Différences n°231 - juillet 2001

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Sommaire du numéro

n°231 de juillet-août 2001

  • Mouvement: discriminations: allo le 114 par N. Grivel
  • Tour de France pour les sans-papiers
  • Israël Palestine ou la fin de la paix par Eliane Benarrosh [moyen-orient]
  • Afin que nul ne cède ni à la bêtise antisémite, ni à l'indifférence coupable
  • « Nous gens du voyage, nous aimons négocier »
  • Dossier: L'extrême-droite
    • Nonna Mayer: « l'extrême-droite française reste implantée » entretien réalisé par Marie Mauger
    • Marignane en reprend pour six ans par Christiane Azam
    • L'extrême-droite européenne n'a pas quitté le champ politique par Marie Mauger
  • Plaintes pour crimes contre l'Humanité
  • « Appel de Paris pour le droit d'asile »

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Texte brut du numéro

Mouvement contre le racisme et pour t'am~ié entre les peuples Juillet/Août 2001 - W 231 Dossier > Malgré leur affaiblissement, FN et MNR résistent, entretien avec Nonna Mayer page 6 > M. Le Pen n'aime pas le rap page 8 > Mari.g nane en reprend pour SIX ans > Les croisés de l'Europe occupent le champ politique Lire aussi page 9 page 10 • Discriminations: évaluation du 114 page2 • Edito page 3 • Israël/Palestine ou la fin d'une certaine paix? page 4 • Confidences d'un Voyageur page 5 • Plaintes du Mrap pour crimes contre l'humaniÎé page 12 Mouvement Discriminations Allô, ici le 114 Nicolas Grivel présente ici les grandes lignes d'une étude consacrée à la mise en oeuvre du numéro gratuit dévolu aux personnes victimes de discriminations racistes. Le bilan est mitigé: Qi ·ü lE o o Cl o ....J il reste encore beaucoup à faire. Cette étude qualitative a été effectuée en 2000 pour le compte de la DPM (Direction des populations et des migrations) du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, par un cabinet de conseil (Acadie). Elle porte sur huit départements (Bouches-duRhône, Haute-Garonne, Isère, Nord, Orne, Paris, Rhône-Alpes, Val d'Oise), mais les enseignements peuvent aisément être généralisés. Cette étude ainsi que le rapport-bilan de l'IGA- l'IGAS (sur le fonctionnement des Commissions départementales d'accès à la citoyenneté), ont été à l'origine de la volonté gouvernementale de relancer le dispositif public au printemps dernier. • Une forte hétérogénéité locale L'étude confirme le constat de modes d'organisation très divers selon les départements, en termes de constitution et de structuration du secrétariat permanent de la Codac (Commission départementale d'accès à la citoyenneté) et du réseau de référents 114. Dans certains départements, un ou plusieurs fonctionnaires de la préfecture assurent seuls la coordination et le traitement des cas, ailleurs des référents (appartenant ou non à l'administration) sont désignés pour le trai- .-.-.. -__- ..-._-.._..--..-.. -... ,.-. .. -. -. - ......... _ w.. _. .......-... .


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Selon le statut et la sensibilité des personnes désignées comme référents, les pratiques locales (les relations aussi bien avec l'appelant qu'avec le secrétariat permanent de la Codac) sont très variables, y compris au sein d'un même département. L'étude souligne la nécessité d'organiser des réunions régulières entre l'ensemble des référents d'un même département et le secrétariat de la Codac, et de progresser dans la formation des référents. Ces progrès sont indispensables pour la cohérence et l'efficacité locale du dispositif de lutte contre les discriminations. • La perception du dispositif par les victimes Les victimes de discrimination attendent avant tout une écoute attentive et compréhensive, elles souhaitent que ce qu'elles ont vécu soit connu, et espèrent une aide puis une réparation (symbolique ou sanctions des responsables). Souvent le 114 est appelé en dernier recours, quand les autres démarches n'ont pas abouti. Les appelants sont globalement satisfaits de la qualité de l'accueil et de l'écoute téléphonique assurés au 114, notamment parce qu'on les a pris au sérieux, qu'on leur a accordé du temps. Dans les départements étudiés, la prise de contact de la Codac est le plus souvent jugée rapide et de qualité par les appelants. Mais c'est ensuite, dans le suivi et le traitement des cas, que leur satisfaction s'estompe souvent. Il y a un décalage clair entre l'accueil initial personnalisé et rapide et« l'envasement ultérieur de la procédure ». Le passage à la procédure judiciaire est en particulier souvent source de déception et d'incompréhension, lorsque l'information de l'appelant est mal assurée, du fait de la méconnaissance fréquente du fonctionnement de la justice et du manque de suivi et de communication de l'avancée de la procédure. De plus, cette procédure s'achève en général par un classement sans suite après quelques mois, annoncé par une lettre-type sans explication particulière, ce qui ne peut que renforcer l'incompréhension et l'écoeurement. • Traitements individuels et politique publique L'étude soulève le problème de la gestion purement individuelle des cas, qui semble souvent être un obstacle à une réflexion d'ensemble sur l'état des discriminations dans le département (par exemple, les signalements anonymes ne sont presque jamais analysés). De même, l'activité de traitement des cas du 114 apparaît trop souvent déconnectée des autres actions de la Codac, notamment des travaux des groupes thématiques et de la session plénière. De façon générale, un déficit de réflexion est constaté dans les services publics concernés, et des actions de sensibilisation et de formation ne sont donc pas envisagées alors qu'elles pourraient être particulièrement utiles . • Nicolas Grivel Le rapport initial comporte une étude de vingt-sept cas présentés par thème (accès à l'emploi, vie professionnelle, logement, conflit au sein de la police, etc) et par auteur (voisinage, service des étrangers de la préfecture, directrice de zoo, collègues de travail ... ) . Une version synthétique vient d'être éditée par la revue Migrations-Etudes. Elle peut vous être adressée sur simple demande auprès de l'ADRI (4 rue Villermé 75011 Paris). Vous pouvez la télécharger à l'adresse: www.adri.fr/me/ Tour de France pour les sans-papiers Cent personnalités pour les sans- papiers, « il est temps de régulariser », tel est l'intitulé de l'appel destiné au Premier ministre qui est à la base de la mobilisation autour du Tour de France des sans-papiers. Il faut rappeler que cette initiative, soutenu par cent trente écrivains, par Guy Bedos, Charb (qui a réalisé les cartes postales actuellement en vente), le journal Charlie Hebdo, a trouvé son origine dans la publication du recueil de nouvelles « Ecrivains/Sans-papiers ». Puis la Ligue des droits de l'Homme et le Mrap appuyés par les personnalités et en collaboration avec les organisations de sans-papiers comme la Coordination nationale ont lancé le 23 juin le Tour de France afin de relancer le mouvement pour la régularisation et de faire signer l'appel (qui figuren au dos des cartes postales) par le maximum de citoyens. L'appel affirme notamment qu'« il ne s'agit pas d'accueillir toute la misère du monde, il s'agit de restituer à ceux qui vivent en France leur diginité en reconnaissant leur existence légale ». Parmi les signataires, la navigatrice Isabelle Autissier et le compositeur Pierre Boulez. Les prochaines étapes du Tour ~ Nancy, le 23 septembre, festival littéraire Reproduction de l'une des trois cartes postales en vente au siège du Mrap au prix de 5 F l'unité ~ Clermont-Ferrand, le 12 octobre, projection de film/animation ~ Lille, le 12 octobre ~ Grenoble, 15 et 19 octobre, film et conférence ~ Lyon, novembre, film/débat à Vénissieux, signature du livre à la Fnac, conférence-débat ~ Metz, le 10 novembre, projet en cours avec des associations luxembourgeoise et belge ~ Nantes, le 8 novembre, débat et concert (sous réserve) ~ Marseille, le 1 er décembre, débat, montage poétique ~ Mont-de-Marsan, le 15 décembre, débat et spectacles ~ Toulouse, décembre (programme à déterminer) ~ Dunkerque, le Il janvier, film ~ Paris, janvier (programme a déterminer) ~Saint-Etienne (date et programme à déterminer). Quelques rendez-vous judiciaires • Inscriptions sur les murs de la Mainau à d'injures antisémites contre l'entraîneur du Racing club de Strasbourg. Le tribunal correctionnel a condamné les auteurs (deux mois de prison avec sursis, publication du jugement dans L'Equipe et son affichage devant les caisses du stade, 4 000 F de dommages et intérêt au Mrap. Audience en appel le 4 septembre devant la cour de Grenoble. • Crime raciste au Havre juin 1990, la victime s'appelait James Dindoval. Les auteurs ont été condamnés par la cour d'assises le 21 octobre 2000 à 20 ans de réclusion. Ayant fait appel, ils passeront devant la cour d'assises de Grenoble le 10 septembre. • Signalement du Mrap auprès du parquet de Versailles de deux tracts du Front national

