo JJ de Dijon, du J 4 avril, p. 2 J " Cherche f. de m., française, personne de confiance. Sér. références, tél. : 32-46-6 l, L. Lamontre, 71, av. Victor-Hugo. La section locale du M.R.A.P. de Dijon a écrit au directeur de ce journal pour protester contre cette annonce. Dans sa lettre elle mentionne que « L'Agence nationale pour l'emploi (dépendant du ministère des Affaires sociales) a dû renoncer à publier des mentions discriminatoires de ce genre». DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN 1973 (Cf. Droit & Liberté, novembre 1972). Le comité du M.R.A.P. de Bordeaux ayant relevé dans les journaux de la région (Sud-Ouest-La France, La Charente libre, Eclair-Pyrénées), de trés nombreuses offres d'emploi présentant des clauses discriminatoires, a décidé de déposer une plainte contre X. Une enquête a été ouverte par le parquet. D'autre part, le M.R.A.P., on le sait, a porté plainte le 17 mars, à la suite de la parution, dans la presse parisienne de plusieurs centaines d'annonces de cette sorte chaque mois. Jusqu'à présent cette plainte n'a pas été suivie d'effets. Il serait pourtant urgent que des mesures soient prises pour dissuader tous ceux que . tentent de telles pratiques. La lutte continue pour informer l'opinion et arriver à ce que le législateur considère les intérêts des travailleurs immigrés. Le même droit au travail pour tous et la liberté dans le travail sont les droits les plus preCieux, et qui conditionnent celui de vivre, ni plus ni moins. Jean-Louis FOURRIER f « la résistance organisée des \t juifs en France (1940-1944) n, de Jacques Ravine - Préface de Wladimir Pozner. En vente à «Droit et Uberté» (31 ,25 + 3 F frais d' envoi). 15 (( Ordre Nouveau)) provoque « REUNIR toutes les forces nationales en un faisceau» : le mot a été prononcé par Jean-Marie Le Pen, "chef» du "Front national», à un récent meeting, à Paris. Pour le secrétaire général de cette formation de choc, Alain Robert, (( la France est devenue la poubelle de l'Europe». Et le congrès a décidé le lancement d'une vaste campagne raciste. L'évocation mussolinienne n'est pas seulement verbale. C'est aussi par leurs méthodes que les fascistes d'aujourd'hui expriment leur nostalgie des dictatures vaincues. Misant sur la peur et l'obscurantisme, sonnant le rassemblement de tous les tenants de "l'ordre moral» - (( maurrassiens, nationaux, intégristes» - Le Pen et Brigneau (rédacteur en chef de « Minute lI) croient le moment venu d'occuper le devant de la scène. (( Nous disposerons de grands moyens, affirme cet autre" chef» de bande. Nous organiserons des meetings dans toutes les villes de France, et couvrirons les murs de centaines de milliers d'ojJiches )). Un de leurs thèmes favoris est celui de l'immigration. Il était violemment développé dans les circulaires électorales du "Front national», envoyées dans des millions de foyers (aux frais des contribuables!) lors des dernières législatives. Ces "grands moyens» ne proviennent certainement pas des membres d'" Ordre nouveau» qui, pour virulents qu'ils soient, ne constituent pas une foule énorme, et qui font appel fréquemment aux services coûteux de (( professionnels lI. Alors, une fois de plus, la question se pose : qui paie? Et l'on peut se demander ce qu'on attend, en haut lieu, pour appliquer fermement la loi du l e, juillet 1972. C'était, les 9, 10 et Il juin, le thème central du congrès d'" Ordre nouveau », qui fournit l'essentiel des troupes du " Front national ». Les activités d'" Ordre nouveau» et du "Front national» ne justifient-elles pas sa dissolution? 16 Au fil desjours ... _____________ ..... • M. Léon Feix a déposé le 21 mai 1973 à l'Assemblée Nationale, au nom de tous les députés communistes, un projet de statut garantissant les droits sociaux et démocratiques des travailleurs immigrés. Ce texte reprend, avec des retouches visant à l'actualiser, celui Qui avait déjà été déposé lors des précédentes législatures, en 1967 et en 1968. • M. J .-P. Chevènement, député de Belfort, secrétaire national du Parti Socialiste attire , dans une question écrite, l'attention du Ministre du Travail sur « la situation scandaleuse faite aux ouvriers immigrés». Il lui demande s'il « ne juge pas opportun de permettre la régularisation rapide par les services de la maind'oeuvre, de la situation de nombreux travailleurs immigrés, auxquels une politique restrictive a conduit à refuser un contrat de travail ». • Pour obtenir la régularisation de leur situation et protester contre la « circulaire Fontanet », de nombreux travailleurs immigrés ont entrepris des grèves de la faim. Après Marseille, Bordeaux, Nevers, Paris c'est à Saint-Etienne qu'à eu lieu récemment, le plus important de ces mouvements. Dans la plupart des cas les immigrés ont demandé asile dans une église où un local paroissial. Réactions hostiles de certains groupes d'extrême- droite , tels le « Front National ') Qui n'hésite pas à dénoncer Il rintolérable situation des catholiques qui voient leur église devenir le temple des revendications musulmanes Il. • Le Cardinal Marty s'est rendu le 31 mai dans la crypte de l'église NotreDame- de-Ia-Croix, à Paris, où 56 travail leurs immigrés ont soutenu une longue grève de la faim, en vue d'obtenir la régularisation de leur situation , notamment par la délivrance de cartes de travail. Une manifestation de solidarité, avec ces grévistes de la faim, soutenue par de nombreuses organisations, dont le M.R.A.P " a eu lieu le 7 juin, • Deux exemples , récemment révélés par la presse, des conditions scandaleuses de logement que connaissent les immigrés

