Différences n°181 - janvier 1997
Sommaire du numéro
n°181 de janvier 1997
- Edito: Une journée particulière par Mouloud Aounit
- Conférence nationale du MRAP: rendez-vous les 1er et 2 février
- Immigration, quelle politique pour demain par Bernadette Hétier
- Le Pen, le Front National et les autres par Pierre Kransz
- Du théâtre pour la nouvelle année:
- Le Tilf ou l'intersection cosmopolite
- Bobigny accueille les fils de l'amertume
- Colloque: les minorités en question par Alain Canat
- Sahara occidental: réunion à Barcelone par J.J. Kirkyacharian
- Extrait de « Merci pour le passé » de l'abbé Jean Pihan présenté par Bertrand Bary
- Hommage à André Dumas et Anne-Marie Goguel par Albert Lévy
- Pédagogie de la mémoire: petit projet devient grand par Jean-Philippe Marcy
- 8 janvier 1957: les paras dans la Casbah par Philippe Gourdon
- Du côté des gens du voyage par Bertrand Bary
- Contre l'extrême-droite: l'appel du Luxembourg
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Janvier 1997 - W 181 o SOMMAIRE Conférence nationale du MRAP ThéAtre Cosmopolitisme au TlLF Tarif réduit à Bobigny Chérifa 8enabdessadok Colloque 6 REN El S Le droit des minorités Laurent Canat International Sahara occidental Jean-Jacques Kirkyacharian Mémoire 6 7 lES 1er ET 2 FÉVRIE Marci pour la passé 7 Abbé Pihan Hommage Au pasteur Dumas et a Anne-Marie Goguel Albert Lévy Pédagogie La conférence nationale du MRAP a pour ambition de faire le point sur les analyses engagées 7 et sur les actions entreprises. Quatre univfjfrsitaires sont invités à débattre avec les militants. Petit projet devient grand Jean-Philippe Marcy Histoire 8 Deux textes sont ici proposés en guise de prélude aux débats. Le premier sur les migrations, La bataille d'Alger Pierre Gourdou Extrême droite Appel 9 12 12 par Bernadette Hétier, membre du secrétariat nati onal, et le second sur l'extrême droite, par Pierre Krausz. membre du bureau national. Bons de soutien Numéros gagnants r:r pages 2, 3, 4, 5 Une journée particulière Le 19 décembre 1996 restera comme une tache dans l 'histoi re des débats de l'Assemblée nationale. Dans la nuit du 19 au 20, par trente voix contre quatre, c'est une certaine image de la France qui a été ternie. On croyait encore les lois faites pour protéger non pour exclure, et l'immigré considéré comme un être humain sujet de droit. Les députés en ont décidé autrement! Les desseins poursuivis par le gouvernement sont clairs : déstabiliser les étrangers non originaires de l'Union ewupéenne et pourtant durablement installés sur notre territoire ; préparer les élections de 1998 en bégayant les thèses et les thèmes des partisans de l'exclusion ethnique, ouvrant ainsi un large boulevard au racisme et à la xénophobie. Tout y est: suppression de certaines garanties juridiques (disparition de la commission de séjour), non renouvellement du titre de séjour en cas de « trouble de l'ordre publique » ; nonrégularisation des étrangers vivant en France depuis IS ans; possibilité de confiscation du passeport. Et l'on ose parler de traitement humanitaire et d'équilibre! Les méthodes utilisées miment celles d'une autre époque, que l'on croyait àjamais révolue: fichage, délation, renforcement du pouvoir discrétionnaire de l'administration, etc. Ce texte est une insulte jetée aux valeurs de la République. Il doit être combattu avec vigueur et appelle à un impératifsursaut républicain. Il donne la tonalité du combat pour 1997 : à nous de le mener, et bonne année à tous ... Mouloud Aounit Il Conférence nationale du MRAP IMMIGRATION: QUELLE POLITIQUE POUR DEMAIN il L ES AFRICAINS SANS-PAPIERS de SaintAmbroise ont placé, depuis le 18 mars 1996, la question de la société française face aux migrations internationales au coeur de l'actualité. Avant leur action sur la place publique, c'est à peine si l'on osait dire qu'il fallait, en la matière, renverser les logiques en cours. Qui, en effet, au sein du mouvement associatif, se serait senti assez sûr de sa réflexion, assez fort et assez audacieux pour lancer alors un débat aussi impopulaire? Ce débat est désormais ouvert. Il s'agit pour nous d'y participer activement et d'en devenir moteurs. Pour ce faire, il importe de définir le cadre de notre réflexion, notre place et notre action: devons-nous nous battre pour une nouvelle loi ou pour une « politique de rechange» ? N'avonsnous pas également besoin de changer profondément nos propres modes de pensée afin d' être en mesure d'inventer «tout autre chose» ? Mais alors, avec quels partenaires ? Pour dire quoi et comment? A quels interlocuteurs? Autant d'interrogations centrales. Changer de logique Dans la plate-forme élaborée conj ointement par dix associations - dont le MRAP - et finalement rendue publique par huit d'entre elles le 18 novembre dernier,jour des Assises nationales sur l'immigration organisées par le collège des médiateurs, l'un des objectifs proclamés est la« révision radicale des politiques d'immigration» de la France qualifiées « d'irréalistes et dangereuses » car elles reposent« sur la pensée unique de la fermeture des frontières et sur le mythe de l' immigration zéro ». Le MRAP, sollicité comme d'autres par les médiateurs, a élaboré en vue de ces Assises des contributions inspirées de la réflexion de la commission Immigration et d' autres travaux. Les propositions qui suivent ne prétendent pas faire l'unanimité. On pourra leur reprocher d' être trop « techniques », trop détaillées, incomplètes ou surabondantes. Mais qu'importe, puisque confronter les points de vue permet d'approfondir la réflexion et d' avancer ensemble! La vocation du MRAP et de ses militants n'est pas de façonner une« législation alternative », mais plutôt de rappeler les valeurs fondamentales et de désigner les objectifs majeurs à proposer aux responsables politiques pour qu'ils les mettent en oeuvre. A titre indicatif, il n'est cependant pas impossible de mentionner sur certains points quelques exigences ou propositions qui recueillent déjà un fort assentiment. Telle est donc la démarche qui a prévalu dans l'examen des deux thèmes retenus ici : une nouvelle politique des migrations internationales en Europe et une nouvelle politique de coopération internationale Une nouvelle politique européenne des migrations Il est indispensable, en premier lieu, de mettre en reliefles aspects positifs de l' immigration pour les pays d'accueil : apport à la croissance et à la démographie, contribution aux transferts sociaux entre générations, enrichissement et fécondation des cultures (contre l'idée de perte d' identité), moyen de brassage de populations et facteur de paix dans le monde, « amortisseur de choc économique» et motif de la réduction ultérieure de l'incitation à émigrer (cas de l' Italie, de l'Espagne, du Portugal). Une politique européenne raisonnable et équilibrée doit fixer comme objectif à terme d' instaurer les conditions politiques, économiques et sociales permettant d'aboutir à la« libre circulation des personnes ». Alors que seule la libre circulation des capitaux, des marchandises ou des ondes existe aujourd'hui sans entraves. Reste posé le problème des conditions du « libre établissement » des personnes dans le pays de leur choix. Là aussi, il faut se demander à quel horizon, selon quelles modalités ? Que penser de la notion de quotas Différences n° 181 janvier 1997 relancée par certains? Sans doute le principe de liberté de circulation ne peut immédiatement passer dans les faits en raison du poids des mentalités de fermeture et de rejet ainsi que des réalités économiques. Mais l'ouverture ne peut que finir par s'imposer, non seulement au nom des valeurs d'éthique, de solidarité et de démocratie, mais aussi - et plus encore, peut-être - au nom de la santé économique, sociale, démographique, politique de nos sociétés. Le contexte mondial exige l'affirmation d'une volonté politique de faire autrement, face à la dictature du« Marché ». L'un des paradoxes du capitalisme actuel est de développer non pas l'emploi, mais le nonemploi ou la « mise hors emploi » de couches de plus en plus vastes de population. Le système avance seul vers l'ingérable. Il est fondé sur un certain nombre de dogmes qu' il faut dénoncer et réviser de manière radicale: le libéralisme et la déréglementation pour une maximalisation du profit, le « trop d'Etat» qui devrait s'effacer au profit du secteur privé dont on sait pourtant qu'il n'investit que là où c' est rentable
