Différences n°191 -Décembre 1997
Sommaire du numéro
n°191 de décembre 1997
- Edito: Solidarité avec les Algériens par Mouloud Aounit
- Le jugement de Maurice Papon: un procès pour la dignité par Pierre Mairat
- Education: la citoyenneté comme moyen de lutte par Alain Calès
- Face au racisme et à la discrimination; syndicats recherchent stratégie par C. Benabdessadok
- Le vrai-faux discours social du Front National
- Discriminations: prévenir et réparer par Ahmed Khenniche et le service juridique
- CNCDH: améliorer la législation contre le racisme par J.J. Kirkyacharian
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Décembre 1997 - W 191 o SOMMAIRE Le jugement de Maurice Papon Education La citoyenneté comme moyen de lutte 4 Alain Callès Bibliothèque Notes de lecture 5 Jean-Marc Candella Eric lathière-Lavergne Face au racisme NP OCÈSPOU LA DIGNITÉ Syndicats recherchent stratégie 6 Chérifa Benabdessadok Extrême drotte Le faux discours 7 Tribune de l'immigration Discriminations Prévenir et réparer 9 Pierre Mairat et George Pau-Langevin représentent le MRAP au procès de Maurice Papon qui se déroule à Bordeaux depuis le début du mols d'octobre. Ahmet! Khenniche et le service juridique Chrono 10 Agir Ici Le marché des armes Il Chérifa B. Pierre Malrat explique pourquoi ce procès était indispensable pour redonner dignité aux victimes et à leurs proches, et comment Il doit concourir à développer un travail sur la mémoire collective. CNCDH Améliorer la loi <7 pages 2 et 3 contre le racisme 12 International Bruxelles 12 Jean-Jacques Kirkyacharian ~ Solidarité avec les Alaériens A Sidi Youssef, Guelbel-Kebir. Mellaha, Harrouba, Raïs, Beni Sl imane el ail leurs, dans ccs Oradour d'Algérie on mutile, viole, égorge, massacre. C'est à la hache ct au couteau que des centaines de femmes, d'enfants, de nourrissons, sont massacrés. Le peuple algérien est broyé dans le sang et la mort. La solidarité ici en France a trop tardé. Elle laisse aux Algériens de France un goût amer d'injustice ct d'abandon. Le 10 novembre à Paris et dans plusieurs villes de prov ince, un soufle de solidarité a ravivé les valeurs de solidarité, de fraternité. Cette journée ne peut rester sans lendemain. Aussi souhaitons- nous que s'organ ise dans la première qui nzaine de décembre, une semaine de solidarité active avec l'Algérie, que des ini tiatives soient prises dans les quart iers, les lieux de travail et les écoles. Nous souhaitons cette solidarité plurielle. Elle viserait les démocrates algériens et toux ceux qui là-bas résistent tous les jours. Elle s'adresserait aussi aux Algériens de France et Français d'origine algérienne. La solidarité n'a de sens aussi que si la France dessert l'étau des contraintes pesant sur les visas, ainsi que des assoupli ssements significati fs soient accordés à ceux qu i réclament le statut de réfugiés. Nous voulons savoir ce qui se passe. Soyons clairs, la plupart des massacres perpétrés en Algérie ont une signature; ils sont revendiqués par l' intégrisme. Cependant trop de questions demeurent sans réponse, notamment sur l'absence de protection de la population par l'Etat et sa passiv ité devant certaines exactions. Dans cet esprit, nous militons pour que toute la lumière soit faite sur ces actes monstrueux, que les auteurs et les complices soient arrêtés et jugés au litre de crimes contre l'humanité. Avec les Algériens, en se gardant bien de leur donner des leçons, nous demandons la transparence. C'est àce prix que l'on pourra arrêter le bras des lueurs de la conscience humai ne . • Mouloud Aounit Il Lejugementde Mau rice Papon UN PROCÈS POUR lA DIGNITÉ C'est un peu trop vite faire l'impasse sur quelques idées simples qui gouvernent la raison d'être de ce procès! 1560 juifs, hommes, femmes, enfants, vieillards ont été arrêtés arbitrairement à Bordeaux, séquestrés illégalement dans le camp de Mérignac, déportés à Auschwitz via le camp de Drancy, en toute connaissance du destin tragique qui attendait ces malheureuses victimes et tout cela uniquement parce qu'elles étaient juives. V orCl PLUSIEURS SEMAINES que le procès Papon a débuté et d'aucuns ressentent un malaise et s'interrogent. « Ce procès était-il indispensable? L'homme est âgé, il a 87 ans, il est malade ... De plus, les faits sont anciens, ils datent de plus de 50 ans ... C'est un bouc émissaire, c'est en fait le régime de Vichy que l'on juge ... Après le procès de Vichy, on veut faire le procès de de Gaulle ... Du reste, la France pendant cette époque était dans le maquis ou à Londres, mais certainement pas à Vichy ou à Bordeaux. On ferait mieux aujourd'hui de réconcilier les Français plutôt que de les diviser ... ». Autant d'arguments qui pourraient faire douter de l'opportunité du procès Papon d'autant que le challenge est audacieux! La spécificité du procès pénal repose sur un principe: l'oralité des débats. La cour - à l'exception du président - et les jurés ne détiennent pas les pièces du volumineux dossier Papon. Ils sont tenus par la loi de se faire une opinion à partir des témoignages, des rapports d'experts, des dépositions de l'accusé, de ses réponses aux questions qui lui sont posées, etc ... L 'honneur de la j ustice Or le temps a passé et la plupart des témoins sont décédés ... Témoins de l'époque pour permettre de mieux comprendre le contexte, mais aussi témoins de la personnalité de l'accusé, de ses pouvoirs et surtout témoins des faits, des rafles, des séquestrations, des déportations. De plus, Maurice Papon et son avocat bénéficient -etc'est l'honneur de la justice qu'il en soit ainsi - de tous les droits de la défense qu'ils exercent abondamment avec intelligence de surcroît. La demande de mise en liberté qu' il a formulée en début de procès, fondée sur le sacro-saint principe de la présomption d'innocence et qui n'a pas manqué d' embarrasser la plupart des avocats des parties civiles favorables dans l'absolu à ce principe, en atteste ... En outre, Maurice Papon est âgé de 87 ans, il est malade, ce qui a pour conséquence d'interrompre, quelquefois très opportunément, les débats au gré de ses quintes de toux. Enfin, et cela n'est pas contradictoire, malgré son âge et sa maladie, il se défend bec et ongle contre toutes les accusations portées contre lui. Il conteste avoir eu « connaissance du sort des juifs déportés ». Il prétend avoir été « un authentique résistant de la première heure ». Il déclare avoir « sauvé des juifs de la déportation ». Il affirme qu'il n'avait « aucune responsabilité à la préfecture de la Gironde ». Que l'on s'imagine un seul instant, le sentiment des familles des victimes présentes quotidiennement depuis la première heure dans la salle d'audience à l'écoute de ces Avoir été impliqué personnellement C'est pour ces crimes contre l'humanité que Maurice Papon est renvoyé devant la cour d'Assises de la Gironde! Maurice Papon était alors depuis juin 1942 Secrétaire général de la préfecture de la Gironde. A ce titre, il avait reçu de Maurice Sabatier, préfet de la Région, délégation de signature sur différents services dont le service des Questions juives de la préfecture qui avait été spécialement créé en vue de la mise en oeuvre de la persécution des juifs. Ce service avait notamment ne me fournit pas d 'éléments d 'explication, je peux fournir des données, pour mission de procéder à l'aryanisation des biens des juifs, au contrôle du port de mais les raisons, non. J 'ai songé à cette q uestion depuis longtemps, mais sans arriver à une conclusion différ ente de celle à laquelle peut arr iver un historien ou un philosophe de l'histoire ... l'étoile j aune et à la mise en place d'un fichier juif qui facilitera l'organisation des arrestations, des séquestrations et des déportations des juifs ... Maurice Papon excellera dans ce travail organisant méthodiquement avec son subalterne Pierre En somme, pour dire la vér ité, je n'ai pas rencontré de monstres, mais des fonctionnaires. Ils se comportaient comme des monstres. Garat, militant actif du parti de Jacques Doriot - quelques jours seulement après sa prise de fonction, les premières rafles de juifs sur Bordeaux. De nombreuses Primo Levi, déporté à Auschwitz (Le devoir de mémoire, entretien) flagrantes contrevérités! Oui, le procès Papon est un procès difficile à bien des égards et la tentation pourrait être grande de le juger inopportun. Faudra-t-il considérer alors que les seize années de procédure