Différences n°269- janvier 2009

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Sommaire du numéro

n°269 de janvier 2009

  • Après la guerre contre Gaza: l'unité, l'enjeu pour le peuple palestinien par Pieere Barbancey [moyen-orient]
  • Gaza: le blocus médiatique par Patrick Kamenka
  • Science et (anti)racisme par Jean-Luc Gautero
  • La diversité en politique: nouveau gadget exotique ou réel progrès démocratique parVincent Geisser
  • Dossier: questionnements identitaires et instrumentalisation politique [identité]
    • Identités et discriminations mots (maux) etréalités par Catherine Stern
    • Questionnements identitaires et instrumentalisation politique par Saïd Bouamana
    • Littérature jeunesse antiraciste
    • Six films antiracistes
    • Les filles voilées parlent par Pierre Tévanian, Malika Lafrèche, Ismahane Chouder
    • L'élection de Barack Obama met-elle fin à la question noire américaine par Laurent Bouvet
    • Discriminer pour mieux régner de V. Geisser et El Yamine Soum, note de lecture de Colette Fournier
  • Hommage à Bertrand Bary par Martine Platel
  • Des ponts, pas des murs: déclaration de Montreuil
  • Sélection du MRAP: Bougouniéré invite à dîner de J.L. Sagot-Duvauroux par le théâtre malien Blonba


