Différences n°135 - novembre 1992

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Sommaire du numéro

n°135 de novembre 1992

  • Edito: Deux mains la paix par Cherifa Benabdessadok
  • Nomade's land par I. Avran (gens du voyage)
  • Commission immigration: à propos du droit d'asile
  • Comité locaux: naissance d'un comité à Etampes
  • L'extrême-droite et Maastricht: l'enflure du verbe par C. Benabdessadok
  • Accueillir l'étranger: interview de Geneviève Jacques par I. Avran

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NOVEMBRE 1992 N , 135 10 F ED 1 T 0 DEUX MAINS, LA PAIX! L'exposition-photo sur la Palestine, intitulée "Vivre el résiste r", réalisée par la commission ~Proche el Moyen-Orient" du MRAP, avec le précieux appui de professionnels et de la logistique du siège parisien, a commencé son tour de France (1). Un an après la conférence de Madrid (décembre 1991), de piétinements en rebondissements, la voix de la paix semble avoir pris du miel dans lagorge. Pourtant, rien n'a encore vraiment changé sur le terrain et l'exposition montre ce terrain-là. Pourtant, il faut prendre acte du départ d'ltzhak Shamir que Je professeur Leibovitz qualifiai! récemment de "vieux terroriste" (Le Monde 13oet.). Son successeur, ltzhak Rabin, reconnait explicitement la légitimité de la revendkation des Palestiniens à un "Etat indépendant" (Le Monde 21 oct.) et s'apprêterait à "réformer" la loi israélienne qui interdit les contacts avec l'OLP sous peine d'emprisonnement. Cette loi, elle aussi, est devenue caduque. Un ensemble d'indices politiques et diplomatiques tendent à laisser penser que le peuple israélien et ses gouvernants reconnaissent le peuple palestinien en tant que tel et que l'autonomie administrative des Territoires peut se présenter comme une avancée sérieuse ven; l'autodétermination. Avec ces négociations, c'est peut-être aussi l'image de l'Etat d'lsrai!1 qui se désacralise en se banalisant: "un cadre politique, un appareil de pouvoir. Sa survie ne passe pas forcément par l'arrivée de tous les juifs ici", déclarait encore Leibovitz. Un appareil de pouvoir qui négocie avec ses ennemis d'hier une paix devenue lucidement indispensable à la vie et à la survie de tous. Une rencontre ArafatRabin, telle que proposée par un député arabe israélien à la Knesset, ferail-elle avancer la paix d'un pas radical ou bien déclencheraitelle les fureun; extrémistes 1 Dans tous les cas, elle scellerait la symbolique de la main tendue dans le marbre diaphane de vrais mains d'hommes décidés à vivre désormais ensemble el autrement. Ch~rlfa Bmabdnsad6k (1) Ure agenda page 7 NOMADE'S LAND Après avalr esphi que la "transltlon dimocratiqlU" ni Europe de l'Est metlrolt fin Il tin politiques d'tIS$lmUation forde dtuu pl/Uif!fl~ pays, les Roma ont dû, h~/tu, vite dicl!allter. CherdulIIlruile li l'ouest, Ils se trouvent aussi collfrollth Il tin polltlqlUS discrimillatoires 011 all.'t p~jugh MtIS$ifs de sectf!flrs mt/ers de l'opillioll, mmallt paT/ois jusqll'all.'t pogroMes.. L orsque, dès la fin des années 1980, s'ouvrent les frontières qui permeltent les départs massifs de populations des pays d'Europe de l'Est vers un Ouest encore mythifié, des milliers de Roma fuient aux aussi les persécutions ou la misère dont ils sont singulièrement victimes, notamment en Roumanie. Croyant trouver enfin asile en Allemagne, ils se heurtent en fait. de nouveau, à l'hostilité d'une partie de la population. Ces "Roma" (pluriel de "Rom~ : "Homme") que la population appelle Tsiganes avec cette dose de mépris identique à elle-même depuis des décennies sont accueillis par des pierres, dans la Sarre,en Rhénanie-Westphalie ou dans la Ruhr. Bien avant les événements d'Hoyeswerda ou de Rostock, des citoyens allemands sont allés jusqu'à payer des skinheads pour se débarrasser des "indésirables" que des maires el autres élus souhaitaient refouler, au nom de la "paix sociale". Déjà, en 1956, la Cour Suprème Fédérale de RFA avait mentionné le caractère "associaI" des Tsiganes pour tenter de justifier a posteriori le Génocide dont ils avaient été victimes durant la terreur nazie. Peuple migrant que l'on imagine venu d'Inde, le peuple des Roma eSI, au moins depuis le haut Moyen Age, un peuple de nomades. Il a connu les persécutions puis l'esclavage jusqu'au milieu du XIXème siècle dans les Balkans. Durant le lIIème Reich, il fUI victime des lois sur les "criminels irrécupérables" puis, dès 1938, du décrel de Himmler sur la "répression du fléau Tsigane", la "loi de fixation" légalisant la stérilisation el les camps de concentration. Les Roma furent déportés en masse dès 1942 vers les camps de la mort. 200 000 au moins en sonl morts, peut-être même un demi-million. Mais le génocide lui-même tarde à êlre recon- "". En Allemagne, les représentants officiels de la Communauté juive ont enfin obtenu qu'un Monument soit érigé à la mémoire des victimes juives du Génocide nazi. Mais, jusqu'à cet été, ils refusaienl qu'il honore en même temps la mémoire des juifs et celle des tsiganes, souhaitant rappeler spécifiquement l'Holocauste dont furent victimes les Juifs. En ces années 90, les Roma sont devenus le premier prétexte à la relance du débat en Allemagne sur une éventuelle restriction du Droit d'asile. Ceux que le sociologue Rom Nicholae Gheorghe nomme "un peuple européen sans Etatnation~, ne revendiquant ni ~tat. nÎ territoire, mais seulement le droit de voyager et de s'installer librement dans les différents ~tats européens, (Droit si souvent mis en avant à l'Ouest du temps de la Guerre Froide pour stigmatiser l'absence de liberlé à l'Est, puis si vite oublié depuis la chute du mur de Berlin) seraient-ils les boucs-émissaires de la lente et difficile transition démocratique à l'Est et les premières victimes, à l'Ouest, d'une politique de restriction du Droit d'asile. au moment précis où se construit pourtant "l'Europe" de 19931 ASSIMILATION FORCÉE Les Roma sont plus de 8 millions en Europe, dont environ 6 millions et demi à l'Est et un million et demi à l'Ouest. Les plus grandes communautés sont installées en Roumanie (près de deUJ[ millions et demi), (suite page 4) CO~NDEZLESCARTES DE VOEUX 1993 DU MRAP Le MRAP a édité quatre cartes postales, poneusesde message, représentant des gra· phismes illustrés par des poèmes EUes sont, dès à présent, à votre disposition au siè· ge du Mouvement. Le lot de quatre cartes de voeux: 40 francs (frais de port compris). Passez vos commandes auprès du comité local de votre ville ou au siège du MRAP. REPERES MISÈRE DE L'INTÉGRISME Émeutes dans le sud-ouest de Téhéran où la destruction des bidonvilles a conduit à un affrontement violent avec la police (22 septembre). Des émeutes semblables avaient déjà eu lieu en juillet dernier: treize manifestants avaient été exécutés. Selon les autorités iraniennes, 40 % des ménages vivent en-deçà du seuil de pauvreté. DISCRIMINATIONLOGEMENT Inculpation de Jean Bertrand, maire de Pierrelatte et de Jean Mouton, son adjoint (25 septembre). Délits respectifs: complicité de discrimination raciale et discrimination raciale. Faits instruits : refus de logement à un candidat d'origine algérienne en 1990. Raisons invoquées : "recrudescence d'agressions commises par des Maghrébins et respect de l'équilibre ethnique". OPERATION-CASSE Mantes-La-Jolie, quartier des Écrivains du Val Fourré. Quatre tours (120 appartements chacune) ont été foudroyées (26 septembre). Coût de l'opération: 13 millions de francs, soit 350 Francs le m2 ; la réhabilitation aurait coûté 1 500 à 4 000 francs lem2. NATIONALISME EN ABKHAZIE Ancienne République autonome rattachée à la Géorgie, l'Abkhazie semble se diriger vers une volonté séparatiste. Six soldats géorgiens ont été tués lors d'accrochages (26 septembre). TOUVIER L'étude de pourvoi contre l'arrêt de la 1ère Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de Paris qui avaitprononcé le 13 avril 1992 un non-lieu contre Touvier accusé de crimes contre l'humanité a pris fin. La Cour de Cassation entendra les plaidoiries le 26 novembre prochain. L'Arrêt devrait intervenir le lendemain. AFFAIREPAPON Annie Léotin a été chargée d'instruire à nouveau l'inculpation de Maurice Papon pour crimes contre l'humanité reçoit les parties civiles (depuis le 30 septembre). Principale demande des avocats des victimes et des parties civiles: que Madame le Juge puisse se consacrer exclusivement à cette interminable affaire. LE MRAP A BRUXELLES Audition de Mouloud Aounit par la Commission de la Culture, de la Jeunesse, de l'Éducation et des Médias du Parlement Européen (29 septembre). Cette audition qui s'est déroulée à Bruxelles entre dans l'élaboration d'un rapport sur "la pluralité culturelle et les problèmes de scolarisation des enfants d'immigrés" dans la Communauté européenne. Le Secrétaire Général du MRAP a brossé un panorama de la situation, en particulier de l'action-ZEP, et a présenté les trois cas de figures par lesquels l'école est parfois carrément refusée aux enfants nonfrancophones. CHAZAL-LE PEN Claire Chazal (TF1) comparait devant la 17ème Chambre Correctionnelle du Tribunal de Paris pour délit de diffamation envers J.M. Le Pen (1er octobre). Elle avait rediffusé le 2 février 1992 les propos tenus par Michel Rocard à "7 sur 7". ALGERIE État d'exception juridique (3 octobre). Trois Cours spéciales seront saisies des crimes relatifs au "terrorisme et à la subversion", la garde à vue, concernant ces crimes est portée à 12 jours et l'âge de la responsabilité pénale passe de 11 à 16 ans. Quatre personnes arrêtées ont déclaré à la télévision algérienne être membres du FIS et avoir participé à l'attentat meurtrier de l'aéroport d'Alger le 26 août dernier. RUGBY SUD-AFRICAIN Premier match à l'étranger depuis onze ans de l'équipe sud-africaine de rugby "Les Springboks". Coprésident de la fédération sud-africaine, Danie Craven déclare: "L'apartheid a été une erreur tragique". Pour le MRAP, le rugby comme le tennis ne sont pas intégrés dans le processus d'une Afrique "non-raciale", 2 CHRONO DU MOIS souhaitait que "le drapeau sud-africain ne soit pas déployé au cours de cette tournée et que les recettes soient versées aux "associations sportives multiraciales" (communiqué du 2.10.92). PRIX DE LA PAIX L'écrivain israélien, Amos Oz, reçoit le Prix de la Paix à Francfort (4 octobre). Dans un discours, reproduit par Libération, les 5 et 6 octobre, il déclare notamment: "Le conflit entre Israéliens et Palestiniens est un affrontement tragique entre le droit et le droit, entre deux revendications qui emportent l'une et l'autre la conviction". SOLIDARITÉ ISLAMIQUE L'homme le plus riche du monde, le Sultan de Bruneï (260.000 habitants), se déclare sur le point d'offrir un don d'un million de dollars aux Musulmans de BosnieHerzégovine. YOUGOSLA VIE Le Conseil de Sécurité de l'ONU institue une commission d'enquête sur des crimes de guerre (résolution 780). La Commission est chargée d'enquêter sur d'éventuelles violations du droit humanitaire international en Bosnie et ailleurs sur le territoire de l'exYougoslavie (6 octobre). Dans un communiqué daté du 9 octobre, le MRAP considère que dans les circonstances actuelles, "il n'est pas du ressort des organisations humanitaires de préconiser telles ou