le parquet décide de poursuivre sur la

base du délit de provocation à la discrimination. Chambre correctionnelle du TGI de Versailles le 11 septembre. • Les plaignants réservent une chambre à l'Hôtel Formule 1 de Besançon. A leur arrivée, ils sont arrosés d'injures racistes et leur réservation annulée. Audience en citation directe le 19 septembre. • Un salarié soutenu par le Mrap porte plainte pour diffamation raciste non publique proférée par l'un de ses collègues: audience devant le tribunal de police de Lagny-surMarne le 20 septembre. , Editorial Depuis la sinistre période où les activistes néo-nazis posaient des bombes devant les locaux du Mrap (dans les an nées soixante), rare me nt notre mouvement a fait l'objet d'un tel déferlement d'injures, de haine, d'agressions insupportables, diffamatoires. Depuis le mois d'octobre, lorsque à la périphérie d'une manifestation en faveur de la paix au Proche-Orient, des injures antisémites ont été proférées (lesquelles font l'objet de poursuites judiciaires à l'instigation de notre mouvement), pas une prise de position publique, pas une manifestation en faveur d'une paix juste et durable ne s'est déroulée sans que le Mrap soit traité dès le lendemain d'antisémite, d'ennemi d'Israël. Notre façade a été souillée de graffitis insultants, et les vitres de la façade ont été brisées ... Ce que nous subissons est scandaleux. Traiter de la sorte un mouvement qui depuis un demi-siècle n'a cessé de lutter contre toute forme d'expression et de manifestation antisémite relève de l'inacceptable. De telles allégations offensent les militants que nous sommes et servent dangereusement l'antisémitisme en le banalisant. C'estlà amoindrir les monstruosités que l'antisémitisme a générées, c'est servir tous les racismes. Notre position sur le conflit israélopalestinien est d'une fidélité sans faille depuis 1967 : celle de servir l'amitié entre les peuples, cette valeur conditionnée par la paix, paix qui n'a d'existence que par le droit et sa réciprocité. En la circonstance: le droit à l'existence d'Israël et à sa sécurité, et le droit du peuple palestinien à une terre, un Etat. Aujourd'hui comme hier seul le dialogue peut avoir raison de la violence, de la haine et des peurs . Au cours de la manifestation contre la venue de Sharon en France à Paris le 5 juillet dernier, certains extrémistes de la cause palestinienne n'ont pas hésité à me traiter de « marionnette juive », de « vendu aux sionistes », « d'agent du Crif » . .. Le lendemain, sur Internet, les sites néo-nazis se félicitaient, et revendiquaient à leur tour la paternité de I/agression dont j'ai fait l'objet. Morale de tout cela: tous les extrêmes se ressemblent et se rejoignent. Preuve aussi que notre position est juste et équilibrée. Mouloud Aounit Différences n° 231 Juillet/Août 2001 3 Mouvement Israël/Palestine ou la lin de la paix ? A l'heu re où nous mettons ce numéro sous presse, la situation se dégrade en Israël et dans les territoires palestiniens : rien ne semble plus pouvoir arrêter l'engrenage de la violence. Eliane Benarrosh revient ici sur les raisons globales de l'échec du processus de paix. Nous présentons aussi le livre-reportage d'Isabelle Avran, journaliste et responsable de France-Palestine, consacré fort opportunément, en ces temps désespérés, aux « inventeurs de paix ». LE PROCESSUS de paix ou processus d'Oslo s'est effondré, entraînant avec lui une large partie du camp de la paix en Israël et en Europe. Cet échec a ses origines dans l'absence de prise en compte des aspirations nationales des deux parties. Israël n'a jamais pris en compte les aspirations nationales, les traumatismes et les espoirs du peuple palestinien. Il n'est pourtant pas possible de mettre fin à un conflit qui dure depuis plus de cinquante ans sans que l'on admette comme une nécessité de principe l'idée que les deux parties doivent se considérer comme égales. Dans le cas contraire, le cycle des hostilités perdurera. Les accords d'Oslo ont amené Israël à reconnaître officiellement pour la première fois le peuple palestinien et sa direction nationale et le mouvement palestinien à reconnaître l'existence de l'Etat d'Israël. Mais, pour les Palestiniens, Oslo n'était qu'une période de transition ouvrant la voie à la fin d'une occupation et débouchant sur la création d'un Etat palestinien indépendant. Les différents gouvernements israéliens ont eu une interprétation différente. Les Accords ont été pour eux une façon de maintenir l'occupation dans de larges parties de la rive occidentale et de la bande de Gaza, avec un « gouvernement» palestinien garant de la sécurité, de la protection d'Israël et des colonies. Cette interprétation autorise Israël à ne pas respecter de nombreux points des Accords, à poursuivre son expansion des colonies (création de nouvelles colonies, extension des colonies existantes, construction de routes de contournement, expropriation des terres, démolition des maisons ... ). C'est pourquoi après Netanyahou, Barak a inspiré beaucoup d'espoir à son arrivée. Or, entre les promesses et leurs réalisations, il y a un fossé considérable et le résultat est désastreux. Le gouvernement Barak a présenté ses propositions comme des ultimatums sans prendre en considération les aspirations des Palestiniens. Barak leur demandait d' abandonner la souveraineté sur JérusalemEst et le Mont du Temple, ainsi que le principe fondamental du droit au retour des réfugiés. Il présentait ses demandes d'annexion des territoires comme des pourcentages négligeables portant ainsi à 20 % la surface des territoires annexés au-delà de la ligne verte. Les Palestiniens en donnant leur accord à 22 % de leurs territoires en ont en réalité concédé bien davantage. Le Sommet de Camp David, imposé à Arafat pour des considérations personnelles de Clinton, était prématuré et ne proposait aucune avancée. Aucun dirigeant palestinien ne pouvait accepter de signer un tel accord. Pour Israël Barak a fait aux Palestiniens « les offres les plus généreuses de tous ses prédécesseurs » alors qu'en réalité, il demandait aux Palestiniens l'abandon pure et simple de leurs aspirations nationales fondamentales. La disparition de tout espoir d'accord a conduit inévitablement à de violents affrontements. Les Palestiniens considèrent les colons comme une force ennemie dangereuse dont le seul objectif est la spoliation de leurs terres. En Israël, le terme « résidents» se substitue trop souvent au terme colons. La très grande déception causée par le gouvernement Barak, la systématisation des blocus, le déploiement des colonies, les assassinats ciblés sèment aujourd'hui dans les rangs des forces nationalistes et religieuses extrémistes du côté palestinien, une réaction violente, malheureusement classique lorsqu'une nation s'engage dans une guerre de libération. La signature d'un accord de paix durable et son application ne peuvent se faire que sur la base du respect mutuel, du droit des · deux peuples basé sur l'égalité . • Eliane Benarrosh A6n que nul ne cède ni il la bêtise antisémite, ni il l'indiHérenoe irresponsable 4 Différences n° 231 Juillet! Août 2001 DANS le tumulte de ce qui est devenu la « guerre israélo-palestinienne », alors que des observateurs parmi les plus avertis perdent parfois leur latin, des militants de la paix, dont les voix restent le plus souvent inaudibles, désignent les choses par leur nom. Le livre d'Isabelle Avran* nous fait découvrir de l'intérieur le « Centre d'information alternative » (AIC) de Jérusalem, dont le directeur, Michel Warschawski, surnommé Mikado, écrit dans la préface : « Si les Palestiniens voient dans la paix le moyen de voir se réaliser le Droit, et avant tout le droit à l'autodétermination, pour la grande majorité des Israéliens, la paix est le moyen de parvenir à la séparation. Une séparation qui se conjugue avec la poursuite de la domination a un nom: l'apartheid, et la paix proposée par les différents gouvernements israéliens en a toutes les caractéristiques. »Au-delà de cette dichotomie clairement identifiée, cet ouvrage réunit trois qualité essentielles: il apporte un témoignage précis et exclusif sur l'expérience des militants israéliens et palestiniens qui ont décidé de ne pas baisser les bras fût-ce au prix définitif de leur tranquillité et de leur bonne conscience; il met en perspective historique (la terre, les réfugiés, le statut de Jérusalem .. . ) des situations concrètes où s'élaborent des actions de solidarité; il construit au fur et à mesure une description vivante, quelquefois bouleversante, de la façon dont certains individus (exceptionnels ?) se font passeurs lucides et bienveillants entre des logiques fondamentalement conflictuelles. Une leçon de politique et d'humanisme. D'espoir aussi. A placer entre toutes les mains afin que de côté-ci de la planète, nul ne cède ni aux effets pervers des images-chocs, ni à l'antisémitisme, ni à l'indifférence. Chérifa B.