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mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples « Diffél'ences )) 43. bd de Ma'Qenta - 75010 PARIS Tél.: 0153 38 99 99 - Fax: 0140409098 mail: differences.ya@oran.Qe.fr 6€ le numéro / Abonnement : 21€ [4 numéros/an] Di1'8cteul' de la publication: Mouloud Aounit Rédaction: Yves Marchi / Alexandrine Vocaturo Assistant pl'oduction : Pierre Rousset Conception/lmp1'8ssion: Marnat -Tél.: 01 56800919 Commission pal'itai1'8 n° : 0108H82681 Dépôt lé'Qal : Juillet 2007 lllustration couverture : Fabrice Verrier Après la guerre (ontre Gaza L'unité, l'enjeu po le p upie • en Par Pierre Barbancey, grand reporter à l'Humanité A lors qu'un cessez-le-feu précaire s'est installé dans la bande de Gaza, et que les pourparlers pour une trêve traînaient en longueur, les véritables motivations israéliennes apparaissent. Tzipi Livni, alors qu'elle était ministre israélienne des Affaires étrangères, ne l'avait d'ailleurs pas vraiment caché lorsqu'elle soulignait qu'après cette guerre, le visage de la région en serait changé. Tout le monde sait bien que le Hamas ne sera jamais éradiqué à coup de bombes ou d'invasion. On pourrait même faire remarquer que le mouvement islamiste, à l'origine branche palestinienne des Frères musulmans égyptiens, a bénéficié de la mansuétude de l'occupant israélien lors de sa création, au milieu des années 80. Aujourd'hui, il s'agit de le rendre présentable pour deux raisons essentielles. Son rapprochement avec l'Iran, opéré depuis plusieurs années maintenant est une source d'inquiétude, à Washington et à Bruxelles. Comment briser cette alliance ? D'abord en faisant rentrer de nouveau la Syrie, allié objectif de Téhéran, qui accueille la direction en exil du Hamas, dans le jeu international. Dans un deuxième temps, selon la conjoncture internationale et surtout le rapport des forces au sein du mouvement palestinien, faire du Hamas un interlocuteur. Après tout, Américains et Européens composent déjà avec les mouvements islamistes en Afghanistan et en Irak, sans parler du drôle de caractère des régimes des monarchies du Golfe qui appliquent sans vergogne la charia, la loi islamique, si chère aux talibans afghans et à Oussama Ben Laden. Il ne s'agit donc pas de liquider le Hamas, mais de le ramener à la raison. Les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy, lors du sommet de Charm el-Cheikh, ne souffrent pas d'ambiguïté. Le président français, tout entier acquis à la stratégie américaine (notamment le renforcement des troupes en Afghanistan que prône Obama) propose l'organisation d'une conférence internationale destinée à « poser les bases d'une paix durable» au Proche-Orient, sans préciser qui seraient les représentants palestiniens. La présidence française estime par ailleurs que le moment n'est pas venu pour Paris d'ouvrir des discussions directes avec le Hamas. Ce qui laisse entendre que ce pourrait être le cas dans l'avenir. Pour le président palestinien Mahmoud Abbas, l'enjeu est de taille. Il pourrait se trouver marginalisé. D'où sa proposition Carlos Latuff •• 3 4 au Hamas, quelques heures seulement après le cessez-le-feu, de former un gouvernement « d'entente nationale» qui organiserait des élections législatives et présidentielles simultanées en Cisjordanie et à Gaza. Il entend ainsi tenter de reprendre la main dans un contexte d'affaiblissement politique du mouvement islamiste. Pour la gauche palestinienne, notamment le parti du peuple palestinien (PPP, communiste), « le dialogue inter-palestinien doit reprendre », afin de déjouer le piège tendu. Autre problème: l'attitude des pays arabes. La Ligue arabe ne pèse pratiquement d'aucun poids. L'Initiative arabe, du nom de la proposition saoudienne votée en 2002 et réactivée en 2006, qui prévoit la normalisation des relations du monde arabe avec Israël en échange des territoires occupés, la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale et la résolution du problème des réfugiés, est tout juste mentionnée dans les réunions internationales et les pays arabes sont bien incapables de la faire vivre. Ce qui n'empêche pas ces mêmes pays de s'immiscer dans le dialogue interpalestinien. Pour Nafez Ghneim, membre du Bureau politique du PPP, qui se trouve à Rafah (sud de la bande de Gaza), « Israël a planifié cette offensive depuis longtemps mais en rompant la trêve le Hamas lui en a donné les moyens. C'est le Hamas qui est visé, mais c'est tout le peuple palestinien qui est touché. Israël veut affaiblir le Hamas dans un but politique. Tel Aviva bien profité des divisions palestiniennes après le coup d'Etat du Hamas en juin 2007 et de la séparation politique entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. En accentuant cette division, Israël est parvenu à mettre fin à l'idée de la création d'un Etat palestinien. » Le dirigeant palestinien estime qu'Israël « veut faire en sorte que le Hamas soit modelé à sa convenance, ce qui maintiendra la division palestinienne. » C'est évidemment l'enjeu de cet après-guerre. Si la division inter palestinienne se poursuit, ça en sera fini, à terme du mouvement national palestinien lui-même. Il s'agit donc de contrer la stratégie is raélienne. « Il est d'autant plus important d'oeuvrer à cette unité que la situation du peuple palestinien est catastrophique », fait remarquer Nafez Ghneim. « La division n'a pas lieu d'être dans un tel cas. Mais cela ne dépend pas de nous seulement. C'est un travail nécessaire pour toutes les factions palestiniennes. Nous, nous voulons justement aider au rapprochement des différentes factions. La meilleure solution est de se conformer au plan de dialogue inter-palestinien mis en place sous l'égide de l'Egypte, que nouS soutenons entièrement. » Pour l'heure, les discussions inter palestiniennes marquent le pas. C'est plutôt un dialogue de sourds puisque tout le monde se dit d'accord pour un gouvernement d'union nationale mais chacun revendique pour soi-même la mise en place et la direction d'un tel cabinet. Mahmoud Abbas, dont le mandat de président est arrivé à échéance au début du mois de janvier voit sa légitimité menacée. Ses déclarations au début de la guerre menée contre la bande de Gaza incriminant le Hamas, n'ont pas été appréciées par les Palestiniens, y compris au sein du Fatah. Ce qui manque c'est une véritable initiative politique apte à retrouver l'unité du mouvement palestinien. D'où l'importance de relancer la campagne pour la libération de Marwan Barghouti. Toujours emprisonné, le leader palestinien semble être le seul en mesure de rassembler sur son nom l'ensemble des forces. Marwan Barghouti est d'ailleurs le principal instigateur de « l'Appel des prisonniers », ce texte de 2006 appelant à un gouvernement d'union nationale palestinien. De sa cellule, lors de la guerre à Gaza, Marwan Barghouti a lancé un message d'unité. « Le sang versé par les martyrs réclame de nous une rapide fin de la division actuelle et de réaliser l'unité nationale », a-t-il souligné. « Il faut engager un dialogue national sur la base du document de réconciliation, des principes nationaux et du choix démocratique. Il faut parvenir à un partenariat national au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de l'Autorité palestinienne dans la lutte contre l'occupation. L'enjeu du moment c'est celui de l'unité et de la cohésion et de s'élever au dessus des blessures pour faire face à l'agression, pour en finir avec le siège et continuer la marche en avant vers la liberté de notre nation, le droit au retour des réfugiés et l'indépendance. » Si l'on en juge par les thèmes de campagne des principaux partis israéliens lors des dernières élections législatives et la montée de l'extrême-droite à la quelle on a assisté, l'unité palestinienne reste la condition sine qua non pour qu'un Etat palestinien viable, dans les frontières de 1967, voie enfin le jour. Février 2009 Il le blocus médiatique Affiche des années 70 du FPLP Par Patrick Kamenka, journaliste (*) membre du SNJ-CGT Au blocus de Gaza par terre, mer et air imposé par Israël, aux destructions des immeubles, des sites économiques, aux bombardements systématiques de Tsahal contre le peuple palestinien, aux victimes par centaines, dont de trop nombreuses femmes et enfants, les dirigeants israéliens ont rajouté la guerre médiatique à cette guerre de trois semaines déclenchée contre l'enclave palestinienne. Tirant les leçons de la guerre du Liban en 2006 où les medias avaient montré les « bavures» contre la population du sud Liban et les difficultés des soldats israéliens face au Hezbollah, cette fois l'opération « Plomb durci », qui était officiellement la réponse d'Israël aux tirs des roquettes sur les villes du sud de l'Etat hébreu, devait se passer sans témoins, sans médias. Car on savait bien en haut lieu que la punition collective infligée aux Palestiniens était une véritable atteinte aux lois de la guerre, aux droits de l'Homme. Les bombardements à l'aveugle sur une population civile traumatisée par une folie meutrière, l'emploi de bombes au phosphore et d'armes interdites comme les obus Dime ne pouvaient être montrés à l'opinion publique internationale au risque de provoquer encore plus d'opposition, de manifestations contre la politique israélienne. D'où l'interdiction faite aux journalistes en poste à Jérusalem et aux envoyés de la presse internationale de se rendre à Gaza. Seuls pendant trois semaines, les journalistes palestiniens à Gaza ont, au péril de leur vie, couvert cette nouvelle guerre lancée et donné des informations au reste du monde, car bon nombre d'entre eux travaillaient pour des télévisions ou des agences internationales. Ces journalistes, comme le reste de la population civile, ont été victimes des frappes des F16, des t irs des chars. Cinq d'entre eux ont été tués et une trentaine d'autres blessés. Selon les témoignages recueillis sur place par une délégation de syndicalistes membres de la Fédération internationale des journalistes (FIJ 600.000 adhérents), ces tirs ont été pour beaucoup dirigés intentionnellement vers les journalistes et les sites des medias. C'est notamment le cas de la télévision AI Qods dont l'immeuble situé au centre de Gaza a été rasé par des roquettes car accusé d'être dans l'orbite du Hamas. La FIJ a dénoncé à de nombreuses reprises les atteintes aux droits des journalistes à Gaza et a lancé une enquête sur place au cours d'une mission pour recueil lir les témoignages sur ces violences des militaires israéliens qui, si elles sont confirmées, seraient contraires aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies protégeant les journalistes lors des conflits armés (résolution 1738). Le rapport de la FIJ sera remis à l'ONU. La couverture de cette agression contre la bande de Gaza a donné lieu à des dérives inquiétantes dans les medias français y compris sur le service public de France Télévision. On a ainsi pu voir de longues séquences avec un surcroit d'émotion à propos des enfants israéliens et des crèches ou jardins d'enfants de Sderot sous la menace de tirs des roquettes du Hamas. De plus les porte-parole militaires israéliens avaient antenne ouverte. Alors que tous savaient ce qu'enduraient pendant ce temps les populations palestiniennes de Gaza et notamment les enfants traumatisés par le tapis de bombes et d'obus déversés quotidiennement sur leur tête sous prétexte d'arrêter les tirs de Qassam et d'en finir avec les structures militaires du Hamas. Le résultat est probant : 1300 morts et 5000 blessés palestiniens, dont une majorité de civils. Les tirs du Hamas n'ont pas cessé y compris maintenant. Les tunnels pilonnés par les forces israéliennes fonctionnent toujours car ils sont le cordon ombilical des habitants de Gaza pour faire venir les marchandises de toutes sortes, car le blocus est toujours maintenu autour de l'enclave, véritable prison à ciel ouvert. Quelques rares reportages sur France 2 notamment grâce à des journalistes comme Charles Enderlin et d'autres ont pu faire la différence. Il faut saluer le travail des journalistes qui comme Pierre Barbancey dans l'Humanité ont pu témoigner sur l'horreur de l'opération « Plomb durci », après l'ouverture de Gaza aux journalistes. On se souvient aussi des images fortes comme celles sur ce médecin palestinien qui opère en Israël et dont Tsahal a tué malgré tout ses enfants. Quelques voix en Israël ont eu aussi le courage de s'élever contre la logique guerrière de l'Etat hébreu. Yagil Levy, un expert militaire interrogé par Le Monde (7 février), indique ainsi qu' « il y a quelques signes selon lesquels les Israéliens souhaitent qu'une enquête soit menée sur le comportement de Tsahal. Quelques voix se sont élevées. Cela prendra du temps mais Isarël va peut-être réaliser que les hauts responsables militaires pourraient être traduits devant des cours internationales. » (*) membre de la délégation de la FIJ qui s'est rendue à Gaza le 22 Janvier 2009 S,ien,e ·)ra,isme Par Jean-Luc Gautero. maître de conférence de philosophie des sciences à l'Université de nEe Sophia Ernst Haeckel a écrit quelque part que Jésus Christ devait être le fils d'un légionnaire romain, car il n'était pas possible qu'un homme porteur d'idéaux moraux si élevés soit purement de souche sémite. Ernst Haeckel (1834-1919) n'était pourtant pas un idéologue nazi, mais l'un des plus grands biologistes de son temps, un ardent propagateur de la théorie de l'évolution, celui qui, inventant le mot « écologie » fit de cette discipline une branche autonome de la biologie. Mais la croyance à l'existence des races était largement partagée par les scientifiques de son temps. La frontière qui sépare les faits et les valeurs n'est pas si étanche que le prétendent nombre de ceux qui réfléchissent sur la science: il fallut attendre les lendemains de la deuxième guerre mondiale pour que la communauté des biologistes changeât d'avis. Il n'y eut pourtant pas, entre 1939 et 1945, d'avancée scientifique fondamentale qui pût provoquer ce revirement. La cause en fut plutôt, avec la révélation de l'existence des camps de concentration, le constat des horreurs que pouvaient permettre les théories racialistes. Ce qui précède ne veut pas dire bien sûr que les biologistes du début du vingtième siècle avaient raison, et que les races existent bel et bien. La question de la réalité des classifications des objets naturels opérées par les humains est une question largement discutée par les philosophes depuis plusieurs siècles, et pas seulement pour ce qui concerne la biologie humaine; il est peu vraisemblable que ces discussions cessent bientôt. Mais cela veut dire que les militants antiracistes auraient tort de faire de l'inexistence des races humaines, qui est maintenant la position dominante des biologistes, un argument décisif pour soutenir leur cause : les biologistes pourraient bien une nouvelle fois changer d'avis, et il semblerait d'ailleurs que certains trouvent le concept de race à nouveau opératoire, sans pour autant être d'extrême droite. Ce qui est dangereux, ce n'est pas tant de parler de races que de les hiérarchiser, ou de leur associer telle ou telle caractéristique int ellectuelle. Une telle association n'est plus sérieusement possible à un moment où l'on se rend compte que même pour contrôler des phénomènes simples, les gènes dépendent de manière fondamentale de leur environnement. C'est pourquoi, tant que la science, dans son état actuel, affirme l'inexistence des races, on peut en faire un argument, un parmi d'autres; ce n'est pas forcément rationnel, mais les racistes jouent beaucoup sur l'ir rat ionnel, et s'il ne convient pas de privilégier leur terrain, il ne convient pas non plus de le négliger. Il ne faut pas cependant donner à cet argument un poids démesuré, en oubliant que la question de l'antiracisme (et du racisme) est avant tout une question quant à la société humaine que nous souhaitons: s'agit-il d'une société humaine dans laquelle une petite minorité de spécialistes décide pour tous? Il n'est dans ce cas pas absurde de s'en remettre à l'avis de ces spécialistes, mais il est difficile alors de se prétendre véritablement antiraciste, car il faudrait accepter de changer ses positions si le discours des spécialistes change. Ou s'agit-il d'une société d'êtres humains libres et autonomes, qui refuse par principe toute hiérarchisation entre ses membres? C'est dans ce cas seulement que le combat antiraciste prend tout son sens. 6 Aujourd'hui, la diversité apparaît comme la formule miracle pour résoudre les problèmes de discriminations ethniques et raciales non seulement en politique mais aussi dans de nombreux secteurs sociaux dits « stratégiques» (Grandes écoles, entreprises, médias, haute fonction publique ... ). La notion a même reçu un début d'officialisation au plus haut niveau de l'Etat: après avoir longuement hésité à la constitutionnaliser - insertion dans le Préambule de la Constitution de 1958 - le président de la République s'est finalement résigné à créer un poste de Commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances qui, à travers la personne de Yazid Sabeg, devrait jeter les ponts d'une politique publique « ambitieuse », afin d'apporter des réponses concrètes aux discriminations gangrenant la société française. Sur ce plan, l'opposition de gauche ferait plutôt preuve de suivisme politique: bien qu'il tente d'avancer ses propres propositions, le PS épouse très largement les contours de la « diversité à la Sarkozy », sans remettre en cause les fondements mêmes de cette « nouvelle doctrine ». Or, loin d'être neutre et, en dépit de sa visée « généreuse », la notion de diversité soulève de nombreuses interrogations. En premier lieu, il faut reconnaître que la diversité ne procède pas d'une concertation citoyenne et démocratique mais qu'elle s'impose comme le fait du Prince. Outre le processus autoritaire d'une telle Vincent GEISSER, chercheur au CnRS, lIésident du Centre d'information et d'études sur les migrations internationales (CIErnl). El Yamine sourn, doctorant en science politique à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). « avancée », elle pose le problème de ses effets politiques et sociaux: les figures de la diversité promues en politique sont rarement choisies par les bases militantes mais le plus souvent par les seuls dirigeants des états-majors partisans. On aboutit ainsi à une figure paradoxale: au nom de la lutte contre les discriminations, on en vient à légitimer des processus de cooptation ethnique et communautaire qui contredisent les principes mêmes de la démocratie. A moyen terme, on pourrait voir ainsi émerger des élites « ethniques» totalement déconnectées des militants, dont la seule légitimité serait d'être choisies par le Prince. Ensuite, la diversité est le plus souvent associée à des opérations de communication et de marketing politiques, sans effets réels sur les mécanismes structurels produisant la discrimination. En somme, la promotion de figures dites « représentatives» de la diversité contribue à occulter, à conforter et, parfois, à faire perdurer, des formes de discriminations beaucoup plus graves. Nous touchons là aux limites réformatrices de la diversité « à la française» : il s'agit davantage d'une opération cosmétique et homéopathique que d'une réforme en profondeur de nos institutions. « C'est l'Arabe qui cache la forêt des discriminations » comme disent certains avec ironie. Mê~e si elle peut paraître exagérée, cette formule n'est pas dénuée de tout fondement: la diversité participe d'une colorisation superficielle des postes à responsabilité, sans véritable partage du pouvoir, et surtout sans réelle capacité à faire reculer les discriminations qui frappent la majorité. Enfin, et c'est peut-être la principale ambivalence de ce nouvel engouement des responsables politiques et des chefs d'entreprises pour la diversité: elle prétend lutter contre les discriminations en imposant une lecture quasi ethnique de la société française, avec d'un côté les Français dits « de souche» et de l'autre « les divers ». A ce niveau, le discours sur la diversité, loin de faire reculer les visions et les représentations discriminantes de notre corps social, risque de leur donner une « légitimité positive » mais ô combien perverse. A ce titre, on observera que la notion de diversité est presque toujours employée avec celle de « minorités visibles », supposant qu'en France il existerait une « Majorité invisible» et des « minorités trop en vue ». Or, c'est oublier que si l'on veut lutter efficacement contre les discriminations, il faut commencer par casser ce terme ambigu de « minorités visibles» qui remet en cause le principe d'unité de la citoyenneté, en supposant que la « grande famille française» serait composée d'adultes (les « Français purs ») et d'éternels mineurs (les Français « métèques »). Au final, plus qu'une entreprise de diversion, la diversité apparaît bien comme régression de notre idéal démocratique et une remise en cause profonde du principe d'égalité. Dossier détachable réalisé par le secteur et la commission éducation du MRAP -1 W S mots (maux) et réalités Par Catherine Stern, Secteur Education du MRAP Autour de la Journée de réflexion organisée sur le thème « Examen d'identité » ni du 22 novembre 2008 faisant suite à celle organisée le 8juin avec Françoise Lorcerie « Défi ethnique et discriminations à l'école et dans la société» m Dans une France qui a mis en place un ministère de l'Identité Nationale accolé à l'Immigration et, cerise sur le gâteau, un gouvernement qui vient d'annoncer un projet muséographique d'« histoire civile et militaire de la France », projet qui ne fait que « légitimer le repli identitaire sur lequel le gouvernement actuel cherche à construire son hégémonie et qui illustre une nostalgie pour l'époque où la principale fonction de l'enseignement de l'histoire était de servir l'Etat français» pour reprendre les termes du Comité de Vigilance face aux Usages publics de l'Histoire (CVUH), le MRAP se doit de réfléchir à des expressions commodes et fréquemment utilisées comme: identité nationale, modèle républicain, laïcité, intégration, diversité, racisme, discrimination, communautarisme, culture, inter culturalité, différence, égalité ... Ne sommes-nous pas trop nombreux, en effet, à estimer que le sens des mots est connu d'emblée et partagé par tous? Comment alors, déconstruire toutes les apparentes évidences, ces stéréotypes, ces préjugés, ces imprégnations idéologiques pour arriver à construire notre propre parole sur le monde qui nous entoure, et permettre ainsi, à d'autres de construire leur propre parole. Passage obligé pour envisager l'édification d'une société plus juste fondée sur la tolérance et la reconnaissance de l'autre sans domination. Comment penser, réfléchir, aider à réfléchir, comment établir un dialogue avec des jeunes et des moins jeunes, si ce n'est en partant de leurs préoccupations, de leurs doléances, de leurs inquiétudes et de leurs revendications. Comment produire des outils qui nous permettent de déjouer les masques de nouveaux racismes, de débusquer ce qui se cache derrière les apparences? C'était le but de notre rencontre de ce jour avec Saïd BOUAMAMA (3) sur la « Question identitaire ». et Ismahane CHOU DER (4) et Pierre TEVANIAN (5), autour de leur livre Les filles voilées parlent. L'importance de la question identitaire Cette question identitaire nous semble importante parce qu'elle est au centre des affrontements idéologiques dans cette période où les inégalités sociales, les discriminations racistes s'accroissent. L' « identité nationale» peut-elle être une réponse à la très grave crise économique, sociale et politique que nous commençons à vivre, et participer à des changements sociaux qui semblent hors de portée? D'où l'absolue nécessité de réfléchir à ce qui fait le terreau du racisme, forme radicale du refus de l'Autre, mais aussi remède illusoire aux souffrances quotidiennes endurées. Quel lien entre la réflexion sur 1'« identité» et le scénario dit du « choc des civilisations» ou de « guerre des civilisations» ? Quels moyens mettre en oeuvre pour que ce scénario ne se vérifie pas? Un outil pour favoriser le débat Nous proposons un outil « A l'écoute des jeunes de 15 à 25 ans sur les discriminations, les exclusions, le racisme et la xénophobie dans la France de 2009 » (6) Outil qui peut faciliter le débat avec des jeunes de 15 à 25 ans en partant de leurs préoccupations, doléances, inquiétudes, révoltes, humiliations, insultes reçues et données au quotidien, en prenant en compte leurs revendications, toutes leurs revendications ... 7 8 Nous voudrions provoquer, chez ces jeunes, un questionnement sur ce qui fait le terreau du racisme à partir de leur quotidien, de leurs propres mots, de leurs outrances, de tous les racismes, antisémitisme, anti noirs, anti jaunes, mais aussi les formes contemporaines du racisme comme l'islamophobie ou la haine du foulard, l'homophobie ... de toutes les formes de dominations par les origines, le sexe et les classes et qui se cachent derrière les masques de respectabilité, de l'alibi et de l'apparence, gènes de la délinquance détectables dès l'enfance, folie qu'il faudrait enfermer, laïcité prise comme valeur alors qu'elle ne nous semble qu'une méthode, sans papiers assimilés à des criminels, jeunes poursuivis pour terrorisme parce qu'ils refusent d'entrer dans un moule ... sur les causes et les mécanismes de la banalisation de la xénophobie et du racisme en France en ce début du XXlème siècle. Xénophobie et racisme, formes radicales du refus de l'Autre, mais aussi remèdes illusoires aux souffrances quotidiennes endurées. Ecoutons ce que disent ces jeunes de leur sentiment d'humiliation, d'atteinte à leur dignité: « parce que leurs désirs sont manipulés, leurs idées instrumentalisées, leur parole sans statut» comme l'écrit Jacqueline COSTA-LASCaUX. La démarche ne vise pas à tenir un discours supplémentaire sur le racisme et la nécessité de l'anti-racisme. Anne Gintzburoer avec Réseau ÉducalioD SaliS Fronti!res / if E.COLIEIi51 IVOS9APÎtRf! + Flammarion Bien qu'il demeure indispensable, ce discours a montré ses limites. Un outil à utiliser d'abord sur nous-mêmes militant{e)s des comités locaux du MRAP. Comprendre nos tensions, écouter l'Autre, se comprendre pour comprendre l'Autre. Jouer le jeu de l'échange, s'engager et ne pas être extérieur aux questions afin de créer ce cadre de confiance si nécessaire. Un outil de 14 thèmes à utiliser avec les jeunes notamment dans le cadre de la Semaine de l'Education contre le Racisme. Des centaines de questions, modulables et modifiables dans lesquelles chacun pourra, avec les jeunes, puiser les thèmes et les questions qui les préoccupent. Un outil pour interroger les « autodéfinitions » à condition que les participants viennent d'eux-mêmes, un outil pour enclencher le débat. Un outil pour aller au bout des questionnements Des questions qui seront des « questions support» et non des « questions réponses ». Il faudra permettre aux jeunes de dire jusqu'au bout ce qu'ils sont, comment ils se définissent, les laisser exprimer leurs humiliations, leurs révoltes parfois impudiques parce que face aux insultes ils n'ont pas d'autres outils que l'insulte, créer une situation sans rapport de force idéologique qui rendrait tabou certaines questions. Alors la discussion pourra s'engager, une discussion, au cours de laquelle les participants pourront changer de discours, à l'écoute du discours des autres, et dans cette interaction essayer de comprendre, de réfléchir sans exclure et sans dominer. Je peux me définir par le vouloir être et c'est bien, je suis militant(e) anti-raciste, je veux être anti-raciste mais une chose est de le dire, une autre chose est de l'être. « Tout le travail dans une vie n'est-il pas le passage de ce que je suis à ce que je voudrais être. C'est cette tension qu'il nous semble intéressant de poser» Saïd BOUAMAMA Des témoignages d'une exclusion invisible ... des témoignages pour réfléchir Pour prolonger et compléter notre travail de réflexion et d'échanges du matin sur la question identitaire, nous avons entendu l'après midi Ismahane CHOUDER et Pierre TEVANIAN. Ils nous ont présenté leur livre Les filles voilées parlent (7), témoignages de jeunes filles, de jeunes femmes qui ont fait l'expérience douloureuse de la discrimination et de l'exclusion, notamment dans le cadre de l'institution scolaire, du monde du travail et de la société. Témoignages mais aussi analyses de situations vécues, violentes et dramatiques. Puis nous avons pendant près de 3 heures débattu, échangé en prenant le temps pour que la parole s'exprime jusqu'au bout. Un combat commun contre toutes les exclusions Nous tenons à préciser que c'est bien ici, au MRAP, que cette parole devait et devra être accueillie et entendue, puisqu'elle est exclue, rejetée et dénigrée. (8) C'est bien ici, au MRAP, que nous devions et devons analyser le pourquoi de ces exclusions devenues invisibles et que nous voulons rendre visibles. Plus de 40 personnes toute une journée ont su débattre, dans une atmosphère studieuse, conviviale, contradictoire, parfois grave, toutes conscientes de la nécessité de rassembler toutes les forces anti-racistes qui refusent toutes les discriminations, exclusions et dominations. Et si cette parole n'était pas entendue au MRAP, si cette réflexion n'y était pas menée, au prix même d'être à contre courant de l'idéologie dominante, on pourrait se poser la question de la raison d'être de ce Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les peuples. Ainsi l'invitation de Saïd BOUAMAMA prend tout son sens: « Le MRAP dans son héritage doit pouvoir poser la question du combat contre les trois facteurs actuels de domination