telles mesures d'ordre politique, encore moins d'ordre militaire. Mais il est clair que les puissances européennes doivent tout faire pour sauver les populations et dire avec force à tous les belligérants qu'il faut cesser de se battre pour remonter la pente en vue de la coexistence pacifique ( ... ). Le MRAP propose à toutes les organisations antiracistes, de défense des Droits de l'Homme, d'action humanitaire, ainsi qu'aux autorités spirituelles, philosophiques et religieuses, de se mobiliser pour décider ensemble d'une initiative publique d'intervention commune auprès de tous les belligérants, ainsi que pour contribuer à donner à l'aide humanitaire toute l'efficacité souhaitable" . LOURDES CONDAMNATIONS Les jurés de la cour d'assises de Lyon ont condamné les quatre auteurs de l'horrible assassinat d'Abdallah Bouafia et de la mutilation d'Aïssa Bettouia à de justes peines: deux réclusions à perpétuité et deux peines d'emprisonnement de 20 et 18 ans (8 octobre). Les quatre vigiles d'une société de gardiennage qui s'étaient adonnés à une violence acharnée et meurtrière sur deux hommes d'origine algérienne avaient torturé et tué dans la nuit du 23 au 24 novembre 1989. Le caractère raciste du mobile n'a pas été retenu et la constitution en partie civile du MRAP était jugée irrecevable. Les responsables du MRAP ont tenu une conférence de presse le 7 octobre. Le président de la féderation du Rhône, Ahmed Khenniche, regrette que les investigations autour du mobile raciste n'aient pas été davantage prises en compte par l'instruction judiciaire. LE BUNDESTAG PLANCHE Les députés allemands débattent de "l'extrémisme et de la violence" (8 octobre). Quelques jours auparavant, un groupe de skinheads avait attaqué au couteau un Allemand qu'ils avaient pris pour un étranger. Au moment du débat parlementaire, des manifestations antiracistes avaient lieu dans plusieurs villes d'Allemagne (10000 à Francfort le 3 octobre). Le Bundestag a fermement condamné les violences racistes, mais les ministères régionaux (des Lander) ont refusé de renforcer leur arsenal répressif. Le débat sur la restriction du droit d'asile n'est pas encore tranché. MARIAGE BLANC Le tribunal administratif de Lyon a soumis à la Cour Suprême une affaire de mariage blanc: l'épouse a reconnu avoir consenti au mariage avec un étranger en échange d'une somme d'argent. Le Conseil d'État a été saisi pour décider de la validité de la décision du Préfet de refuser la délivrance d'une carte de résident du "faux marié". La réponse du Conseil d'État a été positive (9 octobre). FASCISME ITALIEN En Italie, le mouvement régionaliste, La Ligue Lombarde, appelle à la désobéissance économique et fiscale pour illustrer un refus de l'État (12 octobre). Populiste et clairement séparatiste, la Ligue avait, une semaine plus tôt, remporté une victoire électorale inquiétante au scrutin municipal de Mantoue (le tiers des voix). Le 17 octobre, des milliers de militants du Mouvement social italien (MSI), d'obédience néofasciste, ont défilé dans les rues de Rome. PRIX NOBEL DE LA PAIX Attribué à un écrivain guatémaltèque, Rigoberto Menchu, écrivain, indienne guatémaltèque. Son engagement national et international dans la défense des droits des Indiens, des droits de l'homme et des droits politiques au Guatemala l'avaient obligée à quitter son pays en 1981.Le MRAP se félicite de l'attribution de ce prix (dans un communiqué publié le 16 oct.) qui avait fait l'objet d'une campagne internationale. DROIT DE VOTE AUX ÉTRANGERS En Finlande, les étrangers résidant depuis au moins quatre ans dans le pays ont participé, pour la première fois, aux dernières élections municipales (18 octobre). Ce droit de citoyenneté devrait rapidement être étendu aux législatives. Bien que les étrangers ne représentent que 0,7% de la population, le leader du parti d'extrême droite local, Linna, demande que les futurs immigrants soient tous d'origine finlandaise ou en aient l'apparence physique". VINCENNES, UNE DÉLÉGATION DU MRAP composée de M.Aounit, S.G.,de maître D.Seban, membre de la commission juridique, D.Lahalle,membre du conseil national et responsable de la commissionimmigration, D.Brendel, membre du C.N., et de M.Ouaknine, président du comité local de Vincennes, a été reçu par M. Kofi Yamgnane, secrétaire d'État à l'Intégration (21 octobre). Le MRAP demandait: la reprise du processus de relogement ainsi que la désignation d'un interlocuteur ayant mission de représenter l'État et de renouer le dialogue avec les familles. (Lire p. 7) DOUBLE PEINE Participation du MRAP à une conférence de presse à l'Église Saint-Merri, Paris, (23 octobre) auprès d'Abderrahmane Derraridj qui poursuit une grève de la faim depuis 53 jours. Le MRAP et les autres associations demandent au Président de la République une grâce collective (Cf. Lettre ouverte au chef de l'État publiée dans le dernier numéro de Différences) Établie par Chérifa B. LA RATONNADE D'OCTOBRE 1961 Pour commémorer le 31ème anniversaire du 17 octobre 1961, le MRAP a pris plusieurs initiatives: un appel signé par 150 personnalités (lire texte ci-dessous); une lettre ouverte à M. Jack Lang, lui demandant notamment que la guerre d'Algérie soit "présentée comme une guerre coloniale, comme la guerre de libération d'un peuple -c'est la réalité historique- et non comme un avatar de la vie politique française". Enfin, un rassemblement s'est déroulé le 17 octobre au Pont Saint-Michel à Paris lors duquel les manifestants ont jeté des fleurs dans la Seine en souvenir des "200 Algériens tués, 400 disparus et 11.000 interpellés". Pour en savoir plus sur cet événement, le numéro spécial de Différences réalisé l'an dernier à la même époque est à votre disposition. APPEL DE 150 PERSONNALITÉS 17 OCTOBRE 1961-17 OCTOBRE 1992 NON AU RACISME! NON A L'OUBLI ! 17 OcrOBRE 1961 ? L'amnésie collective, le non-dit, la mémoire mutilée ... Qui se souvient de la manifestation pacifique de dizaines de milliers de travailleurs algériens et leurs familles dans les rues de Paris? Ils protestaient contre le couvre-feu discriminatoire qui leur était imposé. Combien de jeunes de ce pays savent-ils que ce jour-là, des centaines de ces manifestants furent assassinés pour avoir défendu leur droit à l'égalité, pour avoir voulu exister? Qui se rappelle encore que M. Papon, déjà chargé d'ignobles crimes, notamment contre des enfants juifs, durant la guerre 39-45, alors Préfet de la Seine, a présidé à ce nouveau massacre? Aujourd'hui, demain, un tel "oubli" ne peut que nourrir le racisme, favoriser l'émergence de nouvelles barbaries. Aussi, pensons-nous qu'il est de notre responsabilité, pour qu'enfin le voile se lève sur cette ignominie: - d'exiger que M. Papon paie le prix de ses crimes par un jugement qu'il a largement mérité; - de demander que soient ouvertes les archives d'un conflit qu'on ne parvient encore que difficilement à reconnaître comme guerre; - de définir des programmes d'Histoire qui permettront à la jeunesse de prendre la mesure de ce que furent réellement les guerres coloniales. 3 REPERES NANCY 12 DÉCEMBRE C'est au nom de 51 organisations et associations (dont le MRAP) constituées en un collectif contre le Front National que Paul-Elie LEVY a dénoncé l'idéologie du Front National, au cours d'un meeting tenu en janvier dernier. Le chef du Front National a aussitôt rétorqué en attaquant en justice M. LEVY pour injures au nom de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Le procès aura vraisemblablement lieu en janvier ou en février 1993. Depuis l'annonce de la plainte de Le Pen, des milliers de personnes ont signé une pétition que vous pouvez trouver auprès des Comités locaux du MRAP ou au siège: il faut continuer à la faire signer et aider matériellement le collectif à mener l'action judiciaire. Pour tous contacts et appui matériel: association CAF AR (collectif antifasciste et antiraciste), BP 66,54510 Tomblaine. Deux avocats défendront M. LEVY accusé d'avoir dit tout haut ce que tant de gens pensent tout bas: "Le Pen est le fils spirituel d'Hitler, de Mussolini et de Pétain". Le collectif organise une grande manifestation, le 12 décembre, à Nancy, en présence de nombreuses personnalités et de responsables d'associations. Le MRAP y sera représenté par son secrétaire général. Au programme quatre ateliers de réflexion sur l'histoire de l'extrême-droite, la mémoire, la réalité actuelle et les moyens de combattre la xénophobie ; un meeting et un concert avec la participation (sous réserve) de Charlélie Couture. G ENS DU VOYAGE NOMAD'S LAND (suite de la page 1) en Yougoslavie (environ 900000), en Bulgarie (près de 800 000), mais aussi en Turquie (545000, soit un peu plus qu'en Tchécoslovaquie: 410000) ou en Espagne (350000). Ils sont à peu près 300 000 en France, population très jeune dont près de la moitié a choisi la sédentarisation. La Roumanie de Ceaucescu avait reconnu aux Roma le statut de minorité nationale. En 1985, une association tsigane était autorisée: "Phralipe", "Fraternité", de même qu'un Festival. Si aucune loi n'interdisait le nomadisme, l'État centralisé, prônant officiellement la constitution d'une seule et même Nation, avait pourtant mis en place un programme de sédentarisation, élaboré dès la fin de la guerre puis réactivé à partir de la fin des années 70. L'égalité des Droits était théoriquement reconnue, à la condition qu'elle passe par une normalisation, une homogénéisation des modes de vie. Dans les faits, les Tsiganes se sont retrouvés cantonnés dans des banlieues bidonvilles et dans les emplois les plus pénibles, les plus mal payés et les plus fermés à toute perspective d'évolution. Le racisme, officiellement banni, n'a guère cessé de se manifester à leur encontre. En Yougoslavie, le statut de minorité nationale leur a également été reconnu dès le début des années 80. Des écoles primaires ont été ouvertes en 1983 assurant aux enfants l'enseignement de leur langue et les Roma pouvaient organiser leurs propres associations ou animer des activités culturelles. Mais les discriminations ont persisté, en particulier en matière d'emploi, de logement, de formation ... En Bulgarie, c'est en 1953-54 que s'est mis en place le programme de sédentarisation des populations nomades. Puis dans les années 70 a commencé la politique de "bulgarisation" de la population: bulgarisation des noms de famille, restrictions considérables au libre exercice de l'Islam. Mais les autorités bulgares ne sont pas parvenues à mener à bien leur projet. En Tchécoslovaquie, la politique de sédentarisation s'est accompagnée de la dispersion des Roma lorsque les autorités estimaient qu'ils étaient proportionnellement trop nombreux dans tel village ou dans telle région. En 1976, le gouvernement tchécoslovaque a mis en place une politique d'incitation à la stérilisation des femmes. De nombreuses femmes Roma dénoncent en fait une stérilisation forcée dont elles auraient été victimes à l'occasion, par exemple, d'un accouchement... Lors du Congrès International Rom tenu à Varsovie en avril 1990, les délégations venues de Tchécoslovaquie ont parlé de plus de 8000 femmes stérilisées. EXCLUS DE LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE A L'EST? Aussi la "transition démocratique" en