  • Editions de l'Atelier

« Nous., g ens du, V.oya ge, nous aimons negocler » Une militante proche de la Commission Gens du Voyage du Mrap a interrogé un voyageur sur la vie quotidienne de sa communauté. Dans l'extrait qui suit, cet homme qui a requis l'anonymat pour pouvoir poursuivre son rôle de porte-parole, évoque surtout la question du stationnement des caravanes. Quelle galère! NOUS, gens du Voyage, sommes tous demandeurs de négociation ; nous sommes gens de commerce, et de ce fait nous sommes habitués à côtoyer toutes sortes de gens, des noirs et des blancs, des grands et des petits. Il arrive que quelqu'un vienne demander de bouger une caravane pour laisser passer une brouette ou un tracteur

on arrive facilement à s'entendre. Autrefois

il arrivait qu'un paysan nous laisse stationner quelques jours sur son un terrain; on ne le gêne pas et tout se passe bien. Aujourd'hui, des maires empêchent les propriétaires de négocier. Il les oblige à porter plainte contre nous. Si le propriétaire ne veut pas porter plainte, la mairie dépose une plainte à sa place, puis l'oblige à payer les frais en se retournant en justice contre lui; parfois la mairie peut aider financièrement le propriétaire qui accepte de porter plainte. Mais on lui reproche de ne pas avoir interdit l'accès de son terrain en le labourant ou en barrant l'accès. Il faudrait que les paysans puissent nous louer des terrains en jachères comme terrain de passage, pour une semaine ou quinze. Mais on leur fait des ennuis en leur reprochant de louer des terrains sans sanitaires, sans eau, pas aménagés. Une seule fois,j 'ai pu négocier de façon officielle avec la mairie, la gendarmerie, le propriétaire

tous réunis ont signé avec moi une

convention sur la durée du séjour et la prola caravane fi ,~.. 1r cdeit ola yenneté preté finale du terrain; il y avait cent caravanes

moi et un autre responsable nous avons

représenté les autres gens du Voyage ; chacun a participé à une collecte qui a été remise à la mairie ; tout s'est très bien passé; j'ai retéléphoné au maire à la fin du séjour; le maire semblait content; mais l'année suivante le champ avait été rendu inaccessible ainsi que les champs voisins; tout était labouré et les entrées condamnées. Que la négociation se soit concrétisée par écrit, et bien respectée, n'a pas permis de constituer un précédent positif pour une deuxième négociation. Devant leurs électeurs ou les riverains du terrain occupé, les maires crient et font du cinéma, pour se montrer méchants : ils veulent prouver leur refus des gens du Voyage; mais, sans témoin extérieur, il est possible de parler avec des maires et avec des commissaires de police et de trouver une terrain ... d'entente. Parfois ils disent: « Vous auriez au moins pu avoir la politesse de venir nous demander avant! », mais quand on agit de la sorte le maire affirme toujours qu'il n' y a aucun terrain sur sa commune pouvant convenir et en plus, prévenu de notre présence, il met en place de nombreuses patrouilles qui nous font repartir avant qu'on ait eu le temps de décrocher la caravane. Donc il nous faut toujours négocier après être entrés par force sur un terrain. On est content qu'un terrain soit disponible! On tente t'DUS dDnne rendez-l'DUS les 15 et 16 septembre La coordination de la« caravane» organise une nouvelle session de formation sur« la législation contre les discriminations et l'écoute» pour l'accueil et l'accompagnement de victimes et témoins de discriminations. Cette formation qui se déroulera à Paris, dans les locaux du Mrap, les samedi 15 et dimanche 16 septembre 2001 est destinée en priorité aux militants engagés ou souhaitant s'engager dans l'accueil et l'accompagnement de personnes. Le Mrap national prend en charge les repas et l'hébergement. Une participation de 50 F est demandée. Pour vous inscrire ou pour plus d'information, prendre contact avec Yannick Lechevallier, coordinateur «Caravane» www.mrap.asso .fr Tél (direct): 01 53 38 99 91 Fax: 01 40409098 la négociation en annonçant la durée de notre séjour; nous demandons 15 jours en général

ils savent qu'avant 15 jours nous serons

partis; 15 jours c' est la durée de leurs démarches en justice pour nous faire expulser

pourtant certains font quand même les

démarches en justice et ils doivent payer pour nous faire partir au moment où nous serions de toutes façons partis. Ils ferment même les terrains où on ne gêne pas. C'est pour ça qu'on retrouve des caravanes sur les parking d'usines en fonctionnement ou de magasins. Bien se conduire, ramasser nos ordures, louer nous-mêmes une benne à ordure pour laisser propre, ne nous rend pas gagnant pour autant; la colère pourrait nous prendre et on pourrait laisser nos sacs d' ordures derrière nous; dans ce cas, ils font exprès de les laisser longtemps sans les ramasser pour que les gens viennent voir, photographier, et monter leurs gens contre les voyageurs. Mais eux ne donnent aucun moyen pour faciliter la propreté ! Ils disent « débrouillez-vous avec vos ordures! ». Il est arrivé qu'on vienne nous présenter de faux papiers d'expulsion sur papier à en-tête de la préfecture: on dit, « laissez- le nous, si c'est la préfecture, on va les appeler» ; alors ils refusent de nous laisser le papier parce que c'était un faux! En général, je me porte responsable pour toutes les caravanes avec moi; mais parfois j'ai refusé d'être responsable pour tous, je leur dis d'aller voir chaque famille; ils doivent alors envoyer un huissier qui passe dans chaque caravane, relève les identités et les numéros d'immatriculation; puis ils doivent obtenir un jugement pour chacun, et les rapporter à chacun: ça leur fait bien plus de travail