- la logique des « p'tits boulots » et de
la société duale ; le démantèlement des acquis sociaux; le laisser-faire qui creuse les inégalités et détruit les liens de citoyenneté. Si telle doit être l'orientation à long terme, quelles pourraient être, à court terme, les formes et les conditions minimales d'une bonne coopération européenne en matière d'immigration? On peut avancer quatre propositions : - Alignement des conditions de circulation des ressortissants des pays tiers légalement installés sur le territoire de l'Union sur celles des ressortissants des pays qui la composent. Ceci revient à leur appliquer de façon systématiquement positive la convention de Schengen actuellement utilisée comme instrument d'obstacle à la libre circulation, de renvoi des demandeurs d'asile, d'éloignement des étrangers ... - Signature et ratification par l'Union Européenne et les pays qui la composent de la Convention internationale pour la protection des travailleurs migrants et de leurs familles, votée à l'unanimité par l' Assemblée générale de l'ONU le 18 décembre 1990 (restée jusque-là lettre morte). - Pleine reconnaissance du droit d' asile en application stricte de la convention de Genève. - Reconnaissance d' un asile «territorial ». Une nouvelle politique des migrations internationales Il convient, pour commencer, de procéder à un sommaire état des lieux car c'est en partant des idées reçues que l'on peut faire évoluer les mentalités grâce à une approche pédagogique. Le déséquilibre démographique accrédite l' idée d'une bombe démographique menaçant les pays riches à natalité maîtrisée ou à dénatalité, créant ainsi le « spectre de l' envahissement ». S'appuyant sur ce fantasme, un discours politique martelé depuis plus de deux décennies, afftrme qu'il faut arrêter l' immigration de main d'oeuvre et lutter par tous les moyens contre l'immigration clandestine. Dans ce contexte, les diverses « recettes » contre le chômage et contre la «fracture sociale» ayant durablement échoué, les gouvernements successifs ont désigné l'immigré« clandestin», si ce n' est l'immigré tout court, comme responsable de tous les maux. Ainsi ont été légitimées par avance les thèses de la préférence nationale et de l'exclusion pour mieux éviter de devoir traiter au fond la question de la répartition de plus en plus inégale des richesses produites en France, en Europe et dans le monde. Pourtant l'étendue du désastre social exige plus que de réfuter les fausses argumentations ou de redresser les arithmétiques biaisées. Il convient de mette à nu les modes d'organisation sociale et de développement pour en montrer la perversité pour tous (par exemple, la survie de la sécurité sociale en France est mise en danger non par les immigrés, mais par la philosophie de son mode de financement global). Il en découle logiquement certaines exigences pour ce qui est des relations entre la France ou l'Union européenne et les pays d' émigration : - Procéder à une analyse approfondie des diverses causes des phénomènes migratoires, historiques (tradition coloniale), structurelles (économies marginalisées, déficit de la démocratie ... ), conjoncturelles (conflits ethniques, guerres, dictatures ... ). - Agir, dans les pays de départ, en amont de l'émigration, sur les causes politiques et économiques des migrations forcées, afin de permettre que ces dernières laissent place à une circulation réellement volontaire .. - Créer les conditions d'un développement mondial durable qui respecte aussi la nature. - Régler durablement les problèmes de la dette du Tiers Monde. Dessin de Jean-Pierre Gaüzère Différences n° 181 j anvier 1997 1 e r et 2 février 1997 - Réviser les systèmes monétaires mondiaux. - Donner la première place à la participation démocratique pour la définition des priorités des sociétés d'accueil. - Instaurer une plus grande démocratie dans tous les pays du Tiers Monde afin que leurs citoyens trouvent une alternative à l'exil en participant au développement de leurs propres sociétés. - Reconnaître le rôle des immigrés en tant que partenaires et acteurs du développement de leurs pays. - Dans les pays à «tradition d'émigration », comme la région de Kayes au Mali, les jeunes hommes ont toujours dû partir, non seulement dans un esprit de « voyage initiatique» comme on l'entend trop souvent afftrmer, mais dans un contexte d'enclavement géographique et économique qui rendait et rend encore leurs apports indispensables à la survie des villages. A titre d'exemple, les contributions financières des immigrés de France à la région de Kayes dépassent, selon les estimations, de 2 à 4 fois, l'aide publique française au développement dans cette même région. - Donner un rôle moteur aux ONG, en liaison avec des communautés villageoises ou urbaines du Sud et des associations d'immigrants en France et en Europe. Toutes les actions - si modestes soient-ellescomptent car elles peuvent et doivent dynamiser et recomposer les sociétés. Quelles ouvertures pour l'avenir? Le moment est venu pour les citoyens que nous sommes de ne plus nous contenter d'affirmations justes, mais peu argumentées. Le discours politique dominant et la manipulation du thème de l'immigration parles groupes xénophobes rendenturgentes des réponses novatrices, précises et bien documentées. Il nous appartiendra donc d'approfondir, à tous les niveaux du MRAP, les analyses que nous aurons ébauchées. Revoir d'urgence les modalités des politiques d'immigration en France et en Europe ainsi que les politiques de coopération avec le Tiers Monde s'impose. Encore fautil veiller à ce que l'objectifne soit pas de mieux fermer les frontières sur un« chacun chez soi» stérile et dangereux pour la planète mais au contraire d'en permettre l'ouverture, progressive, vers la libre circulation et le libre établissement des personnes . • Bernadette Hétier Il Conférence nationale LE PEN, LE FRONT NATIONAL ET LES AUTRES C'EST AU MILIEU des années soixantedix, alors que Le Pen ne recueille que 0,62% des voix à l'élection présidentielle, que le Front national entame son ascension politique. Plusieurs phénomènes vont y concourir. Sur le plan idéologique, la« Nouvelle Droite» donne de nouveaux contenus aux vieux arguments du fascisme classique - valorisation des inégalités, racisme, élitisme - en les parant des atours d'une certaine « scientificité ». Cette extrême droite en col blanc considère, en effet, que la victoire culturelle et idéologique doit créer les conditions de la victoire politique. De l'émergence à l'ascension Sur le plan économique, le milieu des années soixante-dix voit la croissance se ralentir, le chômage se développer, les inégalités se renforcer. Parallèlement, l' opinion publique se cabre et connaît de multiples crispations et inquiétudes. La loi « sécurité et liberté» est votée en 1980 dans une quasi indifférence. 62% des Français sont alors favorables à la peine de mort, et peu à peu, les immigrés qui sont tour à tour associés au chômage, à la délinquance, à l'insécurité et au déficit de la Sécurité sociale, font figure de « causalité diabolique» ! Quelques interventions malheureuses dans des municipalités communistes - comme l'action des bulldozers dans un foyer Sonacotra de Vitry - accroissent le trouble déjà grand. Dans ce contexte, les principales forces politiques ne se rendent pas compte que sur le terrain de l'inquiétude et du rejet, l'extrême droite peut se placer aisément. De plus, à son arrivée au pouvoir, la gauche malgré de nombreuses tentatives, éprouve les plus grandes difficultés à changer les règles du j eu économique et social. L'émergence véritable du Front national commence en fait en 1981, alors que la présence de ministres communistes lui fournit un argument inespéré. Depuis cette date le FN approfondit son enracinement électoral. Des scores supérieurs à 10% pour la première fois à Dreux aux élections municipales de 1983, plus de 10% aux européennes de 1984, un groupe parlementaire de 35 députés aux élections législatives de 1986, 14% à l'élection présidentielle de 1988, 15% ou presque à celle de 1995 et surtout