à Feyzin, près de Lyon, 200 travailleurs

tunisiens (dont une trentaine dans une situation administrative irrégulière) vivent sur un terrain de camping , loué au prix fort dans des conditions effroyables d'insalubrité et d'insécurité; à Villetaneuse, dans la région parisienne, 29 familles de travailleurs étrangers sont concentrées depuis cinq ans et plus dans des bâtiments impropres à l'habitation, • L'immigration était le thème de la première émission intitulée « Les 3 véri tés », programmée sur la 1 re chaîne, pour remplacer la série « A armes éqales ». Alors que la télévision devrait surtout donner à voir, les images projetées ont fort peu contribué à faire connaître aux télespectateurs la situation réell.e . On regrettera par ailleurs que ni le gouvernement, ni le patronat, ni l'Office National de l'Immigration, ni les immigrés euxmêmes n'aient été représentés dans les débats. • La presse espagnole vient d'établir un bilan surprenant : elle fait état pour 1972 de 150 noyades d'immigrés clandestins ayant tenté de passer en France. « Ce chiffre est faux» affirme-t-on du côté français . Le nombre total de ces passages clandestins s'élèverait à 80 Portugais et Africains au cours des treize dernières années. Ces chiffres sont confirmés à Hendaye par le Comité d'accueil aux travailleurs migrants, qui dément avoir communiqué à la presse espagnole des chiffres qualifiés de fantaisistes. • A Chambéry, un chauffeur routier a été condamné à un an de prison, pour « infraction à la législation sur les étrangers ». Il avait fait passer la frontière italienne à une cinquantaine de Maliens, cachés dans son camion derrière des machines à coudre. Les 4 900 F trouvés sur lui , correspondant au prix payé pour ce transfert, ont été confisqués. • Au cours d'une conférence de presse, les avocats de la veuve de Mohamed Diab, tué le 29 novembre dernier dans un commissariat de Versailles, ont dénoncé « le mur de complicités qui s'est édifié dans cette affaire, en raison, notamment du racisme des policiers». Tirant leurs conclusions de la reconstitution qui s'est déroulée récemment, ils ont affirmé que Il la version de la légitime défense du policier qui a tiré ne repose sur rien de sérieux Il, que Mohamed Diab ne se rebellait pas, et qu'il était assis quand il a été tué de deux balles dans la poitrine et deux dans le dos. « Nous demandons, ont-ils précisé, que le sousbrigadier Marquet soit inculpé de meurtre ». • Une mesure d'expulsion a été prononcée contre un jeune ouvrier algérien, Larbi Boudjenana, pour simple délit d'opinion, puisqu 'elle se base sur la découverte, par hasard, de livres et journaux (dont aucun n'est illégal) dans sa chambre, lors d'une perquisition qui ne le visait pas, • Selon « Le Canard Enchaîné» (23-5- 1973), le cinéma Royal Haussmann aurait retiré de l'affiche le film « Décembre», bien que l'indice de fréquentation soit satisfaisant, parce que ce film (sur la guerre d'Algérie) Il attirait trop d'Arabes Il et risquait, dit-il, Il de gâcher sa clientèle Il. Vous dites 1 ... CHAQUE jour, au bureau, à l'atelier, chez les commerçants, dans la rue, l'autobus, le métro, dans certains journaux, vous entendez ou lisez des propos racistes, antisémites ou xénophobes. Vous êtes souvent surpris ou effrayés du crédit que leur accordent beaucoup de gens. Vous-mêmes êtes parfois impuissants à les réfuter, peut-être même êtes-vous ébranlés par certains qui ont une apparence de véracité. C'est pourquoi nous vous proposons de passer en revue les clichés et lieux communs racistes les plus répandus et d'en trouver ensemble la meilleure réfutation tant il est vrai qu'un propos raciste ne peut être qu'erroné. Nous garderons cependant toujours présent à l'esprit que les formules racistes s'appuient le plus souvent sur l'aspect extérieur d'un problème sans en étudier les causes au préalable. Notre analyse devra toujours s'attacher à tenir compte de ce facteur_ AlitL le dessin au service des préjugés : {( Publi-Edition Isère» Nous reproduisons ci-dessus le facsimilé d'un dessin xénophobe - parmi d'autres! - paru dans un journal gratuit de publicité et d'annonces, Les grands thèmes abordés par ce dessin pourraient être résumés en deux phrases : « On ne leur a pas demandé de venir chez nous,» « Ils n'avaient qu'à rester chez eux.» patrons ont demandé leur venue. A l'aide de faits, de chiffres et de citations, notre ami donne ici son point de vue. Nous invitons tous les lecteurs de Droit & Liberté à nous écrire pour modifier ou compléter ce texte, à nous signaler d'autres préjugés et les réfutations qu'ils proposent . Nous les publierons régulièrement dans le cadre de cette nouvelle rubrique, Il est important de dénoncer et de réfuter les arguments racistes précités. Nous publions à titre de premier exemple un extrait de l'argumentation qu'un militant du M,R.A,P, de Strasbourg, Michel Froidure, nous a fait parvenir : Nous avons besoin des immigrés pour maintenir notre taux d'expansion à un niveau élevé (6 % par an), Le \1" Plan (1966-1970) avait évalué à 650 000 (accroissement du nombre des travailleurs actifs pour réaliser ses objectifs, L'accroissement normal de notre population étant de 325 000 environ, nous avons dû introduire pendant la durée du plan, 325000 travailleurs étrangers. Pour le VI" Plan, les chiffres sont encore plus élevés, C'est pourquoi la France ne cesse d'ouvrir de nouveaux bureaux de recrutement à l'étranger (Portugal, Turquie, Yougoslavie, etc,) et s'inquiète de la « concurrence» que nous fait l'Allemagne en Tunisie ... Dans l'Est de la France, les patrons réclament cette immigration : dans sa séance du 4 mai 1973, la Chambre patronale du Bas-Rhin se plaignait de « la ' pénurie de main-d'oeuvre qui ne cesse de s'accentuer depuis le début de l'année)) (D.N.A. du 5 mai 1973). On peut le vérifier en lisant les offres d'emploi dans (( Les (Jernières Nouvelles)) du dimanche matin. Les immigrés qui sont chez nous, sont venus parce que nous avons besoin d'eux et que les DROIT ET LlBERTË - N° 321 - JUIN 1973 D'autres lieux communs A titre d'exemple nous vous soumettons quelques lieux communs assez répandus, ayant trait à la situation des travailleurs immigrés, auxquels vous pourriez répondre : Ils viennent manger notre pain. S'ils ne sont pas bien chez nous, pourquoi ne retournent-ils pas dans leur pays? C'est à cause d'eux que la Sécurité sociale est en déficit. Les étrangers bénéficient abusivement des Allocations familiales , Les étrangers prennent nos logements: c'est leur faute s'il n'y a pas de logement pour tous les Français, Les enfants des immigrés sont moins intelligents que ceux des Français et retardent donc l'instruction de ceux-ci. Les Algériens et les Africains répandent la tuberculose en France. Les Africains nous apportent des maladies africaines, La délinquance est très importante chez les Nord-Africains. « C'est à cause d'eux » ... C'est à cause des immigrés que la Sécurité sociale est en déficit. A cette affirmation courante et mensongère, notre ami de Strasbourg répond : C'est faux. En fait la Sécurité sociale et les Allocations familiales font des bénéfices considérables avec les immigrés. On peut estimer à plus de 350 millions le « boni» procuré aux seules caisses d'allocations familiales par les 150 000 familles non installées en France, qui ne perçoivent de ce fait qu'une moyenne de 1 000 F de prestations familiales, quand ce taux moyen était de 3 600 F en 1967 et qu'il augmente tous les ans. Les excédents de recettes des caisses de Sécurité sociale atteignent peut-être le double. Ils proviennent d'une part du tarif forfaitaire des soins médicaux attribués à ces familles qui n'est en définitive que le tiers ou le quart du taux familial moyen en France, et d 'autre part des cotisations de retraites payées à fonds perdus par le million et demi de travailleurs et par leurs employeurs, Au total, ce serait un excédent de recettes de près de 1 milliard de francs que les travailleurs étrangers apporteraient ainsi aux travailleurs naiionaux. (Rapport de la Commission de remploi pour le Vie Plan, cité dans « Hommes et Migrations» nO 118) 17 DANS une haute salle du Palais du Podestat, l'un des édifices de briques rouges qui font la noblesse et la lumineuse harmonie de la Piazza Maggiore, 205 participants, venus de 33 pays, ont confronté leurs vues pendant trois jours sur les problème du Proche-Orient. Pour mesurer la portée de cette rencontre, il convient d'en rappeler d'abord les conditions et les limites. Si son originalité tenait surtout à la présence simultanée de délégations d'Israël et de plusieurs pays arabes, on ne saurait isoler celles-ci du reste de la conférence : c'est tous ensemble que les délégués ont débattu et se sont employés à dégager une plate-forme d'accord , une perspective d'action commune. Par ailleurs, préparée depuis deux ans, la conférence ne peut être isolée de la situation générale : dans un monde où « l'esprit de la coexistence souffle plus vigoureux », tandis qu'une paix encore fragile s'instaure au Viêt-nam, la tension reste vive au Proche-Orient, où les positions semblent figées dans une hostilité irrémédiable, génératrice de violences. Enfin, les participants n'étaient pas des porte-paroles de gouvernements : il ne s'agissait nullement, pour eux, de négocier, ni même d'entrer dans le détail des solutions possibles, mais de réfléchir au rôle de l'opinion publique, aux moyens de la mobiliser en faveur de la justice et de la paix. On sentait que tous les orateurs, ceux surtout des pays impliqués dans le conflit, tenaient compte, à chaque mot prononcé, de l'état d'esprit de millions d'hommes et de femmes dont ils connaissent bien les aspirations et les craintes, les passions et les espoirs. Tous s'efforçaient à la fois d'exprimer cette réalité vivante, vécue, d'en montrer la pesanteur, et de déterminer les voies, les courants par lesquels peuvent progresser la compréhension, le dialogue. Comment faire admettre l'idée que l'Autre existe et qu'il a des droits légitimes? 18 proche-orient L'esprit de Bologne Albert Lévy a représenté le M.R.A.P., au titre d'observateur, dans la délégation française (1) à la Conférence de Bologne pour la paix et la justice au Proche-Orient, les 11, 12 et 13 mai. Il donne ici ses impressions . Que chacun peut et doit s'affirmer sans léser le voisin? Qu'une issue pacifique et souhaitable , est possible? Comment ceux qui savent cela, qui veulent le faire savoir, peuvent-ils être écoutés, entendus de leurs interlocuteurs dans le camp adverse et dans leur propre camp? Telles étaient, de toute évidence, les préoccupations qui se trouvaient , même informulées, au coeur des débats. C'est ce que traduisait, par exemple, le député israélien Uri Avnery, indiquant que sa délégation comptait cc un ancien dirigeant de la lutte contre l'impérialisme britannique, un travailleur d'un kibboutz, moi-même qui ait été blessé dans la guerre contre l'Egypte, .. Il cc Nous sommes des patriotes, ajoutait-il, c'est pour cela que nous pensons qu'Israël a besoin de la paix, qu'elle seule peut assurer véritablement sa sécurité. Nous représentons des milieux encore minoritaires, mais nous sommes la conscience et l'avenir d'Israël. Il A quoi répondaient les paroles de Khaled Mohieddine, intervenant pour la délégation égyptienne : cc Les forces de paix en Israël ne sont pas nombreuses, mais elles sont courageuses. Nous les admirons, nous devons les encourager. Notre action rencontre des limites, aussi, chez nous : car s'il y a des forces de paix et de progrès dans les pays arabes, il y a également des forces réactionnaires, qui coopèrent avec les U.S.A. Il Réalisme : ce fut sans doute le mot le plus souvent prononcé, et en tout cas, la notion à laquelle chacun se référait sans cesse dans les dizaines d'interventions des séances plénières, dans les salles des commissions, comme dans les conversations en marge des travaux. De Khaled Mohieddine encore : cc Le peuple palestinien, les peuples arabes se sont opposés à la fondation politique de l'Etat d'Israël. Toutefois, nous devons comprendre qu'il faut faire face aux réalités politiques... Mon pays a accepté la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967. Ce n'est pas de gaîté de coeur. Nous ne pensons pas que cette résolution soit la meilleure possible. Mais c'est la seule possible pour promouvoir la paix dans cette région, compte tenu du rapport des forces dans le monde. A condition que le peuple palestinien, qui n'est pas cité dans ce texte, reçoive, lui aussi, des garanties, que soient reconnus et respectés ses droits nationaux. Il Et d'Uri Avnery : cc Dans le processus historique qui aboutit à la situation présente, personne n'avait pleinement raison ou pleinement tort. Il faut comprendre les raisons des uns et des autres. Il peut y avoir des opinions divergentes sur les conditions du déclenchement de la guerre : le problème est d'y mettre fin. Le peuple israélien a un intérêt profond à l'indépendance et la renaissance du peuple palestinien. Nous le reconnaissons et demandons que les Arabes reconnaissent le droit d'Israël à l'existence Il. Deux peuples La délégation palestinienne annoncée n'avait pas pu venir à Bologne, de même que la