Europe de l'Est a-t-elle soulevé une vague d'espoirs parmi les Roma. Souvent, ils ont rejoint les partis politiques naissants, en ont créé d'autres ainsi que des associations. Ils sont parvenus à avoir des élus, en Roumanie, en Bulgarie, en Tchécoslovaquie, en Hongrie ... Leurs propres publications paraissent... En Tchécoslovaquie, Vaclav Havel leur a à plusieurs reprises témoigné sa sympathie et a vivement critiqué les manifestations persistantes du racisme. En avril 1990, un Congrès des Roma s'est tenu à Varsovie où, pour la première fois, se sont retrouvés des représentants venus de tous les pays de la région. Pourtant, il a vite fallu déchanter. En Roumanie, où vivent plus de vingt minorités nationales, ils sont parmi les premières victimes d'une "transition économique" qui passe par des vagues de licenciements massifs ... Les haines racistes s'expriment sans limites, par un effet pervers de l'émergence de la liberté de parole, dans un climat où "responsabilité" et "raison" ne riment hélas pas encore avec "liberté". Des incidents violents, voire de véritables pogroms, ont eu lieu en 1990,1991... dans différentes villes du pays. Le 14 juin 1990, le Président Illescu lui-même, qui avait appelé à l'aide les mineurs dans la capitale contre les étudiants de l'opposition, a laissé ces mineurs entreprendre un véritable pogrome contre les Roma : quatorze morts au moins, 51 disparus, 3500 maisons pillées ... La "transition", avec les difficultés quotidiennes qu'elle engendre, aurait-elle besoin de boucs émissaires? En Hongrie la communauté Rom, 4 qui représente près de 5% de la population totale, est accusée, notamment, d'être l'un des éléments de la crise économique, de développer le marché noir... Les Roma sont pourtant parmi les plus touchés par les licenciements dans les secteurs du bâtiment ou de la sidérurgie auxquels ils fournissaient une main-d'oeuvre non qualifiée, ou dans l'agriculture. A Budapest ou à Eger, dans le Nord, ils n'ont pas échappé aux tabassages des skinheads. Aldar Horvath, Président du Parlement Rom et député de "l'Alliance des Démocrates Libres" assure: "Les Rom n'avaient pas connu de telles violences en Hongrie depuis plus de vingt ans". De même, en Bulgarie, en Tchécoslovaquie, ou en Pologne, les Roma dénoncent les lynchages répétés dont ils sont victimes et les menaces qui pèsent sur leurs vies. En ex-Yougoslavie, les Roma sont enrôlés de force dans la guerre civile dans les différentes Républiques. A L'OUEST, NOUVEAUX POGROMES ET DÉSILLUSIONS Les Roma ont décidé de s'organiser pour réagir contre ces pogromes. Ils ont crée de nombreuses associations, mais aussi des coordinations trans-européennes. Ainsi, le 27 août, à Budapest, le Parlement européen des Roma ("Eurom") a pour la première fois réuni plus de 50 associations de quatorze pays. Ils s'adressent aussi plus énergiquement aux organismes internationaux compétents. Mais les récentes déclarations et résolutions en leur faveur d'organismes internationaux, aussi importantes soient-elles, ne suffisent pas à enrayer les vagues de violence qui se multiplient parfois avec la complicité des États. Aussi les Roms ont-ils par dizaines de milliers repris les routes de l'exil. Il ne s'agit plus seulement d'un exil économique comme celui des communautés venues de Y ougoslavie dès les années 60 mais aussi d'un exil politique, ou des milliers de Roma clandestins se mêlent aux migrants économiques et politiques de l'ensemble de l'Europe de l'Est. Transitant parfois par la Pologne ou la Hongrie, ils cherchent en fait à gagner l'Allemagne, mais aussi la Scandinavie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, ou l'Espagne. Ils ne sont pas alors au bout de leurs peines. En Europe de l'Ouest aussi, les vieux préjugés xénophobes font encore recette sanglante. C'est au moment même de la tenue du Congrès historique de Varsovie en avril 1990 qu'a eu lieu à Cologne une vaste opération de police de "contrôle" de la population tsigane. Les camps autour de la ville ont été "visités", leurs habitants contrôlés et les enfants euxmêmes ont subi des interrogatoires en règle. L'Allemagne, pays d'Europe de l'Ouest qui accueille le plus de réfugiés de l'Est -parmi lesquels des milliers de Roma de Roumanie et de Y ougoslavie- a entrepris une politique de renvoi massif. En septembre de cette année, les ministres allemand et roumain de l'Intérieur signaient un accord censé entrer en vigueur le 1er novembre, sur le renvoi vers la Roumanie de milliers de demandeurs d'asile déboutés. Des accords analogues sont envisagés avec la Pologne et la Tchécoslovaquie. La majorité des Roma sont donc concernés. Alors qu'il est clair qu'ils risquent, après un renvoi d'office, d'être de nouveau victimes de persécution. Pour les Roma déjà installés de longue date, aucune loi spécifique anti raciste n'assure une quelconque protection dans un pays où prime le droit du sang et où le droit au séjour ne s'obtient généralement que pour une durée limitée. Dans les autres pays d'Europe de l'Ouest, les migrations des Roma étant moins massives, les préjugés racistes ne s'expriment pas avec la même violence. Les Roma, cependant, en tant que "gens du voyage", dépendent de multiples législations qui, de toute évidence, compliquent leur situation et empoisonnent leur vie quotidienne. En France, les Roma sont identifiés aux sans domiciles fixes et professions ambulantes. Ils obtiennent des livrets de circulation de 10 ans (ou de 5 ans avec visas annuels renouvelables pour les non-ressortissants) ou des carnets de circulation (qui ont remplacé les anciens "carnets anthropométriques"). Ils dépendent d'une "commune de rattachement". Le "rapport Delamont", remis au Premier Ministre en juillet 1990, dénonce certains "handicaps" concernant le manque de terrains, mais aussi une "marginalisation" de fait des Tsiganes. La loi de mai 1990 (sur le logement des personnes défavorisées) prévoit en particulier l'institution des schémas départementaux d'accueil et l'obligation pour les communes de plus de 5000 habitants d'aménager des terrains. Mais nombre de problèmes ne sont pas encore résolus, tels ceux liés à la scolarisation et à l'apprentissage de la langue. Ou, plus massivement, ceux liés aux préjugés qui refont régulièrement surface.... Les Roma, pour le moins, sont encore trop souvent accusés de troubler par leur seule présence l'ordre public ... Le 24 mars 1992 a été instituée une "Commission Nationale Consultative des Gens du Voyage", à laquelle doivent participer des élus municipaux et départementaux, les représentants des associations tsiganes, et des représentants ministériels. L'on ne peut que s'en féliciter. Gageons qu'elle aura fort à faire. A l'aube de l'Europe de 1993, à l'heure des discours rationnels et constructifs sur "l'ouverture" des frontières -internes-, les Roma subiront-ils de nouveau les préjugés si fortement enracinés depuis des siècles dans les imaginaires collectifs, les fantasmes de populations sédentarisées si promptes aujourd'hui encore à montrer du doigt ceux qui ne s'assimilent pas à leur mode d'existence ? Isabelle A vran Nous tenons à remercier chaleureusement Les "Études Tsiganes" (rue d'Hautpoul, Paris) et tout particulièrement leur service de documentation. Commission "Tziganes et gens du voyage" La commission "Tziganes et gens du voyage du MRAP, qui existe depuis 1978, a des contacts avec de nombreuses associations, a organisé plusieurs colloques et publié un cahier en 1981 et un dossier d'informations en 1987. Celui-ci est actuellement mis à jour, en tenant compte en particulier de la loi Besson dont l'article 28 fait obligation de réserver des terrains d'accueil. Ce dossier sera prochainement disponible au MRAP. COMISSION IMMIGRATION A PROPOS DU DROIT D'ASILE Il n'est pas sans intérêt de noter que l'on parle ordinairement - et confusément - du Droit d'Asile, alors que l'expression correcte est Droit d'asile des réfugiés politiques. Ce n'est pas seulement parce que cela va plus vite à dire, c'est aussi parce que le contenu est différent et que c'est précisément là tout le problème: où commence, où s'arrête le droit d'asile? Depuis les temps les plus anciens on a vu des populations affamées ou vaincues, souvent vaincues et affamées, être obligées de fuir leur terre d'origine pour chercher refuge auprès de populations voisines. Actuellement des centaines de milliers de personnes dans le monde doivent fuir leur pays bouleversé par des famines, des guerres, des révolutions, des persécutions et sont obligées de demander l'asile dans des pays voisins ou plus lointains. Il s'agit souvent de villages entiers, voire de villes, quand il s'agit d'un exil de proximité; en général d'individus, accompagnés ou rejoints par leur famille, quand l'exil est plus lointain. Au MoyenAge, en occident, l'Église avait tenté d'organiser l'accueil des réfugiés: les monastères, mais aussi les châteaux devaient ouvrir leurs portes, héberger et nourrir les voyageurs qui fuyaient persécutions et famines. Il s'agissait plutôt du devoir d'asile que d'un droit. C'est au lendemain de la deuxième guerre mondiale, devant l'ampleur des problèmes posés par les populations déplacées, que les Nations Unies ont créé un Haut Commissariat aux Réfugiés et adopté une Convention réglementant l'asile des réfugiés politiques. En contrepartie de l'obligation d'accorder le droit au séjour et au travail, la Convention donne une définition limitative des bénéficiaires potentiels du droit d'asile. Cette définition est adaptée au cas des dirigeants et militants personnellement persécutés et recherchés; elle ne répond pas à la situation des innombrables victimes anonymes des régimes de dictatures, pas plus qu'à celles des populations qui fuient la misère consécutive à la déstructuration 5 économique de leur pays par les grandes puissances. Les autorités politiques des pays riches parlent d'un "détournement du droit d'asile" à propos des milliers de réfugiés qui fuient un pays où ils ne trouvent plus la possibilité de subvenir aux besoins de leur famille et où les conflits politiques sont autant les conséquences que les causes de la misère. A la lettre, si l'on s'en tient au texte des Conventions, elles peuvent dans certain cas avoir raison. Mais le problème n'est pas vraiment la ! On peut parler de droit d'asile quand il s'agit d'une personne persécutée; et il faut exiger, comme le fait le MRAP avec beaucoup d'autres associations de défense des droits des réfugiés, que les pouvoirs publics et l'OFPRA respectent les conventions au lieu de seulement faire semblant. Mais quand il s'agit de villages entiers ou d'ethnies qui doivent chercher refuge, ce n'est pas dans l'application des conventions de l'ONU, qui n'ont pas été faites pour cela, qu'on trouvera la réponse. On doit poser le problème en terme non de droit, mais de devoir d'asile des pays développés. D'autant plus que dans la plupart des cas, c'est la politique coloniale ou néo-coloniale menée par les pays qui refusent d'accueillir les réfugiés qui est à l'origine de la situation dramatique. Bien sûr, la France ne pourrait pas, à elle seule, "accueillir toute la misère du monde". Mais elle ne peut pas se contenter de cette constatation pour se replier sur son confortable