l'origine, le sexe et la classe

sociale, qui en définitive n'ont qu'un objectif: diviser ceux qui devraient être unis, unir ceux qui devraient être divisés. » 011567336001 QUESTIONNEMENTS IDENTI 1 ES ET INSTRUMENTALISATION POL TI U par Saïd Bouamama Vingt ans ajrès la marche pour l'égalité. l'actualité médiatique et politique est dominée par une mise en scène de la peur : danger intégriste. affaire du foulard. discours sur l'insécurité. sifflets de la marseillaise. etc. les jeunes issus de la colonisation sont construits comme barbares. délinquants. violents. sexistes. antisémites. intégristes. etc. Vingt ans ajrès les quartiers populaires sont construits comme espace de la .. racaille .. et de la sauvagerie. comme territoire à reconquérir par la République. comme lieux de la débauche et de la décomposition absolue. etc. la texture de ce discours sur les quartiers populaires en général et sur leurs habitants issus de la colonisation en parti:ulier est celle de r autoritarisme et de la réjression. Comment expliquer ce retournement ? Sommesnous en présence d'une .. identité nationale" menacée par des régressions identitaires et des replis communautaristes ? 1. Précarisation, ghettoïsation sociale et ethnicisation En l'espace de deux décennies les quartiers populaires sont passés du statut de .. contre-société" à celui de .. ghetto" enfermé dans des frontières invisibles mais de plus en plus infranchissables. Précarisation : Les grandes restructurations industrielles de la décennie 80 se traduisent par une massification du chômage et par une précarisation de grande ampleur. Si l'ensemble de la population ouvrière est touchée, la génération des parents des" marcheurs" l'est encore plus du fait des secteurs industriels dans lesquels ils sont employés: l'automobile, les mines, la sidérurgie, le textile, etc. Ces parents immigrés jouent à cette période la fonction dévolue 9 économiquement à l'immigration dans une économie capitaliste: celle de variable d'ajustement fonctionnant selon la formule " premier embauchés, premier licenciés ". L'évaluation de ces " coûts invisibles" des restructurations de l'ère Mitterrand reste à cet égard à faire en prenant en compte la variable de la nationalité. La disparition de l'URSS et avec elle des équilibres géopolitiques mondiaux issus de la seconde guerre mondiale ne fera qu'accélérer le processus. Ses conséquences en terme de modification des rapports de forces entre classes sociales suscitent une accélération du processus de mondialisation libérale c'est à dire une course permanente aux économies sur les coûts de main-d'oeuvre c'est à dire encore un processus permanent de restructuration. Au chômage succède alors la précarisation, l'ouvrier tend à redevenir prolétaire, l'immigré tend à perdre toutes les stabilités sociales et juridiques acquises auparavant, ses enfants français se socialisent dans un " champ des possibles" fait d'intérims, de petits boulots, de contrats aidés, etc. Bien entendu le processus décrit ci-dessus touche l'ensemble des milieux populaires mais avec une intensité particulière pour leurs membres issus de l'immigration. Ceux-ci ne font que révéler, en le grossissant, un processus en oeuvre pour l'ensemble des milieux populaires. L'émergence et le développement de la thématique des discriminations ne fait que révéler l'ampleur de ce processus de précarisation. Sa.rko) ~e. VW,>< p~ c:k.. pro~1 p~ d.:~~ <k. rO~ ek ~ c..o~ À(J.IY\.b - po..f i~ s .'.I I.I .. .1 Ghettoïsation La précarisation salariale a bien entendu des conséquences territoriales

