Différences n°174 - mai 1996

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Sommaire du numéro

n°174 de mai 1996

  • Edito: L'acharnement par Mouloud Aounit
  • Commission nationale consultative des droits de l'Homme: le rapport 1995 sur le racisme et la xénophobie par C. Benabdessadok
  • Le MRAP participera au contre G7 à Lyon par Alain Callès
  • Bourrasque juridique sur les étrangers par Sophie Pisk [législation]
  • Lorsque la solidarité devient un crime par Nathalie Beribier
  • Le 21 mars et la semaine de l'éducation: une réussite incontestable par Liliane Lainé
  • L'esclavage aujourd'hui par Alain Pellé
  • Iqbal l'enfant esclave de Richard Werly, compte rendu par C. Benabdessadok
  • Rapport Cuq, une curieuse coïncidence par Nathalie Berthier
  • Gens du voyage: une proposition de loi scandaleuse

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1 1 Mai 1996-N'174 o SOMMAIRE Le G7 Lyon Commission nationale consultative des Droits de l'Homme Contre-sommet • Alain Callés Immigration Bourrasque juridique Sophie Pisk Solidarité = crime Nathalie Berthier Education Bi/an de /a semaine Liliane Lainé Uv ... Esclaves, de Dominique Torrés 6 7 8 9 lE RAPP Rl1995 SUR lE RACISME El lA XÉN PHOBIE Alain Pellé fqbal, de Richard Wel1y Cl't6rifa Benabdessadok Chrono 9 10 Le rapport annuel de la Commission nationale consultative des Droils de l'Homme a été rendu public et Le rapport Cuq 10 remis au Premier ministre le 20 mars dernier. Nathalie Berthier Gen. du Voyage Proj<J'eJoloi Kurdlstlln 12 Rappelons que le MRAP qui prend une part active aux travaux de cette Commission y est représenté de manière pennanente par Charles Palan!. Témoignages Ar1eHe Oster et xavier Schapira 12 Nous exposons dans les pages intérieures une assez brève incursion dans ce bilan de près de 500 pages. cr pages 2 et 3 l"archarnemant Tandis que les lois dites lois Pasqua continuent à générer des dégâts insupportables - fabrication de clandestins, restriction drastique du droit d'asile, éclatement des familles - . l'influence des thèses du Front national connaît une progression effrayante, selon le sondage réalisé pour la CNCDH. Dans un contexte où l'opinion publique est déjà déboussolée, une commission d'enquête parlementaire sur « l'immigration clandestine et le séjour irrégulier)) rend publiques des conclusions qui suscitent l'effroi: expulsion de mineurs, interdiction de soins aux étrangers, restriction des droits à l'éducatÎon (lire pages 6 et 7). Parallèlement, le projet de loi Toubon sur le terrorisme transforme chaque geste de solidarité humaine ou familiale en crime et nourrit ainsi l'amalgame entre terroristes ct immigrés. Si cette loi était définitivement adoptée en l'état, l' incitation à la délation serait implicitement inscrite dans les textes et la volonté d'aider son prochain un exercice risqué. Cette avalanche de textes, véritable appropriation - indigne des élus de la République - des thèses du Front national (qui applaudit!) est extrêmement grave. On prépare ainsi l'opinion publique au projet de loi Debré. L'ensemble de ces mesures vise à déstabiliser et à marginaliser à J'extrême les immigrés qui ont des attaches profondes avec notre pays. Il prépare l'opinion à un refoulement massif. Face à cet acharnement, des voix autorisées s'élèvent: associations, syndicats, é lus locaux, évêques. Se mobiliser contre. ce projet, qui tourne le dos aux idéaux et aux. valeurs de la République, s'impose comme une exigence démocratique. Chaque geste - courrier, pétition, rassemblement, manifestation- tout ce qui peut permettre l'expression d'autres voix que celle de la haine, devient une urgence. Tout comme la réussite de ce grand moment de résistance que représente la manifestation à Paris le 15 juin prochain .