égoïsme. Elle est pour une large part responsable de la situation catastrophique dans laquelle elle a laissé ses anciennes colonies et elle est, solidairement avec les autres pays développés, responsable des lois économiques qui enfoncent les pays du tiers monde. Elle doit, notamment dans le cadre Européen, prendre l'initiative d'un renversement d'attitude et d'un changement de politique à l'égard des pays d'origine des réfugiés. Et en attendant, elle doit prendre sa part de l'accueil des populations qui ne demandent rien d'autre que d'avoir le droit de travailler pour vivre. ON DEMANDE DES CORRESPONDANTS Renouant avec une tradition datant de quelques années la Commission Immigration souhaite associer à son travail un réseau de correspondants. En informant régulièrement (par de simples notes rédigées en style télégraphique) le Bureau de la Commission, des faits concernant la vie et les problèmes des immigrés et des réfugiés dans leur ville (ou département) ils lui permettront d'avoir une meilleure appréhension de toute la réalité et d'éviter de se laisser enfermer dans une vision trop parisienne des choses. En suivant plus particulièrement les travaux de la Commission, ils pourront en faire bénéficier leur Comité local. Nous demandons donc aux responsables des Comités locaux ou aux volontaires eux-mêmes de nous faire connaître au plus vite les noms et adresses du ou des membres de leur Comité local qui souhaitent devenir correspondant de la Commission Immigration. LE LOGEMENT DES IMMIGRES Un groupe de travail vient d'être constitué au MRAP pour étudier la question du logement des catégories sociales les plus défavorisées, parmi lesquelles beaucoup de familles immigrées, et réfléchir au rôle du MRAP et aux propositions qu'il devrait défendre dans ce domaine. Ce groupe de travail est ouvert aux militants du MRAP de toutes les régions. Les lecteurs de Différences intéressés par la question sont invités a se mettre en relation avec Dominique LAHALLE, en écrivant au siège du MRAP. B RE F STAINS Pierre GAUMET, Président du comité stan ois nous communique que l'exposition "LA POÉSIE CONTRE LE RACISME" présentée par les bibliothèques municipales de STAINS a été conçue par le CE Renault Flins. Cette exposition a été réalisée, avec le concours de peintres, de dessinateurs et des travailleurs de l'industrie automobile pour leurs collègues de la Régie, dont beaucoup d'OS immigrés. Elle a, à cet égard, une réelle valeur de symbole. Cette réalisation, que vont découvrir les stan ois, est un exemple d'appropriation de la culture, qui devient, de ce fait, citoyenne et socialement vivante. VITRY 1962-1992 : 30 ans après les accords d'Evian. Quel regard sur la guerre d'Algérie? Une exposition, un débat, organisés par le MRAP de Vitry, avec la participation de Henri ALLEG, combattant de la cause anticoloniale. SEINE SAINT DENIS 1492-1992 : Découverte de l'Amérique, la rencontre de deux mondes, un choc de civilisations. Soirée spectacle de présentation du projet : "LE RACISME ? PARLONS-EN? c'est mille livres contre le racisme, un mois de cinéma contre le racisme. En Seine Saint Denis à l'initiative du GFEN, de la FOL et du MRAP. BOBIGNY A Bobigny, dans les locaux du Conseil Général, riposte des employés du Département, après la distribution de tracts orduriers et racistes. Un débat a été organisé avec Jean BELLANGER (C.G.T) et Norbert HADDAD (MRAP) pour décider des actions à mener face à de tels agissements. ORLÉANS "Comment s'unir à travers les frontières pour la défense des Droits de l'Homme ?" J.J. KIRKYACHARIAN membre de la Présidence du MRAP a participé à ce débat animé par Antoine SPIRE à Orléans dans le cadre du Forum annuel des droits de l'homme. COMITÉS LOCAUX NAISSANCE D'UN COMITÉ À Chaque mois, nous publions une interview d'un responsable de Comité local. Pour cette fois, voici le portrait d'un tout nouveau Comité, celui d'Étampes, dans l'Essonne, présenté par son président . Gérard Morlier. Vous pouvez débattre des réalités et des réflexions proposées en nousfaisant parvenir vos réactions par courrier, ou par fax (48.06.88.01). Merci. Gérard MORLIER : Le Comité s'est constitué en février dernier. C'est la situation d'un demandeur d'asile débouté qui nous a fait faire le pas décisif. Ce jeune ivoirien a été embarqué par la police pour une expulsion imminente. Le MRAP de l'Essonne a, sitôt averti, déclenché tout ce qu'il fallait pour stopper la procédure. Très vite, Mamadou Meïte a été libéré et le préfet de l'Essonne l'a régularisé. Du coup, et à la suggestion de notre ami, nous avons pris conscience qu'il fallait une structure de défense des Droits de l'Homme et plus précisément de protection contre le racisme. Une trentaine de personnes ont participé à la première rencontre avec notamment Alain CALLES du National qui est venu nous donner un coup de main. Nous en sommes aujourd'hui a une quarantaine d'adhérents, avec une activité régulière, dont deux réunions mensuelles. Différences : Quelles ont été vos motivations personnelles? G. M. : Je suis cadre territorial a la mairie d'Étampes, chargé du département population. Par ma profession, je suis donc amené à rencontrer constamment des personnes de nationalité ou d'origine étrangère, qui vivent parfois dans des conditions très précaires, voire insupportables. Quant à ma motivation antiraciste, elle remonte à loin. Je suis de la génération qui a connu la guerre d'Algérie et vécu les retombées racistes de cette guerre. Petit, j'étais très basané et donc victime de quolibets d'enfants de mon âge. N'étant pas arabe, j'ai vécu ces rejets spontanés comme une double injustice. A l'âge adulte, j'ai longtemps travaillé pour des entreprises de travaux publics et j'ai eu une activité syndicale. Je me suis assez vite rendu compte que le syndicalisme avait du mal à prendre en charge et en compte les difficultés propres aux travailleurs étrangers qui étaient, non seulement, nombreux dans cette branche d'activités, mais aussi "réservés" aux travaux les plus pénibles. Sans volonté de 6 nuire aux syndicats, je crois pouvoir affirmer que toute la mesure de l'antiracisme n'a pas été prise dans toute son ampleur. Pourtant il parait quasi-évident que les partis politiques et les syndicats ont joué très longtemps un rôle de brassage et d'intégration sociale? Oui, certainement dans les entreprises industrielles: la où les conditions de travail étaient comparables pour les travailleurs français et les travailleurs immigrés. Dans les travaux publics, la structure n'est pas la même. Il y a des travaux nobles et les travaux moins nobles, le marteau-piqueur par exemple auquel était systématiquement affecté le Noir ou l'Arabe par les collègues français. On considérait qu'ils étaient venus pour ca ! Aujourd'hui le Comité d'Étampes semble s'intéresser à deux questions d'actualité: le droit d'asile et le droit au logement. Qu'en est-il ? Nous avons mené plusieurs actions concernant une trentaine de DAD, notamment Kurdes et Zaïrois. Leurs dossiers sont en cours d'instruction. Deux d'entre eux ont été régularisés. Nous agissons aussi au sein d'un collectif de défense de ces déboutés créé à Sainte-Genevièvedes- Bois. L'activité du collectif concerne huit Kurdes. Ce collectif risque de se transformer assez vite en association. Nous avons l'appui du Maire d'Étampes, du Député Julien Dray et d'autres personnalités. Pour ce qui se rapporte au logement, nous envisageons de mener un travail sur le long terme. La ville d'Étampes est la seule du Sud-Essonne à posséder des logements sociaux. Il y a malgré tout dans notre ville 800 demandeurs dont 30% d'immigrés. Certains sont hébergés ou louent dans des conditions plus qu'insalubres. Nous avons, à l'heure actuelle, d'une part saisi le Ministère et le Conseil Général, d'autre part appelé le secteur associatif à coordonner la réflexion et l'action. Celle- ci se présente en deux volets. Le premier c'est l'urgence : nous avons une trentaine de dossiers de familles qui ont besoin d'être relogés très vite. Exemple: une famille composée des parents et de trois enfants vivent en toute illégalité dans une chambre de foyer. Imaginez l'ambiance! Les autres résidents ne sont pas contents et s'en plaignent. Les enfants ne disposent d'aucun espace pour s'épanouir. Si ces enfants continuent à vivre ainsi, ils seront bons plus tard pour la délinquance. Je connais une autre personne qui travaille, gagne le SMIG, paie 3.000F de loyer pour un logement insalubre du centreville. Nous allons réfléchir au sein du Comité local pour faire éclater le scandale de ces situations inhumaines. Sur le long terme, il s'agit de se battre pour faire reconnaître, dans les faits et pas uniquement dans les discours, le droit au logement pour tous et partout. En fait, tout le monde reconnaît le droit au logement, mais les logements vacants sont nombreux tandis que le nombre des sans-abris et des mal-logés augmente ••. Les discours ne sont pas toujours révélateurs des comportements réels. Le droit au logement est clamé par tous mais sur le terrain, la discrimination existe bel et bien. L'étranger, n'étant pas électeur est d'emblée appréhendé comme pouvant nuire aux résultats d'élections locales. Les élus sont souvent plus soucieux des enjeux électoraux auxquels ils sont soumis que de solidarité. Des populations souffrent

elles sont étrangères, de

nationalité ou d'origine, et françaises. Il me paraît clair que si on ne résout pas ce genre de problèmes très concrets, le racisme et tous les fantasmes qui l'alimentent vont aller en s'aggravant. Nous allons mener une réflexion sur le logement social en partant des constats et en aboutissant à des propositions. De nombreuses villes qui accueillent des entreprises et bénéficient donc de taxes diverses n'ont pas du tout de logement social. D'autres ont du logement social et peu d'entreprises donc peu de moyens pour investir davantage. Aussi, une coopération loyale inter-communale devient indispensable. Si des communes ne se résolvaient pas à engager un dialogue en ce sens, il faudrait recourir à des mesures plus contraignantes et le cadre légale existe pour cela, depuis la loi Besson, qui autorise les Préfets à user de leurs prérogatives pour que les communes réticentes s'engagent à construire du logement social. Les entreprises aussi ont leur part de responsabilité dans la limite du 1 % patronal. Il faut sortir de la pratique des quotas et des exclusions. Pour cela, le dialogue et la politique concertée sont indispensables. Car il y a exclusion si le débat est absent de la gestion d'une ville. Le problème des possibilités d'accueil est réel, mais ce n'est pas en définissant d'hypothétiques seuils de tolérance qu'on arrivera à renverser la vapeur. Et puis, ici comme ailleurs, les logements vacants sont nombreux. Ils ne doivent pas le rester. Ce serait scandaleux. 1 ~ ETAMPES Votre Comité est constitué majoritairement de personnes de nationalité ou d'origine étrangère : faut-il y voir une force ou une faiblesse? Depuis février, l'expérience nous a montré que les personnes que nous avons défendues se sont impliquées dans l'activité du Comité. Si, au départ, ils ont vu dans le MRAP une structure d'aide et de solidarité à leur égard, on peut dire que depuis ils sont devenus eux-mêmes solidaires. Je crois qu'il y a eu une prise de conscience collective de l'importance de l'existence d'une association comme la notre. La présence massive d'immigrés au sein du Comité ne le dévalorise pas. Néanmoins, il nous faut élargir nos assises dans le sud de l'Essonne. Peut-on dire que vous avez fait le plein en matière d'adhésion? Sur le plan du nombre d'adhérents, je crois que nous avons failli un peu. Nous n'avons pas géré avec suffisamment d'attention le stock d'adhésions potentielles. La moyenne d'âge est d'environ trente ans, peu de femmes, des immigrés de différentes catégories socio-professionnelles, dont notre trésorier qui est ingénieur, technicien en électronique. Comment expliquer ces difficultés à provoquer de l'adhésion? Franchement, je ne suis pas ce qu'on peut appeler un recruteur. J'aurais l'impression de faire du racolage. J'aimerais que les gens viennent spontanément, sans avoir à forcer leur confiance. Peutêtre que je surestime la capacité des gens à s'engager. En ce qui me concerne, si une série de circonstances ne s'était pas prêtée, j'aurais pu ne pas être au MRAP. J'ai peur de l'organisation. Pourquoi? Quels sont les risques? Le risque est peut-être imaginaire