la gestion de trois villes importantes (Toulon, Orange et Marignane) aux dernières élections municipales. Aujourd'hui, le Front national dispose de plus de quatre millions d'électeurs, plusieurs dizaines de milliers d'adhérents, 200 conseillers régionaux, un millier de conseillers généraux et Il députés européens. Qui est l'électeur lepéniste ? Contrairement à l'électeur poujadiste des années cinquante auquel il a été trop souvent assimilé à tort, l'électeur lepéniste est très majoritairement un citadin que l'on rencontre le plus souvent à l'est d'une ligne Caen-Montpellier. Même s'il existe un vote FN dans les zones à fortes populations étrangères, il est généralement plus fort à leur périphérie. L'immigration est, dans une vision apocalyptique, tour à tour associée au chômage, à la délinquance, voire au sida. Le vote extrême droite est dans une large mesure basé sur l'irrationnel. Simultané- Déroulement de la Conférence La conférence se déroulera les 1er et 2 février de 9 heures à 18 heures à Villejuif. Les quatre thèmes retenussont: - Quel antiracisme pour le racisme d'aujourd'hui? - Citoyenneté, nationalité, lutte contre le Front national. - Problématique européenne de la montée du racisme. - Flux migratoires, problématique Nord-Sud, concepts opératoires et leurres. La réflexion sera nourrie par les interventions de Pierre-André Taguieff, Emmanuel Todd, Sami Naïr et Claude Liauzu. Différences n° 181 janvier 1997 ment le juif est stigmatisé, souvent par les mêmes personnes, et de la même manière. Dans la dernière période, le repli identitaire a été accentué par le sentiment de peur face à la construction européenne. Issu pour moitié de l'électorat RPR ou UDF, pour 25% de la gauche et nouvel électeur pour le restant, l'électorat lepéniste est de 30% parmi les ouvriers, alors qu'il ne représente que 15% des petits commerçants, 53% masculin et 18% jeune (entre 18 et 24 ans). Le FN est parvenu à séduire des couches de populations qui lui étaient traditionnellement hostiles. Son fonds de commerce ne cesse de grossir: selon un récent sondage, 30% des électeurs n'excluent pas de voter un jour pour ce parti. Les professions d'encadrement, et plus généralement les personnes qui ont fait des études supérieures, résistent sensiblement mieux à l'idéologie lepéniste. Comment en est-on arrivé là? Se nourrissant de la misère, du désarroi, de la mal vie, des mutations sociales, économiques et politiques, le FN s'attache à faire des déchirures sociales son terrain d'élection. Il faut ainsi rappeler que le désengagement de l'Etat dans les ZUP et dans les ZAC crée une brèche dans laquelle le FN n'a plus qu'à s'engouffrer. Dans les grandes cités urbaines ou suburbaines, le délitement du tissu social et la faiblesse des réseaux associatifs laïques accentuent la peur des lendemains difficiles. De plus, des grands pôles de la pensée d'après-guerre, à savoir le Parti Communiste et l'Eglise catholique, traversent tous deux une crise profonde, laissant vacants des espaces politico-culturels. Sur le plan politique, la droite parlementaire (RPR et UDF) n'a pas hésité à s'associer à des listes électorales comprenant des membres du FN (à Dreux, à Nice, ou aux dernières municipales à Vallauris, à Lunel et Fosses). Plus encore, certaines dérives verbales comme les « odeurs» de Chirac ou les multiples rencontres entre le Premier ministre Balladur et Le Pen ont largement contribué à créer un climat favorable à la montée en puissance de ce que ce dernier appelle « l'original plutôt que la copie». La gauche au pouvoir, elle aussi, en considérant le Front national comme un parti ordinaire dans une stratégie de division des droites, porte une part non négligeable de responsabilité. Lourde est également la responsabilité des médias qui non seulement ont banalisé le discours de Le Pen en l'exhibant en de multiples occasions, lors d'émissions à large audimat telle que « L'Heure de vérité », mais ont donné une place de plus en plus réduite aux organisations antiracistes et antifascistes. Un parti structuré Ce parti n'en est plus à l'état du militantisme artisanal des années soixante-dix. Il possède aujourd'hui des structures de terrain, des écoles de formation de cadres et des manuels où l'on apprend comment s'implanter chez les ouvriers, dans les associations, chez les petits commerçants. Cependant pour beaucoup d'électeurs, le discours « nazi fiant » de Le Pen est irritant et outrancier. Le Front National l'a bien compris qui utilise des associations-écrans, plus ou moins liées à la maison mère. Dans l'environnement professionnel, il faut citer la Confédération des syndicats libres (CSL), la Fédération Professionnelle Indépendance de la Police (FPIP) et surtout les «Cercles» professionnels groupés autour de l'association Entreprise moderne et liberté. D'autres milieux sont ciblés: les religieux catholiques avec la Fraternité de Saint Pie X et les groupes Chrétienté-Solidarité
- les jeunes avec les Scouts d'Europe,
les Cadets de la mer et le très virulent Groupe Universitaire de Défense (GUD) ; les femmes avec le Cercle national des femmes d'Europe; les milieux culturels avec le Club Renaissance, le cercle Montherlant et toutes les organisations de la Nouvelle droite (GRECE, Club de l'Horloge) et très récemment l'enseignement public avec le Mouvement pour un enseignement national (MEN). Enfin, comble de cynisme, il y a même une association antiraciste dans cet inventaire : il s'agit de l'Association générale contre le racisme et pour l'identité française (AGRIF) présidée par l'incontournable Romain Marie, jadis poursuivi par le MRAP pour ses propos antisémites. Les façades de l'extrême droite Si ces « camouflages» revêtent une importance considérable pour son implantation dans différents milieux sociaux, cela n' empêche pas le Front national d'utiliser une stratégie de tension dont l'histoire a montré qu'elle était indispensable pour la mise en place d'une structure totalitaire. Même si l'appareil politique du parti n'est pas associé aux différents attentats imputables ces dernières années à l'extrême droite ou aux différents groupuscules ouvertement nazis, force est de constater que les condamnations sans ambiguïté des actes de violences sont plutôt rares. Dans ce contexte, des groupes ou groupuscules ouvertement nazis se développent. Si le Front national représente la façade électoraliste de l'extrême droite, d'autres groupes qui sont eux, activistes et violents, constituent une force d'appoint non négligeable de. Ces groupes sont faibles numériquement (moins de 5 000 membres), mais cela ne doit pas pour autant nous rassurer. Considérant que le parlementarisme est un cirque, ils prospèrent notamment grâce aux liens tissés avec certains éléments de la police, les milieux de la pègre et à travers des ramifications internationales. Il serait difficile et fastidieux de dresser un catalogue complet de toutes ces organisations fascistes ou fascisantes d'autant plus que certaines sont comme des caméléons et disparaissent ou réapparaissent au gré des problèmes internes et ces réapparitions se font sous des noms différents. Citons pour mémoire le Parti nationaliste français et européen (PNFE) qui est aujourd'hui de loin le plus important de ces groupuscules ou encore les Faisceaux nationalistes européens (FNE), l'Oeuvre française dirigée à l'origine par Pierre Sidos, fils d'un ancien milicien fusillé en 1946. En particulier à Toulon on a assisté ces dernières semaines à des rapprochements entre des militants de l'Oeuvre Française et ceux du FN. Enfin, même s'ils s'en défendent, Le Pen et ses acolytes surtout dans la dernière période Année européenne contre le racisme La Commission européenne et les gouvernements des Etats membres ont décidé le 26 juillet dernier de faire de l'année 1997 une « année contre le racisme ». Une consultation a été organisée par la ve direction (Affaires sociales) de l'Union auprès d'un certain nombre d'ONG des quinze pays de l'Union. Le MRAP faisait partie des organisations invitées. Une ouverture solennelle se déroulera à La Haye, les 30 et 31 janvier. Le MRAP participera à cette année sans aliéner son indépendance mais sans refuser les coordinations possibles. Un projet est déjà à l'étude. Jean-Jacques