précédant l' ouverture de ce procès n'auront été que du temps perdu? Faudra-t-il considérer que l'acharnement des familles des victimes à vouloir qu'enfin la vérité éclate, et que justice leur soit rendue, n'aura été que gesticulations et pantomimes aussi vaines que ridicules? Faudra-t-il enfin considérer que les efforts déployés par les associations et les avocats surmontant un à un les obstacles politicojuridiques ont été inutiles voire dangereux pour la paix de nos concitoyens? Différences n° 191 dééembre 1997 pièces du dossier démontrent le rôle prépondérant de Maurice Papon, seul en charge du service des Questions juives, qui signa les ordres de réquisition des services de gendarmerie et organisa la déportation de plus de dix convois de juifs pour le camp de Drancy, Le procès d'un homme C'est donc bien avant tout le procès d'un homme qui est instruit, d'un homme qui est accusé d'avoir conduit à la mort 1 560 hommes, femmes, enfants, au seul prétexte qu'ils étaient juifs. Une des contributions des historiens venus témoigner aura été de démontrer qu' il aurait très bien pu refuser d'organiser les rafles des juifs. Comme d'autres haut fonctionnaires qui ont eu le courage de dire non à l'ignominie, il aurait été déclassé et seule sa fulgurante carrière professionnelle aurait été menacée. Aucun fonctionnaire durant cette époque qui refusait d'obéir à Vichy n'a été inquiété. Les seules incidences étaient purement d'ordre professionnel. Papon a fait le choix inverse. Il s'est mis à la disposition d'un régime criminel complice des nazis pour commettre les crimes les plus affreux. L'étude des faits qui malheureusement n'ont pas été encore abordés dans ce procès démontrera aisément que Maurice Papon a fait rechercher des enfants qui avaient été placés dans des fa milles d'accueil au moment des rafles de leurs parents et les a déportés avec le convoi du 26 août 1942. Un tel zèle, un tel acharnement lui ont valu de bonnes notations de ses supérieurs français et allemands
- cela lui vaut de comparaître
aujourd 'hui devant la cour d'Assises et de répondre de ses actes devant ses juges. Et ce ne sera que justice! Enfin, à l'évidence, ce procès est effectivement l'occasion de s'interroger sur la responsabilité de l'Etat français, sur la nature criminelle du régime de Vichy, sur les rapports que ce régime pouvait entretenir avec les dirigeants du Ille Reich, etc ... Non seulement cela semble de l'administration d'une bonne justice que d'étudier le contexte dans lequel Maurice Papon a commis ces crimes contre 1 'Humanité, mais de plus, cela paraît être indispensable si l'on veut effectuer cet impératif travail de mémoire sans lequel notre pays ne retrouvera jamais tout à fait sa dignité. La mémoire et l'oubli En effet, c'est le devoir et la dignité de notre pays que de regarder avec lucidité et sans complaisance ses errements passés. Si l'on devait au jour d'aujourd'hui retenir un des faits le plus marquants de ce procès, cela serait à n'en pas douter la découverte par beaucoup de nos concitoyens des événements tragiques du 17 octobre 1961 au cours desquels plus de deux cents Algériens ont trouvé la mort, assassinés par les services de police de Maurice Papon à l'époque préfet de police! Le procès Papon aura permis - et le MRAP y a joué un rôle prépondérant - de faire connaître ces massacres d' Algériens, jusqu' alors très Le devoir de mémoire largement ignorés. Ce travail de mémoire est indispensable comme outil pédagogique pour éveiller les consciences, apprendre à rester exigeant en toutes occasions dans l'exercice des droits de l'Homme, entraîner sa vigilance et donc sa capacité à combattre les moindres coups de griffes portées contre les droits fondamentaux. C'est le même type de slogan -« 300000 juifs - 300000 chômeurs» qui était diffusé à la fin des années trente que l 'on retrouve aujourd'hui légèrement modifié « 3 millions d'immigrés - 3 millions de chômeurs » dans la propagande du Front national ! C'est la même logique du bouc émissaire, le juif ou l'arabe selon l'époque, l'exutoire responsable de tous les maux de la société ! Les risques d'assoupissement sont grands et c'est le rôle pédagogique de la justice de rappeler à quels comportements ignominieux peuvent conduire ceux qui prônent une idéologie raciste ou qui l 'utilisent à des fins politiciennes. C'est là toute la raison de l'engagement du MRAP aux côtés des familles des victimes! C'est là la seule raison d'être du procès Papon! • Pierre Mairat Un sentiment ultime d'appartenance à l'espèce humaine Il Y a deux ans, durant les premiers jours qui ont suivi notre retour, nous avons été, tous je pense, en proie à un véritable délire. Nous voulions parler, être entendus enfin. On nous dit que notre apparence physique était assez éloquente à elle seule. Mais nous revenions juste, nous ramenions avec nous notre mémoire, notre expérience toute vivante et nous éprouvions un désir frénétique de la dire telle quelle. Et dès les premiers jours cependant, il nous paraissait impossible de combler la distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience que, pour la plupart, nous étions encore en train de poursuivre dans notre corps. Comment nous résigner à ne pas tenter d'expliquer comment nous en étions venus là ? Et cependant c'était impossible. A peine commencions- nous à raconter, que nous suffoquions. A nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable. C ..• ) Je rapporte ici ce que j'ai vécu. L'horreur n'y est pas gigantesque. Il n'y avait à Gandersheim ni chambre à gaz, ni crématoire. L'horreur y est obscurité, manque absolu de repère, solitude, oppression incessante, manque absolu de repère, oppression incessante, anéantissement lent. Le ressort de notre lutte n'aura été que la représentation forcenée, et presque toujours elle-même solitaire, de rester, jusqu'au bout des hommes. Les héros que nous connaissons, de l'histoire ou des littératures, qu'ils aient crié l'amour, la solitude, l'angoisse de l'être ou du non-être, la vengeance, qu'ils se soient dressés contre l'injustice, l'humiliation, nous ne croyons pas qu'ils aient jamais été Robert Antelme, déporté à Buchenwald. ramenés à exprimer comme seule et dernière revendication, un sentiment ultime d'appartenance à l'espèce humaine. Dire que l'on se sentait alors contesté comme homme, comme membre de l'espèce humaine, peut apparaître comme un sentiment rétrospectif, une explication après coup. C'est cela cependant qui fut le plus immédiatement et constamment sensible et vécu, et c'est cela d'ailleurs, exactement cela, qui fut voulu par les autres. La mise en question de la qualité d'homme provoque une revendication presque biologique d'appartenance à l'espèce humaine. Elle sert ensuite à méditer sur les limites de cette espèce, sur sa distance à la« nature» et sa relation avec elle, sur une certaine solitude de l'espèce donc, et pour finir, surtout à concevoir une vue claire de son unité indivisible. Extrait de l'ava nt-propos de son Iivre« L'espèce humaine » , Gallimard, 1957 Différences n° 191 décembre 1997 Il Éducation lA CITOYENNETÉ CO'MME MOYEN DE lUTTE Alain Callès est intervenu pour le MRAP au colloque organisé le 28 septembre à la Sorbonne par le Comité national de vigilance contre l'extrême droite. Extraits de cette intervention. PARLER D'ÉDUCATION à la citoyenneté dans le cadre d'un débat sur l'extrême droite, c'est d'abord déterminer la citoyenneté comme moyen de lutte contre les idées de l'extrême droite. Ce qui caractérise le citoyen, c'est son action au sein de la cité, sur la cité et son organisation. Le citoyen est acteur dans l'ensemble des champs qui composent la cité: social, politique, culturel. Il est en situation dynamique d'échange avec les autres citoyens sur ces champs en construction permanente. Le champ se transforme par les échanges et les interactions entre citoyens et avec l'environnement politique, social, culturel. Pour pouvoir être représentative de la société et efficace, cette mise en action des acteurs-citoyens exige que tous, sans exception de sexe, d'origine géographique ou sociale, puissent y participer. La citoyenneté, pour être effective doit être partagée de tous ET par tous. Outre une certaine universalité induite par cette conception, le socle de sa mise en pratique est l'égalité des droits de tous, dont le droit de vote à tous les niveaux est un des éléments des droits