se sentir embrigadé, encadré,

sans marge de manoeuvre. On n'est pas obligé de tout accepter mais on a, malgré tout, une sorte de devoir d'obéissance. Les quarante personnes qui ont adhéré au MRAP auraient pu être des antiracistes sans militer au MRAP. Mais qu'ils le soient, c'est bien! L'organisation est aussi un élément rassembleur, un lieu d'échanges qui n'existe pas ailleurs sous la même forme et selon les mêmes centres d'intérêt. Propos recueillis par Chérif a Benabdessadok B RE F LOT ET GARONNE Concertation, échanges et débats pour un week-end de réflexion organisé par la Fédération du Lot et Garonne. La montée de l'intolérance, la banalisation des comportements racistes, les agressions et les violences deviennent le lot commun de la réalité française et européenne. Lutter contre le racisme, c'est redoubler d'efforts pour faire prendre conscience de la gravité de la situation et développer les actions du MRAP au niveau local. M. AOUNIT secrétaire général, J. CHEV ASSUS et A. MIRANDA membres de la Présidence du Mouvement, J. BLUM du Bureau National se sont relayés durant ces journées d'étude autour des thèmes retenus par notre dernier Congrès et aux meilleures manières de répondre a ce défi : lutter contre tous les racismes, pour une citoyenneté partagée, pour l'amitié entre les peuples. MENTON Encore bravo! le MRAP MENTON a pris l'initiative d'une campagne de promotion du numéro spécial de Différences. Ah ! si cette action pouvait être relayée par chacun des comités du MRAP ... mode d'emploi sur simple demande au siège. "MAASTRICHT : VERS QUELLE EUROPE ?" plusieurs milliers de tracts diffusés sur les problèmes soulevés par d'exclusion de la citoyenneté pour les résidents non-communautaires. Conférence à Nice par Christiane MORE, journaliste au Monde diplomatique "De la grève des Kurdes de Nice à la situation au Kurdistan" ... Et le dernier né du MRAP Menton, un nouveau dossier "la question Kurde dans le Monde diplomatique de 1980- 1992" à commander en joignant un chèque de 40 Frs à MRAP MENTON BP6 06501 MENTON CEDEX 6. DRANCY.ARCUEIL En Seine et Marne, un après-midi de rencontre et de travail pour les cinq comités du département avec la participation de Norbert Haddad. Un fructueux échange à partir des expériences de chacun et des projets en chantier pour les mois à venir. A Drancy en Seine Saint Denis et Arcueil dans le Val de Marne, renaissance des comités du MRAP avec la reprise de leurs activités sur la commune. 7 SAINTLO Deux représentations de la pièce de Alain DRURY: "Un homme ordinaire". En présence et avec la participation du metteur en scène, des comédiens et de Norbert Haddad, une occasion de mener avec le public une réflexion différente au cours d'un débat sur "les racismes". CONFLANS STE HONORINE Fête conviviale de rencontre et de partage organisée par l'Association Pluriverselle, François PRUNET anime une réunion débat sur le thème de "la lutte contre le racisme et pour l'égalité des droits". N.Haddad IMMIGRE INVALIDE Un homme, un immigré de nationalité algérienne travaille durant de longues années en France, paie ses impôts, vieillit, devient invalide. Le 29 avril 1986, il demande une allocation supplémentaire au titre du Fonds National de Solidarité. Devant le refus de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Grenoble de la lui accorder, il saisit le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui rejette son recours au motif que seule une personne de nationalité française peut prétendre à ce bénéfice. La Chambre sociale de la Cour d'Appel de Grenoble confirme cette décision le 19 avril 1988. Soutenu par un collectif d'associations, M. Saad M. se pourvoit en cassation. Il gagne et l'affaire est renvoyée devant la Cour d'Appel de Lyon. La victoire finale est obtenue le 1er juin dernier. C'est en vertu de l'article 39 de l'accord de coopération entre la Communauté Économique Européenne et l'Algérie, que la Cour d'Appel de Lyon s'est prononcée en faveur de M. Saad M. Maître Jean-Pierre Chapuis qui plaidait la cause de M. Saad M. considère que cet arrêt fera date pour deux raisons: 1°) plusieurs instances judiciaires ont eu à se prononcer sur la questioni 2°) l'extension à d'autres droits réservés jusqu'ici aux ressortissants français risque d'évoluer vers plus d'égalité. Pour l'avocat toujours, c'est l'obstination des associations à poursuivre la démarche judiciaire (durant six ans) qui a permis d'aboutir à ce résultat. VINCENNES: UN ÉPILOGUE REGRETTABLE La préfecture de Région vient, ce matin à l'aube, de faire évacuer les familles sans abris qui campaient à Vincennes. Le communiqué officiel justifie cette opération par des raisons humanitaires. Les familles devraient être provisoirement hébergées en banlieue et le plan de relogement progressif, accompagné d'un suivi social, être mis en route dès la semaine prochaine. Le MRAP condamne et déplore que tant de semaines aient été perdues, le gouvernement ayant semblé jouer la carte du pourrissement, retardant ainsi la solution de ce douloureux problème. Il est très regrettable que l'application du plan de relogement, au lieu d'avoir été mis en oeuvre progressivement dans le cadre d'un dialogue, ait dû être opérée par la force. Incontestablement, l'épilogue de ce drame aurait été différent si les propositions et avis du MRAP avaient été respectés. Le MRAP demande expressément que cette fois les mesures annoncées soient effectivement appliquées. Il exige que la Commission d'évaluation prévue dans le Cahier des Charges de la Fédération ARIL soit immédiatement constituée et puisse veiller à ce que la communication entre les familles et les organisations chargées du relogement soit bien assurée. Il saisit ce jour le Préfet de Région pour une entrevue dans les plus brefs délais. Communiqué du MRAP 29 octobre EXPO·PALESTINE AGENDA 1992 - Fédé MRAP du nord: du 23.10 au 6.11 - Fédé du Rhône: du 9.10 au 21.11 - Comité local de Champigny : du 22.11 au 30.11 - Fédé du nord: du 30.11 au 5.12 - Comité local de Besançon : du 6.12 au 15.12 1993 - Comité local de Marseille: du 18.12 au 15.01.93 - Comité local de Pau: du 15.01 au 31.01 - Fédé de Seine-Saint-Denis: du 1.01 au 31.03 - Comité local d'Asnières-Ge nevilliers

du 1.04 au 30.04

- Comité local de Tarbes : du 7.05 au 31.05 - Comité local d'Oloron SainteMarie: du 7.06 au 20.06 FRANCE L'extrême droite et Maastricht •• Pour tenter de saisir l'argumentaire du Front national concernant le traité de Maastricht, nous avons sélectionné pour les présenter ici les articles consacrés à ce thème des numéros de "Présent" parus durant les deux semaines précédant le référendum du 20 septembre. Cet article a pour seule ambition de contribuer à démonter les thèses xénophobes et antirépublicaines de l'extrême droite. Selon des données recensées par la Sofres au congrès du Front national à Nice en 1990, "76,3% des délégués lisent Présent et 83,4% National Hebdo tandis qu'ils sont près de 49% à lire Minute et 45,6% Le Choc du Mois"(l). Aucune de ces publications, disponibles en kiosque, ne se déclare ouvertement rattachée au FN. Ce qui procure au moins deux avantages: 1 O)Faire jouer le principe de la libre concurrence intellectuelle et économique de même que l'expression des divers courants qui traversent le parti de Le Pen. 2°)Éviter à celui-ci et aux membres de son état-major, en quête de crédibilité, d'avoir à assumer publiquement tout ou partie de ce qui est publié. MARÉCHAL, LES VOILA! Présent se définit, selon sa rédaction, comme "ami(e) du mouvement national" et son codirecteur, Pierre Durand, appartient au bureau politique du Front. La publication est devenue quotidienne (du lundi au vendredi) depuis mai 1989, distribuée par les NMPP à environ dix mille exemplaires. Malgré la logorrhée dont cet article donne un aperçu, Présent est en fait un "vrai" journal militant avec non seulement de la suite dans les idées, mais aussi et chaque jour du matériel de propagande régulièrement renouvelé, une page-affiche "à faire circuler comme un tract et à placarder comme une affiche". Les références pétainistes y sont explicites. A propos du "complot contre la nation", thème dominant de la campagne anti-Maastricht, un article du 17 septembre fait implicitement appel au fantasme sur le "complot juif" et aux propos de Pétain: "Le complot contre la nation remonte à loin, mais on n'y prenait pas garde. Il y a pourtant, du côté ploutocrate, un texte fameux d'Edmond de Rotshchild, paru dans la revue économique "Entreprise" du 18 juillet 1970, disant cyniquement: "le verrou qui doit sauter, c'est la nation". Ainsi on retrouve ce que le Maréchal appelait déjà la "ténébreuse alliance" du socialisme cosmopolite et de la ploutocratie contre leur ennemi commun: le nationalisme"(l). D'ailleurs, comme le note Guy Birenbaum, "l'orientation du journal tient tout entière dans cette formule de Jean Madiran(2): "Dieu premier servi- travail, famille, patrie- la France aux Français". Présent se proclamait d'ailleurs, dans le numéro zéro de sa formule hebdomadaire, "le premier journal de la contre-révolution et de la tradition française depuis trentesept ans"(l) : 1981-37 ans 1943". Le compte est clair. LE SUFFRAGE UNIVERSEL OU LE GÉNOCIDE FRANÇAIS Tandis que les promoteurs du "oui" comme du "non", partageant le respect du verdict des urnes, s'appliquaient à convaincre les électeurs, Présent annonce, sous la plume de son directeur politique, "Avec Jean-Marie Le Pen nous jurons de n'accepter jamais la démission imposée à la France en tant que nation"(7/8 sept). Commentant le "serment de Reims", J.Madiran en arrive à cette édifiante conclusion: "C'est à une déchéance profonde que nous convient Mitterrand, Giscard et Chirac. Us nous ont imposé le génocide démographique de l'avortement libre". On croyait parler du traité de Maastricht et nous voilà retournés à la question de l'IVG, accompagnée de l'utilisation inflationnelle du mot "génocide", suivez la connotation ... Quelques jours plus tard, le 18 septembre, avant-veille du