délégation du Liban, en raison des graves événements en cours dans ce pays, alors coupé du reste du monde. Mais il était normal que le peuple palestinien , sa situation, ses droits, constituent rune des préoccupations essentielles des délégués. cc Des millions de personnes sont privées de leur patrie, de leur terre, de leur foyer. Un peuple entier, le peuple palestinien est dispersé, déraciné avec violence Il, avait souligné dans son rapport , M. Guido Fanti , nrésident du comité international d'organisation de la Conférence. Un autre délégué italien devait affirmer : cc Les sentiments que nous avons ressentis pendant la guerre pour les juifs persécutés sont ceux que nous ressentons aujourd'hui pour les Palestiniens Il. .. Il est significatif que de nombreux orateurs aient mis en cause , à ce propos, non seulement le gouvernement israélien , mais aussi la réaction arabe , dont rappel final adopté par la conférence souligne qu'ils s'efforcent conjointement cc de détruire par tous les moyens l'existence nationale du peuple palestinien et d'affaiblir le mouvement de IIbèration nationale et sociale des peuples arabes Il. Mais nul n'entendait se substituer aux Palestiniens pour décider de leurs options, de leur avenir. C'est leur droit à l'autodétermination qui fut proclamé unanimement. cc Nous sommes en présence de deux peuples, quoi qu'en pensent certains Il, déclara M. Maxime Rodinson, s'employant à définir ce que devait être une cc plate forme à la fois juste et pacifique Il : le Elle doit être, dit- il , acceptable par tous ceux qui ne cherchent pas l'injustice et la guerre. Même si elle est rejetée par des gouvernements, les peuples la soutiendront à condition qu'elle ne les desserve pas. Si elle est acceptable pour une partie importante de l'opinion arabe et de l'opinion israélienne, si elle reconnaît les droits légitimes des deux peuples, elle sera soutenue par l'opinion mondiale Il. Une nouvelle façon ... Si la conférence s'est déroulée sans heurts, dans une atmosphère empreinte de tolérance , de courtoisie et de sérieux, des liens de sympathie, voire d'amitié, se tissant de jour en jour entre les délégués, si le débat fut toujours, selon l'expression d'un socialiste italien , « libre et ouvert», il serait erroné de croire à une entière similitude des conceptions ou même à \ une convergence facilement réalisée . Il y eut des moments où le déroulement des travaux apparaissait comme une juxtaposition de déclarations plutôt que comme une discussion et une élaboration collective. Mais dire loyalement ce que l'on pense, ce que ressent le milieu dont on est issu, en présence d'interlocuteurs exprimant l'attitude d'un DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN 1973 milieu dirrerent, n'est-ce pas déjà un fait positif? La confrontation, en ellemême, si elle s'effectue dans l'attention et le respect réciproque , ne peut-elle pas être libératrice et féconde? On aurait dit qu'un cercle protecteur avait été tracé, avec raccord tacite de tous , rejetant à l'extérieur slogans et invectives . Et lorsque tel délégué (étranger au Proche-Orient) crut devoir tenir des propos plus cassants que ceux-là mêmes dont il s'affirmait le défenseur, pas un seul applaudissement ne ponctua ses paroles. Sans doute d'autres points de vue , non représentés auraient-ils pu se faire entendre si certaines délégations avaient été composées avec plus d'audace. La convocation à la conférence, il est vrai , se fondait sur l'acceptation intégrale des résolutions de l'O.N.U. du 22 novembre 1967 et du 4 novembre 1970, ce qui , en évitant les ambiguités, limitait les participations . On peut donc souhaiter qu'à l'avenir, de nouvelles initiatives permettent, sur cette même base, d'autres apports et d'autres concours au débat et à l'action engagés à Bologne. L'importance de la conférence , telle qu'elle fut, ne saurait être pourtant sous-estimée. Ni l'effort consenti par les uns et les autres pour acceotfH rappel final , avec tout ce qu'il dit et ce qu' il ne dit pas. Bref et sobre , il commence par faire le point de la situation au Proche-Orient, six ans après la guerre, dangereuse pour la paix du monde, préjudiciable à la libération nationale et sociale des peuples arabes : analyse que d'aucuns discuteront, certes, mais qui, soulignant à la fois les responsabilités du gouvernement israélien, de la réaction arabe et des Etats-Unis, frappe par le souci de se placer sur un terrain strictement politique. Mais l'essentiel, dans ce texte, est le soutien apporté aux résolutions de l'O.N.U., dont l'application intégrale « comporte en premier lieu», est- il précisé « de la part de l'Etat d' Israël , le retrait de ses forces armées de tous les territoires arabes occupés depuis juin 1967 et la reconnaissance des droits nationaux légitimes du peuple arabe de Palestine . son droit a r autodétermination , ainsi que le droit à l'existence, à l'indépendance, à la souveraineté et à la sécurité de tous les peuples et de tous les Etats du Proche-Orient Il. Sans qu'elles soient formellement adoptées, diverses propositions d'action ont été formulées par une commission désignée à cet effet : maintien et élargissement du comité d'organisation , démarches auprès des gouvernements, campagnes coordonnées pour faire mieux connaître la situation des Palestinielns, ainsi que les résolutions de l'O .N.U., envoi, dans les pays du Proche-Orient, de délégations comprenant à la fois des Israéliens et des Arabes, pour faire connaître les conclusions de la conférence. Cette dernière suggestion, la plus novatrice, et qui, pour l'instant du moins, semble confiner à l'utopie, fut chaleureusement applaudie comme les autres. C'est par des applaudissements redoublés, aussi , que fut adopté rappel final. Cette rencontre aura- t -elle « servi à quelque chose Il? L'essentiel , dans l'immédiat est qu'elle ait pu se tenir malgré les obstacles, les réticences et les appréhensions. Une nouvelle façon d'aborder les problèmes du ProcheOrient s'est esquissée, subsistuant à l'opposition traditionnelle entre Israël et Arabes, des clivages plus profonds entre forces de paix et de progrès d'une part, forces réactionnaires et bellicistes de l'autre. Et, traduisant le climat de ces journées laborieuses, fait à la fois d'ouverture et de loyauté, de décontraction et de réalisme, avec un sens aigu des responsabilités, il restera ce que le dernier orateur a nommé « l'esprit de Bologne Il. A.L. (1) La délégation française comprenait en outre le père Maurice Barth, Claude Bourdet, Lucien Bitterlin (Association de Solidarité Franco- Arabel. Yves Cholière (Mouvement de la Paix!. Elisabeth Mathiot (Christianisme Sociall. Elie Mignot (P .C.F.l. Maxime Rodinson (G .R. ~ . P . P . ) et Jean Schaefer (C.G.T.l. observateur. • Les délégations arabes venaient des pays suivants : Egypte, Irak, Jordanie, Maroc, Syrie • La délégation israélienne était composée de Uri Avneri, Yosi Amitai , Uzi Burstein, Tawfiq Toubi , Nathan Yalin-Mor et Zeev Sade. • Parmi les délégué italiens se trouvaient à la fois des communistes, des socialistes et des démocrates chrétiens, dont un ancien ministre et le professeur Georges La Pira , ancien maire de Florence. • Des messages avaient été envoyés par le Secrétariat général de l'O .N.U., l'Organisation de l'Unité Africaine, le Conseil OEcuménique des Eglises, le Mouvement Pax Christi, le président de la République de Somalie, le cardinal Lercaro , archevêque de Bologne. 19 Sauver les Six de Prétoria! Pierre Paraf, Alfred Kastler et Marie-José Moumbaris à la conférence de presse du ,., juin. PEU de nouvelles, à l'heure où nous mettons sous presse, sur le procès de Prétoria commencé le 19 mars et qui semble devoir se poursuivre jusque vers la mi-juin (1). La police en s'appuyant sur « ses » témoins - des hommes tenus au secret, menacés des plus lourdes peines s'ils ne jouent pas le rôle qui leur est dicté - s'emploie à discréditer, à humilier les six accusès, à ètayer le prétendu « complot » qui leur est imputé. Après les grèves récentes de travailleurs africains, avant les élections législatives, le gouvernement raciste du Dr Vorster entend faire un exemple: il s'agit d'inti mider la population noire, de faire croire que quiconque désapprouve l'apartheid est un dangereux terroriste, « agent de l'étran ger », un éennemi de la population blanche, dont il veut obtenir le (, vote de la peur » ... D'après les prises de position du procureur, il est li craindre que l'Australien Alexandre Moumbaris et l'un de ses compagnons, le syndicaliste Petrus Arom Imtembu, ne soient condall1I1es a la peine capitale, tandis que les quatre autres accusés, Tesi Cholo, Gardiner Sijaka, Justice Mpanza et le jeune Irlandais John Hosey ris quent de nombreuses années de prison. Les six hommes qui plaident non-coupables, font face à leurs tortionnaires, dénoncent les tortures dont ils ont été l'obiet. C'est ainsi que Hosey a révélé devant le tribunal qu'il avait été frappé, que les policiers insistaient pour lui faire déclarer qu'il était juif, et que devant ses dénègations, ils l'ont brutalement déshabillé pour ... s'en assurer. Alexandre Moumbaris, tout en démentant la conspiration abracadabrante qui lui est attribuée, ne nie pas qu'il a milité à Londres contre l'apartheid et qu'il a pris des Noirs en auto-stop lors de son séjour en Afrique du Sud (ce qui est là-bas un crime). Accusè (sans preuves) d'avoir participé au transport d'armes et d'explosifs, il a déclaré : « Je suis contre la violence et les effusions de sang, et je crois qu'il faut tout faire pour les éviter)l. Mais on ne peut savoir que ce qu'écrivent les journaux qui contribuent à créer un climat d'hostilité envers les accusés, en pré sentant sans le moindre commentaire critique les affirmations des policiers et du procureur à ce qu'ils appellent « le procés du terrorisme » ... A Paris, le 1'" Juin au cours d'une conférence de presse tenue au siège du M.R.A.P., le professeur Alfred Kastler, Prix Nobel et membre de l'Institut, a dénoncé les lois sur lesquelles se fonde 20 l'odieux système d'apartheid. « Si ces lois étaient appliquées ·en France, a-t-il déclaré, la moitié des Français serllient en prison. )1 Il a comparé aux méthodes hitlériennes les pratiques utilisées pour amener de prétendus témoins, en leur promettant la vie sauve, à charger les inculpés qui, tous, nient les actes qui leur sont imputés. Le professeur Kastler a exprimé en outre son étonnement que des policiers sud-afncains aient pu opérer en France pour obtenir les clés de l'appartement londonien de M. et Mme Moumbaris. Au cours de cette même conférence de presse, Mme Moumbans (qui est de nationalité française) a apporté des précisions sur les traitements inhumains subis par son mari, ainsi que par elle-même, pendant les quatre mois où elle a été incarcérée avant d'être expulsée d'Afrique du Sud. Pierre Paraf et Albert Lévy, président et secrétaire général du M.R.A.P., et Me Jean-Jacques de Fèlice, au nom du Comité contre l'apartheid, ont évoquè diffèrents aspects de l'affaire ainsi que les efforts entrepris en France pour informer l'opinion publique. Devant l'ambassade sud-africaine Plusieurs dizaines de militants parisiens du M.R.A.P., auxquels s'ètait jointe Mme Moumbaris, sont allès le 28 mai en fin d'aprèsmidi devant l'ambassade d'Afrique du Sud, 51, avenue Hoche, pour déposer une pétition. Pendant plus d'une 'heure, ils sont restés devant l'Immeuble, avec des banderoles et des pancartes, tlé trissant l'apartheid et réclamant la libération des Six de Prétoria. A 19 h 15, les manifestants ont été dispersès par d'importantes forces de police amenées par plusieurs cars. Le 17 mai, des délégations de diverses organisations, parmi lesquelles le M.R.A.P., le Comité contre l'apartheid, le Parti communiste fran?çais, le Mouvement de la paix, le Mouvement d'action judiciaire, le Christianisme social. Objectif socialiste, la C.LM.A.D.E., Croissance des jeunes nations, l'Association de défense des droits des détenus, s'étaient rendues également à l'ambassade sud-africame ou, bien qu'elles aient demandé à être reçues, elles n'ont pu que déposer une lettre. Une pétition Des milliers de personnes ont déjà signé la pétition lancée par le M.R.A.P. il Y a quelques semaines, demandant la libération immédiate des six accusés. Parmi les premiers signataires, citons Mmes Michelle Vincent-Auriol et Marie Romain-Rolland; MM. André Diligent, Jacques Duclos, Marcel Gargar, Pierre Mialhe, Louis Namy, Guy Schmaus, sénateurs; Paul Laurent, Louis Odru, Robert Ballanger, députés; Jacques Debu-Bridel, Fernand Grenier, Pierre Cot, anciens ministres; Michel Rocard, ancien député ; Georges Marrane, ancien sénateur; Guy Névache, député suppléant de Grenoble; Le pasteur André Dumas; Henri Schultz, président du Centre Quaker international ; Les écrivains Arrabal, Simone de Beauvoir, Georges Conchon, Gabriel Cousin, Alain Decaux, Annie Lauran, Michel Leiris, Clara Malraux, Andre Pieyre de Mandiargues, Pierre Paraf, Vladimir Pozner, Simone et André Schwartz-Bart, Vercors; Les journalistes J.-J. Sempé et Paul Schmitt ; MM. Marc-André Bloch, Etienne Boltanski, Maurice Cling, Hubert Deschamps, Pierre Dommergue, François Grémy, Marcel