la production de ghettos sociaux. La concentration dans

les quartiers populaires des impacts les plus importants du chômage et de la précarité, cumulé aux discours catastrophistes des médias et du monde politique sur l'insécurité va susciter un mouvement de " fuite de tous ceux qui peuvent encore fuir ". Seuls restent ainsi dans les quartiers populaires rebaptisés" cités" ou " banlieues" ceux qui sont assignés par leur condition sociale à un territoire. Une barrière invisible ou une frontière tend ainsi à se renforcer dans une logique de séparation. Cette barrière invisible se décline en plusieurs tonalités: " barrières physiques, avec des cités excentrées ou enclavées où se trouvent confinés les pauvres, les minorités ethniques; barrières morales avec la fuite devant tout risque de promiscuité scolaire des enfants de classes moyennes et de pauvres; barrières politiques, avec le refus croissant de ces minorités ethniques qu'incarne la montée des partis xénophobes ". Le processus de ghettoïsation et la logique de séparation qu'ils révèlent sont dramatiquement confirmés par le déroulement et le résultat de la dernière campagne présidentielle. L'ensemble de cette campagne est mené d'une part sur le thème de la sécurité et de l'appel à une fermeté plus forte des pouvoirs publics envers les" sauvageons" et d'autre part sur la promesse d'une" baisse des impôts" avec comme soubassement le vieux leitmotiv d'une " France qui travaille" et qui en a marre de payer pour les" parasites ". Le résultat de Jean Marie Le Pen est une illustration supplémentaire de cette logique de séparation en oeuvre dans notre société. La ghettoïsation territoriale et sociale est à son tour productrice d'une séparation scolaire. La carte scolaire est ainsi détournée par trois moyens mis en évidence dans différentes études: l'introduction de la donne scolaire dans le choix résidentiel de ceux qui en ont les moyens, l'usage de dérogations, le recours à l'école privée. Séparés territorialement les enfants des milieux populaires le sont également scolairement. Les réponses politiques apportées n'ont fait que renforcer cette logique de séparation. L'ensemble de la politique de la ville se caractérise par un diagnostic à dominante architecturale ou urbanistique. Ce qui poserait problème dans les quartiers populaires ce ne serait pas la pauvreté et l'inégalité mais l'habitat. Celui-ci serait inhumain, destructeur du lien social et perturbateur de repères socialisant pour les nouvelles générations. Une conséquence est ainsi présentée comme cause. Ethnicisation Précarisation et ghettoïsation s'accompagnent d'un processus d'ethnicisation. La géographie industrielle explique à l'évidence les territoires d'installation des parents de la génération de la " marche ". Vingt ans après les enfants devenus à leur tour parents habitent toujours les mêmes territoires alors que ceux-ci sont fuis par une partie des" Blancs ". Plusieurs facteurs agissent selon nous. En premier lieu, il y a les effets des inégalités économiques et du coût du logement dans la société française. La part du logement dans le budget populaire conduit inévitablement compte tenu de la place économique des populations issues de la colonisation à une tendance à un marché ethnique du logement. En second lieu, se trouve le refus d'une politique volontariste dans la répartition des logements sociaux. En troisième lieu nous trouvons enfin les fameuses politiques dites de " mixité sociale ". Celles-ci se traduisent en effet dans les faits à l'exclusion des segments les plus valorisés du parc du logement social pour les populations issues de la colonisation. Ces politiques dites de " mixité sociale" ont par ailleurs conduit à l'impossibilité pour de nombreux jeunes couples d'accéder à un logement autonome c'est à dire à l'obligation de cohabiter avec les parents. Trop pauvres pour accéder à un logement sur un autre territoire et trop issus de l'immigration (c'est à dire risquant de remettre en cause la fameuse mixité sociale qui se révèle ainsi être un quota ethnique) pour obtenir un logement dans le quartier de leur enfance, ces nouveaux couples sont contraints de cohabiter. L'ethnicisation ainsi produite est ensuite renvoyée aux premiers concernés par les explications culturalistes. C'est par spécificités culturelles et par souci de rester proches des parents que les enfants resteraient sur le territoire de leur enfance et même seraient demandeurs d'une cohabitation. 2. La question des paradigmes : Les productions françaises en matière d'immigration ou de relations interethniques permettent de formaliser trois paradigmes distincts porteurs d'enjeux et de pratiques sociales tout aussi différents. Chacun de ces paradigmes peut ensuite se décomposer en plusieurs grilles explicatives s'intéressant à tel ou tel facteur jugé prédominant. Il reste cependant que l'état du débat en France et la domination massive d'un des paradigmes sur les autres rendent nécessaire une clarification des choix paradigmatiques. a) Le paradigme intégrationniste: Ce paradigme largement dominant se centre entièrement sur les questions de l'immigration éliminant les autres aspects des relations interethniques. L'intégration se définit alors comme limite de la disparition de l'altérité et comme processus pouvant se mesurer à l'aide d'une batterie d'indicateurs (mariages mixtes, maîtrise de la langue, nombre de naturalisations, etc.). Ce paradigme pose les différences culturelles comme héritage à éliminer pour rejoindre la " norme" ce qui conduit inévitablement à une tendance à la réification des différences culturelles tant de l'autre que de la " culture" du groupe majoritaire. Intégrationnisme et culturalisme vont donc ensemble, y compris quand le discours et les pratiques se font volontairement politiques ou sociaux. Les spécificités culturelles se trouvent ainsi décontextualisées et découplées des systèmes de relations sociales. Elles apparaissent dés lors comme simple retard lié aux survivances ou aux résistances de la tradition que les politiques de soutien à l'adaptation devraient permettre de combler. Intégrationnisme et pensée adaptative vont donc également ensemble. Ce paradigme est dans la négation d'une production sociale des différences. Audelà de différences héritées, c'est également la place dans le système social qui produit de la différence culturelle. Les travaux sur les jeunes français issus de l'immigration soulignent le processus de création permanente de différences alors même qu'ils sont entièrement socialisés en France. De la même façon l'utilisation de la langue française renvoie autant à l'apprentissage qu'à une place sociale précise en termes de domination ou de marginalisation. b) Le paradigme de la construction sociale des identités: Ce second paradigme se construit en opposition au précédent. Les identités ne sont pas appréhendées comme simple héritage et comme substance mais comme résultantes d'une construction sociale liée au système de relation entre le groupe majoritaire et le groupe minoritaire. Le processus de production des identités et des différences est justement ici l'objet de la recherche et de la réflexion. Compte tenu d'un type de relations et d'interactions dans un système social, les acteurs du groupe minoritaire sont à la fois assignés à des configurations identitaires et réagissent également à leurs problèmes sociaux en développant des stratégies identitaires de distinctions et/ou d'invisibilisations. Ce paradigme ouvre de manière beaucoup plus féconde à la prise en compte des discriminations en raison d'une place dominée du groupe minoritaire. Les différences culturelles peuvent ainsi être analysées comme résultantes d'un contexte social. A la différence du paradigme intégrationniste qui pose lâ discrimination comme résultat d'une intégration insuffisante c'est à dire d'une adaptation non entièrement réalisée, ce paradigme pose au contraire la différence comme résultante et production des inégalités et de la discrimination. Ce paradigme suppose donc une rupture avec le culturalisme dans ses différentes versions et avec son processus de réification des cultures et des différences. Si le paradigme intégrationniste conduit à des pratiques en terme d'adaptation, le paradigme de la construction sociale oriente lui vers des actions de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité sociale. c) Le paradigme de la construction historique Complémentaire du paradigme précédent, il est question ici du processus historique conduisant à l'ethnicisation de certaines populations plutôt que d'autres. Les travaux de Sayad et de Noiriel ont souligné la dimension heuristique de cette approche. Au 11 12 sein de ce paradigme la figure de l'Autre est pensée à partir d'une part des liens de dominations (du passé ou du présent et souvent des deux) entre le pays d'origine et le pays" d'accueil" (le pays d'origine pouvant se reproduire de génération en génération par le recours au racisme biologique, à l'ethnisme ou au culturalisme) et d'autre part à partir de la place dominée occupée dans la structure sociale française. L'histoire de la domination est ici perçue comme productrice des images mentales légitimant les inégalités et discriminations du présent et des intériorisations dans les fonctionnements institutionnels. L'intérêt de ce paradigme est d'intégrer l'histoire dans la compréhension des processus de domination du présent. 3. De quelle identité parlons nous? Chacun des paradigmes ci-dessus décrits a des conséquences immédiates sur la perception des comportements des Français issus de la colonisation et des résidents étrangers, sur l'explication des " différences" et en conséquence sur l'élaboration des réponses sociales. Chacun d'entre eux pose de manière spécifique les questions de l'identité. a) Identité-substance ou identité-résultat des interactions inégalitaires? Les conceptions substantialistes ou essentialistes de la culture (de l'identité, de l'ethnie, de l'appartenance, etc.) définissent ces dernières comme réalités objectives issues d'un héritage et/ou d'une origine nationale et/ou culturelle. Dans ce cadre l'analyse se penche sur les effets de la rencontre entre deux univers culturels et/ ou identitaires et tend ainsi quasi inévitablement vers des conclusions culturalistes à base d'adaptabilité ou d'obstacles à celle-ci c'est-à-dire, encore, débouche sur le paradigme intégrationniste. Surtout cette approche occulte les processus de production et de reproduction sociale des identités et des appartenances collectives. A l'inverse de cette approche, l'identité (ou l'ethnie, ou la différence culturelle, etc.) peut s'analyser comme résultat d'une interaction entre un groupe majoritaire et un groupe minoritaire. Comme le souligne M. Oriolles cultures et les appartenances sont dans cette approche produites par les modalités des systèmes d'interaction. Les différences culturelles ne sont pas des substances mais des productions sociales. b) Des évolutions urgentes: Les sociétés contemporaines sont et seront de plus en plus pluriculturelles. Ce constat n'est problématique que dans la mesure où un contexte inégalitaire instrumenta lise des différences en les dénigrant pour se reproduire. L'identité d'une personne ou d'un groupe n'est pas une réalité statique héritée de l'histoire mais au contraire une dynamique se déroulant en fonction de la nature des interactions avec les autres groupes sociaux. Selon celles-ci nous aurons soit une production sociale de traditions, les groupes dominés réinvestissant des éléments traditionnels pour rendre supportable la réalité présente, pour revendiquer de la dignité en retournant le stigmate et pour traduire leurs exigences d'égalité; soit au contraire (en situation égalitaire) des dynamiques d'innovations enrichissant l'ensemble de la société. C'est dire l'urgence sociale de dépasser un certain nombre de verrous de la pensée et de la réalité sociale entravant les dynamiques égalitaires. Citons en simplement deux: - agir sur les donneurs de représentations sociales dévalorisantes: la construction nationale française a imprégné les inconscients collectifs d'un rapport craintif à l'altérité. Il en découle la nécessité de développer la recherche et les pratiques permettant de transformer ce rapport. La colonisation a également fortement marqué les imaginaires collectifs. La décolonisation n'a pas été accompagnée d'un travail d'histoire et de mémoire, seul susceptible de permettre un dépassement. La reproduction des représentations sociales de l'Autre liée à la colonisation perdurera tant que ce travail sur ce " passé qui ne passe pas" n'aura pas été mené durablement. - agir sur les interactions entre les composantes de la société française : Les inégalités sociales et les discriminations sont productrices de différences et de réinvestissement des" traditions ". Nous sommes ainsi devant un cercle vicieux où la négation entraîne une survalorisation. La frontière de l'égalité sociale est aujourd'hui un obstacle réel au développement d'une interculturalité vécue de manière dynamique et positive. En conclusion nous nous contenterons d'un double constat. D'une part le caractère multiculturel de nos sociétés est désormais une réalité incontournable. D'autre part les inégalités sociales empêchent cette multiculturalité de se transformer en interculturalité dynamique et positive pour tous. Il convient en conséquence de se méfier de deux dérives liées au culturalisme: mépriser la différence de l'Autre et le contraindre par notre fonctionnement social à s'enfermer dans la différence. Pour ce faire c'est bien dans le domaine social et politique qu'il convient de faire porter l'effort. Suite de la Journée de réflexion" Examen d'identité" page 16 1) J • Jeunesse ANTIRACISTE ADAMA ou LA VIE EU 30 A ADAMA ou LA VIE EN 3D, DU MALI A SAINT-DENIS un livre de Valentine Goby Editeur: Autrement Jeunesse Collection: français d'ailleurs Date de parution: Février 2008 Roman à partir de 9 ans Adama est un collégien d'origine malienne mais il est né en France, et vit en France. Il ne connaît pas grand-chose de son pays d'origine, si ce n'est à travers les récits que lui a faits son père. A l'occasion d'une fête au foyer des tilleuls de Saint-Denis, il assiste à l'arrestation d'un des musiciens qui se révèle être sans-papiers et sera reconduit à la frontière. Adama questionne alors son père: il voudrait comprendre les raisons qui poussent les gens à fuir, au péril de leur vie, à quitter un pays que l'on dit magnifique. Il accompagne son père au Mali lors d'un court voyage. Ce voyage sera pour lui l'occasion de découvrir sa famille, son pays d'origine, de s'ouvrir à une autre culture_ Il en reviendra grandi et mûri. A travers le journal de bord de ce jeune garçon, on découvre la vie quotidienne d'une famille malienne dans une cité de la banlieue nord de Paris_ Ce récit nous renvoie aussi à tous les questionnements actuels sur l'immigration: comment s'intégrer sans renier sa culture d'origine? Comment construire sa propre identité? Comment gérer le regroupement familial? Le livre se présente comme un carnet de voyage avec de belles illustrations colorées. Un petit dossier complémentaire accompagne l'ouvrage. Ceci est le troisième volume de la collection « Français d'ailleurs » qui, en collaboration avec la Cité Nationale de l'Immigration, se propose de sensibiliser les jeunes lecteurs de 9 à 13 ans à l'histoire de l'immigration en France. LE TEMPS DES MIRACLES un livre d'Anne-Laure Bondoux