scrutin, manifestement bridé par une démocratie qu'il met systématiquement entre guillemets, Madiran accuse Mitterrand, Giscard et Chirac d'être "responsables ensemble de l'immigration-invasion( ... ), des voies et moyens du génocide français, qui aurait pu se passer de Maastricht pour leur entreprise d'effacement progressif de la nation". La logorrhée est bien 8 là dans cette enflure du verbe par laquelle se réalise le décalage entre le "réel" évoqué (en principe le traité de Maastricht) et les mots pour prédire la "contre-révolution". L'objectif de cette dramatisation outrancière qui laisse froid le lecteur solitaire mais attise les sens et les fantasmes dans des salles chauffées à blanc autour du culte du chef, cet objectif, lui, est rationnel: la remise en cause du suffrage universel comme fondement des règles démocratiques. Dixit Madiran: "Si par exemple l'élection d'un chef d'État peut se faire à la rigueur à une ou deux voix de majorité parce qu'il faut bien qu'il y en ait un (sic), l'adhésion d'un peuple réclame une majorité qualifiée, et ne la fixer qu'à 60% est déj à la fixer fort bas. L'adhésion d'un peuple à sa disparition en tant que nation est en soi illégitime et invalide". Il Y a là noir sur blanc, une profession de foi très rarement développée par l'establishment du Front: le suffrage universel est caduque sitôt qu'il y va de lordre moral". Pour Présent, l'adhésion au traité de Maastricht "n'existe même pas si elle ne rassemble que la moitié des votants et le tiers des électeurs inscrits". Le caractère démagogique du populisme du FN (qui ne cesse par ailleurs de réclamer le gouvernement par référendum) s'expose sans masque: référendum oui, mais à condition que le peuple en question, entraîné et galvanisé par la "parole nationale", s'exprime unanimement en sa faveur. La critique de Madiran de la Déclaration des droits de l'homme (le terme citoyen est omis autant qu'il est honni) et de la Déclaration universelle de 1948 est franchement lumineuse: "ces deux déclarations énoncent des principes plus ou moins justes, plus ou moins bien formulés, certains très vrais, d'autres non. Mais l'ensemble est irrigué par un venin, celui qui récuse comme arbitraire toute autorité et toute morale qui n'émane pas du suffrage universel" (718 sept.. Le refus des textes fondateurs de la Révolution française repose sur la contestation des principes d'égalité jugés décadents: "sans une sévère rectification de leur énoncé on n'arrivera ni à interrompre ni encore moins à inverser la décadence, la décomposition, le pourrissement du monde moderne". Cela rejoint bien les prophéties du Menhir du FN pour qui "il y a des inégalités qui sont des justices et des inégalités qui sont des injustices. Nous sommes pour la justice et non pour l'égalité. Le thème de l'égalité nous parait décadent"(3). LA PATRIE CHARNELLE C'EST PAS POUR LES JEUNES FILLES. LE FRONT C'EST MÂLE. Certains textes-arguments du non lepénien à Maastricht ressemblent à la représentation plus ou moins sublimée d'une guerre au corps à corps. Une cassette-propagande "National-Vidéo" que l'article de Présent (10 sept.) intitule "La Terreur: 1792. Maastricht: 1992- Les racines du mal" définit l'enjeu du "honteux" traité comme le choix entre "la vie et la mort de notre patrie charnelle". Si par hasard vous auriez choisi la vie, Présent conseille de se procurer cette cassette qui est "une véritable petite bombe. Pressez-vous de la faire exploser avant qu'il ne soit trop tard". Cette vision du monde envisage la défense de la "patrie charnelle" comme un combat de soldats mâles et forts destiné à sortir la nation, passive et féminine, de la dégénérescence à laquelle la condamnent les "fédérastes" cosmopolites. SCOOP: CLOVIS N'ÉTAIT PAS UNE JEUNE FILLE! Clovis, le malheureux, est rappelé à l'ordre des virilités permanentes, promu "première image du chef" dans un commentaire du serment de Reims (encore et toujours!) et lui, au moins, écrit Sanders "n'était pas une jeune fille, c'était un guerrier farouche dont on sait qu'il avait une efficacité certaine dans le maniement de la francisque. A bon entendeur, salut!"(7/8 sept). Merci pour les jeunes filles, que celles qui sont au Front ou votent pour lui vieillissent vite pour avoir le privilège charnel d'approcher la hache guerrière. Amen. DE LA CONVULSION D'UN CHEF DE SECTE Il fallait éloigner Clovis des bouquets de jeunes filles pour en arriver à Mitterrand considéré (dixit Le Pen à Reims) comme le "maître de la Kabale, (parsemant) la capitale française de formes géométriques dont nous connaissons les l'enflure du verbe soubassements". Passivité féminine, franc-maçonnerie, complot, puis le délire comme on n'en fait plus: "Un grand moment, encore? oui, répond Sanders. Quand le président du Front national a lancé, avec beaucoup d'émotion dans la voix : "J'ai ramassé le drapeau dans la boue et je l'ai serré sur mon coeur"."(7/8 sept). Nous en étions à la hache de Clovis et nous voici jetés dans la boue mais ramassés par l'héritier incontesté de la "vraie" France. Est-il interdit de prendre ce grand moment de débats sur l'avenir européen de la France pour une simple convulsion de chef de secte? A vous de voir. Dans tous les cas, le parti de M.Le Pen fait "rêver" des Français et les résultats du référendum sur le traité de Maastricht ont montré que son électorat a suivi avec un maximum de discipline (97%) les consignes de sa direction. Tous les arguments habituels du discours lepéniste ont été développés durant ces quinze jours dans Présent. L'immigration-invasion comparée à "une faune hirsute, vulgaire et hagarde" (17sept) qui rappelle à J-M.Le Pen "les cavaliers de Charles Martel qui brisèrent à Poitiers la marée déferlante venue d'Afrique"(Présent 15-16 sept.). Comme le souligne l'excellent dossier du Canard Enchaîné(4), Le Pen n'en est pas à une "celtitude" près. En 732, ses supposés ancêtres bretons étaient des étrangers auxquels il aura fallu attendre sept siècles avant d'entrer dans ce qui deviendra la communauté nationale française. CHAUVINISME ASSASSIN Avec Maastricht c'est aussi la drogue au distributeur! Plusieurs articles sont consacrés aux "routes de la drogue en passant par Maastricht" avec notamment ce titre fallacieux

"vers la distribution

d'héroïne aux Pays-Bas"(Présent, 12-13 sept.) et un bel exemple de chauvinisme assassin : "Tout ceci serait tristement anecdotique si les Pays-Bas ne faisaient pas partie de l'Europe de Maastricht". Qu'ils crèvent tous ces candidats au shooting pourvu qu'ils crèvent chez eux! Revoilà le fameux "droit à la différence" réinvesti par l'extrême droite au nom duquel chaque communauté culturelle ou nationale a le droit et le devoir de ne pas emm ... les autres. L'éloge du mâle au combat -contre l'immigration, la drogue, le Sida, l'insécurité, l'avortement est construit par le schème explicatif de la dégénérescence et sa fonction aboutit à libérer les forts du poids des faibles. Cette "libération" est plaquée sur une "fixité de la nature humaine"( 5): de ce point de vue, le non à Maastricht n'est qu'une propagande destinée à matraquer le thème de la défense nationale comme célébration de l'inégalité. LE RETOUR DU DROIT COUTUMIER OU LA LOI DU PLUS FORT Le Pen va droit au but : "Maastricht c'est le génocide politique"( ... ),"la langue (sic) et la civilisation chrétienne" sont en danger de mort". On se demande par quel hasard le 21 au matin, nous étions encore vivants! Toujours dans ce serment de Reims, les effets induits par le traité sont qualifiés de "contraires aux traditions, usages, coutumes et lois non écrites de la nation". La vision du monde projetée ici implique une vraie corruption de l'histoire: elle annule les ruptures historiques propres à l'émergence et à la construction de la nation française. Dans un article intitulé "le oui peut-il encore l'emporter?", Jean-Yves Le Gallou affirme qu'un oui national est impossible", parce que le traité est "contraire à toute la tradition nationale, qu'elle soit capétienne, républicaine ou simplement gaulliste". Cette simple ineptie devrait suffire à éloigner le citoyen français obligatoirement scolarisé jusqu'à seize ans ... Ces métaphores (la francisque, la virilité, la drogue obligatoire, les armées déferlantes, la nation charnellement éternelle, l'oeuvre des méchants, la hantise de la mort toute proche) et modes d'emploi assenés chaque jour sur le même principe que celui du matraquage publicitaire produisent manifestement leurs effets quand ils sont corrélés à une projection dévalorisée de soi-même ou du groupe auquel on appartient. Écoutez: nous sommes "les parias de la France française" (Le Pen à Reims) ; "la magnifique cohorte des martyrs, des héros et des saints étaient présents à Reims dimanche", renchérit Sanders; "Maastricht la Catholique livrée aux mondialistes" titre encore Pré- 9 sent..., et encore: "les militants, les sympathisants, les électeurs du Front national sont des parias dans leur propre pays"(re-Sanders). SEULS CONTRE TOUS, TARZAN, JANE ET SHEETA Seul contre tous, le lecteur de Présent est appelé à (se) reconnaître (dans) les siens à l'issue d'un processus de fusion naturellement charnelle! Mais on lui désigne aussi ceux qui sont ses ennemis. L'immigré, sans droit de vote ayant été déclassé, voici le tour de France des ennemis pro-Maastricht selon Le Gallou : "l'établissement économique, financier, syndical, administratif, religieux( ... ),95% des votes de la classe parlementaire( ... ), 95% de la classe médiatique". Cela fait du monde mais pas assez. Il y a aussi les fédéralistes et mondialistes rassemblés par, je vous le donne en mille, Simone Veil (souvenezvous, "l'avorteuse" ... ). Puis, "Les professions intermédiaires, cadres ou techniciens ouverts aux médias et aux questions nationales"(18 sept). Merci pour les autres, les jeunes filles et les ploucs programmés par le seigneur Le Gallou comme fermés aux médias et aux questions internationales! En espérant que ceux qui se laissent périodiquement tromper par les apôtres de la grande trouille puissent reconnaître le mépris dans lequel ils sont tenus. Et s'insurger. Chérifa Benabdessadok (I)Le Front national en politique, Guy Birenbaum, Balland, 1992 (2)Directeur politique et directeur de la rédaction (3) Cf La dictature des seigneurs, Chérifa B. in numéro spécial de Différences, mars 1990, L'extrême droite en face (4)Les dossiers du Canard enchaîné, "Le Pen, le vrai", octobre 1992 (5)La métaphysique de J-M.Le Pen, P-A. Taguieff, in Le Front national à découvert, Dir. Nonna Mayer et Pascal Perrineau, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1989 Que l'équipe d"'Article 31" soit vivement remerciée pour son aide documentaire. EN BREF ETATS· UNIS LES NOUVEAUX SOLEDAD Différences a déjà informé ses lecteurs sur le cas de Mark Curtis, militant syndical et antiraciste américain emprisonné dans l'État d'IOWA à la suite - comme tant d'autres! - d'une sinistre provocation. Curtis doit passer devant le Tribunal d'application des peines le 17 novembre qui statuera sur une nouvelle demande de liberté sur parole (qui lui a été déjà refusée une fois). Il répond à toutes les conditions requises. Le Comité de défense - auquel le MRAP s'est associé - demande que