politiques. On comprend donc aisément que l'exercice de la citoyenneté est en opposition totale avec les thèses du Front national qui refuse cette conception universaliste des droits de 1 'Homme. De même, il est nécessaire de rappeler ici que la citoyenneté est très distincte de la nationalité qui est une situation figée, donnée à la naissance, alors que la citoyenneté est dynamique. Elle procède de l'échange et des agissements d'individus en devenir. Dans un Etat de droit, on peut être citoyen sans être le national ou le ressortissant territorial (pour mémoire, la France a même créé la situation inverse, par exemple en Algérie où l'Algérien était national sans être citoyen français) . Si à Athènes la citoyenneté a été un privilège ou une fonction, à Rome une faveur pour certains vaincus qui s 'y sont installés, c'est sous la Révolution française qu'apparaît la citoyenneté que nous concevons de nos jours. Et même si des Américains, des Anglais et des Allemands sont élus à la Convention, les femmes n'auront pas le droit de vote. Mais, si la citoyenneté politique ne leur est pas reconnue, ces femmes qu'on appelle «citoyennes » exercent une citoyenneté sociale. Elle repose sur la prestation du serment civique, c'est-à-dire d'un contrat par lequel en choisissant une patrie, on en accepte les règles. Mais on agit aussi sur ces règles avec ses concitoyens. Marcel Paul et Nelson Mandela Or cette exigence va totalement à l' encontre des thèses du Front national pour lequel l'organisation sociale se fait par groupe, par catégories socioprofessionnelles, avec des normes sciemment différenciées. Ainsi, il incite la femme à rester au foyer par un salaire maternel, ce qui l'exclut du champ social autre que celui concernant le rôle de mère de famille. Il exclut encore davantage l'étranger d'un certain nombre de droits, lui interdisant ainsi les mêmes droits à vivre en famille ou à la protection sociale ou tout simplement à travailler et à vivre sur le sol où il travaille. Ce faisant, il hiérarchise des groupes de citoyens, en formalisant des sous-citoyens et en excluant même de la citoyenneté. Quand à Vitrolles ou à Toulon, le FN s' attaque à la culture en supprimant les subventions, quand il crée des polices municipales qui pourront constituer les milices du DPS, quand il brise et salit la mémoire en supprimant des noms de rue comme Marcel Paul ou Nelson Mandela qui rappellent que des hommes ont résisté contre les dictatures, alors oui, il est urgent que le citoyen s'empare à nouveau de ces terrains et ne les laisse pas au FN qui y sème la négation de 1 'histoire, qui étouffe la mémoire, qui enchaîne la citoyenneté. Différences n° 191 décembre 1997 On l'a vu, on ne naît pas citoyen, on le devient. C'est une activité relationnelle avec les autres qui s'inscrit dans la durée. On apprend donc à être citoyen. Le rôle de l' environnement dominant de l'individu et celui de l'éducation sont primordiaux dans cet apprentissage. De son côté, le système éducatif est le fondement et le reflet de la société. Il en est un appareil de reproduction idéologique, et il dépend de ce fait de l'organisation de la cité. Si cette organisation est inégalitaire, injuste, discriminante, il aura tendance, malgré la meilleure volonté des pédagogues, à reproduire ces caractères. C'est un facteur à garder sous haute surveillance. Mais de même, le combat que mènent les citoyens pour l'égalité des droits au sein de la société se reflétera dans le système éducatif. Est citoyen celui qui est capable de gouverner et d'être gouverné. Aristote L'éducateur ne transmet pas la citoyenneté, c'est l'individu qui se l'approprie par ses connaissances et ses actes. Dès l'enfance, elle passe par une pratique quotidienne, et à l'âge adulte le monde associatif, syndical, parental, etc .. y concourt. L'éducation à la citoyenneté se réalise par le truchement d'une sorte de savoir vivre social. Il découle de ce double constat que l'éducation à la citoyenneté n'existe réellement que par la réalisation des droits. Cette mise en application implique la nécessité d'aller au delà du savoir vivre social pour investir le champ politique. L'obtention de l' égalité des droits est une démarche essentiellement revendicative. Pour cela, il faut avoir les moyens, les outils, et savoir s'en servir. C'est bien autour de la citoyenneté et de son exercice que se livrera une partie importante du combat contre le FN. Celui-ci ne s'est pas trompé sur l'importance de 1 ' enjeu et, pour élargir son audience, tisser sa toile et se fondre dans la banalisation, il investit tous les domaines où la citoyenneté s'exerce. C'est ainsi que l'on a pu voir une fédération FN de parents d'élèves comme le MEN (Mouvement pour une éducation nationale). Ce parti entre dans les conseils d'administration des établissements scolaires ainsi que dans le monde syndical. Partout il tente d'étouffer les aspirations d'égalité par des dispositions d'exclusion et de discrimination sur la base de la préférence nationale. Parallèllement une part du fonds de commerce électoral consiste à développer un racisme culturel faisant appel à un déterminisme culturel. Ainsi, au lieu de dire je ne peux dire « je » que parce que tu existes et que je peux dire « tu » et que c'est dans le miroir de ton regard et de tes actes que je vois mon image et me définis, l'extrême droite (mais est-ce seulement elle ?) considère l'étranger comme étranger au corps social. Il est alors vécu comme une atteinte à l'intégrité nationale. Considéré comme inassimilable de par sa culture d'origine, il est perçu de façon de plus en plus irrationnelle, ce qui nourrit tous les fantasmes à son sujet. Il ne peut plus être citoyen sujet de droit et il devient sujet de rejet. Des outils pour agir Concrètement, des supports d'éducation à la citoyenneté existent, même s'ils sont insuffisants. Ainsi le MRAP a créé un « jeu de loi» qui permet aux enfants de connaître d'une manière ludique la loi contre le racisme et ses applications. Il participe, avec d'autres organisations de défense des droits de l'homme à la semaine de l'éducation nationale contre le racisme. Dans les cités, avec Léo Lagrange, se mettent en place des comités citoyenneté autour des problématiques de société. L'éducation à la citoyenneté passe nécessairement par ces pratiques de proximité sans laquelle la citoyenneté serait un concept vide de sens. A une période où les gens de pouvoir ne tiennent pas les promesses qu'ils ont faites et discréditent ainsi encore un peu plus le monde politique au profit des partis antidémocratiques, le développement de la citoyenneté est un moteur indispensable à la vie sociale et politique. Développer la citoyenneté, éduquer à la citoyenneté, c'est prendre le risque de donner au citoyen une certaine autonomie et un certain pouvoir, si faible soit-il. Mais c'est simultanément faire le pari de la responsabilisation de l'individu par rapport à ce pouvoir. Aristote, pour qui le citoyen est l'homme libre par excellence, énonçait: « Est citoyen celui qui est capable de gouverner et d'être gouverné ». A nous de relever le défi. • Alain Callès Bibliothèque NOTES DE lECTURE o Les lois de l'in hospitalité, les politiques de l'immigration à l'épreuve des sans-papiers. Collectif sous la direction de Didier Fassin, Alain Morice et Catherine Quiminal. La Découverte / Essais, 1997. Cet ouvrage dresse un tableau sans concession de la politique française en matière d'immigration. Il en permet une compréhension globale, schématique mais non déformante. En la replaçant dans son contexte historique, il en révèle la logique pour mieux la dénoncer. Deux niveaux d'appréciation de cette politique sont proposés. Un niveau local constitué par la politique française en matière d'immigration, et un niveau communautaire européen. Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, face à l'agression de puissances européennes, hostiles à la Révolution, l'Etat français a développé une politique ambiguë visant à préserver la sécurité publique sans renier l'esprit universaliste de lajeune République. On observe ainsi l'apparition de ce que l'un des auteurs nomme« l'hospitalité civique », qui favorise un renforcement du contrôle des étrangers organisé au niveau de la commune. Dès l'époque révolutionnaire, il est donc question d'une politique de fermeture des frontières. Cette tendance n'ira pas en s'atténuant bien au contraire. Ainsi au tournant du siècle, la loi du 9 août 1893 créait dans chaque commune un registre d'immatriculation des étrangers et imposait une déclaration à leurs logeurs. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l'Ordonnance du 2 novembre 1945 reprenant l'essentiel de la législation antérieure, consacrait les moyens répressifs dont les gouvernements successifs se sont dotés à l'encontre des étrangers. Toutefois, la continuité qui peut être observée dans l'objectif de fermeture des frontières poursuivi par ces législations ne s'accompagne pas d'une continuité dans la pratique de ces législations. L'ouvrage attire ainsi l'attention du lecteur sur les vicissitudes de l'instrumentalisation de l'immigration en fonction des besoins de l'économie. Or, une telle instrumentalisation s'accommode peu du respect des droits fondamentaux de la personne humaine. De plus, les divers textes qui composent ce livre invitent à comprendre sans Différences n° 191 décembre 1997 préjugés les stratégies d'intégration développées par les immigrés, objet d'une tentative d'invalidation au travers du discours ayant pour thème l'aide au retour. Enfin, l'argument tiré de la prétendue contrainte européenne est écarté: est particulièrement souligné le rôle actif joué par la France pour maintenir la politique d'immigration dans le cadre de la coopération inter-gouvernementale, ce qui a eu pour résultat de la soustraire à des règles institutionnelles communautaires jugées trop contraignantes. Une fois ces arguments démontés, l'ouvrage permet au lecteur d'envisager!' immigration non plus seulement en terme de flux mais comme une composante dynamique de la société française, qu' il lui appartient de reconnaître et d'accepter dans l'optique du contrat social. Jean-Marc Candella o Sous la couverture quelques faits d'hiver. Droit Au Logement, Ouvrage collectif. Biotem Editions, 1997. Cet ouvrage collectif ne peut laisser le lecteur indifférent: les histoires, courtes - une quinzaine de pages pour la plus longue -, rappellent que tous les jours des femmes, des hommes, des enfants sont expulsés de leur logement et exclus de notre société. De « la mutante» d'Alain Bellet à Félix, le danseur de « Boogie-Woogie» de Frédéric H. Fajardie, du suicide de Vivien Boisgallais de Valere Staraselski à l'assassinat social de Roger Martin, d'expulsions banales en expulsions au forceps, vous ne sortirez pas indemne de cette lecture. C'est un ouvrage qui met mal à l'aise car chacun d'entre nous a déjà rencontré les multiples personnages qui le composent: le mendiant, couché sur un trottoir ou dans le métro en suppliant de lui donner une pièce, a un parcours si banal que son histoire nous concerne tous. A conseiller à ceux qui n'aiment pas lire, à ceux qui hésitent à militer, à ceux qui veulent, comme l'écrit Dan Franck, « crier les colères communes et exiger que parmi les droits de 1 'Homme soient reconnus l'indispensable; un travail, un toit, un repas ». Eric Lathière-Lavergne Il Face au racisme et à la discrimination SYNDICATS RECHERCHENT STRATÉGIE Une abondante matière est proposée à la connaissance et à la réflexion par les syndicats CGT et CFDT. Il s'agit de tenter de savoir comment se manifestent la discrimination et le racisme sur le marché de l'emploi et comment les syndicats peuvent y faire face. Etat des lieux et premières analyses avant de revenir dans notre prochaine édition sur les argumentaires et les outils de travail. LA CFDT ET LA CGT ont chacune organisé, le 30 octobre pour la première, les 13 et 14 novembre pour la seconde, un colloque centré sur la question du racisme et de la discrimination dans le monde du travail. Ces rencontres ont permis aux deux centrales syndicales de faire un état des lieux et de commencer à esquisser des orientations pour l'avenir. Bien entendu, le thème n'est pas nouveau mais un certain nombre de faits patents et de formes inédites ont alerté les confédérations sur l'aggravation du sentiment et du comportement xénophobes au sein de l'entreprise. Parmi les faits patents qui portent atteinte à la « fraternité syndicale» chère à l'idéal égalitaire, il y a bien sûr la tentative du Front national de s'implanter dans le monde du travail par le biais de syndicats qui lui sont directement affiliés. On est loin aujourd'hui du temps où Le Pen se faisait photographier serrant la main de Reagan, lorsque le FN défendait des thèses néo-libérales. Depuis, le projet « national et social » concocté par Bruno Mégret est venu anticiper ou répondre à l'attente des électeurs ou sympathisants FN dans les couches populaires. Les « 51 mesures en matière sociale » présentées en mars 1992 et les « 300 mesures pour la renaissance de la France, programme de gouvernement» en 1993 marquent son « tournant social» et sa volonté de capter de manière durable un électorat populaire placé en première ligne du chômage et de la précarité matérielle. L'offensive de l'extrême droite en direction des salariés est mise en pratique à partir de 1995 : le FN crée des syndicats - dans la police, la RATP, les prisons; il intensifie sa présence aux portes des entreprises où les salariés sont victimes de licenciements et il remet en selle des organisations satellites telles que le MEN (Mouvement pour un enseignement national) dans l'Education nationale ou Fraternité française en direction des plus démunis. Voilà qui pouvait d'autant moins laisser les syndicats indifférents que des militants tirent la sonnette d'alarme. Ils constatent en effet, parfois dans la plus extrême consternation, que certains de leurs collègues de travail (y compris syndiqués) n'hésitent pas à parler comme le FN. « Depuis le début des années 90, note la CFDT, les témoignages sur les manifestations de racisme et les pratiques de discrimination en milieu professionnel se font de plus en plus nombreux. Dans les sections, les militants expriment leur inquiétude devant la progression des opinions racistes. Beaucoup se sentent dépassés par l'aspeCt polémique du sujet et demandent une aide stratégique à leur organisation » (1). Le constat est similaire du côté de la CGT qui lance, pour lever le tabou et soutenir ses militants dans les entreprises, une campagne de mars à juin 1997 autour du slogan « le racisme ça se combat» (2) avec un matériel d'appui (affiches, tracts, tee-shirts). En février 1997, Di- Aujourd'hui, les relations et même l'organisation du travail produisent les arguments du racisme qui s'y exprime et dont les enjeux dépassent les bouffées xénophobes qui ont accompagné l'histoire du mouvement ouvrier en France. Philippe Bataille dier Niel, secrétaire national, pointait ainsi les difficultés auxquelles se heurte son syndicat: « Tous les racistes affirmés ou qui s'ignorent ne sont pas au Front national. Des salariés sont sensibles à ces sirènes. Cela pose des problèmes nouveaux dans la CGT. Des syndiqués et même des militants sont perturbés. Ils s'interrogent: pour s'en sortir ne faudrait-il pas fermer la frontière et renvoyer chez eux les immigrés? » (3). Plus loin, dans le Différences n° 191 décembre 1997 même article, Didier Niel analyse plus précisément le sens de la campagne: «Certains d'entre nous sont partagés et résistent à investir la CGT dans ce combat. D'autres hésitent ou refusent de distribuer des tracts et journaux traitant du sujet, de peur de réactions négatives des salariés. Cela donne l'impression d'une affaire tabou porteuse de conflits à éviter, d'une question de société, comme on dit aujourd'hui, qui serait plus du domaine de la vie privée que de l'action collective: les hésitations, les troubles sont normaux, ce qui l'est moins c'est la difficulté à les aborder franchement, à en discuter, à s'expliquer. Nous devons prendre les moyens pour en débattre entre nous et surtout en débattre avec les salariés. » Le 20 juin dernier, à la Bourse de travail de Paris, c'est Louis Viannet secrétaire général qui, clôturant le Tour de France de la Fraternité, affirme: « Ce sont toutes ces considérations qui nous ont conduits à prendre conscience de la nécessité d'une initiative que nous avons voulu à la fois importante, forte et durable. Nous avons eu conscience, et nous le reconnaissons ouvertement, d'avoir pris un certain retard. Nous avons laissé aller des valeurs qui ont toujours nourri le combat de la CGT dans une situation qui se dégradait rapidement. » Et d'avancer une ébauche de réflexion: « Lorsque