quelquefois ils choisissent trois familles

au hasard qu'ils assignent en justice et qu'ils font lourdement condamnées pour faire peur à tous. En certains endroits, ils nous enferment ; les voitures qui ont des crochets ne peuvent ressortir qu'avec la caravane; ou ils laissent sortir une voiture qui va voir pour trouver un nouvel emplacement; parfois on ne peut pas faire les courses pour manger; quand on est proche des magasins, on peut toujours sortir à pied. Pour les marchés, le placier fait son travail ; on le paye le prix de la place et il y a une pièce pour lui; il fait attention de ne pas mettre deux étalages concurrents l'un à côté de l'autre; on s'entend avec les voisins entre commerçants ; quelquefois on suit le placier une demi-heure mais il n' y a plus de place; alors on ne peut pas déballer et il nous faut essayer de trouver un autre marché où il resterait une place . • Différences nO 231 Juillet! Août 2001 5 DOSSIER Nonna Mayer: « L'extrême droite française reste implantée » La puissante résistance du Front national et du Mouvement national républicain lors des derniers scrutins électoraux invite à la plus extrême L'extrême droite est numériquement et médiatiquement affaiblie mais sa capacité de nuisance demeure. Moins visible, elle semble moins dangereuse. Pourtant elle continue son travail de contamination des esprits, de banalisation de ses idées. Les résultats des dernières élections confirment son enracinement local. La normalisation est en bonne voie, l'extrême droite devient respectable. Les propos, les diverses condamnations pour incitation à la haine raciale choquent moins. vigilance. Non seulement l'extrême droite n'a pas disparu du paysage politique français mais dans certains cas, elle a gagné des points. Introduction d'Isabelle Sirot. [ Entretien avec Nonna Mayer, directrice de recherche au eN RS. . L'inquiétante ascension de l'extrême droite en Europe et sa présence au sein de certains gouvernements de coalition droite/extrême droite accentue l'intégration de ces partis dans le paysage du « bien pensant» politique. L'entrée au gouvernement autrichien de ministres FPa a engendré de vives protestations et des prises de positions. L'arrivée de la coalition de M Berlusconi a entraîné peu de commentaires. Bien sûr la situation n'est pas la même, mais M. Fini ancien président d'un parti fasciste, devient numéro deux du gouvernement italien et le parti de M. Bossi, La Ligue du Nord, ouvertement raciste, se voit attribuer trois ministères dont celui de la justice. Deux gouvernements de l'Union européenne se sont formés avec des ministres d'extrême droite ou proches de l'extrême droite. Aujourd'hui deux, demain pourquoi pas quatre, six ... En France, un gouvernement avec M. Mégret ou un de ses proches relève- t-il d'un scénario de science fiction? La contexte politique a changé, l'extrême droite se restructure et modifie ses modes d'actions, la lutte contre ces partis doit s'adapter à ces nouvelles donnes et pourquoi pas les anticiper. Le Mrap doit engager une véritable réflexion pour combattre avec efficacité ces partis et ces idées. Le danger est plus dur à cerner et à identifier, aussi notre vigilance doit-elle être accrue. A la veille d'élections, certains discours peuvent être repris, certaines alliances, ostentatoires ou plus discrètes, peuvent se créer; à nous localement et nationalement d'unir nos forces pour prévenir ces pratiques. Isabelle Sirot 6 Différences nO 231 Juillet/Août 2001 Différences: Avant d'aborder l'analyse des résultats électoraux de l'extrême droite lors des derniers scrutins peut-on revenir sur le contexte de la crise et de la scission du Front national ? Nonna Mayer : Intervenue en décembre 1998, cette scission est d'abord liée à la rivalité entre Bruno Mégret et J ean-Marie Le Pen. Séparés par l'origine sociale et le style, les deux hommes se sont difficilement accommodés l'un de l'autre durant la quinzaine d'années où ils ont travaillé ensemble. Mais la pierre angulaire de leur désaccord réside dans la stratégie pour accroître le poids et l' électorat du parti. Pour Bruno Mégret, le FN doit s'allier avec la droite classique, tandis que Jean-Marie Le Pen s'y refuse et campe sur l'appel à un vote protestataire. Cependant, l' élément déclencheur de la crise est la question de la succession de Jean-Marie Le Pen dans le cadre des élections européennes de juin 1999. Une affaire en justice risquant de lui coûter son éligibilité (1), Le Pen lance en juin 1998 l'idée de la candidature de sa femme et évince du même coup le numéro deux du parti. Mais Bruno Mégret, fort de son succès à Vitrolles et de son accueil triomphal au congrès du FN de 1997 où sa femme et lui-même furent longuement ovationnés, en appelle aux militants de sa légitimité à être le candidat du FN. Ce duel scindera définitivement le FN en Front national de l'union française (Le Pen) et Mouvement national républicain (Mégret) après le congrès de Marignane (janvier 1998). Le FN et le MNR présentent-ils des différences idéologiques susceptibles de recomposer l'ex-électorat du FN ? En fait Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret partagent le même socle idéologique. L'exdélégué général ne cultive certes pas l' outrance verbale du président du parti mais c' est lui qui fut l' artisan des programmes officiels et son discours développe les mêmes thèmes: halte à l'immigration, insécurité, refus de l'Europe de Maastricht, de la mondialisation, de la globalisation et du « cosmopolitisme ». On peut dire qu'ils sont d'accord sur les objectifs à atteindre mais pas sur les moyens d'y parvenir. Le MNR est plus ouvert à un dialogue avec la droite classique et ill'a prouvé lors des dernières élections. Si Bruno Mégret apparaît plus respectable, et plus capable en sa qualité de polytechnicien et de brillant organisateur, de faire arriver un jour ses idées au pouvoir, c 'est cependant JeanMarie Le Pen qui reste le meilleur présidentiable si on en croit les intentions de vote pour 2002. Comment évaluez-vous le déclin annoncé par la scission de 1999 ? Bien qu'affaiblie, l'extrême droite fait preuve d'une forte capacité de résistance. Il est vrai que le MNR et le FN ont éprouvé quelque difficulté à trouver des candidats pour toutes leurs listes aux élections municipales (un tiers de moins qu'en 1995) et cela bien qu' ils aient concentré leurs efforts sur les grandes villes. De plus, contraints à appliquer la parité hommes- femmes, les deux partis d'extrême droite ont recouru à des artifices tels que la tromperie exercée auprès de femmes âgées dans des maisons de retraites consistant leur faire signer, sous des prétextes divers, des déclarations de candidature. Ces abus de faiblesse leur valurent nombre de procès. Ensuite, la division de l ' électorat conséquente à celle des partis, a fortement empêché le maintien des candidats au second tour. Le MNR et le FN n'ont pu se maintenir que dans un cinquième des 205 villes de plus de 30 000 habitants où ils étaient présents, alors qu'en 1995 le FN se maintenait au second tour dans une ville sur deux. De façon plus globale, alors que le FN recueillait 12,8 % (2) des voix aux élections municipales de 1995, FN et MNR en recueillent 10,3 % en 2001. Le recul de l'extrême droite est donc à relativiser. Le MNR comme le FN résistent ou progressent dans certaines villes, en particulier dans les 30 villes de plus de 9 000 habitants où ils gagnent 20 % des suffrages au premier tour des municipales de 2001. En tête: Orange, succès absolu pour Jacques Bompard (FN) qui comptabilise près de 60 % des voix au 1 er tour, soit une progression de 29 points par rapport à 1995. A Marignane, le MNR fait 50,2% au premier tour, en progression de 16,7 points. Contre toute attente, Catherine Mégret passe le premier tour à Vitrolles avec 39 % des voix (un recul de 4 points). La seule perte, c'est Toulon. Mais le FN s'impose encore à Cluse en Haute-Savoie, Bollène dans le Vaucluse, Noyon en Picardie, où il a plus de 30 % des suffrages exprimés. Si aux municipales, le MNR fait mieux que le FN dans les grandes villes, aux cantonales, qui récompensent l'ancrage local à long terme, le FN réalise de meilleurs résultats que le MNR. Les candidats du FN aux cantonales obtenant 7 % et celles du MNR 3% : ils font ensemble mieux qu'en 95 où le FN arrivait tout juste à ce score. L'extrême droite est affaiblie mais elle n'a pas disparu, loin de là. Comment peut-on expliquer que l'électorat populaire ait reconduit le FN à la mairie d'Orange bien que celui-ci y ait mené une politique a nti-sociale? Le FN a mené à Orange une politique discriminatoire envers les plus pauvres et les immigrés, les reléguant à la périphérie de la ville et se concentrant sur le centre ville où les habitants sont soucieux de ne pas payer pour les « problèmes sociaux ». Cette politique anti-sociale et « pro-classe moyenne» a donc contribué à appauvrir les gens déjà en difficulté. Mais les aspects néfastes de cette politique ont été atténués grâce à l'Etat qui s'est substitué à la municipalité défaillante auprès des associations et des travailleurs sociaux. Peut-être est-ce l'explication. De même à Vitrolles, la victoire de Catherine Mégret est 1 aussi difficilement explicable. L'électorat n'a tenu compte ni des condamnations dont elle avait fait l' objet, ni de la mention sur les bulletins de vote imposée par le tribunal d'Aixen- Provence, indiquant que « ce programme est fondé sur une discrimination raciale illicite envers les immigrés ». Ici comme ailleurs, les administrés ont passé l'éponge sur ces pratiques. Que peut-on dire de la possible reconquête des électeurs du FN par les partis de la droite classique? La reconquête des électeurs d'extrême droite dépend avant tout de leurs motivations profondes à voter pour de tels partis. L'électorat FN avant l'éclatement est au moins double dans ses motivations. Une partie de cet électorat est populaire et protestataire, tenté par les coups de gueule de Jean-Marie Le Pen, croquemitaine de la scène politique française. Cet électorat qui avoue souvent dans les entretiens ne pas souhaiter l'arrivée de Le Pen, soutient celui qui « tape le plus fort» pour faire entendre sa voix. Difficilement récupérable par un parti de la droite classique, il préférera l'abstention. Par contre, une autre partie de l'électorat se positionne vraiment à droite. Son prototype est le petit commerçant artisan, inquiet de la situation économique, qui se définit lui-même comme de droite, mais qui a le sentiment que le RPR et l'UDF ne sont pas assez à droite. Ces électeurs, MNR ou FN, peuvent être tentés par un retour à la droite classique dès lors que celle-ci montre sa préoccupation pour des problèmes tels que l'insécurité. Aux élections européennes de 1999, le RPF de Charles Pasqua et Philippe de Villiers avait, dans sa montée en puissance, récupéré une large partie de cet électorat. Quant aux dernières municipales une partie de l'électorat de Mégret s'est reporté vers le RPR. On peut aussi faire l'hypothèse qu'un électorat jeune, ouvrier, sans diplôme, qui a le sentiment que ni la droite ni la gauche ne s'intéressent à lui, soit tenté par l' extrême gauche, alors qu' il aurait pu à un certain moment adhérer au discours tonitruant de Le Pen. pales, les rassemblements comme le défilé de la fête de Jeanne d'Arc ou la fête du FN, étaient trois fois moins remplis qu'à la belle époque. Un autre facteur défavorable à l'extrême droite est la reprise de la croissance. C'était la hantise du chômage qui poussait un certain nombre d'électeurs à se tourner vers le FN comme un appel au secours . Aujourd'hui c' est un peu moins le centre des préoccupations de l'électorat qui se montre sensible au thème de la sécurité et ce thème fait partie des préoccupations de la droite comme de la gauche. Tout cela laisse présager des difficultés pour le FN et le MNR à progresser dans le paysage politique français. Malgré tout, ces partis ont de véritables capacités de rebondissement électoral. L'usure de la classe politique française et la division de la droite, le sentiment d'être « mal représentés par un parti » partagé par plus des trois quarts des Français, l' idée que les hommes -+ Les 30 villes de plus de 9000 habitants où l'extrême droite dépasse 20 % des suffrages exprimés % 2001 Orange 59,97 Marignane 50,22 Vitrolles 39,14 Cluses 35,14 Bollène 34,30 Noyon 30,18 Harnes 29,20 Pierrefitte-sur-Seine 29,06 Loos 28,58 Vernouillet 27,67 Mulhouse 26,92 Cernay 26,85 Vaires-sur-Marne 26,22 Salon-de-Provence 25,52 Bourg-de-Péage 25,24 Romans-sur-Isère 25,05 Évolution 1995-2001 +28,60 +16,72 +3,91 +3,80 Abs. en 1995 -16,23 +5,64 +2,70 +5,44 -3,22 -3,60 +6,31 -2,52 -1,02 L'extrême droite a-t-elle un futur dans le Rognac 24,54 paysage politique français à l'échéance des Marseille 7 23,21 +7,07 +4,71 +7,24 -3,07 présidentielles et législatives de 2002 ? Marseille 8 22,93 La scission a cassé la dynamique électorale Vauvert 22,75 de l' extrême droite ainsi que sa dynamique militante. Très schématiquement, Mégret est Saint-Louis 22,70 parti avec les deux tiers des cadres de la struc- Fosses 21,56 ture et Le Pen avec les deux tiers des élec- Montigny-en-Gohelle 21,48 teurs; il s'en est suivi une progressive démo- Grande-Synthe 21 ,17 bilisation des militants et des cadres. Les Carpentras 20,66 meetings de campagne des dernières munici- Vernon 20,53 Tourcoing 20,53 Tableau publié sur l'excellent site Luce 20,47 Internet du Cevipof: Marseille 2 20,06 www.cevipof.msh-paris.fr Les Mureaux 20,01 -4,53 +6,18 +10,37 +1,78 Abs. en 1995 +1,98 -1 ,55 -3,56 -11,93 Abs. en 1995 -5,28 - 9,58 Différences nO 231 Juillet/Août 2001 7 Qi c: c: a al Q) . ~