Kirkyacharian Différences n° 181 janvier 1997 1 er et 2 février s'appuient fortement sur les mouvements skins, en permettant l'exhibition de groupes musicaux de cette mouvance lors de fêtes du FN. Que faire pour endiguer cette vague? Le problème est certes délicat car l'émergence du Front national est la résultante d'un grand nombre de paramètres -la crise, le nationalisme de séquelle, la peur de l'avenir, les stratégies politiques et la liste n'est pas close. Ramener la montée du Front national à un seul paramètre serait une erreur d'analyse. Des solutions politiques ont été tentées avec la formation de fronts républicains. Une stratégie parfois heureuse comme ce fut le cas à Mulhouse, mais qui ne modifie pas radicalement le comportement global des électeurs même si ceux-ci sont fluctuants. Les solutions doivent, semble-t-il, se focaliser tout d'abord sur l'information en rappelant que le Front national est raciste, antisémite, élitiste, anti -intellectualiste et que son programme social inégalitaire à outrance mène à plus ou moins longue échéance à la ruine. Ce devoir d'information est d'autant plus important que 60% des électeurs lepénistes ont comme motivation électorale le couple immigrés-sécurité. Là aussi le devoir de mémoire est nécessaire. Paradoxalement la presse étrangère semble plus inquiète que la presse de l'Hexagone. Le vote Front national étant l'expression d'un malaise social, un traitement social s'impose car son ancrage n'est pas inéluctable. Ici et là des solutions sont déjà proposées pour reprendre sur le terrain la place occupée par le FN. Des communes, en liaison avec le réseau associatif, s'efforcent de mettre sur pied des opérations d'information, d'entraide en milieu HLM ou scolaire, de mettre en relation des populations françaises et étrangères, et d'associer tous les citoyens à la recherche de solutions à la délinquance ou au chômage. Bref, toute action permettant de maintenir la cohérence du tissu social s'avère positive. En conclusion, chacune et chacun de nous, démocrate, antifasciste, antiraciste, pouvons apporter notre pierre par une action résolue sur le terrain. C'est la démocratie qui est en jeu: à nous de la préserver en gardant la mémoire en éveil. • Pierre Krausz • Il Du théâtre pour la nouvelle année LE TILF OU L'INTERSECTION COSMOPOLITE INVENTER quelque chose au «point d'intersection de la création internationale et de la langue française », tel était le pari de Gabriel Garran lorsqu'il créa, voilà onze ans, le Théâtre international de la langue française, après avoir fondé le Théâtre de la Commune, à Aubervilliers. Son but était de construire une structure produisant ou accueillant des artistes du monde francophone . Installé depuis trois ans au Pavillon du Charolais à la Villette, le TILF a tenu ses promesses. Du théâtre québécois aux marionnettes du Vietnam, en passant par la tradition orale d'un conte peul recueilli et mis en forme par Hampâté Bâ, le panorama est large et varié. Les spectacles sont ouverts à la réflexion, où l'humour côtoie la tendresse, la naïveté et le dé- MINORITÉS EN QUESTION L E GROUPEMENT pour les Droits des Minorités (1) et le Centre d'Etudes sur la Turquie, le Moyen-Orient et les Balkans (CETOB), ont tenu un colloque intitulé « Les minorités en question », les 29 et 30 novembre 1996 à l'Université Paris 8 SaintDenis. L'ensemble a davantage porté sur les minorités territoriales ou nationales que sur les immigrés, diasporas etminorités non-territoriales. Yves Lacoste (géographe et directeur de la revue Hérodote) a souligné que la reconnaissance d'une minorité s'exerce d'abord dans l'autodéfinition de ses membres, mais passe aussi par des paramètres objecpaysement. Un lieu de création et une ambiance particulière. Le programme : - « Le Champignon ou l'inverse de l'inverse », de Tzvetan Marangosov, 14 au 19/1/97 - « Le Faucon », repris au Théâtre Déjazet, 18/2 au 6/4 - « Monsieur Lovestar et son voisin de palier », d'Eduardo Manet, 1er au 23/3 - Francophonie au féminin, 22/4 au 4/5 - Afrique Blanche et Noire, Du Nord au Sud, un continent d'écriture, 28/5 au 14/6 - La Réunion Antilles-Guyane, Les îles au Pavillon du Charolais, 24/6 au 6/7. Renseignement, location: 01 40 03 93 95. A noter pour les petites bourses, un tarif unique de 50 francs les mardis et jeudis. tifs (langue, durée d'installation, gouvernement par l'un des siens). Pour Hemi Giordan (CNRS, GDM), une minorité se définit d'abord par « unrap- Colloque port de force, entre un groupe donné et la formation politique dominante» (en général l'Etat). Face à la mise en place d'une Europe des régions, il propose de réfléchir à la notion d' « Etat hétérogène », capable de faire coexister en son sein des groupes variés. Bruno Hamard (historien, Paris 1) propose une définition moyenne de la minorité, au croisement de cinq BOBIGNY ACCUEILLE Il LES FILS DE L'AMERTUME IJ et les adhérents du MRA' S LIMANE BENAIS SA est l'un des vétérans, parmi les plus talentueux, du théâtre algérien. Auteur et metteur en scène, il possède à son actif de nombreuses créations qui ont fait le tour d'Algérie et, ces dernières années, le tour d'Europe. Le théâtre de Bobigny accueille sa dernière pièce,Les Fils de l'amertume, créée au festival d'Avignon l'été dernier et mise en scène avec son compère, Jean-Louis Hourdin. Cette pièce est prometteuse, et Slimane Benaïssa en explique ainsi le propos: « Ecrire sur l'Algérie, c'est se risquer à tous les niveaux. C'est risquer, comme dans ma situation, de justifier l'exil. C'est risquer d'être manichéen, et simplifier plus que d'ordinaire les enjeux. C'est risquer de faire des démocrates des victimes naturelles. C'est risquer de faire des musulmans des intégristes par nature. C'est aussi risquer de faire du malheur un fonds de commerce. ( ... ) Les fils de l'amertume est une question et non une réponse. J'ai écrit pour comprendre et non parce que j'ai compris, et je n'ai pas montré la mort d'unjoumaliste pour culpabiliser sur mon malheur, mais pour placer le dialogue que le théâtre établit avec le public.» 9 janvier au 2 février 1997. Un tarif réduit de 100 francs (au lieu de 140 francs) est proposé aux adhérents du MRAP. Réservation obligatoire au : 01 41 60 72 72. Chérifa B. notions fondamentales: la traitement social à deux vitescommunauté, ou forme de groupement imaginée par ses membres; l'existence de particularités subj ectives (espace, langue ... ); le caractère offensif ou défensif des revendications particulières; la conscience et la volonté d'appartenir en soi à une minorité, la conservation d'une mémoire commune; l'autodéfinition, autour du sentiment d'infériorité (ou discriminé) du groupe minoritaire face au groupe majoritaire. Gérard Mairet s'est intéressé, pour sa part, aux aspects philosophiques de la définition. Bruno Quemada Guriste et syndicaliste), a rappelé que dans le système français, les problèmes d'intégration et la question des minorités entrent en partie en contradiction. Pour lui, nous sommes devant la mise en place d'un système généralisé de ses, avec une différenciation « au faciès », qui ne touche pas seulement ou forcément les étrangers, mais aussi les minorités « visibles» (Antillais, Français d'origine maghrébine, orientale ... ). Ont également été abordés les cas des Balkans (Dimitri Analis, Duchan Batakovic), des Basques (Barbara Loyer), de l'ex-Union soviétique (Wanda Dressler), du Kurdistan (Kendal Nezan), des Tsiganes (Christophe Delclite). Nathalie Serfaty (GDM) puis Dominique Sevet (Lyon) ont pour leur part traité des minorités et des peuples autochtones au regard du droit international. • Laurent Canat (1) GDM, 212 rue Saint-Martin, 75003 Paris, tél: 0142742597, président: Yves Plasseraud Différences n° 181 janvier 1997 } ) SAHARA OCCIDENTAl: RÉUNION À BARCElONE Une conférence européenne de solidarité avec le peuple sahraoui s'esttenue mi-novembre à Barcelone. Le MRAP y était représenté par Robert Savelli, membre du Conseil national. Cette conférence a étudié la situation politique, caractérisée par les atermoiements et les manoeuvres de la partie marocaine qui parle de paix, mais n'a pas renoncé à la répression, et à la situation économique difficile dans les territoires occupés et dans les camps de Tindouf. La visite, à la fois scientifique et politique, effectuée il y a plus d'un an par Théodore Monod et plusieurs géologues et botanistes, n'a guère eu de retentissement dans les médias français malgré l'appui de plusieurs ONG dont la Fondation Danielle Mitterrand. Cependant l'attribution du prix Nobel de la paix à Monseigneur Belo et José Ramos Horta - de TimorEst - peut, par ricochet, nous aider à attirer l'attention sur ce qui se passe dans de petits pays opprimés par des grands. Tout en résistant à la répression et en poursuivant l'effort politique, le peuple sahraoui construit vaille que vaille son avenir démocratique; il a besoin de notre aide politique et aussi économique. Les militants du MRAP devraient favoriser la création de comités de solidarité partout où c'est possible; le siège peut leur communiquer les adresses nécessaires .