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Prenant, Jean-Jacques Recht, Lionel Richard, Laurent Schwartz, André Tune, professeurs d'univerisité ; Hélène et Michel Langevin, directeurs de recherches; Claude Quin, économiste; Yri Barren, urbaniste; Hugues Picard, administrateur de l'LN .S.E.E. ; Le peintre Jean Picart Le Doux; le compositeur Mikis Theodorakis; le cinéaste Louis Daquin; Guy Rétoré, directeur du Théâtre de l'Est Parisien; les artistes Lény Escudero, Juliette Gréco, Olivier Hussenot, Paco Ibanez, Colette Magny, Georges Moustaki, Michel Piccoli, Francesca Solleville, Alan Stivell ; Bernard Andreu, René Blum, Simone et Paul Houaziz, J.-M. Braunschweig, Gilbert Foumié, D. Frétin, Liliane Picard, Roland Rappaport, P. Saint-Arroman, Monique et Roland Weyl, avocats à la Cour d'appel de Paris; Anthony Abrams, conseil juridique. Des feuilles de pétitions peuvent être demandées au siège du M.R.A.P., 120, rue Saint-Denis, 75002 Paris, pour recueillir de nouvelles signatures dans tous les milieux. A Marseille Le Comité du M.R.A.P. de Marseille, animé par Serge Kriwkoski, ayant fait publier dans la presse un communiqué sur le procès de Prétoria, des membres de l'Eglise orthodoxe grecque ont pris connaissance du danger couru par Alexandre Moumbaris, qui, de parents français et ayant vécu à Marseille, fut membre de cette communauté religieuse. Ce fait a suscité une vive effervescence, plusieurs journaux l'ayant souligne, et les coreligionnaires d'Alexandre Moumbaris se sont mobilisés pour le défendre. C'est par centaines que les pétitions signées un peu partout dans la ville affluent au siège du M.R.A.P., 126, rue de Rome : lycéens, syndicalistes, élus locaux, professeurs, prêtres, travailleurs de toutes professions s'emploient activement à cette campagne. A la conférence de presse du M.R.A.P., le 1er juin, le père Cyrille Argenti, prêtre de l'Eglise orthodoxe grecque de Marseille, avait adressé le télégramme suivant : « Je porte publiquement témoignage de l'intégrité morale et du désintéressement absolu, du dévouement et de la générosité d'Alexandre Moumbaris, qui fut mon proche collaborateur pendant trois ans, à la tête de la troupe scoute paroissiale. Je demande instamment aux autorités compétentes et à tous nos frères du Christ d'intervenir à tout prix pour l'acquittement d'Alexandre et de ses compagnons. Une condamnation constituerait un crime.» Deux questions écrites Parmi les autres prises de position qui nous sont signalées, citons la lettre adressée par le président du Mouvement international des juristes catholiques, M. Louis-Edmond Pettiti, à l'ambassadeur d'Afrique du Sud. D'autre part, deux députés, Jean-Pierre Chevènement (socia liste) et Roger Gouhier (communiste), ont déposé au Parlement des questions écrites demandant au gouvernement français d'intervenir auprès des autorités sud-africaines. En Grande-Bretagne, ont lieu de multiples manifestations. Les 26 et 27 mai, des centaines de personnes sont demeurées pendant quarante-huit heures devant l'ambassade sud-africaine à Londres. Mme Moumbaris a participé à cette démonstration. Le M.R.A.P. avait adressé un message de solidarité au Comité anti-apartheid britannique, qui l'avait organisèe. Dans les quelques jours qui nous séparent de la fin du procès l'action doit s'intensifier pour souver les Six de Prétoria ! (1) Voir " Droit et Liberté , avril -mai 1973. DROIT ET LlBERTË - N° 321 - JUIN 1973 Il Y a 20 ans : les Rosenberg Le 19 juin 1953, Ethel et Julius Rosenberg étaient exécutés sur la chaise électrique, à la prison de Sing-Sing, aux Etats-Unis. Accusés d'espionnage en vue de livrer à rU.R.S.S. le cc secret Il de la bombe atomique, ils proclamèrent jusqu'à leur mort leur innocence. Leur procès et leur condamnation s'inscrivaient dans le cadre d'une opération de guerre froide visant à intimider les progressistes amécicains ; l'antisémitisme fut utilisé dans cette campagne de peur et de haine orchestrée par le célèbre sénateur Mac Carthy. Pour défendre les Rosenberg, ropinion mondiale s'était mobilisée avec une vigueur sans précédent. Un article sera consacré à cette affaire dans notre prochain numéro. Théâtre ... d'ombres Quelques années après la Libération, une tentative de jouer à Paris « La Reine de Césarée », pièce antisémite de Robert Brasillach, le propagandiste nazi exécuté pour sa collaboration avec l'occupant, provoqua de puissantes manifestations et les représentations furent aussitôt interdites. Signe des temps : cette même pièce à été représentée ces dernières semaines dans l'indifférence générale. Il est vrai que le réalisateur et les acteurs, en accentuant la grossière outrance du personnage qui exhale la haine antijuive de l'auteur, ont modifié quelque peu la signification de cette pâle imitation de « Bérénice », laquelle, sur le plan « purement» théâtral, ne mérite par ailleurs que l'oubli. Mais voici qu'on fait grand bruit autour de runique pièce de Louis-Ferdinand Céline « L'Eglise », que nous offre une autre salle parisienne. En dépit de son caractère « social» et « anticolonialiste », cette première oeuvre fut aussi la première manifestation de l'antisémitisme délirant de Céline. Sa soudaine « découverte », qui comble d'aise certains critiques, ajoute à l'entreprise de réhabilitation d'un écrivain sont on passe trop souvent sous silence la contribution à la propagande nazie, et les conséquences qui en découlèrent. - Nous ne sommes pas de ceux qui appellent à brûler les livres ou ... les planches. Mais une question se pose : les oeuvres valables sont-elles si rarissimes que les metteurs en scène en soient amenés à sortir ainsi de l'ombre des personnages aussi écoeurants et nocifs? Plutôt que de le porter sur la scène ne vaudrait-il pas mieux mettre l'antisémitisme au pilori? 21 Une mise au point du Comité épiscopal Après les réactions contradictoires suscitées par les « orientations pastorales» sur les relations des catholiques avec le judaïsme, le Comité épiscopal auteur de cet important document a jugé nécessaire de publier une mise au point. Nous prenons acte avec respect et émotion, déclare-t - il, de celles (des réactions) qui émanent d'hommes touchés dans leur coeur ou dans leur chair par le conflit et les événements douloureux du Proche-Orient ( ... ' . l'évocation des réalités politiques faite dans le document, d'une manière brève mais claire, n'a pas d'autre but que de faire prendre conscience des exigences de la justice. En ce sens, le texte contient une proposition nette et ferme relative au sort des Palestiniens qui demande un règlement urgent. Il n'est jamais honnête, souligne-t -il encore, de séparer certaines affirmations de leur contexte ( ... '. le texte est destiné essentiellement à éclairer et à promouvoir l'attitude religieuse des chrétiens à l'égard du judaïsme. Cela ne nous empêche pas d'écouter avec attention et d'estimer profondément les requêtes de la foi musulmane. Aorès avoir constaté que plus d'un commentateur a déià fait dire à ce document pastoral ce qu'il ne disait pas, ou mal interprêté, le Comité épiscopal annonce qu' il examinera dans quelle mesure certaines expressions peuvent donner prise à ces interprétations abusives sur le plan exégétique ou doctrinal. Notant que par ailleurs, des avis constructifs ont été exprimés, il précise qu'il continuera de consulter les différentes instances responsables ou compétentes à des titres divers, et de recevoir leurs réflexions et leurs suggestions. Enfin, il se propose de publier en temps voulu un commentaire tenant compte de ces remarques, et apportant des éclaircissements sur les points les plus importants. L'action contre les essais nucléaires va s'élargir l'imminence d'une reprise des expériences nucléaires francaises dans le Pacifique a provoqué une levée de bouclier~ dans les pays riverains, activement soutenue en GrandeBretagne et en France par tous les adversaires de l'arme nucléaire. Les gouvernements australien et néo-zélandais ont déposé une plainte contre la France auprès de la Cour de Justice internationale de la Haye. Les principaux syndicats de ces pays Des faits ••. • A l'exposition de l'Association des peintres et sculpteurs anciens combattants et résis· tants. aux Invalides, en avril dernier, une toile de David Olère, dénonçant les crimes nazis. a été décrochée sur ordre du directeur des Musées de l'Armée. Motif: congolais, Maison des Etudiants de Côte d'Ivoire, Maison des Etudiants de l'Ouest Africain, et plus précisément encore, Maison des Etudiants Voltaïques. Ces étudiants, qui ont du mal à se loger en raison du racisme, éprouvent une vive inquiétude et demandent que des mesures soient prises pour leur permettre de poursuivre normalement leurs études. rc;;..;:.;_. __ •• ont décidé d'arrêter le transport et la manutention de toute marchandise destinée à la France ou en provenant. La marche internationale Londres- Paris a fait l'objet d'une interdiction à son entrée en France ainsi que la manifestation unitaire parisienne du 2 juin qui devait en constituer l'aboutissement. Des délégations se sont alors rendues à l'Elysée pour déposer leurs protestations. Les vingt organisations, dont le M.R.A.P., à l'origine de cette démarche ont confirmé au cours d'une conférence de presse qu' elles entendaiAnt ensemble élargir cette action. Est-ce possible? Nous ignorons si l'Algérien jugé l'autre. jour à Paris, deva~t la 1 De Chambre correctionnelle était ou non coupable du délit dont des policiers l'accusaient. Ce qui est sûr, c'est qu' il se proclamait innocent, et qu'il a été condamné à six mois de prison. Et l'on ne peut rester indifférent devant certains aspects de ce procès. Voici, d'après Jean-François Dominique, chroniqueur judiciaire de « L'Humanité», le dialogue qui s'est instauré dans l'enceinte du tribunal : le président. - Je vous le répète, vous étiez déià !;lIsnect. Kadour Ouissou (stupéfait). - Suspect, moi? Mais pourauoi ? Je voudrais bien savoir. le président (légèrement ennuyé) . - Je ne sais pas, moi En tout cas, ils l'ont dit. le substitut Gonsolin (dont le racisme est un des scandale~ de ce palais) . - Ne vous en faites pas, Monsieur le Président, ces gens-là sont toujours suspects. Est- il possible que de tels propos puissent-être tenus, en 1973, par un magistrat parlant « au nom du peuple français» ? Quelles sanctions le ministre de la Justice prendra-t -il contre une violation aussi flagrante , par ce magistrat, des devoirs qui lui incombent? • Victoire des pays prOlUCteurs de pétrole : ils ont obtenu après une longue lutte, l'échelle mobile des prix de vente du produit brut, en fonction des variations du cours du dollar. • Pour la première fois, un noir, Thomas Bradley, a été élu maire de Los Angelès (2 800 000 habitants), troisième ville des Etats-Unis. • De vives proteslauons se sont élevées contre l'organisation dans le Tarn de manoeuvres communes de parachutistes français et espagnols, qui devaient défiler à Castres, L'émotion est d'autant plus vive que de nombreux réfugiés antifranquistes habitent cette région. J'n touriste allemand avait fait \dl esclandre au vu de ce tableau. David Olère a été invité par lettre à • ne plus exposer ces sortes de choses ~! ••• qui donnent ••. • Pour la seconde fois en