c: CIl Q) --, @ DOSSIER--------~y'9._.==ilanoe suite de la page 7 présent après Jean~~' fON.i ~-+\t.JT ~CTQ:E. ~ • Marie Le Pen. Il n'est d'ailleurs pas l'apanage du FN. Cependant le FN a donné, il est vrai, une certaine légitimité à l'expression publique de propos à la limite du racisme, Jean-Marie Le Pen étant très attentif de ne pas tomber sous le coup de loi PlevenGayssot, qui punissent la discrimination raciale et la diffamation. Evidemment, les N'est-ce pas une erreur de penser que la lutte contre l'extrême droite n'a plus de raison d'être? fT'ttt politiques sont malhonnêtes et inattentifs à ce que pensent les citoyens: tout cela sert le FN qui se veut anti-politique, anti-establishment, anti-système, anti-cohabitation. L'Europe de Maastricht et le passage à l'Euro, symbole du renoncement à un attribut de la souveraineté, sont aussi des arguments pour des partis qui mettent la préférence nationale au coeur de leur programme. Et pour peu que l'introduction à l'Euro cafouille, ils peuvent encore fédérer des mécontents. Peut-on dire que ce qu'on a appelé la « lepénisation des esprits» s'est banalisé? Si vous entendez par là le discours xénophobe, il était là avant et continuera d'être ... ' . électeurs du FN sont massivement portés à dire qu'il y a trop d'immigrés, mais sur le long terme la proportion des gens qui le pensent baisse parallèlement au renouvellement des générations et à la hausse du niveau d'instruction. Le potentiel de rassemblement des idées du FN est souvent plus large que son électorat, celles-ci suscitant selon les époques de 25 % à 33 % de la population. Or, selon un sondage du Monde de mai 2000, 17 % des personnes interrogées disaient être « d'accord avec les idées du FN », et seulement 9 % se disaient « d'accord avec les idées de MNR» (ces résultats ne s'ajoutent pas puisqu'il y a un noyau commun). On peut dire qu'il y a une baisse sensible du discours xénophobe et du ressentiment anti-immigrés. Ce serait se tromper de penser cela. Si les partis de l'extrême droite étaient vraiment balayés, ils se retrouveraient avec seulement 2 % ou 3 % des voix. Ce n'est pas le cas. L'extrême droite est bien implantée dans la vie politique locale car des hommes et des femmes sont encore mobilisés pour ses idées. Les scores de la trentaine de villes où l'extrême droite dépassait les 20 % et les victoires d'Orange, de Marignane et de Vitrolles le prouvent. La vigilance doit d'autant moins baisser que l'extrême droite s'implante à l'échelle européenne. Pensons à l'Autriche où le recul de Haider ne l'empêche pas d'être encore puissant, à la Belgique flamande avec le Vlaamsblock, et enfm à l'Italie où l' Alleanza Nazionale (ex MSI) et la Ligue du Nord ouvertement xénophobes, sont au gouvernement. Entretien réalisé par Marie Mauger (avec Chérira Benabdessadok) (1) Jean-Marie Le Pen a été effectivement condamné par la cour d'appel de Versailles à trois mois d'emprisonnement avec sursis, deux amendes de 5 000 F et de 3 000 F et un an d'inéligibilité (2) Dans les villes de plus de 9000 habitants où l'extrême droite est présente en 2001 Une tête de veau : 1 000 francs! A LORS qu'il se rendait à Strasbourg à la suite de sa condamnation à un an d'inégibilité et à trois mois de sursis pour « violences» commises à l'égard d'une députée socialiste en 1997, Jean-Marie Le Pen a été opposé au rappeur Stomy Bugsy dans un avion au départ de Paris. Le célèbre chanteur du « Ministère Amer» allait à une séance de dédicaces et dit avoir été «bousculé et insulté» en compagnie d'un de ses musiciens dans un couloir de l'appareil. Le chanteur reconnaît avoir « échangé des mots» avec M. Le Pen et l'avoir qualifié de « tête de veau ». Cette comparaison a, semble t-il, heurté la susceptibilité de celui qui 8 Différences nO 231 Juillet/Août 2001 s'était permis d'insulter, quelques années aupara- ~ vant, le prési- ..... dent de SOS Racisme, F odé u'" • Sylla en le trai- :: ~ ~ tant de « gros ~ zébu fou» et ~ u g- O 0 comme un ~ «point de détail» de l'Histoire de la Seconde guerre mondiale. Il a ainsi jugé opportun de porter plainte pour « injure publique» auprès de la police de l'aéroport. Stomy Bugsy a été condamné à 1 OOOF d'amende pour ses propos spontanés qu'il nous dit« parfaitement assumer ». Visiblement, le leader du FN n'apprécie ni le rap ni le franc parler des rappeurs. Il semble préférer à « la vie c'est comme ça », chanson à succès de Stomy Bugsy relatant les aléas de la vie et dénonçant le racisme, « l'hymne du parti nazi» ou encore« vive Hitler », deux morceaux tirés d'un disque intitulé « le III ème Reich, voix et chants de la révolution allemande» pour l'édition duquel il avait été condamné par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en 1971 . Cette fois -ci, la plainte du chanteur de rap pour« injures et violences» contre Le Pen n'a pas abouti alors même que ce dernier est un habitué de ce genre d'incidents .. . Kaltoum Gachi t Marignane en reprend pour six ans! Le MNR Simompieri a remporté la mairie de Marignane avec 62,3 % des voix au second tour (47 % au premier). Dans un contexte difficile, les antiracistes - dont les militants du Mrap - se battent pied à pied contre une gestion xénophobe et antisociale. Chronique d'un combat inachevé. CRÉÉ en 1997, notre comité compte trente-trois adhérents (dont sept per sonnes du Voyage). Depuis décembre 1998, l'OPAC a mis gracieusement à notre disposition un local situé dans le centre ancien de la ville. Une subvention de fonctionnement du Conseil général des Bouches-duRhône nous a permis de le meubler et d'étoffer notre bibliothèque. Nous tenons des permanences tous les mercredis après midi de 14 à 17 h pour les enfants qui ne sont pas acceptés à la bibliothèque municipale s'ils ne sont pas accompagnés de leurs parents. Cette initiative a démarré très lentement, mais depuis le début de cette année elle rencontre un vif succès auprès des enfants, notamment ceux d'origine maghrébine, qui d'ordinaire étaient livrés à eux-mêmes. Nous avons projeté à Saint-Victoret, le film documentaire « Bibliothèque sous influence» (qui avait été programmé par FR3 )suivi d'un débat avec le réalisateur, Eric Pitard. Ce film met en évidence les dysfonctionnements et les atteintes au pluralisme et à la liberté d'expression. Nous nous sommes adressés au préfet pour un acte de discrimination au logement concernant Samira Zaoui qui témoigne dans le film du Mrap« Discriminations, ouvrons les yeux ». A propos des gens du voyage, nous sommes intervenus une première fois à Saint-Victoret pour éviter l'expulsion demandée par le maire qui a incité la population à se liguer contre une minorité en raison de son mode de vie, et une seconde fois à La Fare des Oliviers auprès du directeur d'école afin qu'il accepte de scolariser une enfant du Voyage. Nous avons également interpellé le procureur de la République sur la façon intolérable de prendre part au vote lors des délibérations du Conseil municipal d'un conseiller, M. Troquier, et d'un adjoint, M. Egea, les trois doigts tendus à la manière des néo-nazis allemands et des néo-fascistes italiens. Le procureur a demandé au commissariat de police d'enregistrer notre plainte. Avant les élections, le bureau du Mrap a rencontré les différents partis de la gauche plurielle (PS, PC et les Verts). Nous avons discuté avec eux de la citoyenneté, du droit de vote des étrangers extra-communautaires, des gens du Voyage et la nécessité d'une liste de gauche et surtout unie, pour que tout soit mis en oeuvre pour battre M. Simonpieri. [ ... ] En conclusion, les trois partis ont donné des réponses dans le droit fil des idées du Mrap et de son