des lettres soient adressées au plus vite à THE IOWA STATE BOARD OF PAROLE, Capitol Annex, 523 East 12th Street, DES MOINES, IOWA 50319. Il y a encore beaucoup d'autres prisonniers aux U.S.A. qui ont besoin de notre solidarité, entre autres Léonard Peltier, leader du Mouvement Indien américain, emprisonné depuis 1977, Geronimo Pratt, militant de la cause des Noirs, emprisonné depuis 1971, Alejandrina Torres, militante portoricaine, arrêtée à Chicago en 1983, Susan Rosenberg, condamnée en 84 à 58 ans de prison ... Un Comité de défense composé de personnalités très connues, parmi lesquelles Noam Chomsky, le révérend Ben Chavis... s'est constitué sous le nom de Freedom Now! campaign for amnesty and human rights for political prisoners in the U.S., 5249 N.Kenmore, Chicago IL 60640. Prenez contact avec ce comité, popularisez l'information, organisez avec des amis, avec d'autres militants, la solidarité avec ces prisonniers, comme nous l'avons fait autrefois pour les "frères de Soledad" et Angela Davis. INTERVIEW DE GENEVIEVE JACQUES ~ ACCUEILLIR L'ETRANGER Le Conseil des Églises chrétiennes de France lance jusqu'à Pâques 1993 une campaGne sur le thème "Accueillir l'Etranger". La Cimade et la Pastorale des Migrants en sont à l'initiative. Une soixantaine d'autres associations chrétiennes (protestantes, catholiques, orthodoxes) les ont rejointes. Jean Théoleyre, gui joue à Paris le rôle de relais d'information entre les différents groupes locaux, cite L'Évangile et la "Parabole des Boucs et des Moutons" (1).Au-delà de la Parabole, cette campagne répond à une actualité pressante. Nous avons interrogé Geneviève Jacques, Secrétaire générale de la Cimade. Différences: Vous venez de décider, avec près d'une soixantaine d'associations chrétiennes, de lancer une campagne d'opinion sur un thème hélas aujourd'hui difficile: "accueillir l'étranger". Pourquoi prendre une telle décision maintenant? Voulez-vous réagir à une montée de la xénophobie? Le travail que vous avez mené, en collaboration avec d'autres, pour la défense du droit d'asile si massivement bafoué vous a-t-il révélé des urgences en la matière? Geneviève Jacques: Que le problème des déboutés du droit d'asile ne soit pas résolu illustre effectivement la détérioration d'une situation générale. Et les chrétiens ont été particulièrement sensibles à leurs cas: souvent, ce sont des églises qui ont accueilli les grévistes de la faim. Mais le problème est plus général et plus grave. Les récents événements en Allemagne témoignent de la montée de la xénophobie et du racisme. En France également, on assiste à une dégradation du climat politique sur la question de l'immigration. Le "Front national" est devenu un pôle central autour duquel se déterminent d'autres formations politiques, qu'elles soient favorables à ses thèses ou qu'elles les condamnent. Que certains tentent même de lui ravir quelques-unes de ses idées est particulièrement dangereux. Il s'agit donc de poser le problème différemment. C'est pourquoi cette campagne s'articule autour de l'idée, positive, de l'accueil de l'étranger. Une campagne positive, mais un thème que vous qualifiez vous-même de provocateur. Pourquoi? Nous sommes conscients que le climat en France et en Europe, lié à de multiples difficultés, notamment économiques, n'est guère propice à l'ouverture. Nous voulons affirmer que l'accueil de l'étranger est porteur de valeurs fondamentales pour toute la société et pas seulement pour les étrangers. Nous souhaitons encourager un sursaut des consciences, précisément au moment où les thèses racistes et la xénophobie progressent. Pourquoi vous adressez-vous spécifiquement aux chrétiens? La question du rejet, de la xénophobie, du racisme, concerne toute la société. Il est urgent d'en prendre conscience. Mais pour les chrétiens, il s'agit aussi d'être fidèles à leur Foi. Nous souhaitons les interpeller afin qu'ils s'engagent plus clairement et plus massivement comme citoyens. Ce sont des valeurs fondamentales pour la société qui sont en cause, et des valeurs de la République, qui touchent directement au respect des Droits de l'Homme. Mais la Cimade et la Pastorale de Migrants, associations d'inspiration chrétienne, ont choisi d'interpeller en priorité les chrétiens. Nous devons aussi balayer devant notre porte ... Loin de nous l'idée de faire une "politique chrétienne" de l'immigration. Mais il s'agit de faire en sorte que les chrétiens s'engagent de façon plus confiante, plus intelligente pour la défense de ces valeurs, par fidélité à l'enseignement de l'Évangile. Différents groupes, à la base, animeront avec tous ceux qui partagent les mêmes valeurs et les mêmes préoccupations, des débats publics. Dans ce pays, les chrétiens ont une responsabilité spécifique. L'extrême droite utilise cependant l'idée d'une France chrétienne, ou "fille aînée de l'Église", d'un Occident chrétien qui serait "menacé" par des cultures différentes, par une "invasion islamiste" ... C'est aux antipodes du Message évangélique. Ce Message est l'antithèse de l'idée d'un occident chrétien appelé à se fermer sur lui-même. Cette thèse a cependant une longue histoire, qui remonte par exemple aux Croisades. 10 Ou à ce que fut la "découverte" des Amériques. Les thèses nationalistes qui essaient de se cacher derrière la soi-disant défense d'un monde chrétien, sont autant d'idées simplistes, à l'opposé des valeurs chrétiennes, mais qui peuvent trouver un écho auprès d'un public confronté à de grandes difficultés quotidiennes ou auprès d'autres individus qui fantasment beaucoup. Comment êtes-vous parvenus à organiser une campagne oecuménique de l'ensemble de l'Église chrétienne? Nous ne voulions pas refaire d'autres colloques. Nous en avons déjà fait, y compris en collaboration avec le Mrap, et nous en referons. Mais nous voulions organiser une campagne d'une autre dimension. Nous souhaitons interpeller les chrétiens et l'opinion publique, et il nous a semblé indispensable de montrer la dimension oecuménique de cette campagne. Nous nous sommes adressés aux autorités protestantes, catholiques, orthodoxes, et nous avons chaque fois obtenu une réponse positive. Je crois que chacun a pris conscience que le moment est venu véritablement de s'engager à ce sujet. Quel va être le contenu précis de cette campagne, comment va-t-elle s'organiser? Il s'agit d'une campagne qui se veut décentralisée. Elle sera prise en charge par les groupes locaux, reglOnaux, de la soixantaine d'organisations signataires. C'est à ce niveau que s'élaboreront réflexions et projets concrets. Nous aimerions que puisse être approfondi l'enseignement de la Bible sur l'accueil de l'étranger, parallèlement à des efforts de compréhension, d'analyse des réalités locales. Forts de convictions réarmées, ces groupes pourront engager des débats publics, parler à l'ensemble de l'opinion et pas seulement aux chrétiens. Une réflexion est à mener sur les raisons du succès relatif du Front national qui passe par un matraquage d'idées simplistes. Nous ne pouvons lutter contre cela en opposant des slogans à d'autres slogans. Nous devons essayer d'aller sérieusement jusqu'au bout des débats. Et oser porter ces débats sur la place publique. Nous souhaiterions que s'engagent aussi des actions concrètes. Mais c'est à chaque groupe local d'en décider. Par exemple, dans le cadre de la prochaine campagne des législatives, nous pouvons espérer que des questions soient posées clairement aux candidats sur ce thème de l'accueil de l'étranger. Mais nous ne concevons pas de mot d'ordre national. Cette campagne s'organise autour de valeurs, et c'est à chaque groupe de se les approprier à sa façon, de se poser les questions qui lui semblent importantes et de tenter d'y répondre. Cependant, en matière d'accueil ou de non accueil des étrangers, des politiques nationales sont mises en oeuvre. Quelle que soit l'importance des campagnes locales auprès de l'opinion ou des projets locaux concrets, ne risque-t-il pas de manquer une dimension d'efficacité à une telle initiative si des propositions nationales ne sont pas également formulées, défendues? Bien évidemment, les associations comme la Cimade vont poursuivre les actions entreprises à ce sujet, et continuer d'agir contre toutes les restrictions imposées au droit d'asile par exemple. Mais ce que nous souhaitons voir se modifier avec cette campagne, c'est l'opinion publique. Certains politiciens, avancent l'argument selon lequel l'opinion ne serait pas prête à accepter l'autre. Nous voulons sortir de ce cercle vicieux. Les chrétiens ont à ce sujet une responsabilité et un devoir particuliers. Vous dites que cette campagne peut être menée sur des questions théologiques, politiques, économiques, culturelles ... Là encore, c'est aux groupes locaux de définir leurs priorités. Les situations peuvent être tellement différentes de Marseille à Strasbourg, de Nantes à Clermont-Ferrand ou à Aubervilliers. Les demandes et donc les solutions sont différentes. Quant aux actions concrètes, dans un cas il pourra s'agir de travailler sur le droit au logement, dans un autre sur le droit d'asile ... La Cimade a toujours été sensible aux relations déséquilibrées entre le Nord et le Sud. En même temps que d'aider à accueillir l'étranger, ne s'agit-il pas aussi d'aider à ce que le sud ne soit pas systématiquement maintenu hors de possibilité de se développer? Bien sûr. On ne peut faire l'impasse sur les raisons de la présence en France d'hommes et de femmes qui fuient l'oppression politique, ou l'oppression de la misère. Il s'agit de s'ouvrir à une compréhension du monde et de se rendre compte que l'on ne peut résoudre des problèmes "ici" sans se pencher très sérieusement sur les moyens de les résoudre "là-bas". Cependant, tenter de les résoudre ou prétendre les résoudre "là-bas" ne peut servir de prétexte au fait de ne rien faire ici. Pour nous, le développement du Sud est une question prioritaire pour l'avenir de l'Humanité. Mais cela ne saurait servir de prétexte pour refuser l'accès ou le refuge sur notre continent à quelques milliers d'étrangers du sud. Et il faut lutter contre les fantasmes d"'invasions" qui correspondent à de fausses réalités mais fonctionnent comme des images fortes. Le moment est venu d'intervenir sur le terrain des valeurs. Il faut s'armer d'intelligence, s'informer, tenter de comprendre, et en même temps expliciter de façon ouverte non pas d'affirmer des vérités avec un grand "V", mais des convictions sur les relations des hommes et des peuples entre eux, basées sur la justice. Quel sera l'engagement concret des Églises, dans cette campagne? La campagne a bénéficié dès son lancement de l'autorité morale du Conseil des Églises chrétiennes de France. Les dif- 11 férentes paroisses vont recevoir de leurs autorités des informations et des recommandations pour qu'elles s'engagent concrètement dans la campagne. "Accueillir l'étranger": une telle campagne se limitera-t-elle à l'opinion publique française, ou tentez-vous aussi de la lancer au niveau européen? Nous avons eu l'occasion de la présenter à d'autres. Elle a reçu un très bon écho, auprès d'organisations allemandes, hollandaises, anglaises, suisses ... Entamée cet automne, votre campagne est prévue pour