ix semaines, des croix gammées

~t slogans antisémites cochons de juifs, quittez la Grèce ! ~ ont été barbouillés sur les murs de la synagogue d'Athènes et de plusieurs autres bâtiments communautaires juifs. • Après la liquidation de la Maison des Etudiants du Gabon, de la Maison d'Afrique, des menaces pèsent sur d'autres résidences d'étudiants africains à Paris : Maison des Etudiants • Le nouveau commandant en chef des forces de l'O.T.A.N. dans le Centre· Europe est le général ouest-allemand Ernst Ferber : il fut, pendant la dernière guerre, colonel à l'état-major général hitlérien. • Jugé à Hambourg (R.F.A.), l'ancien chef de la Gestapo et des services de sécurité nazis de Varsovie, Ludwig Hahn, coupable de nombreux assassinats a été condamné à 12 ans de réclusion... et aussitôt libéré. "\ •.. a penser Cdlsques ~ _____C_ ha_n_t Sd__ es _é_ m_ig_ra_n_t_s _it_ al_ie_n_s ____ J ON emporte toujours un peu de sa terre natale à la semelle de ses souliers. Plus sûrement encore , je crois, il y aura toujours au fond du coeur de l'homme, une musique, une berceuse en sa mémoire, un chant d'amour pour sa mélancolie, un hymne de révolte pour dompter son découragement. le Chant du Monde continue , patiemment, avec le même souci de précision , d'exactitude scrupuleuse , à nous faire partager les émotions des hommes, où qu 'ils soient par le monde, quels que soient leur sort et leur misère .. . Avec les Il Chants des Emigrants Italiens Il (LDX 74477) , c'est l'antithèse des sirupeux « à-peu-près» mélodiques qui éclaboussent les films « série B » de grande consommation et où le musicien n'est, bien souvent que le « parrain j) du producteur. Composé de chants issus de la moit ié Dlédailles Un artiste complet 1 A nouvelle présentation de la Monnaie L de Paris consacrée à Jacques Despierre (sous le patronage du ministre de l'Economie et des Finances) s'est terminée en mai. J 'ai souvent dit ici tout le soin qu 'apporte M. Deshaye, directeur des Monnaies, au choix des expositions qu'il offre aux Parisiens, et dont chacune est plus que la découverte d'un graveur, souvent celle d'un artiste complet - comme c'est le cas aujourd'hui avec Despierre - et toujours l'explosion d'une personnalité dont l'ouverture d'esprit sur les grands problèmes de l'heure est un véritable témoignage humain. Ce n'est pas par hasard que les capitales étrangères accueillent avec admiration les oeuvres de cet enfant de Saint-Etienne qui porte partout dans le monde, l'image de l'art français, le meilleur, celui qui est fait de sensibilité et de mesure ... Pour en juger, il suffira de découvrir les toiles, les mosaïques, les cartons , les esquisses des médailles qui, depuis dix ans, font la joie des collectionneurs du Club des Médailles. Et surtout , cet DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN 1973 du XIXe siècle, enrichi récents, ce merveilleux d'airs plus 33 tours, aboutissement génial que sont le Jardin des Planètes et les Joies du Bain. Il y a, dans le Jardin des Planètes, un souci d'économie et une puissance de suggestion qui, pour une fois, ne trahissent point l'oeuvre peinte - danger auquel , souvent, succombent les artistes face à la matière à graver. L'exposition Despierre ·est comme une oasis de clarté et de profondeur parmi tant d'expositions actuelles qui lui servent de « faire-valoir». Maître de l'atelier d'Art mural à l'Ecole nationale des arts décoratifs, Jacques Despierres se flatte d'avoir réuni parmi ses élèves, des jeunes de toutes origines