combat, mais il a bien fallu constater l'impossibilité de mettre en place une liste de gauche plurielle, qui aurait pu éviter la réélection de M. Simonpieri. Tout au long de l'année, nous avons collaboré avec le comité des sans-papiers pour aider les Kurdes de notre commune dans leurs dé- La cantine est résewée aux en/anis de salariés Le Mrap s'indigne de la décision prise par le conseil municipal du 9/4/2001 (votée à l'unanimité) de réserver l'usage de la cantine aux enfants dont les deux parents travaillent. Nous rappelons qu'en 1996, la mairie FN voulait déjà imposer cette même restriction. Une tolérance de quatre repas par mois était instituée dans le nouveau règlement des cantines. Neuf familles soutenues par la FCPE avaient porté plainte. La mairie de Marignane a été condamnée en janvier 200 1 par le tribunal administratif de Marseille. Le tribunal a réaffirmé la nécessité de bannir toute forme de discrimination ou de restriction dans l'accès aux services publics : « l'objet est bien de donner aux enfants la possibilité de prendre leur repas sur place. Le besoin de manger à midi est une nécessité pour tous les enfants et l'objet même d'une cantine exclut qu'il puisse y avoir une limitation d'accès ». Il est honteux de refuser l'accès de la cantine à des enfants socialement démunis dont le seul vrai repas équilibré est assuré par la cantine. Nous condamnons cet acte discriminatoire, la mairie de Marignane reste fidèles à ses idées d'exclusion. Communiqué du comité local du Mrap (10 avril 2001) La deuxième décision municipale.(du 9 avril dernier) est toujours pendante devant les tribunaux. marches administratives pour obtenir le statut de réfugiés politiques. Nous avons assisté à deux rencontres avec les signataires de « la Caravane des droits de l'Homme en Tunisie». Nous avons fait signer des cartes postales et les avons envoyées aux ministres de l'Intérieur tunisien et français pour exiger la libération de Mehdi Zougah, un opposant tunisien. Nous avons rencontré la Ligue des droits de l 'Homme de Turquie en présence de l'avocate kurde, Eren Kaskine. Depuis février 200 l, une permanence juridique axée sur tout type de discrimination, animée par une étudiante en droit, est assurée le 4e vendredi du mois. Fidèle à sa vocation éducative, le Mrap intervient dans les établissements scolaires. Nous assistons aux délibérations des conseils municipaux et réagissons, le cas échéant, par voie de presse (ce fut le cas lors de la modification du règlement des cantines, lire communiqué de presse ci-contre). Nous déplorons que le commissariat de Marignane, censé représenter les vertus de la République, refuse d'enregistrer les plaintes de personnes victimes de discriminations. Aussi, avons-nous été obligés d'accompagner plusieurs personnes au commissariat pour que leurs droits soient respectés. Signalons enfin que notre comité peut désormais intervenir dans les zones d'attente « Aéroport Marseille Marignane» et la « Gare d'Arenc », une carte de visiteuse nous ayant été attribuée .• Christiane Azam L'affront national x La municipalité a coupé la subvention au seul centre social existant. X Elle s'est retirée d'un organisme chargé de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes de l'est de l'étang de Berre. X L'inscription aux cantines scolaires a été assujetti au statut de salariés les deux parents (avec présentation des fiches de paie). X Après que le tribunal administratif eut annulé cette disposition, la mairie a supprimé les repas de substitution au porc. X Elle a adopté un projet de statut associatifprévoyant la présence obligatoire du maire et d'une personne mandatée par la municipalité dans le bureau. X Le centre aéré a été liquidé puis rouvert après avoir licencié le personnel. X Les associations « dissidentes» se voient refuser des salles. X Certains journaux ont été supprimés de la bibliothèque et remplacés par des parutions de la « droite nationale ». Résumé d'un texte parue dans Ras l'front, fév./mars 2001 Différences nO 231 Juillet/Août 2001 9 DOSSIER L'extrême droite européenne n'a pas quitté le champ politique Bien qu'acteur marginal dans la plupart des pays d'Europe, l'extrême droite a fait son retour un peu partout: le Vlaams Blok en Belgique, le FN en France, le FPO EN Autriche, le Dansk Folkeparti au Danemark, la DVU en Allemagne, le Fremskrittspartiet en Norvège, le Parti national slovaque en Slovaquie ou Romania Mare en Roumanie. Les élections qui ont eu lieu ces derniers mois ont montré un tassement du FN et du MN R en France ainsi que du FPa en Autriche mais une montée en force du Vlaams Blok (avec jusqu'à 20 % des suffrages dans certaines villes des Flandres). En Italie, La Ligue du Nord, ouvertement xénophobe et l'Alleanza Nationale (ex parti fasciste M SI) sont au gouvernement depuis mai dernier. Il est toujours difficile de comparer des situations extrêmement diverses et de vulgariser des situations complexes. Néanmoins, la lecture de quelques chapitres des « Croisés de la société fermée - L'Europe des extrêmes droites» (1), publié sous la direction de Pascal Perrineau, a permis à Marie Mauger d'en présenter ici un résumé forcément succinct. Comme une entrée en matière. Au COURS des deux dernières années, l'extrême droite et le populisme ont rencontré des succès électoraux importants. Extrémisme de droite, droite radicale, nouvelle droite, fascisme, nationalisme, populisme : toutes ces tendances expriment un rejet de la démocratie constitutionnelle et du principe de l'égalité humaine et mobilisent leur électorat autour de doctrines de protestation envers les systèmes politiques, la construction de l'Union européenne, l'afflux réel ou supposé de populations immigrées. Malgré leur souci de démarcation et leur décalage avec les principes démocratiques, nombre de partis de l'extrême droite tentent une forme d'adaptation aux systèmes politiques par les « voies légales », afin de « compter» dans le jeu électoral et de se rendre crédibles. Dans le contexte technocrate et consensualiste des systèmes démocratiques européens, et en réaction au changement des repères de valeurs et à l'évolution du paysage économique et social, « l'extrême droite veut imposer de nouvelles lignes de partage et offrir des modes alternatifs d'identification collective en remplacement de clivages socio-idéologiques déclinants ». L'implantation de l' extrême droite en Europe est inégale : elle se manifeste sous différentes formes et se caractérise par diverses stratégies d'implantations selon le contexte historique, politique 10 Différences nO 231 Juillet/Août 2001 économique et social de chaque pays. Enfin, la diversité des extrémistes rencontre une « clientèle» hétéroclite. EN AUTRICHE, LE FPÔ Le FPa de Raider a les moyens de faire passer son message politique et s'enracine de plus en plus profondément dans la société autrichienne. L'élection régionale (en Carinthie) du 7 mars 1999 est ressentie comme un triomphe personnel de J6rg Raider: il rassemble 42,1 % des suffrages exprimés. Il confirme son implantation régionale lors des élections au Conseil national d'octobre 1999 avec 38,6 % des voix. L'arrivée au pouvoir du FPa met fin à la« grande coalition» entre avp (chré- . tiens conservateurs) et spa (parti socialiste), les deux plus grands partis du système politique autrichien. La stratégie de démarcation du FPa porte ses fruits dans un contexte de « vaste pulsion protestataire dans l'électorat ». Le FPa, qui n'a pas de compétence sociale ou économique particulière, rassemble des« électeurs protestataires anti-système mobilisés sur le long terme» et des «votants motivés par la xénophobie ». Si l'usure de