la discussion s'engage sur la fin des discriminations à l'embauche, il va nous falloir pousser la discussion sur la signification de cet objectif revendicatif dans le travail, dans la rémunération. Comme il va falloir mesurer les dangers et les handicaps que représentent les discriminations dans le combat social lui-même » (4). Les deux syndicats montrent clairement leur volonté de se battre pour les valeurs d' égalité et de non-discrimination qu'ils revendiquent comme appartenant à un ensemble de principes auxquel ils ne sauraient déroger. Cependant, les difficultés d'appréhension et d'action sont nombreuses, et tiennent pour une part à la diversité et à la complexité des manifestations de la xénophobie et de la discrimination. C'est donc par précaution que la CGT comme la CFDT ont décidé de s'appuyer sur le travail des chercheurs, en particulier des sociologues, pour élaborer un état des lieux avant de se lancer dans une action dont l'échec serait gravement dommageable. Pour la CFDT, l'objectif immédiat est ainsi défini : il s'agit « d'obtenir un certain nombre de connaissances concrètes à partir de la réalité de terrain, afin d'établir un diagnostic sur les situations rencontrées dans le monde du travail; de créer les conditions d'un débat collectif au sein de l'organisation sur ces questions; de mettre en place une stratégie d'action syndicale: sensibilisation des équipes, formation et actions dans l'entreprise pour tenter d' inverser les logiques discriminatoires et les conditions d'expression du racisme.» (1) Au cours de ces deux colloques, chercheurs et syndicalistes ont donc fait état de nombreux recherches, la plupart en cours d'élaboration ou d'application, qui devraient à terme apporter une connaissance plus fine sur l'état des discriminations aux portes ou à l'intérieur de l'entreprise et sur les moyens de lutte que mettent en oeuvre les sections syndicales. L'enquête menée par le Cadis (Centre d'analyse et d'intervention sociologiques) et la CFDT constitue, semble-t-il, pour l'instant le travail général de clarification le plus abouti (lire encadré page 8). Il faut également signaler l'activité conJomte du laboratoire de l'URMIS (Unité de Recherches Migrations et Société) dirigé par Mary se Tripier,des organismes de recherche et des syndicats CGT. C'est ainsi que différents projets de recherches s'attachent à répondre à cette importante question syndicale: « Comment intervenir sans prendre le risque de se couper d'une partie de sa base sociale, électeurs, syndiqués et même militants actifs? » Ce travail ambitieux s'inscrit dans le long terme puisqu'il est destiné, selon Christian Poiret et François Vourc'h, membres de l'UR MIS, à aboutir en 1998 et c:tr LE VRAI-FAUX DISCOURS SOCIAL DU FRONT NATIONAL • Le tout récent discours social du FN est tactique, mensonger et démagogique. Il a pour but de conserver ou de gagner un électorat populaire soucieux de l'avenir. Ci-dessous quelques éléments extraits ou reformulés d'un article de Tribune de l'immigration (1). • Dans la tradition du fascisme, le Front national considère que patrons et travailleurs français définissent une communauté de travail défendant les mêmes intérêts. • Le FN est particulièrement virulent à l'égard des syndicats qu'il considère comme des parasites qui gênent sa vision de l'entreprise laquelle ne doit pas être « un lieu d'affrontement entre les patrons et les ouvriers» mais une « communauté de travail» homogène ou chacun tiendrait sa place sans broncher. • Pour juguler le chômage, il envisage la réduction du nombre de demandeurs d'emplois comme moyen essentiel pour juguler le chômage, en privilégiant pour les femmes le retour au foyer par l'instauration d'un revenu maternel et le développement du temps partiel et en instituant la préférence nationale qui vise l'expulsion des étrangers. • Il envisage des solutions institutionnelles d'apartheid. Les immigrés seraient interdits d'allocations familiales et leurs caisses de cotisation seraient séparées de celles des Français auxquels serait réservée l'aide sociale. • S'il promet une réévaluation des bas salaires et une hausse du SMIC, le FN n'envisage pas de modifier la répartition entre salaires et profits. Les cotisations sociales seraient réduites et une partie équivalente serait versée sur le salaire. Dans le même temps le Front promet aux patrons une baisse substantielle de tous les prélèvements obligatoires sur les entreprises et donc des cotisations sociales payées par le patronat. • Au milieu de toute cette démagogie, le FN envisage la création de plusieurs niveaux d'assurance maladie et la mise en concurrence avec des organismes privés. • Il s'agit en fait de diviser les salariés pour leur faire renoncer à toute idée de défense de leurs intérêts propres et par conséquent d'abdiquer devant les lois du marché que jamais il ne remet en cause. • Le « complot mondialiste » est pour le FN le moyen d'évoquer une nébuleuse à laquelle il associe une consonance antisémite et le paravent pour éviter toute prise de position concernant la domination du capital sur la société et les responsabilités propres du patronat. • Il est enfin capable d'adopter des discours différents suivant les personnes à qui il s'adresse et développe une démagogie sans limites. (1) Mensuel publié par le secteur Migrants de la CGT. Article paru dans le cadre d'un dossier « Racisme ça se combat », n° 21, mars 1997 Différences n° 191 décembre 1997 Il Face au racisme et à la discrimination 1999, sur« un projet de recherche historique et sociologique de grande ampleur, portant sur l'analyse de l'attitude (prati ques, comportements, représentations, discours ... ) des organisations syndicales ouvrières en Europe et de leurs militants, face à la question du racisme. » (4) Etat des lieux et perspectives Plusieurs orateurs l'ont répété et notamment Philippe Bataille, présent aux deux colloques: le racisme n'est pas un phénomène nouveau mais ce qui est nouveau c'est l'inefficacité du savoir-faire historiquement construit par les organisations syndicales. L'évolution de la provenance des travailleurs immigrés, la durée de la crise économique et de ses effets, la possibilité de transformer désormais un sentiment xénophobe en intention de vote appellent des analyses et des réponses différentes. Al' entreprise comme ailleurs remarque Christian Poiret, les rapports sociaux sont parasités par des rapports ethniques qui prennent une place de plus en plus importante à côté des rapports de classes, de sexes et de générations. On assiste à l'émergence de deux phénomènes qui sans être totalement nouveaux demandent aussi des réponses actualisées: « La banalisation des idées racistes et xénophobes et de l'idéologie de la préférence nationale sur le marché du travail et dans l'entreprise; l'émergence de discriminations à base ethnico-raciale touchant des personnes de nationalité française» . Le travail réalisé par la CFDT et le CADIS permet de circonscrire les grands domaines de manifestation du racisme dans l'entreprise. D'abord les plaisanteries et discours racistes qui portent atteinte à la relation de travail. C'est le signe le plus évident d'un racisme« ordinaire ». Puis les pratiques di,scriminatoires
- surexploitation
(traditionnelle) des travailleurs immigrés, entraves au déroulement de carrière, discrimination lors des licenciements collectifs, attribution arbitraire de certains postes à des salariés en fonction de stéréotypes liés à leur origine« ethnique ». Enfin la discrimination à l' embauche
- « toutes les enquêtes