Parisiens, provinciaux, Libanais,

Japonais, Coréens, Africains... Vingtdeux années de professorat l'ont persuadé que ce brassage se révèle très efficace, pour l'art .. . et pour les hommes. B.-S.-S. accompagné des textes bilingues, est l'un des meilleurs de cette série. L'histoire de l'émigrant est tout entière ici : chants de révolte contre les patrons qui ne paient pas assez, l'obligation de l'exil: «Italia Bella» (1899), «E tutti va in Francia » .. . et puis l'Amérique; c'est aussi le récit de la Tragédie du Mattmark, où 88 ouvriers, parmi lesquels 56 émigrés italiens, trouvèrent la mort ensevelis sous l'avalanche du glacier Mattmark le 30 août 1965. La plus attachante est, sans conteste, cette chanson en vogue dans les années vingt : « Fox-Trot della Nostalgia» (du retour) : « Elle surgit enfin cette Aurore voici un bout de terre qui émerge ... c'est l'Italie .. . .. . Descend un petit vieux, il se penche et baise une poignée de terre « La mort peut me prendre » Je suis heureux .. . » Bernard SANNIER-SALABERT votre mariage c 'est PRQNVP'fiA MAISON MÈRE 18 rue du Faubourg-Montmartre. Paris g' tél. 770.23.79 300 modèles de 189 à 2500 F 23 Quelques livres récents Colonisation • PORTRAIT DU COLONISE, par Albert Memmi (Petite Bibliothèque Payot). précédé du Portrait du Colonisateur et d'une préface de Jean-Paul Sartre. Ecrit avant la guerre d'Algérie, ce livre sembla à beaucoup surprenant. Puis il apparut comme prophétique . • LES EUROPEENS HORS D'EUROPE, de 1434 à 1 81 5, par Hubert Deschamps (Presses Universitaires de France). Histoire des grandes découvertes, puis de l'expansion de l'Europe à travers le monde, avec étude des conséquences humaines et économiques. • IMMIGRES DANS L'AUTRE AMERIQUE, par Selim Abou (Terre humaine, Plonl. Quatre Argentins, fils d'immigrés libanais, La ligne douze T OUT en couronnant « Jeanne d'Arc et l'e.nfant juif». d'Alain Spiraux, le JUry du PriX de la Fraternité a tenu aussi à saluer; en particulier la remarquable contribution apportée à la lutte contre le racisme par le roman de Raymond Jean : La ligne douze (aux Edition du Seuil). Raymond Jean, écrivain, professeur de Lettres à .Ia faculté d'Aix-en-Provence, militant antiraciste, exprime avec c€ , émouvant récit quelques moments de la vie d'un immigré, Dans ce livre , on trouve : le racisme quotidien que subit Mehdi, victime d'un scandaleux incident dans l'autobus qui le ramène chez lui après une journée de pénible labeur sur un chantier; les conditions d'existence dans ces espèces de léproseries que l'on appelle « cités de transit» où il vit avec d'autres manoeuvres nordafricains. Le récit se termine dans la salle d'un tribunal où Mehdi, entouré et jugé par de biens curieux personnages, se demande ce qu' i! a pu commettre pour en être là, assis sur le banc « d'infamie », et s'entendre condamner à une amende de 500 F .. , De la « justice» qui lui est faite, seul le chiffre de 500 F tournera dans sa tête. \1 retiendra ce qu'il représente d'heure de travail, de mandats non envoyés au pays ... Un témoignage que les antiracistes auront à coeur de lire et de faire connaître ... Serge KRIWKOSKI. 24 racontent leur existence. Comment s'intégrer et s'assimiler à une autre nation qui n'est pas vraiement formée , mais se compose d'éléments venus des quatre parties du monde? • DE LA COLONISATION AUX INDEPENDANCES 1945-1960, par Jean Suret-Canale (Editions Sociales) . Troisième tome de la magistrale Histoire de l'Afrique par Jean Suret-Canale, ce volume montre comment le néo-colonialisme s'est peu à peu substitué au colonialisme à visage découvert. • L'AFRIQUE DES AFRICAINS , par Claude Wauthier (Seuil). Inventaire de la négritude, qui a poussé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale les peuples noirs à réhabiliter les valeurs africaines, à reconquérir leur liberté intellectuelle face à l'assimilation. Proche-Orient: • LES ARABES , par Jacques Berque (Sinbad, La Bibliothèque arabe , collection l'Actuel) . Un livre écrit, pour cerner l'éclatante volonté de vivre et dire l'interrogation d'une culture défigurée par l'aliénation et d'une jeunesse hantée par le refus. • LA LIBERATION DU JUIF, par Albert Memmi (Petite Bibliothèque Payot). Quelle issue à la condition juive? L'auteur raconte sa propre vie et comment il a trouvé sa propre voie, en nous avertissant que le prix d'une libération est rarement peu élevé. • LES PALESTINIENS, par Edmond Bergheaud (Bordas, col. Connaissance-Information) . Il faut plonger au plus épais de l' Histoire pour comprendre que, venus d'une commune origine, Israéliens et Palestiniens ont des droits identiques sur la terre qu'ils revendiquent avec une égale passion . • LE SEPTIEME JOUR (Plon) . Dialogues de combattants de la guerre des six jours, recueillis parmi les jeunes membres de kibboutz ... Indiens d'Amérique • SERFS DE DIEU ET MAITRES D'INDIENS, par Victor Daniel Bomla (Fayard , Anthropologie critique) . Résultat d'une enquête dans le Sud-Colombien où une mission de Catalans s'établit en 1906 dans deux tribus apparentées aux populations de l'ancien empire inca, qui seront pratiquement anéanties . Comment, sans qu'il y ait génocide, le contact de deux ethnies peut aboutir à la destruction de l'une d'elles. • LE LIVRE BLANC DE L'ETHNOCIDE EN AMERIQUE, textes et documents réunis par Robert Jaulin (Fayard , Anthropologie critique) Au-delà des exactions contre les Indiens dénoncées comme génocide ... l'ethnocide est la destruction de populations par l'acculturation et l'assimilation . « L'homme de toutes les couleurs» par Pierre Paraf ~A sortie du livre de Pierre Paraf, président du M.R.A.P., cc l'Homme de toutes les couleurs Il, aux éditions cc la Fa~andole Il vi~nt ~ son h~ure. Ecrit dans la perspective de la jeunesse, c est le premier livre que fon consacre au racisme dans une collection pour l'adolescence. Au sommaire de ce fort volume de 232 pages, à la riche documentation photographique en couleur et en noir, figurent, entre autres, les thèmes suivants : - Points de vue des ethnologues sur le concept de race. _ les civilisations: les plus hautes conceptions de l'esprit, les chefsd'oeuvre de fart, les réalisations de la science et de la technique et leur apport au progrès de l'humanité. . _ Esclavage. Traite des nègres. Antisémitisme (de vibrants chapitres sur l'affaire Dreyfus, sur l'hitlérisme. Un inoubliable portrait d'Anne Frank). le problème noir aux U.S.A. l'apartheid. les Gitans. - les travailleurs immigrés : un problème quotidien. _ le texte comporte aussi des poèmes : Victor Hugo, Aragon, Eluard, David Diop, Aimé Césaire, Jacques Prévert, langston Hughes, Walt Whitman, Paul Fort Nazim Hikmet, un poète vietnamien ... , des citations de grands classique~, de Zola, d'Elsa Triolet •.. Fac-similé de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789. Un livre-clé, captivant, que chaque famille s'honorera de posséder dans sa bibliothèque. En vente à « Droit et Liberté», C.C,P. 6070-98 Paris, le volume: 48 F + 3 F de frais d'envoi. clnénla La mort de l'Autre L'Italien des Roses Es r 1 L italll~ n. cel homme qui se penche ùu ha ut de la tour ùes « Roses» ? Nous ne le saurons jamais... Comme nous devrons attendre la fin du film pour savoir s'il se jettera ou ne se jettera pas dans le vide, Italien ou pas, - des « Roses » - , du nom de la tour de béton inhumaine construite à l'usage d'humains - il est pourtant « l'étranger », Il est celui qui refuse ce monde d'égoïsme, d'incompré· hension, de peur, de méchanceté, d' indifférence, symbolisé par les badauds rassemblés a u bas de la tour en attendant impatiemment son suicide. Plongés dans la médiocrité, ils n'exhalent que la haine, Que l'Autre, un révolté, veuille en finir, et ils applaudiront. En fin de compte - et nous pouvons le révéler, car là n'est pas l'essentiel - Raymond, « l'Italien», sera sauvé, Charles Matton laisse donc par là une lueur - oh! minuscule - d'espoir. Car ce monde déshumanisé - ce monde où chacun, s'il se différencie dans son comportement de l'idéologie dominante, ne peut pas toujours s'en démarquer positivement - reste la réalité, Et si Charles Matton, dans une vision trop pessimiste, trop désespérée, ne fait que le suggérer, bien des specta teurs concluront que la solution n'est pas dans le suicide, mais dans la lutte, Décembre T E cmema algérien nous livre, avec .L Décembre, de Lakhdar Hamina, une oeuvre semble-t-il nouvelle, et à plus d'un titre, intéressante, bien que comportant quelques lacunes, Décembre 1960 : à Alger, la répression des « paras» bat son plein, Dans les geôles de Massu, on torture allégrement le " fell agha », le " bicot » engagé - ou pas! - aux côtés du F,L.N, Ce systéme a ses adeptes, quelques officiers nourris d'une idéologie fortement fascisante, organisés en corps spécialisés, Mais il y a également quelques gradés plus ou moins récalcitrants à l'idée d'user de la cc gégène» comme arme de guerre. Le colonel de Saint-Méran de ce film - issu d'une aristocratique lignée et formé à Saint-Cyr - , est de ceux-là, Mais force restant à la loi dictée par l'état-major et le pouvoir central en sous-main, SaintMéran devra malgré tout torturer cc son» prisonnier, du gros gibier, un des leaders du F.L.N., Si Ahmed, admirablement campé par Ali Kouiret. Ce film tourne donc autour des contradictions de ce colonel cc torturé» entre l'idée qu'il se fait de la guerre - idéologie, qui en réalité, n'est pas aussi éloignée que l'on pourrait le penser de celle de ses collégues ouvertement fascistes - et la réalité de la lutte anti-guérilla, torturé lkle scène de «Décembre». aussi par son incapacité de saisir la force et la puissance de tout un peuple engagé dans une guerre de libération nationale, Mais, pour admirablement réalisé qu'il soit, Décembre laisse un arriére-goût de déception, Ou plutôt d'insuffisance, L'auteur a poussé par trop ses manifestes tentations pour la parade hollywoodienne, et, si l'image est belle, certains plans - cavaliers et cavaliéres sur fond de soleil couchant - sont parfaitement inutiles, A contrario, la peinture de la réalité algérienne de l'époque - notamment celle de ces paysans qui n'hésitent pas à mourir pour apporter de l'eau au village - surprend par son infinie justesse de ton, Pourtant, on eût aimé, en ce qui concerne la guerre d'Algérie, plus de précision dans le trait .. , On se prend encore une fois à rêver d'un film sur cette lutte de libération, d'un film réellement fait par des Algériens, qui en explicite les composantes économiques, politiques et idéologiques réelles. Dominique DEFOIX. Lu ••• vu ••• le monument du Souvenir qui sera érigé sur l'emplacement de l'ancien camp de Drancy. Pierre Paraf, président du M.R.A.P., faisait partie du jury, présidé par M. Maurice Nilès, député-maire de Drancy. universitaire de Valenciennes, une session d'initiation à l'arabe dialectal aura lieu dans cette ville du 9 au 28 juillet. évoque de façon émouvante les difficultés des travailleurs palestiniens dans les pays où ils sont réfugiés. Projeté actueDement à Paris, il vient d'être primé au festival organisé par l'Institut des Droits de l'homme, à Strasbourg, • «Les dix derniers jours de Hitler _, film d'Ennio de Concini, où Alec Guinness incarne le « Fuhrer» a soulevé en Allemagne une tempête de protestations Il est actuellement projeté en France, • Lionel Rocheman et sa troupe du Hootenanny interprèteront des chansons yiddish, africaines, viêtnamiennes, ' arabes, allemandes, amerlcames, bretonnes, arméniennes, à la soirée «Musicorama» du 18 juin, à l'Olympia. • C'est la maquette du sculpteur israélien Schlomo Selinger qui a été retenue pour • Du 12 au 18 juin, au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, Action pour le jeune théâtre organise «six jours de lutte pour la liberté de création _, avec le concours de nombreuses jeunes compagnies. • Des chefs-d'oeuvre peu connus de l'Egypte ancienne, venus des musées de Lyon, de Saint-Germain-en-Laye et du Louvre sont réunis au Grand Palais sous le titre : • l'Egypte avant les Pharaons_. • Sous l'égide du Centre DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN 1973 • «La Paix au MoyenOrient », par le célèbre orientaliste israélien Aharon Cohen : cette plaquette éditée récemment par l'Amitié judéo-arabe peut lui être demandée en écrivant B.P. 124-08, Paris (8). Prix : 5 F (en timbres poste). • POID' la première fois depuis qu'il l'a quittée en 1922, le peintre Marc Chagall est revenu en U.R.S.S. pour l'inauguration d'une exposition de ses $uvres à la galerie Tréirakov de Moscou. • Tourné en Syrie par le réalisateur égyptien Tewpik Salah, le film «Les Dupes_ • L'écrivain Jean Cayrol, qui vient d'être élu à l'Académie Goncourt, fut déporté, comme résistant, au camp nazi de Mauthausen. Il a écrit le commentaire du film d'Alain Resnais • Nuit et Brouillard_, ainsi que le scénario et les dialogues de «Muriel _, film du même réalisateur, sur la guerre d'Algérie. ••. entendu 25 26 A paraître prochainement , aux éditions DROIT ET LIBERTE Récit par Claude LABARRAQUE-REYSSAC « Je suis obsédée par les souvenirs de Bordj-Hindel. J 'essaie de les chasser, mais en vain . lis s'imposent à moi avec tant de force que ni l'amour de mon mari, ni 1: affectio~ de mes parents, ni la joie de revoir la France ne parvIennent a me redonner le goût de vivre . , , lis me répètent sans cesse : « Ce n'est pas ta fau~e ; tu as ete l'instrument de la fatalité qui devait rapprocher Darnel et Colette . Sans ta venue à Bordj, ils se seraient rencontrés et aimés. Le dénouement aurait été le même .» Mais je ne puis effacer de mon esprit la pensée que je suis responsàble. Je le leur dis, je le leur crie, .car leur ignor~ce ou leur désir de me rassurer m'irrite. En effet, comment Juger? Comment absoudre quand on n'a pas vécu ces· heures lourdes de douleur de menaces ? .. Que peuvent-ils savoir? Rien d'autre que le ~ompte rendu sùperficiel que je leur fais~~ I?oi-même dans mes lettres entre mille nouvelles ... Je ne preCISalS pas les circonstances, j'omettais des détails dans .la chaîne des faits, qui me semblent essentiels maintenant et qtll me condamnent a la lueur du drame. Parfois, je veux me laisser Gonvaincre : Je ~eux accepter les arguments que leur dicte leur tendresse rnquIete ; j'essaie de récapituler oQ1ectivement le roman de Colette ; Je ne le puis. Les images se brouille~t, et ?les yeux qui ~e s,avent plus voir les prairies de France ru les etres chers qtll m entourent, regardent plus loin, là-bas, dans la forêt de Bordj ... » Prix: 18,80 F. Prix de souscription 15 F. Pour recevoir le nouveau livre édité par « Droit et Uberté », remplissez et envoyez le bon de commande ci-dessous : Nom ________________________P_r_én_o_m_ -__-__-__-_-__-_- - désire recevoir un exemplaire numéroté de Un drame à Bordf-Hindel, au prix de souscription de 15 F (+ Z F pour frais d'expédition). Versement par chèque bancaire ou postal (C.C.P. 6070-98 Paris) à cc Droit et Liberté li, 120, rue Saint-Denis, Paris-Ze. la 'Vie du M.RA..P. ·Pour exister PAR de nombreuses visites, une grande abondance de lettres et d'appels téléphoniques, le M.R.A.P. est informé chaque jour des injustices liées au racisme; chaque jour il intervient pour assurer la défense des victimes de ce fléau. Eclairer ceux que trompent les mensonges racistes, aider les jeunes qui viennent par .dizaines se documenter, mobiliser l'opinion pour mettre hors d'état de nuire, les fomentateurs de haine : telles sont aussi les tâches quotidiennes de notre Mouvement Et puis, il anime de grandes campagnes de solidarité nationale et inter· nationale : pour sauver de la famine six millions d'Africains menacés, pour l'abrogation de la Il circulaire Fontanet Il, contre les crimes de l'apartheid, pour le châtiment d'un Touvier ou d'un Barbie ... De l'entretien avec un étudiant qui prépare une thèse sur les immigrés à l'organisation d'une assemblée d'information, d'une conférence de presse à une rencontre avec une délégation venue d'Allemagne ou des EtatsUnis, de la réalisation de pancartes à la réception des livres édités par Il Droit et liberté Il, une bourdonnante activité ne cesse de régner au siège de M.R.A.P., carrefour de luttes, d'espoirs et d'amitiés ... Mais parmi ceux qui comptent SUI le M.R.A.P., qUI trouvent son exis· tence toute naturelle, ils ne sont que quelques-uns à comprendre que cette existence elle-même réclame un effort de tous les instants. Le téléphone, le loyer, les modestes salaires des permanents, les imprimeries, cela se paie. La justice n'est pas gratuite. Cet effort concerne tous les antiracistes. S'ils l'oublient, nos difficultés deviennent insurmontables. Un don mensuel, une collecte, un placard publicitaire dans notre revue, la diffusion de celle-ci, de nos livres, de nos bons de soutien : autant d'initiatives qui, multipliées, font la trame de notre existence, sont indispensables, toujours... Faute de quoi la lutte contre le racisme ne serait qu'un vain mot. Que chacun y pense. Et agisse. DROIT ET LlBERTË - N° 321 - JUIN 1973 Comité :---l médical et , médleo · social d'aide aux migrants le logement des migrants Un drame à BordJ- Hfndef la santé des migrants conslal el suggestions de 7 associalions De nouveaux livres publiés par les Éditions « Droit et Liberté)) I L Y a tout juste un an , la Société d'Edition de Droit & Liberté , qui se consacrait uniquement, jusquelà, à la publication de notre revue, faisait paraître son premier livre : La Santé des Migrants (1), ouvrage collectif rédigé par onze éminents médecins, sous l'égide du Comité médical et médico-social d'Aide aux Migrants. Ce livre était envoyé gratuitement à tous nos abo'nnés, en remplacement du numéro de juin 1972. Accueilli avec intérêt par la presse, le corps médical, et par tous ceux que préoccupent les problèmes des travailleurs immigrés, il a connu un succès qui ne se ralentit pas. Aujourd'hui encore - n'ayant rien perdu de son actualité - il est activement diffusé, aussi bien en librairie que