• J.-J. Kirkyacharian Le pasteur André Dumas et Anne-Marie Goguel nous ont quittés Il Y a quelque temps, nous apprenions avec tristesse la disparition du Pasteur André Dumas qui appartenait depuis les débuts au Comité d'Honneur du MRAP et fut toujours disponible pour soutenir notre action. En mai 1984, il accueillait à la Faculté de Théologie Protestante, qu'il dirigeait, la cérémonie de remise de l'Ordre du Mérite à Anne-Marie, membre du Bureau National, où elle exprimait une même sensibilité dans le pluralisme de notre Mouvement. Anne-Marie Goguel vient de nous quitter. Agrégée de philosophie, elle avait enseigné en Argentine, à Madagascar, et elle exerçait à l'Université de Dijon quand elle est devenue dirigeante du MRAP, au début des années 70, après avoir pris part à la fondation du Centre de liaison des éducateurs contre les préjugés racistes en 1957. Auteur d'articles dans nombre de revues, elle s'est particulièrement mobilisée dans la lutte contre l'apartheid et, plus récemment, la solidarité avec l'Afrique du Sud nouvelle. Elle avait participé en 1978 à l'ouvrage collectif « La France et l'apartheid» (L'Harmattan-Droit et Liberté) et publié, la même année, avec Pierre Buis, « Chrétiens d'Afrique du Sud face à l'apartheid» (L'Harmattan). Ceux qui ont milité à ses côtés ne sauraient oublier ses qualités de coeur, son ouverture d'esprit et la rigueur de sa pensée, inestimable apport à notre combat commun. Albert Lévy Mémoire Merci pour le passé L'abbé Pihan est décédé l'été dernier. Bertrand Bary propose ici un extrait de son livre intitulé « Merci pour le passé» (1) Un matin de 1960, j'eus la visite de Madeleine Bellet, la directrice de Vaillant, accompagnée d'un homme, jeune encore, dont elle m'apprit qu'il se nommait Albert lévy et qu'il était le secrétaire général du MRAP, initiales qui signifiaient alors : Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix. Je crois que j'ignorais alors jusqu'à l'existence de cet organisme. Il ne s'agissait que de participer à un colloque qui devait se tenir en Sorbonne le 1er mai, sur le thème des responsabilités des enseignants et des éducateurs dans la lutte contre les préjugés raciaux. On me sollicitait pour la Commission « Rôle de la presse enfantine ». Après le colloque, nous créâmes un Centre de liaison des éducateurs contre les préjugés raciaux (CLEPR). Par le CLEPR, j'avais fait connaissance avec le MRAP. On me pressa de participer au Bureau national du Mouvement, comme représentant du CLEPR. En 1970, je dus céder aux affectueuses pressions du président, l'écrivain-journaliste Pierre Paraf, qui souhaitait que je devienne l'un des vice-présidents: « Le MRAP se veut résolument pluraliste. J'aimerais que vous y représentiez la composante évangélique ». ( ... ) Or, j'ai découvert là des camarades animés par une conviction authentique et profonde: celle de la fraternité humaine, de la nécessité de faire respecter la dignité de tout homme. J'ai découvert leur générosité et leur désintéressement; ils sont presque tous bénévoles et ils se donnent sans compter. Je ne dis pas que le Mouvement est parfait, mais au moins on s 'y explique avec franchise, avec vigueur s' il le faut, et j'admire les efforts que l'on y fait pour que le point de vue de chacun y soit respecté. Je n'hésite pas à dire que la conduite de ces camarades quej'ai appris à connaître a été une interrogation constante pour ma propre conduite et un objet d'admiration car, en tant que chrétien, je voyais là un témoignage de la puissance de l'Esprit d'Amour« qui remplit l'univers » et ne se laisse pas enfermer dans les limites d'une Eglise. Et puisj'ajoute que j'ai vu dans ma participation à la lutte antiraciste comme un devoir de justice, non seulement à l'égard des innombrables victimes actuelles du racisme, mais aussi à l'égard de tous ceux qui ont été massacrés ou qui sont morts dans les camps nazis. Ancien résistant interné, rescapé, je me sentais comptable envers eux. Je me suis moi-même découvert raciste. J'ai constaté qu'il n'était pas si facile de se débarrasser de tout préjugé envers les différents groupes humains, de ne jamais prononcer la moindre parole impliquant, même inconsciemment, mépris ou condescendance à l'égard des autres. Et puis, j'ai découvert l'ampleur du phénomène raciste sous toutes ses formes et sous toutes les latitudes. J'ai été sensibilisé à la permanence d'un racisme quotidien, souvent larvé, quasi inconscient, qui sévit chez nous. Racisme et xénophobie se parant souvent de prétentions patriotiques ou sociales. Abbé Pihan (1) Editions Fleurus, 1985 Différences n° 181 janvier 1997 • Il Pédagogie de la mémoire PETIT PROJET DEVIENT GRAND cours du Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information. Chacune des affiches comporte une série de questions relatives aux textes, aux titres, aux photos, à la mise en page. L'analyse aboutit à la constatation suivante : il n'y a pas une seule lecture mais plusieurs. L'intérêt réside dans la confrontation de ces lectures qui permet une meilleure connaissance de l'autre et de soimême. Les élèves constatent, en effet, qu'ils ne réagissent pas de la même façon. La comparaison des journaux les amène à tirer des conclusions par rapport à ce qu'ils ont acquis. A la suite de ce travail, des élèves de seconde et de première sont allés plus loin: ils ont étudié le contexte historique à partir de la presse. Lorsque l'enseignement est vivant, les faits historiques n'ont plus le caractère suranné et abstrait que leur attribuent d'emblée les élèves. Pour cela, il faut inventer des outils, des méthodes, des projets. C'est ce qui se fait depuis plusieurs années au lycée Foch à Rodez. Point de départ: le procès Barbie. Au PRINTEMPS 1987, les regards de la presse française et internationale sont braqués sur le palais de justice de Lyon. Klaus Barbie, ancien responsable de la Gestapo lyonnaise, accusé de crimes contre l'humanité, va être jugé. Beaucoup d'interrogations surgissent, reprises par les journalistes. Est-il utile et nécessaire d'organiser un procès quarante ans après les faits? Le procès va-t-il apporter des informations nouvelles ? Est-ce le procès du responsable de la Gestapo de Lyon ou le procès du nazisme en général ? Peut-on faire une distinction entre crimes de guerre et crimes contre l'humanité? La France est-elle prête à s'interroger sur ce que fut la collaboration du gouvernement de Vichy avec l'Allemagne nazie? Comment la presse « couvrira-t-elle» l'événement? Comment découvrir l'originalité de chaque journal? Au lycée Foch de Rodez naît l'idée d'un projet d'actionéducative intitulé « l'étude du procès Barbie à travers la presse ». Dans un premier temps, un groupe d'enseignants de disciplines différentes (allemand, espagnol, histoire-géographie) réalise un outil pédagogique permettant d'étudier la une de onze journaux nationaux et régionaux (1) au moment de l'ouverture et de la fin du procès. Les questions posées aux élèves permettent de s' interroger sur les mécanismes de la presse, sur les titres, les photos, les caricatures. Cette approche doit contribuer à la découverte de la diversité de la presse, des analyses et des informations. Il s'agit d'une recherche à deux niveaux: sur la presse et le discours de presse autour d'un événement immédiat; mais aussi sur la découverte de l'histoire du nazisme. Presse et histoire L'outil pédagogique, ainsi créé, constitué de 22 affiches (2) a été repris