statistiques nationales montrentque les jeunes appartenant à des minorités ethniques, et particulièrement ceux d'origine maghrébine, ont à faire face à une discrimination à l'embauche qui retarde leur entrée sur le marché de l'emploi. Cette discrimination prend davantage la forme d'une préférence ethnique que d'une préférence nationale (la plupart des jeunes issus de l'immigration sont français). Elle est toujours délicate à prouver au cas par cas, les employeurs se retranchant généralement derrière des arguments rationnels pour expliquer leur choix en matière d'embauche. »(1) Enfin, le service public n'est pas à l 'abri et sa neutralité est mise à mal. « Aussi bien dans des services spécifiques (services d'accueil aux étrangers) que des services accueillant parmi d'autres un public immigré, l'accueil est trop souvent marqué par la mauvaise volonté ou l'excès de zèle à la simple vue d'un nom à consonance étrangère. Le traitement des dossiers ne se fait plus dans la stricte neutralité. » (1) De nombreux exemples étayent ces données générales. Ainsi, cette histoire digne d'un sketch à la Coluche: un douanier contrôle un automobiliste noir en ces termes: « Alors Mamadou, on a quitté sa tribu? » La réponse est venue sous la forme d'une carte tricolore exhibée par le « Mamadou » en question, substitut du procureur de la République. Des jeunes basanés tous retirés des services en rapport avec la clientèle dans un grand magasin de la région parisienne à la faveur d'un changement de direction; mise à sac d'une mosquée de fortune dans une entreprise alsacienne; un candidat au poste de directeur des ressources humaines sommé de changer son nom à consonan- Le racisme au travail (1) « L'enquête de Philippe Bataille montre que le pire n'est pas certain. Il est possible, sans nécessaire coup d'éclat ni bavardage idéologique, d'agir, de combattre et de faire reculer un racisme que l'histoire du mouvement ouvrier a depuis longtemps qualifié d"'ennemi de la classe ouvrière" ». C'est ainsi que le rédacteur de la jaquette du livre « Le racisme au travail » convie le lecteur à découvrir une enquête menée sous la direction de Michel Wieviorka. Ce travail, réalisé à l'initiative de la CFDT, est le résultat d'une enquête menée pendant deux ans par des sociologues dans un certain nombre d'entreprises avec la participation des équipes syndicales de la CFDT. Il est construit en 6 chapitres: les relations de travail, les discriminations dans le travail, la fonction publique, la discrimination à l'embauche, l'enjeu du combat syndical, le trouble des sections. Une conclusion, un postface de Nicole Notat, et des annexes complètent l'ensemble. Une étude qui allie les apports des sciences sociales et l'indispensable participation du citoyen militant. Il est désormais à la portée de tous ceux qui se sentent directement ou indirectement concernés par la question. (1) La Découverte, 1997 Différences n° 191 décembre 1997 ce juive; établissement de codes à l'ANPE pour appliquer discrètement le refus de certains employeurs d'embaucher des étrangers ou des personnes d'origine étrangère. Prudence et méthode La liste est longue des cas de figure recensés, mais attention prudence! Prudence affirme-ton, pour trois raisons fondamentales. En premier lieu, les études réalisées sont des études qualitatives : dans la plupart des cas elles ne sont ni exhaustives ni représentatives d'un ensemble. Tout peut varier d'une entreprise ou d'un atelier à l'autre. En second lieu, derrière les comportements d'apparence xénophobe, il y a parfois des phénomènes plus complexes. Le rejet d'un jeune d' origine étrangère peut davantage exprimer le refus d'une certain culture jeune (<<casquette à l'envers») qu'un véritable comportement raciste. Ce qui oblige à poser les problèmes autrement. Enfin, et cela paraît véritablement essentiel dans le cadre des stratégies à mettre en place, admettre qu'il existe une unité idéologique entre toutes les formes d'expression de la xénophobie peut conduire à aider cette unité à se construire. Ce qui reviendrait à rendre de trop précieux services à l'extrême droite qui cherche à fédérer tous les mécontentements pour en faire un marchepied .• Chérifa Benabdessadok (1) Document préparatoire au colloque CFDT « Le syndicalisme face au racisme dans le monde », FlAP, Paris, 30 octobre (2) Cf. Différences n0184, avril 1997 (3) Le Peuple nO 1453, février 1997 (4) Dossier préparatoire au colloque CGT « Le racisme et les discriminations au travail », Institut du Monde arabe, 13 et 14 novembre ( ' Service juridique du MRAP DISCRIMINATIONS: PRÉVENIR ET RÉPARER Ahmed Khenniche, membre du bureau national, a représenté le MRAP au colloque de la CGT (voir pages précédentes). Nous publions ici de larges extraits de cette intervention basée sur la contribution du service juridique au rapport 1997 de la CNCDH à paraître le 21 mars prochain. LES STATISTIQUES du ministère de la Justice relatives aux discriminations dans le domaine du travail (offre d'emploi, refus d'embauche, licenciements ou sanctions) révèlent un très faible taux de condamnations prononcées par les tribunaux. Il semblerait que ce faible pourcentage soit principalement dû aux difficultés liées à l'établissement de la preuve de l'acte discriminatoire. Ces difficultés dissuadent bon nombre de personnes victimes de discrimination à déposer plainte et sont à l'origine de nombreux classements sans suite. Pour sa part, notre Mouvement est amené dans le cadre de ses permanences juridiques à conseiller un certain nombre de personnes se présentant comme victimes de discrimination. La majorité de ces consultations ne peut donner lieu à des suites judiciaires ou des actions de conciliation. Les discriminations constitutives biguïté toutes candidatures émanant de personnes de couleur, de personnes d'origine maghrébine ou de non nationaux. Ce chiffre n'est pas révélateur de l'ampleur de la discrimination à l'embauche. En effet, bon nombre d'employeurs n'opèrent de sélection discriminatoire qu'au moment des entretiens ou de recrutement. A ce stade, il est pratiquement impossible de rapporter la preuve d'une intention discriminatoire, ce qui dissuadent les victimes à engager toutes démarches en vue d'obtenir réparation. Pourtant la discrimination raciale ou ethnique dans le domaine de l'emploi est une réalité quantifiable. Les chiffres démontrent que le taux de chômage des jeunes est plus important parmi les jeunes étrangers ou d'origine étrangère (principaIement d'origine nord-africaine) et les gens de couleur. Selon une enquête menée en 1994 dans le département du Nord-Pas de Calais auprès des jeunes d'origine étrangère ayant un BTS ou un DEUG, le différentiel d'embauche était de 1 à 5. Sur les lieux de travail Dans ce domaine, les preuves semblent en apparence plus faciles à rapporter. En effet, la victime peut étayer sa plainte de témoignages de collègues, de rapports constatant que l'avancement de carrière n'est pas opéré en fonction des compétences réelles de l'individu, de l'appui d'un syndicat... Mais force est de constater que la plupart des personnes assistant à des actes discriminatoires sur leurs lieux de travail refusent de témoigner en raison de leur crainte d'encourir des sanctions de la part de leur supérieur hiérarchique ou d'être exclues de leur équipe de travail. L'effet dissuasif que constitue l'actuel arsenal législatif en la matière a montré ses limites. Aussi, notre mouvement estime qu'il est aujourd'hui indispensable de réfléchir au développement de moyens de prévention des actes discriminatoires. Les moyens de lutte La Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail indique dans un rapport publié dans les actes du colloque européen pour le droit à la formation de décembre 1995, qu'il est nécessaire avant de mettre en place d'un délit Le service juridique du MRAP a eu en charge entre 1996 et 1997 quatre dossiers concernant des offres d'emploi discriminatoires. Il s'agissait d'annonces excluant sans am- CONGRÈS NATIONAL DU MRAP Le prochain congrès du MRAP aura lieu les 8, 9 et 10 mai 1998 en région parisienne. De plus amples informations dans notre prochain numéro. Différences n° 191 décembre 1997 des moyens de prévention et des actions, de dresser un bilan visant à connaître l'ampleur, les voies et les processus discriminatoires. Ce rapport sur la prévention du racisme dans l'entreprise souligne quant aux moyens de lutte externes à l'entreprise, la nécessité de susciter la réflexion, de sensibiliser les acteurs intervenant dans le domaine de l'emploi, de former et d'éduquer. Il suggère en outre la mise en place d'un organisme indépendant spécialisé chargé d'une mission consultative et de médiation. Les pouvoirs de cet organisme devraient être suffisamment larges pour lui permettre de mener des enquêtes, de recueillir les plaintes des victimes, d'apporter une assistance juridique et de garantir une protection aux plaignants. Cette instance indépendante pourrait adresser des recommandations aux pouvoirs publics ou aux personnes morales ou physiques. Elle pourrait être à l'initiative d'actions concertées pourpromouvoir l'égalité et la prévention de la discrimination. Cependant la mise en place de ces moyens préventifs, qui requiert la mobilisation des acteurs de terrain et des pouvoirs publics, ne saurait se faire qu'à l'issue d'une prise de conscience de la réalité et de l'ampleur du phénomène discriminatoire dans le domaine de l'emploi en France. Aussi conviendrait-il de dresser un bilan concret des discriminations, pour pouvoir développer des outils de prévention adéquats et efficaces. Notre mouvement entend développer la médiation et dans ce cadre espère travailler davantage avec les acteurs de l'entreprise et notamment les syndicats qui se sont engagés à agir de manière plus ferme contre les discriminations sur les lieux d'embauche .