Jar les militants.

Et voici qu'un autre livre également réalisé par notre Société d' Edition, vient éclairer un autre aspect - non mOins crucial! - de la situation des immigrés en France : Le Logements des Migrants. Cet ouvrage est la synthèse d'un colloque qui a eu lieu en 1972, sur l'initiative de la Confédération Nationale des Locataires, avec six autres associations

la C.I.M .A.D.E., le Comité

médical et médico-social d'Aide aux Migrants, Logement et Promotion Sociale, la Fédération des Associations de Solidarité avec Ip.!; Travailleurs Immigrés (F.A.S .T.I.), l'Union Nationale des Etudiants Algériens et le M.R.A.P. Partant d'une analyse approfondie des données actuelles, il se termine par l'énoncé de suggestions précises. Il s'agit donc, là encore, à la fois d'une étude sérieuse, approfondie, dont la haute tenue sera appréciée par les spécialistes, et d'une arme aux mains des antiracistes, pour' l'information ' et la mobilisation de l'opinion publique. Ainsi naît une collection, qui, à l'avenir, pourrait comporter d'autres volumes, abordant sous différents angles cette vaste question de la migration. Mais l'activité de nos Editions s'étend à d'autres domaines. Un roman doit sortir des presses d'ici quelques semaines

Un drame à Bordj-Hindel (3),

de Claude Labarraque-Reyssac. A partir de faits authentiques, l'auteur fait revivre avec précision l'Algerie des années 30, ce~te société cloisonnée en trois groupes : Européens, Arabes et Juifs. C'est une très belle histoire d'amour, écrite dans un style simple et prenant, où, a travers un I( suspense» continu, les préjugés racistes sont montrés sous toutes leurs formes et dans toutes leurs consl!quences .. . Un quatrième, un cinquième volumes sont prévu~ pour les prochains mois ... Nous en reparlerons. Ce qu'il convient de souligner dans l'immédiat, c'est la très grande importance de cette nouvelle branche de l'action du M.R.A.P. et de sa revue. Tous ces livres sont à lire, à faire lire, à diffuser (Voir bon de commande, page suivIlntp.1. . (1) 196 pages, dont 4 pages d'illustrations : 7 F. (2) 128 pages : 6 F. (3) 224 pages. Couverture illustrée en deux couleurs : 18,80 ~ . \t:n SOUScription : 15 F.' VOir page 26. 27 C__ _____S_a _ch_ez encore q_ue_ee _e -",) • le M.RA.P. était représenté par Charles Palant, vice-p.résident et Alexandre Chil-Kozlowski. secrétaire' national à la soirée pour le 30e anniversaire de l'Union des juifs pour la résistance et l'entraide (U.J.R.E.'; par l'abbé Jean Pihan, viceprésident. au colloque de l'association Pacem in terris; par Albert Lévy, secrétaire général. à la réception pour le 1 5008 numéro de c La Vie Ouvrière» et au diner-débat sur le livre «La Résistance », d'Alain Guérin; par Alexandre Ch iIKozlowski à la soirée pour le 88 anniversaire de c La Presse Nouvelle Hebdomadaire»; par Lucky Thiphaine, secrétaire nationale au colloque organisé par le Comité de coordination pour rautooetermination dans les D.O.M.-T.O.M. • le comité du M.RA.P. de Roubaix a élu sa direction au cours de son assemblée générale du 5 mai. Elle comprend : René Pawlicki. président; Salah Sibous, vice-président; Jean-Claude Lecompte. secrétaire; Pierre Farvacque, secrétaireadjoint; Bernard Lotoi. trésorier. Des permanences sont assurées, 40, rue de l'Hommelet. les mardis et jeudis de 18 h 30 à 20 h et le dimanche de 10 h 30 à 12 h. Poursuivant son action contre la c circulaire Fontanet J, le comité a fait circuler de nombreuses pétitions et a accompli plusieurs dém'arches auprès des pouvoirs publics; il diffuse des tracts en français, espagnol. arabe et portugais. • le comité de Grenoble a décidé de faire appel, à la suite du non-lieu prononcé par le tribunal correctionnel concernant l'article anti sémite paru dans un journal publicitaire local. Il a apporté son soutien à la gréve de la faim menée par cinq travailleurs tunisiens qui ont obtenu la régularisation de leur situation. Il a participé également à l'action des immigrés d'un foyer dont la direction avait décidé de supprimer la salle d'alphabétisation. Il s'est adressé au Préfet de l'Isère pour demander l'abrogation de la «circulaire Fontanet ». • le comité de Bordeaux a adressé au journal c Sud-Ouest Jt une mise au point à la suite de la parution d'un article sur un foyer de travailleurs immigrés dont l'auteur s'étl!nnait qu'il soit «loin d'afficher complet ». En fait. une pétition signée par 160 immigrés expliqllait pourquoi ils refusaient d'y loger : «Ce fOYllf nous éloigne de notre lieu de travail. le moyen de communication est très difficile; les chambres prévues pour quatre personnes mesurent 5 m sur 2.7 5 m J. Le comité souligne en outre que le ~onds d'action sociale, qui a financé la construction du foyer. est alimenté par les retenues sur les allocations familiales des immigrés. D'autre part. le comité s'est élevé contre les brutalités policières (avec utilisation de chiens' contre des mihtants pacifistes qui distribuaient des tracts à la Foire de Bordeaux. • A Strasbourg, une soirée commémorative de l'insurrection du ghetto de Varsovie a eu lieu le 12 mai, avec la participation de Roger Maria, .----------- --- L 28 RECEVEZ LES LIVRES DES ÉDITIONS DROIT ET LIBERTÉ o LA SANTÉ DES MIGRANTS (7 F). o LE LOGEMENT DES MIGRANTS (6 F). o UN DRAME A BORDJ-HINDEL, par Claude Labarraque-Reyssac. (En souscription, l'exemplaire numéroté Frais d'expédition: 2 F par volume. (COCHER LES LIVRES DEMANDÉS' 15 FJ TOTAL: ................................... F M ............................................................................ . ADRESSE ............................................................... . e Règlement par chèque bancaire ou postal à cc Droit et Uberté Il, 120. rue Saint-Denis, Paris-2-. C.C.P. 6070-98 Paris. --------------- membre du Bureau national du M.RAP. Une réunion pour le développement des activités dU,M.R.A.P. dans cette même ville, animée par Michel Froidure, a eu lieu le 2 juin, avec la participation d'Alben Lévy. • Au nom du M.R.A.P., Roger Maria a fait une conférence le 25 mai, pour l'Association des originaires de Bessarabie. sur «Les anniversaires de mai J ; il a animé un débat à Toulon, le 28 mai, sur « Les travailleurs immigrés et nous •. PIERRE PARAF CITOYEN D'HONNEUR DE LILLE A l'occasion d'une conférence . qu'il a faite à l'Université populaire de Lille, Pierre Paraf, président du M.R.A.P., s'est vu conférer par le maire, M. Mauroy, le titre de citoyen d'honneur de la ville. La Médaille d'Honneur lui a été remise par le bâtonnier Jean Lévy, maire-adjoint. Nos amicales félicitations à notre président. • le comité du 15e , à Paris est intervenu auprès du député, M. Marette, pour lui poser, entre autres le problème du logement des travailleu rs immigrés dans cet arrondissement. • le comité parisien a pris part à une délégation qui s'est rendue à la Préfecture pour demander qu'une solution soit apportée d'urgence au relogement de 170 travailleurs immigrés, expulsés du foyer-taudis où ils habitent. 114, rue Raymond-Losserand, dans le 148 . Le responsable qui a reçu la délégation a proposé le relogement en trois groupes, en attendant l'ouverture d'un nouveau foyer, prévu pour 1974. • Au nom du comité du M.RA.P. de Versailles, des unions départementales de la C.G.T. et de la C.F.D.T., et de la Fédération des locataires, une lettre a été adressée au Préfet des Yvelines pour attirer son attention sur la situation de travailleurs portugais de Maurepas : groupés sur un terrain où se trouvent des caravanes et des baraques, liS en sont délogés et doivent se rendre sur un autre terrain, à Elancourt, où toute construction est interdite, et qui n'est pas pourvu des installations d'hygiène nécessaires. Les orgamsatlons demandent. outre des mesures immédiates, que soient prises en considération les demanoes de relOgement en H.LM. formulées par ces familles. • Un stand d'information du M.RA.P. était présenté par des militants de la région parisienne à la fête organisée par le P.S.U. les 26 et 27 mai. De nombreuses pétitions en faveur des six de Prétoria ont été signées. Pour une politique nouvelle de la migration NOTRE CARNET NOS DEUILS Le 19 mai, les délégués d'une dizaine d'associations groupant des immigrés (portugais, grecs, espagnols, marocains, réunionnaiS) ou assurant la solidarité avec ces travailleurs (S./.T./.) des représentants de syndicats (dont Marius Apostolo, responsable de la C.G.T.), et plusieur, membres du Bureau national du M.RA.P. (albert Lévy, George-Laure Pau, Alexandre Santos. A hmed Harimza, Alexandre Chi!Kozlowski) ont discuté des propositions formulées par notre Mouvement (( pour une politique cohérente et humaine de l'immigration » (1). La (( circulaire Fon ta net » était, évidemment, au centre des débats, et toutes les mesures préconisées avaient pour but de modifier fondamentalement les orientations néfastes qu'elle exprime. Des compléments et des précisions d'un grand intérêt ont été apportés au texte primitif, soumis à cet effet par le M.RA.P. à la discussion. Voici le document qui a été adopté (en 10 points au lieu de 8) en conclusion de ce fructueux échange de vues : Le Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix (M.R.A.P.) confirmant son opposition aux «circulaires FontanetMarcellin », propose 10 mesures d'urgence visant à amorcer une politique nouvelle, cohérente et humaine, de l'immigration : 1 - Abrogation immédiate de la circulaire du 23 février 1972 du ministre des Affaires sociales, et de la circulaire du 24 janvier 1972 du ministre de l'Intérieur : ce qui suppose en premier lieu la régularisation du titre de séjour de tout immigré occupant actuellement un emploi en France. 2 - Avant toute introduction nouvelle de main-d'oeuvre étrangère, diffusion des offres d'emploi par l'Agence nationale pour l'emploi, afin de déterminer s'il se trouve eft France même des travailleurs (français ou immigrés) susceptibles de répondre à ces of1Ï'es. 3 - Interdiction des licenciements abusifs à l'expiration du contrat de travail. à durée déterminée relatif au premier emploi en France, et remplacement de celui-ci par un contrat à durée indéterminée, assurant les garanties du droit commun, notamment le préavis. 4 - Suppression de la carte de travail et institution d'un titre de séjour donnant droit au travail, remis à tout immigré, à la mairie de son domicile, dès lors qu'i! occupe un emploi. 5 - Application du droit d'asile et du statut de réfugié aux immigrés ayant quitté leur pays pour des raisons politiques, même si un accord sur l'immigration de la main-d'oeuvre existe entre celui -ci et la France. (1) Voir «Droit et Liberté» d'avril-mai 1973. DROIT ET 1I8ERTË - ND 321 - JUIN 1973 6 - Dans le cadre d'un effort général de construction pour remédier à la crise actuelle, réalisation rapide d'un nombre suffisant de logements et foyers pour les travailleurs immigrés, financés à la fois par les cotisations patronales, les subventions publiques et les contributions de leurs pays d'origine, l'habitat devant demeurer indépendant de l'emploi et de toutes tutelles gouvernementales; lorsqu'un travailleur immigré est logé par son employeur et qu'il ést licencié, maintien dans les lieux d'habitation pendant un délai minimum de trois mois, pour lui permettre de trouver un autre logement. 7 - Participation des syndicats à la direction et au contrôle des activités de l'Office national d'immigration, du Fonds d'action sociale et de l'Agence nationale pour l'emploi; geslion démocratique des foyers de travailleurs immigrés, avec le concours des locataires. !S - Dans le cadre d'un statut démocratique et social des travailleurs immigrés, reconnaissance à ces derniers de droits sociaux égaux à ceux des travailleurs français, notamment en ce qui concerne les allocations familiales, l'allocation de salaire unique, l'allocation-logement, l'allocation de maternité, les cartes de familles nombreuses et de priorité, les bourses scolaires ; mesures assurant aux immigrés le bénéfice de l'alphabétisation et de la formation professionnelle; possibilité s'ils le désirent de faire venir leur famille auprès d'eux. 9 - Sanctions sévères à l'encontre des employeurs qui violent la législation du Travail pour priver les immigrés des avantages qui leur sont reconnus; protection effective de ceux-ci contre les pressions et actes d'intimidation visant à les faire renoncer à certains de leurs droits; application rigoureuse et prompte de la loi relative à la lutte contre le racisme, chaque fois que ' des immigrés sont victimes de discri· minations ou de provocations à la haine. 10 - Adoption rapide de la proposition de loi élaborée par le M.R.A.P. garantissant les étrangers contre toute expulsion arbitraire, la décision ne pouvant être prise que sous le contrôle de l'autorité judiciaire. ANDRE BLUMEL C'est avec une vive émotion que nous avons appris la mort de Me André Blumel, qui fut l'un des fondateurs et le premier président du M.R.A.P. Né en 1893, ses activités de militant puis de dirigeant du parti socialiste l'amenérent à jouer un rôle de premier plan dans les luttes du Front Populaire (il fut, en 1936, chef du cabinet de Léon Blum, président du Conseil), puis de la Résistance. Il était depuis 1965, conseiller de Paris, apparente au groupe communiste. Faisant preuve d'une grande indépendance d 'espnt et d'un dynamisme sans défaillance, il fut, jusqu'aux derniers jours de sa vie un inlassable combattant contre le racisme et l'antisémitisme. JEAN-MARIE SERREAU C'est un artiste de talent et de courage qui disparaît en la personne de Jean-Marie Serreau, qui vient de mourir à Paris. Comédien et metteur en scéne, il avait monté de nombreuses piéces de Hrecnt, Césaire, Jean Genêt, Kateb Yacine avec l'objectif de porter sur la scéne ies problémes du tiers monde et du racisme, faisant appel aussi bien aux auteurs qu'aux acteurs maghrebins, antillais et africains. Avant sa mort, il participait à la préparation d'un festival culturel à la Martinique. MARIAGE Nous avons la JOIe d'annoncer le mariage de Muriel BONIART et de Michel KOLP A, qui confirme l'union de deux familles amies du M.R.A.P., celles de notre trésorier: Francis Boniart, et de Jean Kolpa, membre du Conseil national Nous leur exprimons nos félicitations et nos voeux les plus chaleureux. PIEDS SENSIBLES Les chausseurs du super-confort et de l'élégance Choix UNIQUE en CHEVREAU, en SPORTS et en TRESSE MAIN Femmes du 35 au 43 - Hommes du 38 au 48 6 largeurs différentes (9") GARE SAINT-LAZARE, 81, rue St-Lazare (MO Saint-Lazare _ Trinité) ,6" RIVE GAUCHE, 85, rue de Sèvres (MO Sèvres - Babylone} (1Q) GARE DE L'EST, 53, boulevard de Strasbourg (Mo Château-d'Eau)