par le CRDP de l'Aveyron et publié avec le con- Témoignages et plaidoiries Une étude des témoignages et des moments importants du procès a été menée à travers une analyse comparative des dépêches de l'Agence France Presse, des quotidiens parisiens - Le Monde, Libération, Le Figaro - et du quotidien régionalLa Dépêche du Midi. L'objectif consistait à rapprocher les commentaires de la presse des propos tenus par les témoins et les avocats. En même temps qu'ils découvrent l'horreur, l'ampleur du nazisme, ils exa- Presse et Histoire Le CLEMI de Toulouse et le CRDP de Midi-Pyrénées ont édité un livre à partir de ce travail pédagogique: « Presse et enseignement de l'histoire» (1). La première partie relate l'expérience de l'analyse des « unes » présentée ci-dessus, tandis que la seconde s'attache plus au fond et constitue l'approche historique et sémantique. Y figure également l'interview de l'un des journalistes qui ont couvert le procès Barbie. Enfin, la mise en page agréable et commode ne peut que susciter l'intérêt des enseignants comme celui d'un plus large public sensible aux questions de « pédagogie de la mémoire ». (1) Claude Carrié, Roger Cussol, Bruno Derousseau, Jean-Philippe Marcy, 1995. Diffusion: CRDP et CNDP Différences n° 181 janvier 1997 minent les différences de traitement de l'information. Teljournal, par souci d'objectivité, retient aussi bien les attitudes positives que négatives de l'Eglise catholique par rapport aux juifs, tel autre journal fait le silence sur les attitudes négatives ... Le travail a été réalisé en groupes. Les difficultés rencontrées ont été exprimées. Ce fut aussi l'occasion d'une démarche historique. « C'est une période que l'on croyait connaître, on l'a découverte ... Et puis l'approche très personnelle a été différente de celle des manuels scolaires », ont dit les lycéens. Ce travail d'analyse des témoignages et des plaidoiries fut le plus important. Il a souvent provoqué un véritable bouleversement. Les élèves ont toujours eu la volonté de relier l'Histoire et le présent. L'étude des témoignages est beaucoup plus parlante que la lecture d'un ouvrage savant. Il est vrai que l'histoire ne peut être constituée d'une simple accumulation de témoignages, elle est aussi une reconstitution. Rencontres En mai 1988, un colloque intitulé « Procès Barbie, procès de la mémoire» réunit un millier de participants. Il a permis aux élèves de rencontrer les journalistes de l'AFP, du Monde, de Libération, deLa Croix, deLa Dépêche du Midi qui avaient « couvert» l'événement. Patrice Girard, historien de l' antisémitisme, Paul Gauthier, auteur de Chronique du procès Barbie (3) et Jorg Eschenauer, responsable de l'association allemande ASF (4) étaient aux côtés des journalistes. Rencontre exceptionnelle
- les journalistes
examinent le travail des élèves avec attention et trouvent souvent pertinentes les remarques concernant leurs articles, tandis que les jeunes posent de nombreuses questions à ceux qui ont relaté le procès. Les prolongements duPAE Les prolongements de cette expérience ont été nombreux. N euflycéens et l'animateur du PAE ont participé au deuxième symposium international sur l'éducation à la paix, organisé par la Ligue internationale de l'enseignement à Paris en 1990. Ils ont animé un atelier sur le thème « le procès de Klaus Barbie ou la transmission du passé comme une éducation à la paix ». Rendez-vous a été pris à Bonn entre un lycée de la ville et celui de Rodez. Pendant cinq jours, trente lycéens se sont interpellés autour du thème: quelle connaissance avons-nous de la Seconde guerre mondiale? Des élèves allemands ont présenté le contexte historique de Bonn à l'époque nazie. Les Français ont parlé de leur travail sur le procès Barbie. Il y eut d'autres temps forts : la vision du film Hôtel Term inus de Marcel Ophüls; le témoignage d'une Allemande appartenant à la communauté juive de Bonn; la visite des locaux de la Gestapo à Cologne. L'ensemble de cette expérience a été passionnant: les élèves ont appris à présenter un dossier, à lire la presse, à élaborer des grilles d'analyse et la plupart ont situé leur travail dans le cadre d'une éducation à la paix. Pour Jorg Eschenauer : « A travers le savoir-faire (étude de la presse) et les connaissances (savoir historique), les enseignants ont eu l' 0 bj ectif de réveiller le désir de devenir citoyen! Défendre un propos contre l'avis des autres, apprendre à se mettre à la place des autres (les victimes de Barbie), se respecter dans les conflits inévitables de travail en commun, organiser ensemble ce travail, développer une curiosité concernant les opinions d'autrui, tels sont les effets très positifs du PAE du lycée Foch que j'ai pu constater lors de notre rencontre à Bonn où les élèves de Rodez ont exposé leur projet d'une façon très souveraine et convaincante ». L'Aveyron pendant la guerre Ce travail se prolonge aujourd'hui par l'ouverture d'un nouveau chantier: l'Aveyron pendant la Seconde guerre mondiale. Des professeurs d'histoire participent aux travaux de la commission d 'histoire de la Résistance. Nous sommes trois à participer aux recherches de l'Institut d'Histoire du Temps Présent (CNRS). Des colloques sont organisés et des livres édités. La recherche sur l'Aveyron pendant la seconde Guerre mondiale est intense. Les élèves disposent de nouveaux outils et tous les sujets sont abordés sans tabou. L'association allemande ASF (Aktion SühnezeicheniFriedensdienste) est le partenaire privilégié du lycée Foch dans le travail sur la mémoire et l'Histoire (animation de rencontres avec des lycéens de Bonn et de Berlin, PAE racisme- immigration). L'Histoire constitue un instrument qui permet à l'élève d' étudier le passé, de s'interroger, de mieux comprendre le monde d'aujourd'hui et de se construire .• Jean-Philippe Marcy (1) Le Monde, Libération, L'Humanité, Le Matin, Le Figaro, La Croix, Le Quotidien de Paris, La Dépêche du Midi, Centre Presse, Midi Libre, Le Journal du Centre (2) Il s'agit de 22 affiches de 44 cm sur 66 reprenant l'ensemble des titres, des articles et des photos des « unes» des onze quotidiens choisis (3) Editions du Cerf, Paris, 1988 (4) Action - Signe de réconciliation - Services pour la paix, Berlin Histoire coloniale 8 janvier 1957 les paras dans la Casbah Le 8 janvier 1957 débutait l'un des épisodes les plus cruels de la guerre d'Algérie: la « Bataille d'Alger ». Cette opération militaire fut aussi une succession d'actions terroristes et de rafles policières. Bien qu'elle soit profondément ancrée dans la mémoire collective, aucun drapeau ne la porte inscrite en lettres dorées dans ses plis. La publication récente des archives militaires la passe sous silence. Les paras entraient dans la Casbah pour contrer l'ordre de grève générale que le Front de libération nationale s'apprêtait à déclencher. Fraîchement débarqués à Alger, revenant d'Egypte avec le sentiment d'avoir été frustrés de leur victoire, on peut imaginer qu'ils avaient fortement envie de « casser de l'Arabe ». Cette « bataille» marque un tournant décisif dans la conduite de la guerre qui se fondera désormais sur la terreur de masse et l'établissement d'un système concentrationnaire calqué sur celui du national-socialisme des années 1930. Le colonel Trinquier, « spécialiste » de l'Organisation des Populations Urbaines affirmait: « la population abrite les terroristes, elle les connaît, elle peut donc les dénoncer si on lui en donne la possibilité ». Les paras n'allaient pas lésiner sur les moyens et les occasions de la lui offrir. Dès le premier jour, des milliers d'individus sont conduits dans des centres spécialisés à cet effet et édifiés à la hâte. La torture sous toutes ses formes devient la seule méthode d'investigation. Improvisée au départ, elle va s'institutionnaliser rapidement avec ses structures, ses cadres, ses règles de fonctionnement et ses centres de formation. Elle devient peu à peu une pratique courante de l'armée française. Le père Delarue, aumônier des paras, libère les scrupules de certains dans un étonnant sermon justifiant la torture. C'est d'ailleurs à cette époque que le lieutenant J. -M. Le Pen recevait la Croix de la valeur militaire des mains du général Massu. Quelques individus se rebellent, mais ils restent isolés et peu nombreux. La répression s'abat sur eux. Le jeune professeur de mathématiques à la faculté d'Alger, Généralisation de la pratique de la torture Maurice Audin, comme l' avocat bien connu, Ali Boumendjel, disparaissent, probablement morts sous la torture. Ben M'hidi, l'un des chefs historiques de la Révolution algérienne, est fusillé après avoir été torturé. Henri Alleg, le directeur du quotidien Alger Républicain, racontera son calvaire dans « La Question» (1) qui, malgré la censure, connut un grand retentissement. On recensait en août 1957, quelque 20 000 personnes assignées à résidence dans les nombreux camps ouverts sur l'ensemble du territoire algérien et quelque 3 000 « disparus ». La bataille d'Alger se termine en octobre 1957 par l'effondrement momentané du FLN à Alger. Cet épisode de la guerre d'Algérie a soulevé les réactions les plus passionnées car il représente un point extrême de la violence qu'une institution ait pu porter contre un peuple .