la « grande coalition» et la crise économique lui ont fait connaître un instant de gloire en 1999, depuis, le FPa a dû supporter les responsabilités gouvernementales, la nouvelle politique d'austérité menée depuis février 2000, et s'inscrire en faux par rapport à ses propres positions démagogues. Attitude sanctionnée par son électorat populaire aux élections professionnelles et à celle de Steiermark en 2000. La voie de l'opposition semblant être son seul salut, c'est dans une tonalité résolument xénophobe, antisémite et alarmiste que Raider mène sa campagne pour les élections municipales de Vienne du 25 mars 2001. Mais loin d'enthousiasmer son électorat ouvrier déçu, il perd plus de sept points et n'obtient que 20,16 % des voix (contre 27,9% aux dernières élections municipales à Vienne de 1996). Ces élections sont une réhabilitation pour le spa qui s'en tire avec 46,9 % des voix. L'ÉLECTEUR DE L'EXTRÊME DROITE EN FLANDRE BELGE Depuis les années quatre-vingt, le Vlaams Blok, parti ultranationaliste flamand, réoriente son message politique vers des thèmes plus habituels de l'extrême droite (anti-immigration, appel à l'Etat fort, position anti-establishment, élargissement de la notion d'identité nationale à celle de nationalisme européen), réorientation qui lui donne un meilleur impact électoral. Les élections nationales pour la Chambre des représentants de 1995 ont permis de mieux cerner les motivations des électeurs du YB. Certaines motivations sont basées sur une analyse politique, d'autres sur un affect irrationnel. Les « immigrés » etle « droit et l'ordre» sont les deux des thèmes les plus fédérateurs auprès des électeurs du YB. Les votes en considération du programme et pour l'argument du renouveau - qui ont mobilisé respectivement 9,75 % et 8,87 % des électeurs du VB - indiquent un rejet des méthodes des partis traditionnels mais surtout une assimilation du parti à un pan de la droite respectable de la part de ces électeurs. Le VB s'appuie aussi sur les électeurs clairement antipolitiques et revanchards sur le système (13,7) et est d'ailleurs le seul l parti à recruter parmi cet électorat. Le VB tente de trouver un compromis stratégique entre démarcation et adaptation au système. Considéré par la Sûreté belge comme une « organisation subversive» et faisant l'objet d'une « intense surveillance », il se voit obligé d'atténuer sa politique de démarcation. Les déboires de 1996 à 1997 via les scandales de corruptions dans la classe politique, la faillite du système juridique belge et la fermeture de quelques grandes usines, sont autant de facteurs qui peuvent jouer en sa faveur. « Toutes ces expressions diverses de l'extrême droite moderne ont souvent recours à un type de mobilisation populiste que Pierre-André Taguieff a qualifié de national-populiste. On y retrouve l'image l'un leader démagogue s'adressant à un peuple conçu comme une entité qui doit être distinguée d'élites « corrompues» et « illégitimes », appelant à une rupture salvatrice vis-à-vis du « système» et discriminant les individus en fonction de leurs origines ethniques ou de leurs appartenances culturelles. Ce type de mouvements a réussi à mobiliser des électeurs et des militants rassemblés dans des partis qui sont sortis de l'ombre dans les années quatre-vingt et quatre-vingtdix. L'attraction de soutiens électoraux significatifs s'est faite autour d'un ensemble de sentiments et d'affects que l'on retrouve, peu ou prou, à des degrés divers dans la plupart des pays européens: le mécontentement vis-à-vis du système politique, l'hostilité à l'Europe et le rejet des populations immigrées. » Extrait de la préface de Pascal Perrineau L'ALLEANZE NAZIONALE EN ITALIE Le MSI, qui prend le nom d'« Alleanze nazionale- MSI» en novembre 1993, offre l'exemple d'un parti fasciste adapté au système politique. Si dans un premier temps le MSI se refuse à tout type de compromission, il s' attelle pourtant parallèlement à développer dès 1947 une stratégie d'adaptation et de participation électorale. Même si le MSI est défini par ses dirigeants (Augusto de M~rsanich, 1951-1954, Arturo Michelini, 1954-1969) comme devant « devenir une force politique crédible» et « le fer de lance d'une opposition nationale », ce mouvement néo-fasciste reste toutefois marginalisé jusqu'à la fin des années soixante, recueillant 5 % des suffrages. C'est Giorgio Almirante qui au début des années soixante-dix introduit cette nouvelle notion de « parti de l'alternative au système et de l'alternative dans le système ». Dès lors, le parti élargit sa base électorale et change d'étiquette. Ces changements se traduisent en général par une progression électorale. Son évolution récente repose sur une « intégration finalisée dans le système », et « une acceptation sans équivoque des fondements de la démocratie représentative ». Depuis la création de « l' Alleanze nazionale » et l'abandon officiel de l'héritage fasciste (reconnaissance des principes fondamentaux de la démocratie, répudiation des lois raciales de 1938, de l'antisémitisme et du racisme), le MSI a effectivement connu une forte progression et une formation s'est créé à son extrême, le Movimento Sociale-Fiamma tricolore. Aux élections municipales de décembre 1993, il obtient 16,4 % des suffrages au plan national, et à Rome 46,9 % grâce au soutien officiel de Berlusconi, leader de Forza Italia. Aujourd'hui, et malgré le score décevant des élections européennes de 1999 (10,3 %), l'Alleanze nazionale semble sortie de la marginalité du système politique et en cela créé un précédent dans le paysage politique de l'extrême droite politique européenne. LA DROITE RADICALE EN ALLEMAGNE, UN CAS PARTICULIER Malgré l'échec de la droite radicale aux élections, l'Allemagne présente, à l'instar des autres pays d'Europe, un potentiel d'attitude électorale favorable à la droite radicale. D'après les études réalisées en 1998,_une partie de sa population (12 % dans les anciens lander et 17 % dans les nouveaux lander) auraient « une vision du monde de droite radicale », définie à l'époque comme autoritaire, nationaliste, xénophobe, raciste, antisémite, et pronazie. En effet, la mondialisation économique d'une part et la transformation de l'Allemagne de l'Est d'autre part, offrent un potentiel de protestation autoritaire de la part des « chauvinistes d'Etat providence» en phase de « frustration relative» et de la part des «perdants de la mondialisation », socialement et politiquement désintégrés. Les partis d'extrême droite se font le porte drapeau de « l'identité nationale» et des intérêts régionaux. Ils sont de plus en plus soutenus par les milieux « subculturels » composés de néo-nazis et de skinheads. Un phénomène marquant est l'institutionnalisation progressive de ces milieux à l'Est. Cependant plusieurs facteurs continuent d'empêcher un succès électoral des partis radicaux de droite en Allemagne. Il y a des facteurs internes à la droite radicale: ce sont les dissensions que ses partis connaissent entre eux et l'absence d'une figure charismatique. Les facteurs externes comptent: le conservatisme dans le comportement électoral, l'abstentionnisme, l'absence de légitimation de la droite radicale, suite au passé nazi, - aussi bien dans les anciens que dans les nouveaux Lander, enfin la concurrence entre les nouveaux citoyens et les anciens est un handicap pour la mobilisation du nationalisme de l'Allemagne unie. Aux vues des échecs des partis de la droite radicale, l'attention sera à porter dans l'avenir plutôt sur le néopopulisme dans les grands partis eux-mêmes. LE NATIONAL POPULISME EN ESPAGNE En Espagne la droite radicale est inexistante