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29 éducation à la fraternité La savane enchantée J E recommande à mes collègues de maternelle et de cours préparatoires et élémentaire la lecture et l'utilisation d'un recueil de contes africains intitulé « La Savane enchantée». Publié aux éditions « La Farandole» rédigé par Andrée Clair et Boubou Ham~ dont ce n'est pas la première collaboration, illustré par Béatrice Tanaka, il s'adresse à un public d'enfants de 5 à 8 ans environ. Boubou Hama est le président de l'Assemblée nationale du Niger. Il a reçu en 1971 le' grand prix de littérature de l'Afrique noire et le prix Léopold Senghor. Quant à Andrée Clair, beaucoup de nos lecteurs connaissent déjà lès différents ouvrages pour la jeunesse qu'elle a consacrés à la vie ou au folklore africains (citons notamment « Moudaïna », qui reçut le prix Jeunesse en 1952). Composé de cinq contes mettant en scène des enfants, des adultes et des animaux « La Savane enchantée» a beaucoup plu à tous les jeunes enfants auxquels je rai montré et lu. Les illustrations, à la fois riches et stylisées, débordent sur toutes les pages et donnent une impression de profusion et de vie intenses. Elles sont très « lisibles » pour de jeunes enfants et le talent de la dessinatrice a permis à l'art africain dont elles s'inspirent et à la psychologie enfantine de s'y rejoindre pour le plus grand plaisir des yeux. Quant aux contes eux-mêmes, on y retrouve des thèmes communs aux folklores de tous les pays : l'intelligence et la ruse qui remportent sur la force brutale, le mérite personnel qui permet d'accéder à la prospérité et au bonheur, l'amour et la vaillance qui permettent tant aux princes qu'aux simples paysans de terrasser des monstres et d'affronter des difficultés croissantes et des épreuves sans cesse renouvellées pour conquérir ou délivrer les princesses qu'ils aiment. Le premier des cinq « La jolie petite Bouli» est une version africaine du très célèbre conte des deux soeurs que l'on retrouve avec des variantes dans plusieurs provinces françaises; quant au lièvre africain, il ressemble comme un frère à notre renard débrouillard et trompeur. Certains traits me semblent cependant plus typiquement africains : les animaux fraternisent avec ' Ies hommes au point d'en épouser leurs filles ou leurs soeurs, par exemple . «EDUCA110N A LA FRATERNITE. est la rubrique mensuelle du Centre de Uai.OD des Educateun eoatre III PriJ.p. Raciaux (CLU.R.). 30 Le C.LE.P.R. développe ses activités : _ En organisanf des rencontres et des débats entre éducateurs tels les colloques de Nanterre et d'Argenteuil sur la scolarisation des enfants des travailleurs immigrés. _ En favorisant les échanges d'expériences entre les enseignants et en leur envoyant la documentation qu'ils demandent. . Il a ~oin, pour cela, du soutien de tous ceux qui s'intéressent à son action et la jugent necessalre. MONTANT DE LA C011SA110N : Membre actif: 10 F (donnant droit aux deux numéros annuels de Droit &; Ubcrté où paraît un dossier de 8 pages réalisé par le C.L.E.P.R.), cette cotisation minimale étant portée à 5 F pour les abonnés à Droit &; Ubcrté. Membre douteur : 20 F. Me •• bIeefItl1eur : A partir de 30 F. Adr~sser les adhésions à Mlle Renée Baboulène, 50, rue des Poissonniers, Paris (ISO) avec un cheque postal (3 volets) à l'ordre de Mlle R. Baboulène, institutrice - C.L.E.P,R. (C.C.P. 18 177-35, Paris). Ou encore : les enfants, devenus adultes, continuent à suivre à la lettre, même s'ils ne les comprennent toujours pas, les consignes et conseils transmis par leurs parents morts et en tirent profit. Les qualités essentielles sont, dans la morale de ces contes, le respect de la parole donnée, la générosité, l'intelligence, et surtout la patience: « remède du monde», à ne pas confondre avec la passivité : « Etre patient d'accord. Etre humilié pas d'accord». Le style est alerte, vivant, expressif. On y retrouve ces répétitions et ces récapitulations qui plaisent tant aux jeunes enfants parce qu'elles leur permettent de deviner ce qui va suivre, de participer à la narration, de mieux assimiler l'histoire. La typographie est claire et les caractères assez gros pour être lus sans fatigue excessive par les enfants qui viennent de finir l'apprentissage de la lecture. Ce livre peut fournir un point de départ très motivant aux sections de maternelle qui souhaitent aborder un thème sur l'Afrique . Car si les histoires ressemblent par beaucoup de côté à des contes traditionnels, ainsi que je rai mentionné plus haut, par contre tout le « décor» rend les personnages vraiment africains : les calebasses et canaris dont ils se servent; le mil qu'ils pilent et le fleuve où ils doivent aller avec bien des peines puiser l'eau, les baobabs et les palmiers-rôniers qui I~ entourent leurs paillottes, les pagnes dont ils se vêtent, le feu qu'ils allument sur trois pierres, etc. Dans l'histoire de « Sourou et Mounafiki » le héros se souvient de la cérémonie d'initiation qu'il a subie à 7 ans et de la retraite qui ra précédée. J'ai, pour ma part, utilisé à deux reprises, avec des enfants - de 6 et 7 ans - en classe d'attente, ce recueil de contes, et j'ai trouvé que certaines descriptions étaient tout à fait intéressantes au sein de cette éducation à la fraternité que nous souhaitons promouvoir. En particulier, les enfants s'identifient, semble-t-il, très facilement à la « gentille petite Bouli » sans tenir compte de la couleur de sa peau. Bien plus, il y a une exaltation de la beauté de la peau de couleur noire - que je ne me souviens pas d'avoir rencontrée dans d'autres contes : on parle d'une belle princesse, par exemple, en vantant : « sa peau noire plus éclatante qu'une nuit lumineuse est fine ?omme celle d'un nouveau né ... ». « Le jeune .homme est ébloui par la beauté de. la jeune fille ... Oh oui! sa peau est nOIre et ses yeux sont immenses ... » Quelque chose m'a beaucoup surpris cependa~t. A plusieurs reprises, j'ai demande aux enfants de dessiner ou peindre les personnages des contes. Nous avons même essayé d'en faire des ~arion~ettes. Or, bien que le style des Illustrations de Béatrice Tanaka ait net- DROIT ET LIBERTÉ - N° 321 - JUIN 1973 tement . influencé certains enfants qui reprodUisent en particulier les cheveux raides ou frisés des personnages, les longues jambes d'une vieille femme, etc., pratiquement, et quels qu'aient été les instruments utilisés (feutres mines grasses, peintures, etc.), jamai~ aucun enfant n'a représenté des personnages au visage noir. Dans quelques cas, j'ai obtenu des décors africains avec des personnages tout à fait européens; dans d'autres cas, le type des personnages est africain mais non leur couleur. Et les marionnettes elles-mêmes ont été peintes en jaune, en ocre, en rose, mais jamais en brun ni en noir, alors que les enfants avaient aussi cette couleur à leur disposition. Il faut ajouter que les e~fants antillais de la classe - parfois tres foncés eux-mêmes - n'ont pas plus que les autres représentés des personnages noirs. Dans quelques cas, les plus jeunes des enfants, ont représenté les « méchants » avec des couleurs foncées (bleu foncé, gris, violet, rouge foncé) et les « gentils» avec des visages non coloriés. Mais il s'agissait d'enfants ~ssez malhabile~, et il n'y avait peutetre là aucune mtention spéciale! !~ ne c~:mclurai pas à ce sujet, et pre~ere laisser les enseignants qui feraient une expérience confirmant ou infirmant la mienne nous en faire part en nous donnant leur opinion à ce sujet. Françoise OLLIVIER. Un sujet d'épreuve au B.E.T. ,Au cours de. l'été 1971 (17 août) , 1 abbé Jean PI han avait publié dans « Le Monde», sous la rubrique : Libres opinions, un article relatif à la défense des droits des travailleurs immigrés. Un an plus tard , il a eu l'agréable surprise d'apprendre que cet article avait servi de base à l'épreuve d'expression française proposée au Brevet d'études prof~ssionnelles « Electrotechnique », session de 1972, dans l'académie de Caen . Grâce à la bienveillance de M. l'inspecteur d'Académie, M. Calvet, nous ~~ons pu connaître le questionnaire jomt à la copie de l'article fournie aux candidats. Voici ces questions : - Trouvez un titre pour chaque grande partie de ce texte. - Expliquez les mots et expressions : xénophobie, taillable et corvéable à merci, Il qui bafouent Il. - Pensez-vous, comme l'écrit l'abbé Pi han, Il qu'il y a aussi du racisme chez nous?" En connaissez-vous quelques manifestations ? - A quels faits pensez-vous lorsque l'auteur parle du racisme Il à l'autre bout du monde Il ? - Comment à votre avis, peut-on lutter contre le racisme? Pouvez-vous participer à cette lutte? De quelle mani6re? Si cette lutte ne vous parait pas nécessaire, dites pourquoi 7 Nous félicitons chaudement le professeur qui a e~ l'idée de ce choix de sujet, et les autorités académiques qui l'ont approuvé. Nous remarquons qu'à leur sens, les mots « expression française» ne sont pas limités à une analyse grammaticale ou logique. Ifs ont su provoquer à la réflexion personnelle et à une expression « engagée». Et cela en un domaine dans lequel bien des enseignants n'osent pas s'aventurer de crainte de provoquer les réactions' effarouchées de certains parents ou autres adultes. Bravo à l'académie de Caen. ffirnrnoeoeOE~ D~[[!J~ ID [ill]rn~TI OETI [~rnOErnTIOE 31

Notes

<references />