Editeur: Bayard jeunesse Date de parution: Janvier 2009 254 pages 1990 - dans le Caucase. Blaise/ Koumaïl, 12 ans, a été recueilli par Gloria après la disparition de sa mère dans un accident de chemin de fer. Il rêve à la France, pays où les gens sont libres et riches: c'est le pays des droits de l'homme, dit-il et il a l'espoir d'y retrouver sa mère. Ici c'est la guerre, le froid, la misère, la famine: Gloria décide de partir. On suit leur long périple à travers le Caucase, l'Ukraine, la Moldavie, la Hongrie, au gré des rencontres ; un voyage semé d'embûches. Après de nombreuses péripéties, il est retrouvé par les douaniers français, seul, caché au fond d'un camion (Gloria a disparu) puis transféré dans un centre d'accueil. On lui explique qu'on ne peut pas laisser entrer n'importe qui sur le territoire sinon « tous les enfants des pays en guerre déferleraient en France pour demander l'impossible ». Il finira par trouver sa place en France. Jamais il a retenu la leçon de Gloria et à aucun moment ne désespère des hommes « Tu vois, lui a dit Gloria, il ne faut jamais désespérer du genre humain. Pour un homme qui te laisse tomber, tu en trouves dix qui t'aideront à te relever. » Un livre émouvant sur l'exil, la recherche d'un monde meilleur, un récit d'où la solidarité et l'espoir ne sont jamais absents. PARTIR ALORS Un roman de Julia Billet Editeur: Seuil Jeunesse Collection: Karactère(s) Date de parution: mars 2008 Roman à partir de 13 ans JaÎma et les siens habitent dans une communauté de Roms : ils sont installés depuis six ans sur un terrain vague entre deux bretelles d'autoroute. Certains travaillent à l'usine de tri, d'autres vivent de mendicité. Sont-ils devenus sédentaires, gadjé? Jaïma, lui, va au lycée et s'apprête à passer son bac. Il est passionné de littérature. Mais un matin, le facteur arrive, porteur d'une lettre de la mairie: le terrain a été vendu, ils ont trois mois pour évacuer le camp. On leur propose un relogement en HLM mais ils ne possèdent pas les documents administratifs nécessaires. Partir ou rester? : la question divise le camp. Jaïma ne conçoit pas la vie ailleurs qu'avec sa communauté: « Ce serait la mort» dit-il. Mais quelques mois plus tard, La police arrive, c'est l'expulsion brutale: b-agarres, coups de feu, le camp est détruit: il faut partir. La grandmère de Jaïma revit alors l'arrestation de sa famille par les nazis. Avant de mourir, elle confie à son petit-fils un livre précieux: le livre des Patrins, gardien des traditions. Jaïm comprend qu'il est porteur d'une mission: transmettre la culture Rom par le biais de la littérature, il sera écrivain. Impossible de rester insensible à ce roman qui nous fait toucher du doigt la souffrance d'hommes et de femmes qui n'ont cessé d'être rejetés, persécutés. Il aborde également le thème de la transmission de la mémoire et de la sédentarisation des gens du voyage. 13 14 BAMAKO Film français et malien d'Abderrahmane Sissako Durée: lh58 minutes Sortie: 18 Octobre 2000 Public: lycée, seconde, première/adultes Disponible en DVD Dans la cour d'une maison d'un quartier populaire de Bamako, un tribunal a été installé pour juger les institutions financières internationales et par là les pays occidentaux jugés responsables du désastre qui pèse sur le continent africain. Tour à tour défilent à la barre avocats des deux parties (noirs et blancs), et une multitude de témoins: des personnalités telles qu'Aminata Traoré (qui a été ministre de la culture du Mali de 1997 à 2000), un professeur d'université mais aussi des gens issus du peuple qui les uns après les autres, fustigent l'hypocrisie des pays du G8, le traitement inhumain des problèmes de l'immigration, la destruction des services publics privatisés et cédés à des multinationales occidentales, la spoliation des richesses africaines au nom de la mondialisation capitaliste. Il est aussi question dans les plaidoiries du problème de la dette qui « a mis à genoux» les Etats africains et qui contraint les gens à quitter leur pays pour une vie qu'ils espèrent meilleure. Les élites locales ne sont pas épargnées. Et pendant ce temps la vie continue: les discours alternant avec des scènes de la vie quotidienne. Ce film de politique fiction soulève égaIement le problème de l'aide au développement et nous invite à remettre l'homme au centre de toute action humaine. C'est un plaidoyer pour l'Afrique en souffrance et une accusation contre les pays riches, un film puissant dans sa simplicité qui suscite de nombreux commentaires et débats. ROMS EN ERRANCE Documentaire français de Bernard Kleindienst Durée: 68 minutes Sortie: 2005 Les campements des gens du voyage (Roms) se multiplient aux abords de Paris, dans des baraquements de fortune, des conditions d'hygiène et de vie déplorables, dans la terreur permanente des contrôles policiers, des arrestations, des menaces d'expulsion, des renvois forcés au pays. Leur vie est pour beaucoup une suite d'allers-retours entre la Roumanie et la France, Depuis l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union européenne, le sort de ses ressortissants, faisant d'eux des citoyens européens à part entière ( du moins sur le papier) est loin de s'être amélioré. Les pouvoirs publics continuent d'ignorer la misère et les discriminations dont sont victimes ces populations et n'apportent que des solutions répressives, mais inefficaces à cette situation intolérable. « Le gouvernement français viole le respect du droit européen et français» dénonçait Saimir Mile, président de l'association La Voix des Roms, après les vagues d'expulsion de Seine-Saint-Denis. Ce documentaire est une présentation exhaustive des nombreux problèmes rencontrés par ces populations: il va à la rencontre des Roms, installés dans des terrains vagues en région parisienne. Il décrit la vie dans les bidonvilles, et à travers des interviews les habitants racontent leur parcours, leurs espoirs déçus, leurs relations difficiles avec le voisinage et les pouvoirs publics, leur quête de reconnaissance et de dignité qu'ils espéraient trouver en Europe de l'Ouest. AFRICAN PARADIS Film franco-béninois de Sylvestre Amoussou Durée: lh30 minutes Sortie : 27 Février 2007 Dans un futur imaginaire, l'Afrique est devenue un pays prospère tandis que famine, guerre civile, misère sévissent en Europe, poussant les populations à l'exil. Olivier, et sa compagne Pauline, tous deux au chômage (il était informaticien et elle, institutrice) décident de quitter la France et de tenter leur chance en Afrique clandestinement. Mais l'Afrique ne saurait accueillir toute la misère du monde ! A peine ont-ils mis le pied sur la terre africaine que le police des frontières les arrête, et les voilà enfermés dans un camp de transit en attendant d'être reconduits en France. Olivier parvient à s'échapper mais alors commence pour lui la vie de galère des sans-papiers. Il réussit à récupérer les papiers d'un homme blanc mort dans un accident de voiture et à endosser son identité. Pauline, elle, est engagée comme bonne à tout faire dans une riche famille africaine ( un député africain). Grâce à ce renversement de situations, le réalisateur nous fait vivre, non sans humour et dérision, la situation des immigrés d'aujourd'hui. confrontés au racisme et au rejet de notre société. Sylvestre Amoussou, à travers cette fiction cinématographique, invite l'Europe toute entière à ne pas diaboliser les étrangers; il veut aussi inciter les dirigeants africains à assumer leur responsabilité « face au destin des fils du continent qui sont chaque jour humiliés ». Un plaidoyer pour plus de tolérance et de justice. LES CITRONNIERS Film Israél/France/Allemagne de Eran Riklis Durée: lh46 Sortie: 2007 Public: Lycéens - adultes Disponible en DVD Salma, une veuve palestinienne, possède une plantation de citronniers, juste à la frontière avec Israël. Mais le nouveau ministre de la défense israélienne et son épouse décident d'installer leur résidence près de chez elle, de l'autre côté de la Ligne Verte. Avec eux arrivent barbelés, miradors et caméras qui surveillent le moindre de ses gestes. Les services de sécurité, redoutant que le verger ne devienne un repaire pour les terroristes, ordonnent que l'on rase les citronniers. Déterminée coûte que coûte à les sauver, Salma ira jusque devant la Cour Suprême. Confrontée aux préjugés et à une bureaucratie absurde, elle résiste jusqu'au bout. Par le biais d'une simple histoire d'arbres fruitiers, le réalisateur évoque toute la complexité du conflit israélo-palestinien et parvient à maintenir un équilibre subtil entre chronique réaliste et fable parabolique. Il dénonce par petites touches les injustices, l'absurdité d'un conflit qui perdure, l'impossibilité du dialogue, les travers de la société israélienne. Quelques plans fugitifs du Mur de séparation viennent à intervalles réguliers ponctuer le récit sans rapport avec la narration. Le réalisateur se défend d'avoir voulu faire un film politique. Il montre seulement des gens ordinaires qui sont piégés par « leur situation personnelle et publique et leur façon de penser ». Un film fort. plein d'humanité, qui ne peut laisser indifférent. Interprété par des comédiens israéliens, palestiniens, il a obtenu le prix du public au Festival de Berlin. IN PRISON MY WHOLE LlFE (en prison ma vie entière) Documentaire de Marc Evans Durée: lh34 Sortie : 12 Décembre 2007 Public: tous publics Journaliste noir, ancien membre des Black Panthers, Mumia Abu Jamal accusé du meurtre d'un officier de police blanc à Philadelphie, a été condamné à mort en 1982 et depuis, il survit dans une prison de Pennsylvanie en attendant son exécution, ceci malgré de nombreuses mobilisations dans le monde entier. Mumia est devenu le symbole de la lutte contre la peine de mort. Un jeune homme de 24 ans, William Francome, né le jour même du meurtre du policier, a décidé d'enquêter sur ce cas. Il révèle pour la première fois des faits surprenants étayés par des photos prises sur la scène du crime (le 9 décembre 1981) découvertes récemment. Ces clichés montrent qu'il y a eu manipulation et que le scénario présenté par l'accusation est «physiquement et balistiquement impossible». De nouveaux interviews et témoignages de personnalités viennent aussi renforcer les doutes sur la culpabilité de Mumia : Angela Davis, Noam Chomsky, Mos Def. On trouve également un interview de Robert Meeropol, le fils d'Ethel et de Julius Rosenberg, exécutés pour espionnage en 1953. Le film élargit le débat et énumère les nombreuses atteintes aux droits de l'homme aux USA. « ln prison my whole life » a été présenté au festival international de Rome et de Londres. Il a obtenu le Grand Prix FIFDH au festival et forum international sur les droits humains de Genève en Mars 2008 « pour un film qui, dans une forme vivace et très actuelle montre la pérennité de l'injustice aux USA, pays qui joue le rôle de justicier dans le monde entier ». DANS LA VIE Film de Philippe Faucon Durée: 73 minutes Sortie: 2008 DVD disponible Dans le Sud de la France, Esther est une vieille dame de confession juive dont l'état nécessite une assistance permanente. Son caractère difficile a découragé toutes les gardes-malades. Sélima, son infirmière de jour, d'origine algérienne, lui propose les services de sa propre mère, Halima, musulmane pratiquante, qui n'a jamais travaillé à l'extérieur mais qui veut réunir l'argent nécessaire à son pèlerinage à La Mecque. Dans un premier temps, la cohabitation suscite de vives tensions : difficile, de part et d'autre, de sortir de ces a priori identitaires, de cette « construction fantasmatique », dans laquelle chacune a vécu enfermée d'autant que le conflit israélo-palestinien agit en toile de fond. Mais, jour après jour, elles vont apprendre à se connaître, partageant les moments de complicité du quotidien, et se découvrant des origines communes (toutes deux ont passé leur enfance en Algérie). Elles réussissent ainsi à dépasser les préjugés de leur communauté respective. Grâce à l'amitié qui naît entre elles, Esther devient capable de rentrer « dans la vie ». A travers une histoire simple faite de scènes banales de la vie quotidienne, le réalisateur montre, avec justesse et sensibilité, des personnages complexes, chez qui la tolérance, constamment mise à l'épreuve des préjugés personnels, religieux et sociaux, peut néanmoins naître de la singularité d'une rencontre. Un film de réconciliation entre les communautés juive et musulmane ? Une utopie réalisable? Esther Benbassa voit dans ce film des motifs de ne pas désespérer d'un avenir où le « vivre ensemble» serait à nouveau envisageable. 15 16 par Pierre Tévanian, Malika latrèche et Ismahane Chou der Présentation •• Pour la première fois, un livre aborde la question du foulard en donnant aux femmes qui le portent le statut de sujets et non d'objets. les filles voilées parlent offre en effet un espace de parole conséquent (plus de 330 pages) à quarante-ijuatre femmes musulmanes voilées vivant en France, de tous âges et de tous profils, en les laissant parler de ce qu'elles veulent. comme elles le veulent. et sur le registre qu'elles veulent. le résultat est impressionnant. aussi bien par la manière dont il démolit les idées reçues sur « la » femme voilée que par le tableau sombre qu'il donne de la stigmatisation, des discriminations et des violences qui sont faites, en France, à des femmes qui dérogent à la norme vestimentaire dominante. Dans le texte qui suit. les coordinateurs-tri:es du recueil présentent plus en détail la démarche qui a guidé leur travail et les enseignements qu'ils-elles en tirent. sa signification », pour nous faire entrevoir, par son contenu autant que par sa tonalité et son style, des personnalités singulières et attachantes. Si la quarantaine de femmes qui s'expriment dans ce livre est représentative de quelque chose, c'est donc avant tout de l'infinie diversité des situations, des parcours et des tempéraments que recouvre l'ensemble des « femmes voilées ». Le livre ne prétend d'ailleurs pas en donner une vision exhaustive, tout simplement parce qu'aucun livre ne peut le faire. Il a donc ceci de « réaliste» qu'il laisse entrevoir l'infinie diversité du réel, mais c'est un livre ouvert, qui se veut aussi un encouragement à de nouvelles prises de parole [11. Pour autant, il est clair que de cette diversité émergent quelques traits communs significatifs, qui disent quelque chose de la réalité. Par exemple, si leur cheminement vers le voile suit des itinéraires divers (de la reproduction précoce d'une tradition familiale à une démarche plus tardive et plus solitaire, engagée en dehors ou même contre l'entourage familial, avec là encore toutes les nuances intermédiaires possibles), toutes ont à leur manière choisi leur voile. Elles l'ont fait bien sûr à partir d'un héritage et d'un environnement donnés, mais c'est le cas de tout choix. La plupart évoquent le voile imposé comme une situation réelle, mais très minoritaire en France, et toutes le condamnent - et là encore, De la parole qui s'exprime dans ce livre, il serait vain de proposer une analyse ou une synthèse, tant cette parole est riche, complexe et diverse. Là où le rouleau compresseur médiatique et la démagogie politique amalgament, généralisent et homogénéisent toutes les situations derrière un idéal-type de « la » femme voilée, ou « du » voile, « symbole d'oppression », nous avons rencontré au contraire des femmes et des adolescentes - quarante-quatre en tout - toutes différentes les unes des autres