• Ahmed Khenniche et le service juridique • • EN BREF • Inauguration le 2 novembre à Thonon en Haute-Loire d'un Mémorial des Justes élevé à l'initiative du Consistoire israélite de France à la mémoire ce ceux qui ont sauvé des juifs durant la Seconde guerre mondiale. • Le président de la République a réaffirmé à cette occasion la responsabilité de l'Etat français: « Oui, a-t-il déclaré, trahissant les valeurs et la mission de la France, le gouvernement de Vichy s'est fait le complice, parfois zélé, de l'occupant. » • Un terrible attentat perpétré le 17 novembre à Louxor par des islamistes égyptiens a coûté la vie à 67 personnes au moins dont 57 étrangers. , CHRONO PO~R MEMOIRE Tropdezèle au Havre Alerté par l'ASTI, le MRAP dénonce le 21 octobre la pratique de la mairie du Havre qui «consiste à solliciter des personnes ayant obtenu un certificat d'hébergement une attestation sur l'honneur du départ de l'hébergé. » Le MRAP constate que cette pratique est totalement illégale et constitue en fait une application de l'article premier de l'avant-projet de loi Debré qui avait été retiré à la suite d'une forte mobilisation, et annonce son intention de saisir le ministère de l'Intérieur ainsi que le préfet de Seine-Maritime. Nouvelles du Front Le Canard enchaîné tient depuis plusieurs mois une chronique permanente intitulée« Petites nouvelles du Front », des informations courtes et intéressantes pour ceux qui veulent affûter leurs argumentaires contre l'extrême droite. Pioché dans son édition du 29 octobre: « Défenseurs acharnés de la famille, les lepénistes défendent d'abord leur famille :ainsi Maryline Simonpieri, la fille du maire FN de Marignane, vient de se faire embaucher à la "coordination des associations" des maisons de quartier de Vitrolles. Et on prétend que lutter contre le chômage est difficile ! » Mortelle migration Le Monde publie le 31 octobre un confraternel compte-rendu d'une « excellente enquête» parue dans le supplément hebdomadaire du quotidien espagnol El Pais et intitulée« Mourir aux portes de l'Europe ». II s'agit des immigrés clandestins qui tentent de passer en Espagne par voie de mer dans le détroit de Gibraltar, ou par voie de terre. Des milliers d'entre eux meurent en route, certains « sont tués par les essieux des camions sous lesquels ils se cachent. D'autres sont asphyxiés dans des conteneurs à marchandises ... ». Selon l'Association des immigrants marocains en Espagne, quatre mille de ces candidats illégitimes à l'immigration auraient péri en mer depuis le début des années 90, 250 morts selon les autorités espagnoles. Affirmative action Par un référendum qui s'est déroulé le 4 novembre, les électeurs de Houston au Texas ont repoussé l'abandon de l'Affirmative action ou action positive, « le système de traitements préférentiels accordés aux minorités ethniques et aux femmes dans l'attribution de certains contrats publics, dans l'emploi et dans l'enseignement supérieur public ». L'an dernier, l'Etat de Californie avait adopté une loi dite « proposition 209 »qui abolit la pratique de l'Affirmative action dans l'embauche de ses fonctionnaires et l'attribution de contrats passés par l'Etat. L'entrée en vigueur de loi autorisée par la Cour suprême n'est toujours pas intervenue en raison des obstacles juridiques que pose son application (Le Monde du 7 novembre). Bernard Antony relaxé La 4 novembre, la cour d'Appel de Montpellier a relaxé le député européen du Front national, alors qu'il avait été condamné en première instance (mai dernier) pour injures raciales à 50 000 francs d'amende et 6 mois de prison avec sursis. Le journal La Gazette avait reproduit à l'époque les propos qu'il avait tenus en référence à l'occupation de l'église Saint-Bernard par les sans-papiers, et notamment cette phrase: « Nous devrions occuper les mosquées et les synagogues puisque ces gens occupent nos églises. Je condamne les chrétiens émasculés qui accueillent ces négros ». Le MRAP s'est déclaré stupéfait par ce jugement et souligne que « les témoins présentés par la défense sont tous des cadres du Front national » et envisage de se pourvoir en cassation. Foulard et jurisprudence Une collégienne de Colmar avait été exclue pour port de foulard islamique en janvier 1995 par le recteur de l'académie de Strasbourg. L'an- Banni de France, expulsé vers l'Algérie Le MRAP proteste dans un communiqué en date du 21 octobre contre l'~x~ulsion d'un AI?érien de 36 ans, né en France où il a toujours vécu, victime de ce que 1 on appelle la « double peine » - interdiction du territoire et expulsion après une condamnation pénale. Cet arrêté d'expulsion signé par M. Chevènement pose une fois de plus la question d~s étrangers nés en France. Bien qu'ils aient commis des délits, parfOIS importants, il parait difficile d'admettre d'un point de vue humain, qu'~ls puissent ~près avoir payé leur dette, être renvoyés dans des pays qU'Ils ne connaissent pas, où ils ont rarement séjourné, et dont ils ne parlent pas la langue. Lorsqu'il se fait en Algérie, comme c'est le cas pour B.F., ce renvoi prend explicitement aujourd'hui les formes d'un bannissement. B.F. laisse en France ses parents, ses frères et soeurs. Pour revenir au droit, l'avocat de B.F. fait valoir que sont client a été expédié avant que le tribunal administratif n'ait eu le temps de se prononcer sur le recours en annulation de l'arrêté d'expulsion qu'il avait introduit. Pas juste, M. le ministre! C.B. Différences n° 191 décembre 1997 nulation de cette décision six mois plus tard par le tribunal administratif a été confirmée le 5 novembre par le Conseil d'Etat. Se basant sur la jurisprudence, le Conseil d'Etat a rejeté le recours du ministère de l'Education nationale qui avait fait appel: il considère en effet que le port du foulard seul ne peut entraîner une exclusion. Seuls le refus de suivre des cours (de natation par exemple) et la participation à des manifestations ayant entraîné des troubles à l'ordre public au sein de l'établissement » auraient pu être invoqués pour justifier l'exclusion. Rapport critique Le Conseil national des villes, présidé par François Geindre (PS) et Jean-Pierre Delalande (RPR), a remis le 5 novembre un rapport au ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Selon Le Monde (7 novembre), le rapport du CNV « dresse un bilan critique du "pacte de relance pour la ville" mis en oeuvre par le gouvernement Juppé. Il estime en effet que ces mesures, reposant essentiellement sur des dérogations fiscales (zones franches)etdessubventions (emplois de ville) ont court-circuité les élus locaux et marginalisé les" contrats de ville" et mis à mal la pratique contractuelle ». Faurisson : une récidive programmée? Robert Faurisson a été mis en examen le 10 novembre à la suite de la diffusion sur un site Internet d'un texte intitulé « Les visions cornues de 1'« Holocauste» dans lequel il affirme que « l'Holocauste des juifs est une fiction ». Faurisson a déjà été condamné pour « contestation de crimes contre l'Humanité» en _avril 1991 à 100 000 francs d'amende avec sursis par le tribunal de Paris. Cette condamnation serait devenue effective s'il avait récidivé dans un délai de cinq ans. Il a peut-être très intentionnellement attendu que ce délai se soit écoulé pour récidiver. LeFN hors-jeu Le Front national a présenté 284 candidats aux élections des 162 chambres de commerce et d'industrie qui étaient concernés parce renouvellement partiel et qui avaient lieu le 17 novembre. Seuls deux candidats ont été élus d'après les informations recueillies par Le Monde auprès de l'Association des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI). Les électeurs étaient au nombre de 1 494 692 pour 3 050 postes à pourvoir. Projet de loi sur l'immigration Les députés socialistes réunis le 18 novembre