aucun parti d'extrême droite n'atteint 1 %

des suffrages, et cela pour plusieurs raisons. Il est vrai que l'Espagne n'a jamais connu l'émergence de mobilisation nationaliste ou néofasciste ni de contestation contre révolutionnaire à la suite de la décolonisation ou de mai 68 (comme en France par exemple), car elle fut coupée de certaines réalités européennes à cause de la dictature franquiste (1939- 1975). Aujourd 'hui, le discours contre Maastricht, la mondialisation, est déjà défendue par la Izquierda Unida (la gauche espagnole). Le discours raciste de la droite radicale n'est pas justifié par un fort pourcentage d'immigrés. Le passé franquiste et l'anti-pluralisme idéologique qui le caractérise sont trop peu regrettés pour que le radicalisme soit fédérateur. • Marie Mauger (1) Pascal Perrineau est directeur du Centre d'études de la vie politique française et a publié de nombreux ouvrages en particulier sur le Front national et l'extrême droite. Ce dernier livre (plus de 400 pages), réunissant les spécialistes européens et américains, a été publié cette année aux éditions de l'Aube. Chapitres étudiés : L'Autriche n'est pas une nation de nazis! Réflexion sur l'association au pouvoir du FPO, Patrick Moreau Le cadre de référence de l'électeur d'extrême droite en Flandre belge en 1995, Mark Swyngedouw La droite radicale en Allemagne: un cas particulier ?, Dietmar Loch Le national-populisme en Espagne: les raisons d'une absence, Xavier Casals Entre adaptation et démarcation: la question du rapport des formations d'extrême droite aux systèmes politiques des démocraties européennes, Alexandre Dézé Différences n° 231 Juillet/Août 2001 1 1 Actualités ÉChOS • Islam de France et laï· ~ cité. le comité du Mrap de Montbéliard vienl ~j. d'éditer une brochure intitulée Islam de 1! France el laïcité. C'est le fruit d'une conférence- débat qui a eu lieu courant mai 2001, ~ el à laquelle ont participé des hommes de ~ différentes religions dont Soheib Bencheikh, :::: mufti de Marseille. " Pour se procurer cet excellent instrument de travail et de réflexion (25 francs port non compris). prendre contact avec le Mrap de Montbéliard CIo Pôle associatif, 1, rue du Château 25200 Montbéliard Email: mrap25@netcourrier.com ou www.chez.com/mrap25 • Du bon usage de la télévision. Le mardi 19 juin 2001,en présence de militants de la Cimade et des collaborateurs de Charlie Hebda, les militants d'Apt ont projeté le film sur la double peine, « Les exclus de la loi ». La réalisatrice de ce documentaire, Valérie Casalta, a participé au débat.1I aura fallu pas moins de quatre téléviseurs pour mener à bien celle initiative vu que les organisateurs ne disposaient pas d'un grand écran • Accès et maîtrise de la langue française. Un séminaire « Pour le droit d'accés et à la mailrise de la langue française» s'est déroulé, à la Bourse de travail à Paris, le 15 juin 2001. Il sous-tend la pétition initiée par l'AEFTI (Association Enseignement Formation Travailleurs Immigrés) pour une véritable intégration, contre le repli communautaire et l'isolement des immigrés par la maîtrise de la langue du pays d'accueil. Pour signer ou faire signer la pétition: AEFTI 16, rue Valmy 93100 Montreuil. • Procès. Le tribunal de grande instance (TGI) de Vannes a condamné une responsable d'entreprise ainsi qu'une prospectrice d'emploi à des peines de prison avec sursis et à des amendes pour avoir fait figurer ,dans une fiche de description de poste à pourvoir, la mention «pas de personnes de couleur ». Partie civile ,le Mrap s'est vu allouer 5000 F de dommages et intérêts. • Appel interjeté. Monsieur Gilles SoulasFaye et une maison d'édition ont été condamnés à 50000 F d'amende par la 17éme chambre correctionnelle du TGI de Paris. L'ouvrage, «discours vrai sur l'immigration et l'Islam» dont le sus nommé est l'auteur, a été jugé comme provocateur. • Roissy, la saturation. L'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) attife l'attention sur la saturation de la zone d'attente pour étrangers de l'aéroport parisien Charles-de-Gaulle. Dans un communiqué diffusé fin mai, l'ANAFE s'insurge contre le fait que « des étrangers, des demandeurs d'asile, sont littéralement entassés, dans une promiscuité insupportable, dans des locaux sales et surchauffés, sans douche ni toilettes ». De source policière, on précise que trois cents personnes, en moyenne, sont hébergées chaque jour dans ces endroits dits de transit. Plaintes pour crimes contre l'humanité Louisette Ighilahriz (photo ci-contre), Pierre Mairat, son avocat, et Mouloud Aounil, secrétaire général du Mrap, constitué partie civile, ont tenu une conférence de presse le 21 juin au cours de laquelle ils ont expliqué les raisons et les fondements de la plainte contre X pour crime contre l'humanité: militante du FLN algérien, L. Ighilahriz a été blessée, arrêtée, torturée quotidiennement par un colonel de la 10< Division de parachutistes, puis sauvé par un médecin qu'elle a tenté de retrouver pour le remercier. Elle a aujourd'hui décidé de s'exprimer en allant devant les tribunaux eten publiant un livre ({ Algérienne )) publié chez Fayard/Calmann Lévy que nous présenterons dans notre prochaine édition. Après la conférence de presse, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris. Le Mrap a, par ai l leurs, déposé plainte pour crime contre l'humanité à l'encontre du désonnais célèbre général Aussarcsses. Affaires à suivre. • Papon restera en prison. La Cour européenne des droits de l'homme, saisie par Maurice Papon et ses avocats, a donné un avis contraire à la requête de l'ancien secrétaire général de la préfecture de Bordeaux pendant l'Occupation: compte tenu de son état de santé général et de son grand âge, M. Papon et ses avocats estimaient subir un « traitement inhumain et dégradant ». Quelques jours plus tard, Le Monde annonçait la signature par vingt personnalités d'une pétition appuyant le demande de grâce du même Papon auprès du président de la République. La même édition du Monde précisait que les prisons françaises abritent aujourd'hui trente-quatre octogénaires et trois nonagénaires. • Palestine et droits de peuples. le Comité Mrap de Menlon, la LDH et Amnesty international onl organisé, le 23 juin, à la MJC Picaud à Cannes, un colloque ayant pour théme « Palestine et droits des peuples ». , «Appel de Paris» pour le droit d'asile A l'occasion du 50· anniversaire de la convention de Genève sur le droit d'asile, 577 réfugiés réunis à l'Assemblée nationale le 16 juin, sous la présidence de M. Forni, et en la présence de Talisma Nasreen, écrivaine bangladaise et de Rudd Lubbers, Haut commissaire aux réfugiés, ont lancé un Appel destiné à sauvegarder le droit d'asile. Le Mrap considère qu' « il est certes urgent que tous les Etats non encore signataires de la Convention y adhèrent sans larder. Mais il appartient en priorité aux Etats démocratiques du monde de procéder à un examen de conscience el de réformer en profondeur leurs pratiques qui ont abouti fi vider peu à peu de leur conlenu les dispositions de la Convention. » Pour le Mrap, il est notamment indispensable que: - la dévaluation du droit absolu de demander asile cesse d'instrument de ~contrôle des flux migratoires" - la France et l'Union européenne fassent leur l'interprétation que donne le HCR de l'agent de la persécution, qu'il soit ou non de caractère étatique - cessent absolument de s'appliquer aux demandeurs d'asile toutes dispositions ayant pour effet de les empêcher d'accéder à leur territoire - tous les étrangers placés en "zone d'attente" se voient reconnaitre dans la pratique le droit absolu de demander l'asile, sans obstacle policier ni administratif - les mineurs étrangers isolés cessent d'être placés en ~zone d'attente" et soient admis de droit sur le territoire français pour y bénéficier effectivement des droits qui leur sont garantis par la Convention des droits de l'enfant et par la Convention de Genève. (Extraits) 'I\~ 43 bld de Magenta 75010 Paris - T: 01 533899 99 "III "rences Télécopie: 01 40 40 90 98 - E.mail: journa1.differences@free.fr 13 F le numéro - Abonnemenl 135 F (II nos/an) Directeur de publication: Mouloud Aounit. Gérante bénhole: Isabelle Sirot. Rédactrice en chef - mise en page: Chérifa Benabdessadok. Directrice administrative: Florence Festas. Abonnements: Isabel Dos Martires. Impression: Montligeon T: 02 33 85 80 00. Commission paritaire n063634 0247-9095 Dépôt légal 2001 -07/08 12 Différences nO 231 Juillet/Août 2001 _________________________________ _

Notes

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