des élèves « brillantes », d'autres moins; des jeunes femmes de

tous âges (de 15 à 45 ans), certaines extraverties, d'autres plus réservées; des tempéraments « rebelles» et d'autres plus « posés » ; des femmes engagées dans la vie associative, sociale ou politique, d'autres au contraire tentées par le repli sur la famille, l'entourage proche ou la « communauté» ; des <?ptimistes et des pessimistes - et bien d'autres nuances encore ... A la diabolisation qui a trop souvent été de mise chez les démagogues qui nous gouvernent et nous informent, ce livre n'oppose pas l'idéalisation, mais l'humanisation: en laissant la parole aux femmes voilées, il leur rend leur humanité, ou plus modestement il leur donne l'occasion de la « manifester ostensiblement» ! Cette humanité, chaque femme ou adolescente la manifeste au moyen de ce qui est justement le propre de l'espèce humaine: sa propre parole. Une parole à la première personne, qui nous éloigne des généralisations plus ou moins pertinentes sur « le voile» et « toutes les enquêtes sociologiques le confirment: le voile forcé est bien minoritaire, et il est effectivement réprouvé par l'immense majorité des femmes musulmanes de France, voilées ou non. Bref: nous sommes très loin de la typologie manichéenne que nous ont imposée les partisans de la loi de 2004, départageant les femmes voilées en deux groupes: une majorité silencieuse de « victimes », « forcées » de porter le voile, et une minorité agissante de « militantes », infatigables et redoutables « soldates du fascisme vert ». Au-delà de leurs différences, les femmes et les adolescentes que nous avons rencontrées ont en commun d'être un démenti vivant à ces clichés. Toutes ont choisi leur voile, et ce choix ne les empêche en rien de se réclamer de la laïcité telle qu'elle fonctionnait jusqu'à 2004 : neutralité religieuse de l'Etat, des institutions et des agents du service public, mais pas des usagers du service public; liberté de conscience et d'expression pour tous les individus, quelles que soient leurs croyances ou incroyances. Certaines ont en la matière une véritable connaissance et citent la loi de 1905, les lois Ferry-Goblet sur la laïcité de l'école ou encore l'avis du Conseil d'Etat de 1989, tandis que d'autres formulent leur « conception de la laïcité» de manière plus intuitive, mais conforme à l'esprit de ces lois. Toutes font surtout la démonstration que, contrairement là encore à ce qui a été dit à leur sujet, elles savent sentir, observer, comprendre, raisonner, argumenter, bref: penser. C'est une évidence dira-t-on - hélas pas pour tout le monde. Ce qui est frappant, dans les textes recueillis, c'est aussi que peu de femmes se sont étendues sur leur rapport au voile lui-même, et sur la signification qu'elles y mettent - alors que cette question faisait partie des thèmes que nous leur proposions [21. Sans doute est-ce, pour beaucoup, parce que leur préoccupation principale était ailleurs: témoigner de leur situation de femme stigmatisée et exclue, exprimer leurs inquiétudes et appeler à la tolérance et au dialogue, ou encore « parler un peu d'autre chose », après 1'« overdose» médiatique, pour reprendre le terme de l'une d'entre elles. Mais une autre raison ressort de plusieurs textes. Certaines femmes expriment avec force la gêne, voire l'irritation que suscite chez elles cette question qui touche à l'intime et à l'indicible - ou au difficilement dicible - et plus encore la forme et les conditions dans lesquelles cette question leur est le plus souvent posée. La leçon de ce livre, de ce point de vue, n'est certainement pas « Le foulard signifie ceci ou cela, il est porté pour telle ou telle raison» - ces réponses ne peuvent être que singulières, qui sait dans de futurs livres. La leçon est plutôt une double invitation, à la prudence intellectuelle et au tact. Prudence intellectuelle car, plusieurs auteures le soulignent, il n'est pas possible d'assigner une signification simple et unique à un choix aussi personnel. Tact car, là aussi, certaines le formulent explicitement: il y a des questions intimes et difficiles qu'on ne pose pas à brûle-pourpoint et sans précaution à des femmes qu'on vient de rencontrer, a fortiori dans un climat social où « tout ce qu'elles disent peut être retenu contre elles ». Le point commun le plus frappant est toutefois ailleurs. C'est, présente comme un fil rouge de témoignage en témoignage, l'expérience intime de la stigmatisation. Les formes et le niveau de violence sont variables: certaines ont par exemple eu la chance .d'échapper à l'exclusion scolaire ou au dévoilement forcé, d'autres pas; mais toutes evoquent des regards agressifs ou des remarques désobligeantes - et toutes ont d'ailleurs entendu sensiblement les mêmes propos, qui peuvent se résumer à deux injonctions: « Retourne dans ton pays », et « Retourne dans ta cuisine ». Bref: le racisme et le sexisme. Il fallait que ce soit dit. Il fallait qu'un livre offre à ces femmes un espace où cela puisse se dire, car sur ce point, les médias demeurent quasi-muets. Le contraste est même saisissant entre le tapage médiatique et les gloses interminables dont a fait l'objet « le voile à l'école» et le silence de mort qui s'est abattu sur « les voilées exclues de l'école ». Quant aux politiques, il suffit de se référer à l'idyllique bilan officiel qu'a rendu Hanifa Cherifi en septembre 2005 à propos de la loi du 15 mars 2004 [31. Ce rapport est un modèle d'inhumanité technocratique, qui multiplie les chiffres et les courbes sur le nombre de « cas» ou de « signes» recensés dans les écoles à différentes ~ates. L'a~teure se réjouit de voir la courbe décliner et atteindre progressivement le niveau « zero », et la conclusion s'impose alors d'elle-même: le bilan de la loi est positif ! Tan~ et si bien qu'une fois refermé cet indigent fascicule de 50 pages, nous ne savons rien, car pa~ une phrase n'y est consacrée, de l'état psychologique dans lequel se sont retrouvees les adolescentes « dévoilées », de la manière dont s'est déroulée leur année scolaire, de ce que sont devenues les 50 exclues et les 60 démissionnaires, .s~n~.parler des d~scola~isations n?n comptabilisées (celles des filles qui ont renonce a 1 ecole sans me me faire la rentree de septembre). Nous ne savons rien non plus de la recrudescence des agressions et des discriminations contre les « mamans voilées », parfois devant leurs propres enfants, avec toutes les conséquences psychologiques que cela peut entraîner, ou plus largement contre les femmes voilées en dehors du milieu scolaire. C'est à ces questions occultées que nous avons voulu répondre, et nous ne pouvions le faire qu'en laissant la parole aux int.éressées, et en leur ouvrant un espace jusqu'alors inexistant pour raconter ce qu'elles vivent, comment elles le ressentent, comment elles l'analysent, comment elles le supportent, et comment elles y résistent. Notre livre constitue, de ce point de vue, une utile « contre-expertise» : quelque chose 17 18 comme un « livre noir» de la loi anti-voile - et plus largement de la « voilophobie » contemporaine. Mais il n'est pas que cela. Car les femmes que nous avons rencontrées ne sont pas que des victimes. Elles-mêmes refusent d'ailleurs - souvent explicitement - de se définir comme telles, et en les lisant nous comprenons pourquoi. Ce n'est pas qu'elles ne sont pas victimes - elles le sont à l'évidence. C'est qu'une victime n'est jamais seulement une victime: toute personne subissant un préjudice puise nécessairement dans les ressources dont elle dispose pour résister et affirmer sa dignité. Adaptation, affrontement, esquive, humour, espérance: les stratégies sont diverses, et elles peuvent être combinées. De ce point de vue, ce que nous découvrons au fil des pages, ce sont des filles ou des femmes peu soutenues, qui puisent le courage de résister essentiellement en elles-mêmes, dans leur entourage proche ou dans leur religion. Ce qui frappe en effet, dans les différents récits, c'est la quasi-absence de la Justice, de l'École et des organisations progressistes traditionnelles. Le corps enseignant est sauf exceptions aux abonnés absents, les services sociaux ne sont pas toujours très compatissants, sans parler des élus locaux, des « grands intellectuels », des partis de gauche ou des associations antiracistes et de défense des droits de l'homme, absentes de la plupart des récits. Des exceptions existent bien sûr : un-e professeur-e, un-e voisin-e, un-e collègue de travail, un-e syndicaliste ou un-e militant-e associati-f-ve qui a su faire preuve d'empathie et de solidarité en actes. Mais nous sommes loin par exemple du grand - et plus que nécessaire - mouvement de solidarité qui est en train de se construire depuis quelques années autour des élèves sans-papiers. Ce dernier constat a valeur d'interpellation, et fait de ce livre une sorte de Lettre ouverte. Les femmes qui s'y expriment ne font pas que témoigner, elles ne font pas que nous informer et nous émouvoir: elles accusent, elles analysent, et elles interpellent. Elles accusent non pas la société française dans son ensemble, mais ses dirigeants et son corps enseignant, en soulignant l'écart qui se creuse entre les idéaux proclamés de liberté, d'égalité et de fraternité et leur propre réalité vécue. Elles analysent les défaillances de cette République, leurs causes, et leurs conséquences redoutables. Enfin, elles nous interpellent, toutes et tous, en nous mettant devant nos contradictions, notre aveuglement, ou notre passivité face à l'exclusion. Même si certaines, les plus jeunes et les plus durement réprimées (celles notamment qui ont subi l'exclusion ou le dévoilement forcé à l'école), expriment de la colère, en des termes parfois vifs, toutes manifestent un enracinement profond dans la société française, et une volonté d'être des citoyennes comme les autres, traitées comme telles. Toutes expriment le désir de participer pleinement et positivement à la vie du pays, comme élèves, comme étudiantes, comme travailleuses, comme parents d'élèves, commecitoyennes. Mais toutes disent aussi se heurter à une méfiance ou une défiance épuisantes et décourageantes. Certaines choisissent d'être « conciliantes », elles redoublent de patience et d'efforts pour se rendre utiles et agréables, d'autres choisissent de « forcer le respect» par une attitude plus combative, intransigeante sur la défense de leurs droits; d'autres encore s'en sortent par l'humour, ou se disent tentées par le renoncement, le retour au foyer, le repli sur la communauté ou l'expatriation. Mais ce qui est frappant, c'est qu'il n'y a pas de réelle dichotomie: les femmes qui se replient ne voulaient pas le faire initialement, et celles qui luttent contre ce repli nous disent le comprendre malgré tout, et même y songer parfois pour elles mêmes. Ces dernières nous disent aussi qu'autour d'elles, beaucoup de leurs amies commencent à s'y résigner. Rien n'est donc figé, et l'avenir dépend par conséquent de nous tou-te-s. Telle est l'interpellation que nous adressent les auteures de ce livre: il y a un choix de société à faire et à assumer. C'est à nous de dire si nous voulons vivre séparés les un-e-s des autres. C'est à nous de dire si nous acceptons qu'« au nom du peuple français », donc en notre nom à toutes et tous, une loi exclue des élèves de l'école. C'est à nous de dire si nous acceptons qu'au nom du féminisme, des femmes soient insultées, humiliées ou discriminées. C'est à nous de dire si nous acceptons qu'au nom de la laïcité et du « vivre-ensemble », une partie de la population soit ostracisée et sans cesse renvoyée à une « différence» prétendument « inassimilable ». C'est à nous de dire si nous acceptons ces logiques d'exclusion ou si nous préférons répondre à l'invitation que constitue ce livre, et que plusieurs des auteures ont expressément formulée : suspendez votre jugement, éteignez votre téléviseur, et ouvrons le dialogue. La victoire de Barack Obama a soulevé une vague d'enthousiasme et d'espoir aux Etats-Unis comme partout dans le monde. Ce fut notamment le cas chez les Noirs américains qui ont voté pour lui à 95%. Les commentateurs, stimulés par ce qu'ils ont qualifié d'élection historique, ont bien souvent vu l'élection d'Obama comme celle du premier président noir des EtatsUnis ou du moins comme l'aboutissement d'une longue marche commencée il y a un peu plus de quarante ans, à l'occasion du combat pour les droits civiques. Pourtant, si la couleur de la peau du nouveau président américain peut faire figure de symbole - « un Noir à la Maison-Blanche » - dans un pays qui a connu l'esclavage et la ségrégation raciale pendant l'essentiel de son histoire, elle n'est pour autant ni une indication de ses idées politiques ni l'annonce d'un programme qui favoriserait telle ou telle minorité. Obama a mis un soin particulier à tenir à distance la « question noire » pendant sa campagne. Pour cette raison, il a même été qualifié de candidat « post-racial ». Cette élection peut dès lors se lire comme le retour, voulu par celui qui s'est d'abord présenté comme un candidat démocrate, de la prévalence de la question sociale sur la question raciale; autant dans la manière de comprendre les problèmes des Américains placés dans une situation économique rendue encore plus difficile par la crise financière que dans l'annonce de ce qui pourrait être fait pour les résoudre. Ce décalage voulu par Obama à propos du rapport entre question sociale et question raciale est d'autant plus facilement perceptible si l'on replace dans le plus long terme l'évolution du Parti démocrate dans lequel le discours identitaire radical avait trouvé un écho favorable dans les années 1965. Or Obama vient, en quelques mois de campagne, de changer la donne en écartant très clairement la politique identitaire du coeur de l'offre démocrate. On pourrait même soutenir que l'identity politics est désormais devenu l'apanage des Républicains .. C'est dans la perspective de cette évolution identitaire qu'il nous faut interroger la victoire d'Obama. à partir de l'idée de reformulations successives de la « question noire» depuis les années 1960 aux Etats-Unis. Trois reformulations successives de la question noire américaine depuis 1945 La première reformulation de la question noire aux Etats-Unis a lieu dans les années 1950-60 au moment du Mouvement pour les droits civiques. Il s'agit pour les Noirs du passage d'une forme de mobilisation politique à une forme d'intégration dans la société américaine dont témoigne la montée en puissance d'une véritable élite politique noire dès la fin des années 1960. Ils représentent désormais à l'intérieur même de la société américaine, une nouvelle force de définition du lien social. Une deuxième reformulation de la question noire (fin 1960, début 1970). peut être décrite sous les traits du « tournant identitaire ». La réalisation au milieu des années 1960 des principaux buts du Mouvement pour les droits civiques provoque immédiatement, outre l'enthousiasme de la victoire, des inquiétudes parmi certains de ses acteurs sur la manière dont les Noirs vont pouvoir conserver une culture propre, à la fois imposée par la domination blanche et forgée dans la résistance à celle-ci. L'incapacité de la société américaine de les accepter véritablement comme membres à part entière de la collectivité nationale va entraîner chez les Noirs un rejet de plus en plus fort du pouvoir fédéral. Les leaders du Black Power dénoncent alors toute idée d'intégration dans une société où l'égalité des droits est certes désormais théoriquement protégée pat la loi, et où le développement d'une égalité « dans les faits» est tout aussi théoriquement garantie par les programmes sociaux. Mais leur refus ira plus loin encore. Ces radicaux, souvent jeunes, dénoncent également 19 20 toute tentative d'intégration sur le modèle du creuset (le fameux melting pot) au nom de ce qu'un tel processus nierait la différence due à la couleur de la peau et à une culture noire spécifique. Une troisième reformulation de la question noire américaine au début des années 1980, dans un contexte souvent désigné d'un mot: le backlash.