Agir ici pour un monde solidaire L'association Agir ici lance une campagne pour imposer des critères à l'exportation de matériels de sécurité et de police et aux transferts militaires. Cette campagne, organisée en partenariat avec l'Acat, Justice et Paix, la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement pour une alternative non-violente et Pax Christi-France est soutenue, par plusieurs dizaines d'associations dont le MRAP. Elle consiste notamment à envoyer des cartes postales au président de la République, au Premier ministre et aux députés. Agir ici constate que « pour compenser la baisse des commandes publiques, les entreprises d'armement vont vendre encore plus à l'étranger. Or, le système actuel de contrôle des transferts d'armement est très insuffisant. Les parlementaires en sont écartés et il ne prend aucunement en compte des matériels de plus en plus utilisés, ceux de sécurité et de police. » Selon les critères du Code conduite européen élaboré par des ONG, 50 des 76 clients de la France ne remplissent pas les conditions qui autoriseraient ce transfert. » Pour toute information complémentaire, s'adresser à Agir ici, 14 passage du Bail, 75010 Paris, Tél: 0140350700 ont adopté le projet de loi sur l'immigration élaboré par le ministère de l'Intérieur. Ils y ont apporté deux amendements sur la suppression des certificats d'hébergement et sur le rétablissement de la commission départementale de séjour. Ce projet est débattu à l'Assemblée nationale à partir du 4 décembre. Auparavant, le 22 novembre, une manifestation prévue depuis plusieurs semaines devait rassembler l'ensemble des opposants qui souhaitent une réforme radicale de la politique d'immigration. Un « contre-projet» a été élaboré à l'initiative de Marie-Hélène Aubert, Patrick Braouezec, Guy Hermier, Noël Mamère, Jean-Michel Marchand et Bernard Outin, sur la base des critiques de la CNCDH et des analyses des associations. Le MRAPa rencontré le 18 novembre au Sénat les protagonistes de ce texte. II comporte un exposé des motifs par lequel les auteurs affirment notamment qu'il « faut une rupture franche avec le texte trop ancien de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dénaturé par 24 modificiations successives et ceux qui ont provoqué la cassure avec le fond culturel traditionnel
- du droit du
sol et du principe d'égalité. » Les deux autres parties sont consacrées à la définition de principes généraux et à l'ébauche d'articles de loi. Eléments d'information rassemblés par Chérifa 8enabdessadok Différences n° 191 décembre 1997 EN BREF • Selon des résultats partiels portant sur la moitié des voix, le Parti du peuple (extrême droite) créé il y a deux ans a fait une percée spectaculaire avec 6,3% des suffrages aux élections communales et régionales danoises qui ont eu lieu le 18 novembre. • Les députés italiens ont adopté le 19 novembre une loicadre qui prévoit de durcir les procédures d'expulsion à l'encontre des clandestins et d'élargir les droits des immigrés régulièrement installés. • Condamnée en première instance pour complicité de provocation publique à la discrimination raciale, Catherine Mégret sera jugée en appel le 19 janvier 1998 à Aix-enProvence. • Commission nationale consultative des droits de l'Homme AMÉLIORER lA lÉGISlATION CONTRE lE RACISME La CNCDH a adopté le 5 novembre, en assemblée plénière, un avis sur " la mise en conformité de la législation française avec l'action commune de l'Union européenne concernant l'action contre le racisme et la xénophobie ". Nous le publions ici presque in extenso. 1-Relevant que sur certains points, le droit français va au-delà des dispositions con· tenues dans l'Action commune, notamment: - dans le domaine de la discri mination (articles 225-1 à 225-2 du Code pénal) - dansledomainedu « négationnisme » Exprime le souhait. comme J'y invite ]'Aclion commune, que .. la législation française poursuive son évolution dans le sens d'une meilleure efficacité dans la lutle contre le racisme; -+ le Gouvernement français incite ses partenaires de l'Union européenne. dans le respect des engagements souscrits et pour promouvoir une véritable Europe des c itoyens, à se conformer en ce domaine aux dispositions de \' Action commune -+ encourage le Gouvernement à promouvoir une coopération policière et judiciaire aussi efficace que possible entre les quinze Etats membres pour lutter contre le racisme et la xénophobie, et à mettre en place les mécanismes nécessaires à l'application effect ive de l'Action commune. Il - Constatant que sur d'autres points, le droit rrançais n'est pas en conformité avec les engagements souscrits dans l'Action commune, Relevant que celle non-conformité provient essentiellement du fait que les dispositions législatives anti racistes sont intégrées dans la loi sur la presse de 188 1, dont elles subissent le régime spécifique très strict. dans les domaines: A - DE L'INCRIMINATION -+ constatant que ladiffusion ou la distribution publiques d'écrits, d'images ou d'autres supports contenant des manifes tations racistes ou xénophobes, te lle que prév ue par l'Action commune ne fa it pas l'objet, en droit français, d'une incrimination générale: -+ constatant q ue l'incitation publique à la discrimination. à la haine et à la violence mciale, telle que prév ue par l'Action commune, est plus large que le délit prévu en droit fra nçais (article 24-6), la loi française réprimant la provocat ion et définissant restrictivement le groupe visé; propose la création d'un délit réprimant d'une manière générale la diffusion de messages racistes -+ constatant que la participalion aux activités de groupes, organisations ou associations dont les aC!Îvités impliquent la discrimination, la violence ou la haine raciale , ethnique ou religieuse, telle que prévue par l'Act ion commune, n' est pas incriminée en droit français; propose que, sur ce point précis, soit créée en droit français une Incrimination réprimant les activités au sein de ces groupes. B - DES PROCÉDURES -+ relevantuelaprocédureapplicable en matière de IUllecontre le rac isme est pour l'essentiel régie par les dispositions de la loi du 29 jui llet 1881, -+ q ue notamment, sur le plan des saisies e t confiscations d'écrits, d'images et autres supports, le droit français est de ce fait beaucoup plus restric tif que l'Action commune -+ souhaitant q ue référence soit faite plus clairement à l'article6 de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les fonnesde discrimination raciale et à la notion de « recours effecti f » ; propose que ces dispositions soient régies par le droit commun de la procédure pénale, ce qui permettrait d'améliorer sensiblement l'efficacité de la répression dans ce domaine, tout en respectant strictement les libertés publiques, et plus particulièrement la liberté d'expression. III - Observant que chaque Etat membre est formellement invité à présenter des propositions appropriées visant à meUre en oeuvre l ' Action commune exprime le souhait d'être associée aux réflexions qui seront menées en ce domaine, ainsi qu'au bitan qui sera présenté au Conseil, par la France, è la fin de l'année 1998, Différences nO 191 décembre 1997 RENCONTRE À BRUXELLES A l'initiative d'un groupe animé par lan Niessen (Migration Policy Group) et soutenu financièrement par la Commission européene, une rencontre vient de se dérouler à Bruxelles entre mi litants ant iracistes de l'Un ion européenne. Cette rencontre a adopté le principe de la constitution progress ive d'une structure souple de concertation et d'i ntervention auprès des organismes de l'Union. Dans les mois qui viennent des tables rondes doivent être organisées dans chacun des pays. La prochaine rencontre, qui pourrait êlre décisive, aura lieu à l'automne 1998. Jean-Jacques Kirkyacha rian La Semaine nationale d'éducation contre le racisme aura lieu du 21 au 28 mars 1998. 43. boulevard Magenta 75010 Paris Tél. :0144520303 Télécopie: 0\ 44 520044 Directeur de la publication Mouloud AounÎ! • GéTante bénévole Isabelle Sirot • Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok • Administration - gestion Patricia Jouhannet • Abonnemllflts Isabel Dos Martircs \20 F pour Il numéros/an t2 Fic numéro • Maquette Cherira Bcnabdessadok • Impression Montligeon Tél. :02 33 85 8000 Commission paritaire nQ 63634 ISSN 0247,9095 Dépôt tégal t997,12
Notes
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