durer jusqu'en avril prochain. Pourquoi? Nous souhaitons que cette mobilisation conserve son caractère d'engagement fort, massif et visible. Nous n'imaginons pas que tout sera résolu en avril prochain. Mais nous osons espérer que des dynamiques locales se seront mises en marche et se poursuivront, engageant des individus qui ne travaillaient peut-être pas ensemble. Propos recueillis par I.A. (1) Dans cette Parabole, Jésus évoque l'accueil du "plus petit- des (siens)". Si les boucs n'ont pas accueilli l'étranger, ni rendu visite au malade, c'est lui qu'ils n'ont pas accueilli. Il apprend en revanche aux moutons qu'en accueillant le plus petit des siens, c'est lui qu'ils ont accueilli ... L 1 R E Guide des droits des étrangers. Nouvelle édition, Syros Alternatives. Rédigé par F. Bouillé (CFDT) et préfacé par J-L. Rollot (Ligue de l'Enseignement). Aborde tous les grands problèmes liés au séjour des étrangers en France. Travail de vulgarisation tout en étant exhaustif. Qualités principales: simplicité, clarté, distinction entre la loi et la pratique, prise en compte des exceptions. Un bon outil pour les Comités locaux. La mémoire juive en Soissonnais Commande à Dominique NATANSON, 21 rue de l'Échelle du Temple 02200 S01SS0NS. Prix frais de port inclus 120 Frs à l'ordre de "Mémoires" 17 juillet 1942, 4 janvier 1944. En deux rafles, policiers français et Gestapo ont fait disparaître plus de la moitié de la petite communauté juive du Soissonnais. Par les témoignages de ceux qui ont vécu ce drame, par l'étude de la presse soissonnaise et des archives, par le récit historique des événements, on tente de comprendre la mécanique implacable de la déportation qui s'est mise en place avec la complicité des autorités françaises. Certains témoignages rappellent aussi comment, grâce à l'héroïsme d'habitants du Soissonnais, quelques enfants juifs ont pu échapper à la mort. Trois nouvelles de Dominique Natanson et quatre toiles du peintre Adek montrent quelles marques ineffaçables cette époque a pu laisser dans un imaginaire déchiré. Marie-Claire Mendès France, "L 'esprit de liberté", Ed. Presses de la Renaissance "L'esprit de liberté" est à la fois une autobiographie inspirée, précise, rythmée et un retour permanent à la pensée et à l'action de Pierre Mendès France décédé il y a dîx ans, le 18 oct.1982. L'auteur y défend, avec obstination sa fidélité aux idéaux de son mari tout en brossant à grands traits et dans le détail sa traversée du siècle. Loin du fade passéisme auquel ce travail de mise à plat pouvait conduire, le livre de M-C. Mendès France s'ancre dans le présent avec notamment deux préoccupations majeures: "Actuellement, je me sens mobilisée par deux grandes causes: la paix au Moyen-Orient, la lutte contre le Front National. Je crois pouvoir dire sans me tromper que Mendès France, s'il était encore parmi nous, lutterait en priorité sur ces deux fronts. Pour lui, "le racisme consiste à regarder celui qui est autre comme fondamentalement autre et comme ennemi. C'est aujourd'hui l'un des grands maux qui mettent l'humanité en péril." COURRIERS POURQUOI PARLER D'ANTISÉMITISME ? Ma première réaction en ouvrant ce "DifIfrences" a tlt de dire: "maÎs, qu'esl e qui se passe actuellement en France ou dans le monde pour que le MRAP COnsacre un numéro sp«ial à l'anti~mitisme 1" Pas de le~nneries particulières en ce moment .. Rostock, c'est plutôt les bronru de toutes les couleurs ... Dépressions anti~mites? La suite de l'éditorial de Chérifa 8enabdessadok ne me donne pas la réponse. Les "Juifs imaginaires" qu'elle évoque,je les CÔtoie tous les jours, ils font partie de nOire paysage, broyés, malme· nés par une machine infernale, inscrits dans Je "bréviaire de la haine", objets d'une phobie contagieuse, ces Juifs imaginaires sont pour moi bien réels: ce sont les Arabes! Le problème du racisme anti-arabe est présent, en permanence, partout, dans tous les milieux. Nous les rencontrons presque à chaque instant. Pas plus tard qu'hier,j'ai découven chez un voi· sin, agriculteur sympathique, avec qui je fais de temps en temps la conversation et que je pensais d'esprit assez ouvert. une agressi. vit~ insoupçonn~e contre les Arabes, étayée sur les ragots du Front NationaL Dans sa ligne de mire se situent, au second plan, les étrangers en général. Il redoutait m~me plus précisément, ce que j'appellerais les ~nouveaux étran· gers~ ,je veux dire les ressortissants des pays de l'Est dont il avait déjà repéré quelques spécimens polonais sur le marché de gros, qué· mandant "une demi·journée de travail pour manger~. Mais, là aucun moment, il n'a désigné et invectivé les Juifs, comme respon· sables de ses problèmes. Bien ~vi· demment. Votre dossier, d'ailleu rs, nous ramène pour l'essentielàla derniè· re guerre mondiale, au nazisme, au pétainisme (ce qui est relativement nouveau et de cela il faut vous féli· ci ter) et à l'antisémitisme de tou· jours, récupéré et véhiculé par le christianisme qui l'a amplifié au point d'en faire l'un de ses fondements sur lequel il a édifié un des plus vastes champ de persécution de l'Histoire. Cependant, même si l'antisémitis· me ancestral n'est pas mort, revi· gor~ par le nazisme et le néo-fas· cisme, et même s'il resurgit parfois de façon violente dans notre vie, il est clair, me semble·t·il, que le rOle de Différences n'est pas de l'aus· cuiter indéfiniment m:ais bien d'observer et de dénoncer priori. tairement les ravages du racisme dans notre société, aujourd'hui. Ici et maintenant. Le rôle doit ~tre de mettre les vraies questions sur le métier de l'antiracisme et de ne pas se laisser impressionner par les faux·5Cmblants. Gaston PELLET PUJAUT ValU comprendrez Clisémenl qu'on ne pouvait publit!r q~ deux pages sur les huit q~ comportait ~otre textt. Je suis honnie que vous ne soyez pm sensible d l'h)'pothtse de travail diveloppée dans ce numéro: CONIaftre l'lUIrisémitisme (que l'Histoire rh FrtlllCe porte comme une blessure) ouvre des chemùu au savoir sur d'autres formes de racisme. Si VOIU avez lu fe numéro dtlllS son imégraliré, vous ClUreZ constaté que ICl plupClrt des articles ouvre le débat, la réflexion et l'illfornwtion sur les méoenismes commwu alU rClcismes et li la xénophobie. Enfin, les ~Juifs imaginaires bien riels~ que vous évoquez sont les Arabes, mais aussi des Juifs bien riels. N'oubliezpilSqu'iluisteen France unjoumal qui s'appelle ·Rtvision~ dOflt la politique éditoriDle est qlUJsi- uclusive~m basée sur fil négation duginocidedesJuifs. C'était, d notre avis, une raison parmi t/lllt d'autres pour rtvenir sur la question. Maisfallait-il, ici, me justifier '! C.B. Er LES HARKIS? J'ai particulièrement apprroé l'article tout en nuances et en profondeur de Sylviane Diouf·Kama· ra sur les rapports des Noirs el des Juifs au:.: Etats-Unis. Je trouve celui de Chtrifa 8enabdessadok ayant trait 11 l"antisémitisme algé. rien, très courageux. Comme elle a évoqut un parallèle, au travers de la presse algérienne, entre ~ Harki " et ~ Juir', je la remercie de me pero mettre ainsi d'évoquer un sujet trop souvent occulté; le manyre des harkis en 196263 elle massacre (volontairement) oublié de dizaines de milliers de Français (mUSulmans) dODtles acteurs phy. siques sont certes algériens mais dont les responsables sont avant loul français. placés 11 un très haut niveau de responsabilité ou plutôt d'irresponsabilité! Dans un récent appel au Président de la République le ~Comité National pour la Reconnaissance des Hark.is" (dont le porte.parole est M. HAMICHE) après avoir fait allusion à l'anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv demande que soit proclamée solennellement la responsabilité de la France dans l'assassinat, en temps de paix, de SO.1XXl à ISO.lXXl "Français Musul· mans d' A1gérie~ ... Le Conseil National de Réflexion et de Coordination des associa· tions de Musulmans français (dont le porte-parole est M. Kaberseli) demande, en évoquant l'affaire Touvier, que "soient enfin déclenchées des poursuites judiciaires à l'encontre des responsables et des exécutants d'un autre gouvernement français, qui, il Y a trente ans à permis, voire défavorisé un massacre de masse, d'hommes, de femmes, d'enfants et de veillards dont le seul tort était d'avoircru en la parole de la France ..... Il n'y a plus de doute aujourd'hui le massacre des Harkis a tté dtcidé à froid et le journal algérien "La Tribune d'Octobre", édition du 25 juin au 15 juillet 1990 le reconnait implicitement en reprenant les déclarations de Pierre Vidal Naquet qui l'établissent! Il n'y a pas de doute non plus, aujourd'hui il faut écrire l'histoire de cet épisode honteux lui aussi de l'Histoire de France el cela non plus de façon allusive ou tvasive : - parce-que les fils de harkis ont soif de 5C réapproprier la mémoire de leurs pères, l'histoire de leur communauté. Il convient de ne pas entraver, mais de favoriser cette aspiration légitime; - parce-que l'occultation de cette Histoire constitue un mensonge dont on n'a pas fini de mesurer les ravages. Il va de soi que l'écriture de celle histoire va de pair aveccel· le de tous les autres crimes commis précédemmeot (et en particulier ceux du 17 octobre 1961 Il Paris)! Jean-Mkbel WEISSGERBER Nous vous re~rcioflS d'allirer l'attention (Ù la rédaction sur l'his· toire et la condition des harkis. Nous vous remercions pour la documentation que vous nous avez faite parvenir. Promis, juré: nous consacrerons l'un de nos proclwins dossiers sur cette question. COMPRENDRE Merci pour les différents éclairages que vous donnez sur l'antisémitisme dans la publication spéciale de septembre, Pour moi, une lecture passionnante. Cela permet de mieux comprendre le mécanisme des dérapages des mentalités et de se poser la question de ce que l'on peut faire pour les prévenir. Avec toute ma sympathie. A....-MuieVEUCITE 12 Vo 1 R rhébtre 8err)' nbre, 6J Bd Belle· ville 75011 Paris "Eh Jac ,~ rh et avec Kapela MULUMBA du Thébtre SIl/'lS FrotUiires. A travers huit sketcbs, un africain nous parle de son périple depuis la prison dans son pays il se trouve mtlt à une affaire politique jusqu'au problème de l'immigration. Des sujets qui sont parfois graves, mais qu'il observe avec sa "nal'Veté africaine" et beaucoup d·humour, Et il y réussit! Espace HérClwt, 8 rue de la Harpe 75005 PClris U~ production du Thébtre Nejmo ·11 parwir li son balai~ à la btaulé dr6le et cruelle d'unef able. Deux amis balayeurs de leur état, Dad·A1i el Si Sliman, undeux-dissociable, amis jusqu'au bout des ongles, au bout de l'Ame. Si Sliman monstre d'affection, et maltrer( l,veur fait r(l,ver son ami trop triste, trop laid. Il lui invente une femme lointaine, inaccessible qui habite un ailleurs nulle part, si proche. Oad'Ali la désire jusqu'à la mort. 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex Il TéL: 48.06.88,00 Télécopie: 48.06.88.01 N.H. Directeur de 1.1 publlclitlon Mouloud Aounil Gérant bené ..... Martial Le Nancq Rlidactrlce en chef Olerifa Benabdessadok JournaUste Isabelle Avran Publicité au journal Abonnements Isabel de Oliveira Mlseen~ SfANZOSarl Tél.: 49 37 28 25 Impreulon Montligeon Tél.: 33.83.80.22 CommiUH)n paritaire nO 63634ISSN 0247-9095 Dépôtlégall992·IO

Notes

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