(retour de bâton ), est due à l'offensive conservatrice des Républicains qui ont réussi à prendre le pouvoir derrière Ronald Reagan et qui vont mener une véritable guerre contre les revendications identitaires des minorités - celles des mouvements noirs et hispaniques mais aussi des féministes ou des activistes homosexuels - et contre les politiques sociales de la Grande société johnsonienne des années 1960 dont les Noirs ont été les premiers bénéficiaires. Cette « révolution conservatrice» se fait notamment au nom de la restauration dans sa fierté d'une Amérique blanche. La reformulation de la question noire à cette époque se déroule sur fond de division et d'échec de l'activisme noir des années 1970. Et la crise profonde du leadership de la communauté noire - une communauté elie-même de plus en plus divisée entre une classe moyenne noire et ceux qui s'enfoncent dans les ghettos laissés à l'abandon - va durer plus de vingt ans. Les événements et le contexte des années 1990-2000 confirment l'évolution précédente. L'élection de Bill Clinton en 1992 ne mettra pas fin à l'offensive conservatrice. Elle se poursuit avec l'arrivée d'une majorité républicaine dure à la Chambre des Représentants qui remettra en cause les programmes d'affirmative action, au nom de leur inefficacité et de l'injustice qu'ils représentent pour les Blancs. Face à cette offensive, la minorité noire apparaît plus divisée et plus isolée que jamais et malgré l'égalité des droits, les Noirs américains restent -relativement à tout autre groupe de la population américaine, et selon la formule consacrée,- « plus nombreux en prison qu'à l'université» Plus personne ne semble alors en mesure de représenter une minorité noire divisée. Le général Colin Powell, un temps pressenti comme candidat possible à l'élection présidentielle de 1996 renoncera d'ailleurs à tenter de récupérer le flambeau du leadership noir pour le camp républicain. Il sera, quelques années plus tard, l'un des deux Africain- Américains, avec Condoleeza Rice, choisis par le président George W. Bush en 2000 pour figurer dans son équipe sans que cela n'entraîne aucune modification de la vision conservatrice dominante dans son camp. L'élection d'Obama annonce-t-elle une nouvelle reformulation de la question noire? La question qui se pose aujourd'hui, au moment où Barack Obama entame son premier mandat de Président des Etats-Unis, est celle de savoir si son élection suffit à envisager une quatrième « reformulation ». S'il est bien évidemment trop tôt pour pouvoir avancer une quelconque réponse, on peut néanmoins tenter d'explorer, à partir de cette élection, un certain nombre de pistes de réflexion. On peut ainsi affirmer que la question noire telle que nous l'avons envisagée jusqu'ici reste pleinement posée aux Etats-Unis. Objectivement parce qu'il existe toujours un décalage important entre les conditions sociales de l'ensemble de la minorité noire (même si d'importantes différences existent en son sein) comparées à celles de l'ensemble de la population américaine (elle-même fortement diversifiée) par exemple ; subjectivement car la question noire continue de hanter la société américaine. Les seuls exemples, parmi bien d'autres, de l'interrogation sur la véritable « couleur» d'Obama, sur le racisme dont il aurait pu être victime dans les urnes ou encore sur les risques d'attentat qui pèsent sur lui, montrent bien que sa victoire ne suffit à effacer ni le poids de l'histoire ni la profondeur du souci identitaire américain. Toutefois, on peut également arguer du choc que représente l'élection d'Obama - et les promesses de son programme - pour soutenir la thèse selon laquelle certains éléments constitutifs de la période précédente (celle du backlash conservateur) pourront certainement être dépassés dans les années qui viennent. On peut d'abord estimer que le contexte de crise économique favorisant l'intervention de l'Etat aura des effets structurels positifs dans la mesure où des institutions et des forces sociales favorables aux minorités, et notamment aux Noirs, seront davantage mises en avant et sollicitées que lors de la période précédente. De la même manière, on peut penser que l'attention nouvelle aux questions sociales conduira à une amélioration de la situation relative des minorités qui bénéficient plus que d'autres de ces programmes publics. On soulignera aussi que la fin de la radicalisation systématique du discours politique (l'Amérique « bleue» ou « rouge », la guerre des valeurs, etc.) au profit d'une approche consensuelle, voulue par Obama, offrira un cadre plus accueillant au pluralisme des modes de vie et aux différentes « manières» d'être américain. Enfin, notons que l'émergence, à travers la figure charismatique du nouveau président, d'un leadership noir « de fait » et inédit dans sa forme, rendra plus difficile tout discours et évidemment tout acte raciste dans la société américaine. Ces éléments, de nature très différente, ne suffisent évidemment pas pour autant à instituer une « nouvelle ère» mais ils dessinent d'ores et déjà un tableau à l'opposé de celui qui domine aux Etats-Unis depuis près de trente ans. Ils permettront, en tout état de cause, un traitement plus équitable des Noirs au sein de la société américaine. On doit pourtant également souligner que cette nouvelle époque qui s'ouvre ne sera pas celle d'un simple retour aux années 1960 ou, à un improbable « âge d'or» des relations raciales aux Etats-Unis. Barack Obama a d'ailleurs été très clair sur le sujet: le fait de réintroduire pleinement les minorités - et au premier chef, celle des Noirs à laquelle il a explicitement reconnu appartenir - dans l'équation sociale nationale se fera d'abord sur la base d'une logique de responsabilité: c'est-à-dire de reconnaissance pleine et entière d'une égalité de droits mais aussi de devoirs, et certainement pas à travers l'affirmation d'une spécificité identitaire séparatrice. Le projet d'une Amérique sinon post-raciale du moins débarrassée des stigmatisations raciales impose en effet le dépassement de la logique de l'identity politics. Ne serait-ce que pour permettre le déploiement d'une autre logique : celle d'une solidarité plus large appuyée sur la situation sociale des uns et des autres plutôt que sur la couleur de peau. La position d'Obama sur la discrimination positive (affirmative action) est, à ce titre, tout à fait exemplaire de ce que pourrait être une nouvelle reformulation, sous son égide, de la question noire. Sans condamner la discrimination positive qu'il reconnaît avoir eu d'incontestables effets de rattrapage sur l'intégration de la minorité noire, il ne souhaite pas pour autant en faire un modèle - il a d'ailleurs plusieurs fois été souligné qu'il n'en avait pas bénéficié lorsqu'il a accédé à l'université par exemple - notamment parce qu'une telle politique peut avoir des effets de stigmatisation à rebours lorsqu'on assimile, par exemple, la réussite universitaire ou professionnelle d'un noir au fait qu'il a nécessairement dû bénéficier d'un programme de discrimination positive. On insistera, en conclusion sur ce qui fait la qualité essentielle non seulement de la rhétorique exceptionnelle de Barack Obama mais sans doute aussi la force de sa conviction profonde sur la question raciale, c'est-à-dire son caractère fondamentalement politique. Il ne s'agit pas, à ses yeux, d'une simple question d'affirmation identitaire ou de rattrapage historique mais plus sûrement de la clef d'une nouvelle donne politique: « C'est la colère envers la politique d'assistance de l'Etat-Providence et la politique de discrimination positive qui ont donné naissance à la Coalition Reagan. Les hommes politiques ont systématiquement exploité la peur de l'insécurité à des fins électorales. [ ... 1 Tout comme la colère noire s'est souvent avérée contre-productive, la rancoeur des Blancs nous a aveuglés sur les véritables responsables de l'étranglement de la classe moyenne. [ ... 1 Souhaiter la disparition de cette rancoeur des Blancs, la qualifier d'inappropriée, voire de raciste, sans reconnaître qu'elle peut avoir des causes légitimes - voila aussi qui contribue à élargir la fracture raciale et faire en sorte que l'on n'arrive pas à se comprendre. » C'est bien à l'aune de cette vision intrinsèquement politique qu'entend être jugé Obama. Plus précisément sur l'écart - qu'il tentera de rendre le plus faible possible - entre, d'un côté, les promesses d'une campagne exceptionnelle et le caractère historique de son élection, et, de l'autre, les réalisations de sa présidence. DISCRIMINER • pour mieux ., REGNER (Enquête sur la diversité dans les partis politiques). Un livre de Vincent Geisser et El Yamine Soum. Edition de l'atelier (juin Z008) En février 2008, le président de la République présentait à la France son projet d'inscrire la diversité dans le préambule de la Constitution, et ceci au nom de la lutte contre les discriminations dans le système politique. Force est de constater que les discriminations n'ont jamais été aussi criantes. Dans la société française très peu de responsables issus de l'immigration ont en charge des postes de pouvoir ou de décision; cette sous - représentation affecte aussi le domaine de la politique où les « issus de » l'immigration accèdent très rarement aux fonctions électives .. Et là, les chiffres sont éloquents: sur 577 députés, pas un seul député dit « de la diversité» ne siégera jusqu'en 2012 à l'Assemblée nationale( !). Mis à part les effets d'annonce, les institutions françaises s'avèrent donc incapables de refléter la pluralité et le métissage de la société. Comme souvent en politique, le terme diversité n'est qu'une belle figure de rhétorique dont les effets concrets se font attendre. « Discriminer pour mieux régner» se propose de retracer l'histoire de la diversité en politique depuis 20 ans et de faire le point sur les rapports entretenus entre les partis politiques et les enfants de l'immigration. Diversité ou diversion? Assiste-t-on à une sorte d' « ethnicisation républicaine» qui mettrait à mal le modèle d'intégration à la française? Pour répondre à ces questions deux politologues, Vincent Geisser, chercheur au CNRS et El Yamine Soum, doctorant à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, se sont penchés sur les documents internes des différents partis politiques et ont recueilli les témoignages d'une trentaine de personnalités politiques, d'élus et de militants. A droite comme à gauche, chacun revendique la paternité du concept, qui est pour les auteurs de cet ouvrage, un concept piégé. C'est ce qu'ils appellent « le paradoxe de la diversité à la française ». Car, par delà les beaux discours égalitaires lénifiants, il semble que les responsables politiques en place, fassent preuve d'une grande frilosité, la règle d'or de la diversité étant surtout de préserver le statu quo : apprendre au « divers» à rester à sa place. Tout en affichant leur détermination à combattre les discriminations, les dirigeants politiques arrivent rarement à se départir d'une vision paternaliste voire colonialiste de l'immigré. On se refuse à traiter l'Autre comme un citoyen à part entière, et de la sorte on ne fait que reproduire la logique du « Eux» et « Nous ». Les élites issues de l'immigration servent trop souvent de « faire valoir» aux partis politiques qui, pour mieux séduire une partie de leur électorat, joue sur l'exotisme du candidat. Cette démarche ne fait que renvoyer l'Autre à son particularisme culturel - une sorte d'assignation à résidence identitaire - le candidat issu de l'immigration n'étant pas choisi pour sa compétence ou son expérience mais pour son appartenance communautaire. Paradoxalement donc le terme de diversité en vient à occulter et à légitimer les discriminations à l'extérieur mais surtout à l'intérieur des partis politiques, retardant ainsi l'émergence des Français issus de l'immigration dans le champ politique. Les auteurs de l'ouvrage voient dans cette thématique une forme de discrimination positive qui ne dit pas son nom, une sorte de « schizophrénie républicaine ».qui servirait à brouiller les données et les positionnements politiques. Face aux discriminations, s'organise une forme de résistance: on assiste un peu partout à l'émergence de cercles de réflexion et d'action, rassemblant des personnalités venues d'horizons divers ( professionnels des médias, hommes politiques ... ) qui, tout en restant attachés au modèle républicain, mettent en place des stratégies pour prendre réellement en mains le problème de la diversité et porter leur voix dans le débat public, (Egalité d'abord, Averroes, 21ème siècle). Il y a là matière à réflexion et un champ d'action à investir. Comment sortir de ce concept piégé qui domine la vie politique française? Comment corriger ces inégalités de traitement? Quelles stratégies mettre en oeuvre pour promouvoir une revendication des plus légitimes ? Pour les auteurs de l'ouvrage il y a urgence à dépasser les blocages institutionnels et à entreprendre une modernisation du système politique français de façon à mettre fin à l'hégémonie des « hommes blancs quinquagénaires ». Mais le plus grand défi est selon Vincent Geisser (Interview du 4 juin 2008 sur Oumma.com) « briser le ghetto de la diversité », de faire évoluer les mentalités, de changer notre regard sur les « issus de » pour que les élites de la diversité puissent enfin trouver leur place et être reconnus comme des acteurs à part entière de la vie politique française, y compris dans les lieux de pouvoir et de décision. Note: il serait intéressant. sur le plan de la profondeur historique, d'étudier dans quelle proportion les descendants de l'immigration européenne (polonaise, portugaise, italienne ... ) immigration plus ancienne, sont représentés dans la sphère politique française depuis les municipalités jusqu'au sommet de l'état. Note de lecture de Colette Fournier 21 22 Wallerstein Immanuel, L'universalisme européen: de la colonisation au droit d'Ingérence, t rad. de l'anglais (État s-Unis) Patrick Hutchinson, Demopolis, 2008, 139 p. 15 euro Bigo Didier, Bonelli Laurent, Deltombe Laurent (dir.), Au nom du 11 septembre ••• : les démocraties à l'épreuve de l 'antlterrorlsme, La Découverte, coll. Cahiers libres 2008, 413 p. 23 euro Blanchard Pascal, Veyrat-Masson Isabelle (dir.), Les guerres de mémoires: la France et son histoire. Enjeux politiques, controverses historiques, stratégies médiatiques, préf. Benjamin Stora, La Découverte, coll. Cahiers libres" 2008, 335 p. 20 euro Foutoyet Samuël, Nicolas Sarkozy ou la Françafrlque décomplexée, préf. Odile Tobner, Tribord, coll. Flibuste, 2009, 153 p. 4,50 euro Konaré Adame Ba, Petit précis de remise à niveau sur l'histoire africaine à l'usage du président Sarkozy, préf. Elikia M'Bokolo, postf. Catherine Clément, La Découverte, coll. Cahiers libres, 2008, 348 p. 22 euro Centre Tricontinental, État des résistances dans le Sud - 2009 : face à la crise alimentaire, Syllepse, 208, 226 p. 18 euro Delphy Christine, Classer, dominer: qui sont les « autres» ?, La fabrique, 2008, 76 p. 12 euro Spire Alexis, Accueillir ou reconduire : enquête sur les guichets de l'Immigration, Raisons d'agir, 2008, 125 p. 7 euro Bernardot Marc, Loger les Immigrés: la Sonacotra, 1956-2006, Le Croquant, 2008, 352 p. 22 euro Feu au centre de rétention : des sans-papiers témoignent (janvier-juin 2008), Libertalia, coll. A boulets rouges, 2008, 157 p. 7 euro Shlaim Avi, Le mur de fer: Israël et le monde arabe, t rad. de l'anglais Odile Demange, Buchet-Chastel, 2008, 775 p. 29 euro Sur les traIes de Bertrand Bary, Hommage Par Martine Plate!. responsable de la Commission Roms, Tsiganes et Gens du Voyage du MRAP Les témoignages de sympathie ont été nombreux à l'annonce du décès de Bertrand Bary, de militants du MRAP mais aussi de nombreux responsables d'associations tsiganes. Restent ses écrits et la mémoire des évènements et des rencontres qu'il a suscitées et celles auxquelles il a participé. Son livre « Homme avec les hommes » paru en 1969 éclaire le chemin qu'il a suivi du religieux franciscain, au prêtre et au militant. Il montre la richesse de sa réflexion, ses qualités humaines et son ouverture d'esprit. Bertrand Bary était un militant du MRAP et luttait contre le racisme sous toutes ses formes. Il insistait sur la face positive de la lutte contre la racisme : construire l'amitié entre les peuples « quand on lutte ensemble pour la dignité et le respect de tous» Quand il a été confronté directement aux propos que tenait un élu local concernant les Gens du Voyage c'est avec toute cette expérience qu'il est entré dans une riposte qui est à l'origine de la place qu'a tenu la Commission tsiganes et gens du voyage du MRAP. Il a su rassembler un réseau de personnes qualifiées pour trouver des informations solides : culturelles, juridiques, artistiques. Il a impulsé des évènements avec Albert Lévy, réalisé des documents pour informer, dénoncer, lutter contre les préjugés: le colloque de 1980 à Montreuil sur le thème « Tsiganes et Gens du Voyage, quelle place dans notre société? » Il a agi au niveau institutionnel autant que sur le terrain. Il a contribué à former et informer les militants