• Pierre Gourdou (1) Editions de Minuit, 1958 Différences n° 181 janvier 1997 • Il EN BREF • Une bombe a explosé dans le RER, à la station PortRoyal, le 3 décembre. Quatre morts et de nombreux blessés. • Assemblée générale de la Cimade à Toulon le 14 décembre. Thème des débats: les moyens de la lutte contre le Front national. • « Rien et nulle part », tel est le titre d'un excellent documentaire réalisé par Christiane Pencreac'h sur les jeunes étrangers qui se retrouvent, du fait des méandres de la loi, en situation irrégulière. • Les sans-papiers de Saint-Bernard passent Noël au théâtre du Soleil à Vincennes à l'invitation d'Ariane Mnouchkine. Le FNfait l'union à l'extrême droite Deux groupuscules fascistes se sont explicitement rapprochés du Front national. Le 2 novembre c'est le mouvement Nouvelle Résistance qui constatait l'« évolution» du parti lepéniste et décidait de laisser ses adhérents « libres de rejoindre le FN ». Une semaine plus tard, le 9 novembre, les dirigeants de l'Oeuvre française donnaient une conférence de presse à Orange dans le but de faire connaître leur grande sympathie pour le FN. Les déclarations de Le Pen sur l'inégalité des races ont peut-être contribué à cette alliance. Il faut aussi y voir les résultats positifs de la stratégie de rassemblement des mouvements d'extrême droite menée par le FN. Stupéfiant Stéphane, un jeune homme de dix-huit ans a été condamné le 22 novembre par le tribunal de Bobigny pour coups et blessures à l'encontre de policiers. Ceux-ci se sont rendus à l'appartement familial où le jeune homme et sa soeur âgé de 14 ans écoutaient, fenêtres ouvertes, la musique du film « La Haine ». Lorsqu'il s'est aperçu que les policiers montaient chez lui, Stéphane a versé de l'ammoniaque sur le palier. Mais le motif réel de la condamnation semble bien être, selon les attendus dujugement, le suivant
- « Le fait d'ouvrir
CHRONO PO une fenêtre et de diffuser bruyamment à l'extérieur une musique ou des chants insultant les forces de l'ordre, en sus d'une diffusion non autorisée par les compositeurs, est un outrage manifeste ... » L'avocat de Stéphane, membre du MRAP, a fait appel. (D'après communiqué du MRAP, 25 novembre). Le parquet classe Le MRAP avait décidé début septembre de porter plainte contre Le Pen pour ses déclarations sur l'inégalité des races. Le 28 novembre, le parquet de Rennes a renoncé à le poursuivre, en invoquant les insuffisances de la loi. Suspension Début décembre, le directeur d'une école d'Agde, élu municipal FN, a été suspendu de ses fonctions pour quatre mois par l'inspecteur d'académie de l'Hérault. Selon Le Monde, cet instituteur avait le 17 septembre dernier, « fait travailler sa classe de CMI sur un article de presse relatant l'itinéraire de Khtab, cet adolescent meurtrier du jeune Nicolas, poignardé dans une rue de Marseille, le 9 septembre. Le texte était assorti de questions sans nuances sur les actes de violence commis par le jeune meurtrier et d'un corrigé tendant à démontrer que la société ferait plus de cas des meurtriers que des victimes. L'enseignant avait aussi illustré un cours sur les dérivés du pétrole en expliquant le mode de fabrication d'un cocktail Molotov. »Des parents d'élèves se plaignent autant de la pédagogie très particulière de l'élu FN que de propos racistes et d'une attitude globale qu'ils jugent déstabilisante pour des jeunes d'une dizaine d'années. L'inspection académique mène désormais l'enquête sur les faits reprochés à M. Escaffit. Le FN à la cantine Le maire FN de Marignane, Daniel Simomplen, a pris deux décisions liées aux cantines scolaires. Pour la deuxième année, le 24 juin le conseil municipal votait la suppression des plats de substitution à ceux contenant du porc dans les cantines des écoles maternelles et primaires. Lamunicipalité FN avait également choisi de réserver l'accès aux restaurants scolaires aux seuls enfants dont les deux parents travaillent. Familles et as- Dans deux mois, la Semaine nationale d'éducation contre le racisme Dans le cadre de cette campagne qui s'élargit au fil des années, le secteur éducation du MRAP met à votre disposition un certain nombre de supports. • Un supplément de huit pages des Clés de l'actualité ainsi qu'un encart spécifique dans l'édition junior s'adressant aux élèves du primaire. • Choisir,la revue du CNDP, consacrera son numéro de février à l'éducation aux droits de l'Homme: il comportera un dossier filmo-bibliographique sur le racisme (des tirés à part seront à votre disposition). • Un magazine-vidéo de 20 mn sur la Semaine d'éducation contre le racisme, réalisé par l'association Orchidées en partenariat avec le MRAP. Orchidées produit à l'attention des élèves des lycées et de leurs enseignants un magazine-vidéo trimestriel sur les questions d'actualité liées aux droits de l'Homme et à l'éducation au développement. Orchidées dispose déjà d'un réseau d'environ 200 établissements. Le MRAP est désormais membre du conseil de rédaction. • Une affiche « officielle» commune à toutes les associations qui animent la semaine sera disponible fin janvier. Dès à présent, faites connaître vos besoins et passez vos commandes auprès des animateurs du secteur éducation. Différences n° 181 janvier 1997 , UR MEMOIRE soclatlOns de parents d'élèves s'étant plaints, le tribunal administratif a tranché le 27 novembre. Il a confirmé la première décision et annulé la seconde. Les Suisses parlent fort Conviés aux urnes le 1 cr décembre pour un référendum portant sur deux questions, les citoyens suisses ont voté à 53,6 % contre la restriction du droit d'asile. L'autre question concernait un assouplissement de la loi sur le travail qu'ils ont également rejeté. Rassemblement au Panthéon Un rassemblement a été organisé le 7 décembre place du Panthéon par des associations et des syndicats de l'université Paris II-Panthéon Assas. Le MRAP s'y est associé. En effet, dans le courant du mois d'octobre dernier, le président de cette université a décidé de confier à nouveau le monopole de l'organisation de la Journée du livre d'Assas à une association proche de l'extrême droite, le Cercle qui a déjà organisé ce geme de manifestation en invitant le gratin des auteurs d'extrême droite. Les étudiants comme les enseignants n'en veulent plus: ils se sont adressés au président de l'université pour lui signifier leur colère et lui demander de retirer son autorisation. LaCNCDH pointe la Tunisie Dans un communiqué en date du 10 décembre, le Centre d'information et de documentation sur la torture en Tunisie attire notre attention sur un avis de la CNCDH évoquant la question des droits de l'Homme en Tunisie. La Commission recommande au gouvernement français d'agir en direction des autorités tunisiennes pour les amener à respecter leurs engagements internationaux et souligne « la nécessité de mettre les statuts du Comité supérieur des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en conformité avec les principes directeurs des Nations-Unies ... » La Commission souhaite également que la Tunisie figure à l'ordre du jour de la prochaine session de la Commission des droits de l'Homme. Projet de loi Debré Le projet de loi Debré sur l'immigration a été Du côté des Gens du Voyage Le MRAP a protesté auprès de MM. Debré et Toubon, au sujet d'une opération, disons musclée, à Vernouillet (Yvelines) le 10 octobre. Sans nous prononcer sur les motifs de cette opération, nous avons déploré « que souvent les forces de l'ordre fassent montre d'un comportement négatif dépassant la nécessité de leur action )). Des incidents du même ordre ont eu lieu ces trois dernières années, notamment en Région parisienne, en Seine-et-Marne, dans l'Oise. Nous demandons à MM. Les ministres de préconiser des modes d'intervention « plus compatibles avec le respect de la personne humaine et en rapport avec les actes reprochés )). M. Debré a également annoncé au Congrès des maires qu'il voulait les « associer à l'application de la loi )).11 a en effet annoncé qu'il ferait « très bientôt des propositions au Premier ministre )). « A l'heure actuelle, nous envisageons de donner la faculté au maire de saisir le juge pour qu'il ordonne l'évacuation des caravanes irrégulièrement stationnées sur un terrain privé, à partir du moment où ce stationnement porte atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique .•. Je souhaite également que soit accru le degré des sanctions qui frappent le stationnement irrégulier de caravanes )) ! Pour les Voyageurs, des sanctions, davantage de sanctions ... Pour les maires, en défaut avec la loi (et c'est la majorité) mieux vaut n'en pas parler! Bertrand Bary voté par l'Assemblée nationale le 19 décembre après trois jours de discussion. Ces débats ont durci le projet initial. Nous reviendrons sur ce dossier dans notre prochaine livraison. Pour l'heure, les principaux éléments qui modifient la loi actuelle concernent
- le certificat d'hébergement
et les contraintes que subira l'hébergeant; les obstacles au renouvellement des cartes de résidents, des restrictions au versement des prestations familiales, la délivrance de titre de séjour temporaire à de nouvelles catégories de personnes, la possibilité de faire procéder à des fouilles dans les 20 kms frontaliers et les zones portuaires sans définition des critères pouvant justifier ces fouilles, la suppression de la Commission de séjour, le délai de rétention administrative porté à 48 heures au lieu de 24. Racisme sur Internet L'université de Lyon II a décidé de porter plainte le 20 décembre contre deux étudiants qui ont été mis en examen pour « menaces et injures à caractère raciste» adressées via le réseau Internet à une artiste canadienne. Ils lui avaient transmis en mars dernier un message explicitement antisémite dans sa boîte aux lettres. Ils seront également traduits devant le conseil de discipline de l'établissement. Eléments d'information rassemblés par Chérifa B. Différences n° 181 janvier 1997 EN BREF • « Il ne restait guère sur les bancs de l'hémicycle qu'André Gérin (PC), Julien Dray (PS) ... et Pierre Mazeaud, président RPR de la commission des Lois, qui tenta de faire barrage aux amendements (plus de 350 !) de ses collègues en folie. )) (Le Canard enchaÎné, 24 décembre). • Une opération de régularisation des étrangers est en cours en Italie. Elle devrait concerner 250000 personnes. • Rétrospective cinématographique à l'Institut du monde arabe autour du thème « Immigrés, d'une génération à l'autre )) tous les samedis et dimanches des mois de janvier et février. Tél: 01 40 51 38 38 .. Contre l'extrême droite Appel----du Palais du Luxembourg A j'Issue du colloque au Sénat sur J'extrême droite, qui s'est déroulé le 16 novembre dernier, le MRAP a lancé l'appel ci-dessous destiné à être signé par 100 000 personnes « Cinquante ans après le procès de Nuremberg qui devait condamner sans appel les menées meurtrières des bourreaux nazis, notre pays est gangrené par la montée de l'extrême droite. Son enracinement se manifeste de la manière la plus concrète par des déclarations haineuses et racistes, des attentats meurtriers et des tentatives de délation et d'intimidation. Se nourrissant de la misère, du chômage, de l'inquiétude devant les incertitudes sociales et économiques pour l'avenir, le Front national n'hésite pas à faire de cette fracture son fonds de commerce. A travers des associations de toutes sortes, dont quelquesunes sont ouvertement néo-nazies, il tente de s'installer durablement dans le paysage politique de notre pays. Il y parvient d'autant mieux que la banalisation des thèses du racisme est encouragée par certaines initiatives des pouvoirs publics en matière d'immigration ainsi que par certains élus en quête de suffrages dans l'électorat du FN. Ainsi l'extrême droite toute entiére voue les immigrés, comme jadis leurs frères Juifs, au rOle douloureux de « bouc émissaire ». Cela n'empêche d'ailleurs pas la multiplication des attaques antisémites, généralement mêlées à de violentes diatribes contre l'avortement, le sida, les Francs-maçons et, plus généralement, tout ce qui ne correspond pas à un ordre hérité des sphères les plus obscurantistes de notre société. Les comportements xènophobes et antisémites se font sans cesse plus violents. L'histoire contemporaine a montré que si nous n'y prenons garde la contagion de l'arbitraire et de la haine mène à des catastrophes irréversibles. Même si la situation n'est pas celle des années 30, la France est en danger de fascisme. Les signataires de cet appel s'engagent solennellement: - à opposer au mensonge et à l'exclusion racistes les valeurs de civilisation; - à lutter contre tout compromis avec les idèes d'extrême droite et contre les alliances avec les organisations qui la représentent; - à s'opposer à toutes les tribunes que certains médias ouvrent complaisamment à leurs leaders. » r -----Je- m-'as-so-cie- of-fici-elle-m-ent- --,1
- à l'appel du Palais du Luxembourg 1
1 Nom: .................................. Prénom: ........................... 1 1 Adresse : ..................................................................... 1 1 ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 1 1 Qualilé : ...................................................................... 1 1 1 1 Signature: 1 1L _Ta_lon_ à _ret_ou_rne_r a_u M_RA_P,_ ad_res_se_ ci_~on_tr e_ .1 Tirage des bons de soutien le 16 décembre 1996 : LES NUMÉROS GAGNANTS • 1er lot, un week-end pour deux personnes dans une capitale européenne: 008061 • 2e lot, un camescope: 082797 • 3e lot, un VTT : 095695 • 4e lot, une parure de stylos: 223387 • Se lot, un parapluie MRAP : 148088 • 6e lot, un ballon de basket: 132042 • 7e au 25e lot, un porte-clé jeton Caddy: 016530 ; 020318; 021807; 021810; 029629; 031035; 037168; 076456; 085788; 096006; 096098; 099077; 112509; 136727; 139090; 143540; 146894; 205963; 234933 • 26e au 50e lot, un badge Fratemité : 002296 ; 014936; 018233; 024438; 025671 ; 030329; 052530; 059363; 071519; 072843; 089463; 098241 ; 099233; 100633; 109735; 118349; 122003; 123715; 130532; 134368; 141941 ; 149813; 149819; 208946; 224352 Attention: Pour les délais de réclamation des lots, se reporter aux billets. PROCÈS • Audience le 19 décembre dans le cadre du procès intenté par le Mrap, laLicra et la LDH contre Brigitte Bardot pour « provocation à la discrimination, la haine et la violence contre la communauté musulmane ». Les prop::ls incriminés avaient été publiés dans Le Figaro du 26 avril et repris par National Hebdo le 9 mai. Le MRAP était représenté par Stéphane Meyer. Jugement le 23 janvier. • Leparquetarequislarelaxe dans le cadre de la plainte pour diffamation du FN à l'encontre du Mrap etde l'ATMF au cours de l'audience du20déc:embre. Reprenant les propos de Le Pen le 1 erdemier, les deux associations avaient écrit que le FN appelle à la guerre civile et à la haine après qu'un jeune ait été tué à Sens. Jugement le24 jan. vier. Nous reviendrons sur ces deux procès dans notre prochaine édition. =- 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex Il Tél.: 01 43 148353 Télécopie: 0143148350 Directeur de la publication Mouloud Aourtit • Gérante bénévole Isabelle Sirot • Rédactrice en chef Cherira Benabdessadok • Administration - gestion Patricia Jouhannel Abonnements Isabel Dos Manires 120 F pour Il numéros/an 12 F le numéro • Maquette Cherifa Benabdessadok • Impression Montligeon Tél.:0233858000 • Commission paritaire n° 63634lSSN 0247-9095 Dépôt légal 1997-01 Différences n° 181 janvier 1997
Notes
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