voir l'argumentaire paru en 1983 «

Ce que vous devez savoir» qui affronte les questions récurrentes : ( - Mais oui, ils t ravaillent - A propos de la délinquance - Du bon usage des lois) L'enquête sur l'application de la loi Besson en 1996 en montrait déjà ses limites. Ses orientations sont encore not re boussole. Il a ouvert le chemin, mais la lutte est toujours à recommencer. Aujourd'hui, les discriminations sur les mêmes thèmes se déclinent sous d'autres formes : médias, documents insultants circulant sur Internet. Nous avons besoin de tous les militants, de tous les Comités locaux pour continuer cette lutte. Nombreux sont ceux qui l'ont connu et qui gardent en mémoire une petite anecdote qui montrait l'humour et la jeunesse d'esprit de Bertrand Bary. Samedi 7 février 2009, le MRAP lui a rendu un hommage respectueux. Témoignages Bertrand va beaucoup nous manquer! Il incarnait la joie, la chaleur, le dynamisme dont il faisait profiter ses amis et la lutte antiraciste. Il demeure la figure emblématique de la commission Tziganes et gens du voyage pour laquelle il a combattu sans relâche. Nous échangions avec humour des plaisanteries sur notre athéisme et sa foi inébranlable. C'était un homme d'ouverture, généreux, comme on en voit peu et il mérite tous les honneurs. Pierre et Geneviève Krausz Son objectif était de vivre ensemble « égaux et différents ». Il n'avait de cesse de poursuivre ce but en dénonçant les faits et rétablissant la vérité - A relire deux articles « Accusé,levez-vous» et « Un racisme tenace », dans le N° spécial « Les Tsiganes « -année 1984- de la revue « Monde Gitan ». Il va s'en dire qu'il était donc bien à l'aise, notre « petit» et « grand» Bertrand dans ce « Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples »!!!!! Que de bonheur nous avions à nous retrouver! Je retiens l'ambiance du groupe: fraternelle et les engagements surtout concrets et courageux, sans exclusive. Anne-Marie Auger Je suis très attristé par le décès de Bertrand BARRY survenu le 6 décembre 2008, après celui de notre ami de toujours Albert LEVY. Ce sont les fondateurs du M.R.A.P. qui disparaissent les uns après les autres. Nous avons toujours été, Bertrand et moi, en communication étroite à propos des nomades et des gens du voyage, notamment en 1985, lorsque j'ai été chargé, comme Vice- Président du Conseil Général, d'élaborer le premier plan départemental d'aménagement d'aires de stationnement. Bertrand à toujours combattu tous les racismes et surtout celui dont sont victimes les voyageurs. Par la solidarité avec eux, il a contribué, dans le cadre de la commission Tsiganes et Gens du Voyage à faire reculer le racisme à leur encontre. L'explication, la compréhension, l'acceptation de l'originalité de leur mode de vie fait disparaître de la société un obstacle à sa cohésion. Jacques CHEVASSUS. M.R.A.P.87 Bertrand Bary, poète toujours d'actualité 1 .. ./ Sécurité, sécurité, sécurité! Ils n'ont que ce mot à la bouche Sécurité, sécurité, sécurité C'est un Arabe et on voit rouge Sécurité, sécurité, sécurité On tire sur tout ce qui bouge 1 .. ./ SOMMET CiTOYEN SUR LES MiGRATiONS 17 1 18 OCTOBRE 2008 1 PARis ~-~s Dé[laralion de • on re 1 NOUs, acteurs des sociétés civiles du Sud et du Nord, réunis à Montreuil, dans la continuité des travaux de la 1ère conférence non-gouvernementale euro-africaine de Rabat en 2006, adoptons la Déclaration suivante: Pour le respect du droit universel à circuler librement (Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme) Nous refusons la division de l'humanité entre ceux qui peuvent circuler librement sur la planète et ceux à qui cela est interdit. Les migrations sont depuis toujours un phénomène humain et constituent un apport social, culturel et économique inestimable, tant pour les pays du Nord que pour ceux du Sud. Cet apport, pourtant historiquement reconnu, est occulté au profit d'impératifs sécuritaires et économiques qui traduisent une défiance et une suspicion généralisées vis à vis de « l'étranger », comme en témoigne l'adoption récente de la directive retour par le Parlement européen. Les gouvernants du Nord, avec la complicité des gouvernants du Sud, portent une lourde responsabilité dans les désordres du monde. La crise écologique, économique et financière mondiale et son corollaire, la crise alimentaire, démontrént la faillite du système mondial actuel qui génère de la pauvreté et accroît les déséquilibres Nord-Sud. Il est aberrant que la seule réponse qu'on . apporte aux migrants soit des frontières militarisées et des camps d'enfermement. Cette radicalisation et cette crispation sur les aspects sécuritaires sont contraires aux valeurs emblématiques de l'Union européenne

démocratie, respect des Droits de l'Homme et libre- circulation.

Les migrants sont avant tout des femmes, des hommes et des enfants qui ont des droits. Ces derniers ne peuvent pas être niés au seul prétexte de l'absence de papiers. Ce sont les libertés individuelles et collectives de chacun d'entre nous qui sont menacées quand on restreint les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des étrangers. Pour une approche des migrations et du développement fondée sur les intérêts mutuels des migrants, des sociétés du Nord et du Sud. Le droit à la mobilité est un des facteurs du développement et de la réduction des inégalités et de la pauvreté au Sud comme au Nord. Les politiques de développement ne sauraient donc être instrumentalisées pour restreindre la liberté de circulation des personnes. Les migrations permettent d'établir des ponts entre les sociétés. Il est grand temps que la question des migrations et du développement soit réellement pensée sous l'angle des intérêts mutuels, ceux des migrants en premier lieu, ceux des pays d'origine, des pays de transit, des pays d'accueil ensuite, et en conformité avec les instruments internationaux de protection des Droits de l'Homme. Nous ne devons plus laisser la question des migrations aux seules mains des Etats, qui plus est des Etats du Nord, dans un contexte où la crise économique et financière menace d'augmenter encore la pauvreté et risque de renforcer la xénophobie et les violences dans les pays d'accueil et de transit des migrant(e)s. Nous ne voulons pas d'une Europe ·qui en réponse, se transforme en forteresse et Impose son « pacte européen sur l'immigration et l'asile» sans concertation avec les pays du Sud et les sociétés civiles. A nous, sociétés civiles du Nord et du Sud, d'inventer ensemble d'autres politiques migratoires et de développement et d'exiger qu'elles soient fondées sur la justice et le respect des droits et de la dignité humaine. Nous voulons des ponts, pas des murs! Nous exigeons: • l'application de l'article 13* de la Déclaration universelle des droits de l'Homme en incluant la dépénalisation du franchissement "illégal" des frontières, la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles, et le respect effectif de la Convention internationale sur les droits de l'enfant dans les pays de départ, de transit et d'accueil ; • de permettre à tous les migrants d'avoir accès à une complète citoyenneté et de fonder toutes les réglementations concernant les migrants sur l'égalité des droits entre tous les citoyens. Dans l'immédiat, nous exigeons d'élargir les conditions applicables aux résidents communautaires, notamment le droit de vote, à tous les résidents; • le refus de la subordinat ion entre le droit au séjour et le droit au travail, le respect du droit à la vie privée et familiale et l'autonomie du statut pour chacun des conjoints; • la mise en oeuvre du droit au développement tel qu'il est défini par la déclaration sur le droit au développement adoptée par les Nations unies en 1986 et l'annulation immédiate de la dette des pays du Sud, d'autant qu'elle rend les Objectifs du Millénaire pour le Développement inatteignables ; • des gouvernements du Sud le refus de la signature d'accords bi ou multilatéraux qui portent atteinte à leur intégrité et à leur dignité et comportent des conditionnalités et notamment des clauses de réadmission ; • l'arrêt de la militarisation des frontières africaines imposée par l'Union européenne; • la liberté de choix et d'accès du pays d'accueil pour les demandeurs d'asile et les réfugiés (refus du dispositif dit "de Dublin" et des pays dits "sûrs") et la suppression de toutes les formes d'externalisation des procédures d'asile; • une interprétation extensive de la notion de réfugié, incluant notamment les victimes d'atteintes aux droits économiques, sociaux et environnementaux et les persécutions collectives; • en attendant la fermeture de tous les lieux d'enfermement, l'interdiction de la détention des demandeurs d'asile et la création de mécanismes indépendants de contrôle de ces lieux; • la protection des femmes migrantes victimes de violences de toute nature ; • une réelle visibilité des actions concrètes des femmes migrantes dans les pays d'origine, de transit et d'accueil dans les enceintes de discussion nationale et internationale; • la protection sans conditions des migrants mineurs et notamment l'interdiction de leur enfermement et de leur expulsion, le respect effectif de leur droit à la formation et à l'éducation, ainsi que la régularisation des jeunes majeurs. La liste des signataires est visible sur le site http://www.despontspasdesmurs.org/spip.php?article72 23 Bougouniéré, dirige à Bamako une ONG« humanitaire ».Citadinemoderne et engagée, mais d'extraction populaire, elle a l'esprit fort occupé par un sport bien connu la chasse aux subventions. Elle s'apprête à recevoir pour dîner le directeur de la « banque mondiale de développement différé », qui veut mieux connaître l'Afrique profonde. EUe espére beaucoup de ce « bailleÎll'» venu des pays riches et compte sur son mari et ses trois fils, des triplés, pour le séduire. Installée dans sa cour, Bougouniéré commence à préparer le repas. L'eau bout dans la marmite ... Dans le cadre du 21 mars, journée internationale de lutte contre le racisme décrétée par l'ONU en 1966, le MRAP et la Mairie du Xéme arrondissement de Paris invitent à 3 représentations de la pièce de Alioune Ifra Ndiaye et Jean-Louis Sagot-Duvauroux Bougouniéré invite à dîner par le théâtre malien BlonBa Mercredi 25 mars 2009 de 20h à 21h30 Jeudi 26 mars à 10h30 et jeudi 26 mars de 15h à 18 h Les représentations du jeudi seront suivies d'un débat avec r-L Sagot-Duvauroux philosophe et directeur de BlonBa Puis nous pourrons entendre LASSY KING MASSASSY Grand slameur et rappeur malien et lenniner cette rencontre autour du verre de l'amitié. Salle des fêtes de la mairie, 72. rue du Faubourg Saint Martin -75010 Paris (Métro, Château ou Gare de ("Est)

Notes

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