• Mouloud Aounit Il Commission nationale consultative des Droits de I-Homme BRÈVE INCURSION DANS lE RAPPORT 1995 L E MANDAT DE LA COMMISSION nationale consultative des droits de l'homme consiste notamment à assister « de ses avis le Premier ministre pour toutes les questions nationales et internationales qui concernent les Droits de l'Homme ». Aussi avons-nous choisi de présenter ici les huit avis adoptés durant l'année 1995. Ces textes à la fois peu nombreux et dûment argumentés permettent de voir sur quels sujets et de quelle manière cette Commission, à laquelle les pouvoirs publics reconnaissent une compétence particulière dans le domaine des droits de l'Homme, a jugé nécessaire d'apporter remarques, critiques ou simples nuances. Six avis portent sur des questions nationales et les deux autres sur des questions internationales. L'accueil des étrangers 1 / l'accueil en France des Algériens menacés dans leur vie ou dans leur liberté (avis rendu le 11 janvier 1995). La Commission cite les chiffres suivants: 14 statuts de réfugié ont été accordés à des Algériens en 1993 pour 879 décisions examinées par l'OF PRA, soit 2 % ! La Commission conteste la définition restrictive (tacitement ou explicitement adoptée par les autorités françaises) de la Convention de Genève quant aux critères requis à la reconnaissance du statut de réfugié. Elle demande que soit retenue l'interprétation adoptée par le Haut-Commissariat aux réfugiés pour lequel il n'est pas indispensable que les persécutions soient le fait des autorités du pays concerné : « Lorsque des actes ayant un caractère discriminatoire grave ou très offensant sont commis par le peuple, ils peuvent être considérés comme des persécutions s'ils sont sciemment tolérés par les autorités ou si les autorités refusent ou sont incapables d'offrir une protection efficace ». Elle demande aussi qu'une attention particulière soit portée aux besoins de protection des femmes algériennes et que « les craintes de persécution que celles-ci invoquent soient considérées comme étant dirigées à l'encontre d'un groupe social spécifique ». La Commission considère que la situation particulière de l'Algérie exige une réévaluation des critères et des conditions d'accueil des Algériens qui ne sollicitent pas le statut de réfugié dans l'esprit de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales; il faut, dit-elle en substance, alléger les critères d'admission au séjour comme cela a été le cas pour les exilés de l'ex-Yougoslavie. 2/ les conditions d'accès à la zone d'attente (13 juillet 1995). Les membres de la Commission constatent que les conditions d'accès du délégué du HCR ou de ses représentants et des associations humanitaires aux zones d'attente, telles qu'elles sont fixées par le décret du 2 mai 1995, ne leur permettent pas de rencontrer les personnes qui y sont maintenues ni de leur apporter l'aide matérielle etjuridique dont elles ont besoin. Plus explicitement encore, la Commission « estime que la protection des droits de l'Homme pour laquelle elle est chargée d'une mission consultative auprès des pouvoirs publics exige que les articles 8-9-10 et Il de ce décret soient amendés en concertation avec elle, dans l'esprit de son avis du 30 mars 1993 ». 3 / la situation des étrangers en situation irrégulière, parents d'enfants français (13 juillet 1995). Selon les informations recueillies par la Commission, les dispositions contenues dans les circulaires du ministère de l'Intérieur adressées aux préfets (en date du 5 mai et du 13 juin 1995), qui avaient pour objet de traiter le cas des parents d'enfants français de façon circonstanciée, sont appliquées de manière inégale. La Commission rappelle son hostilité à la nouvelle loi sur l'entrée et le séjour des étrangers (dite loi Pasqua) dont elle avait considéré le projet comme « inopportun, inefficace, voire préjudiciable à l'harmonie sociale de notre pays »(avis du4juin 1993) ; laCommission appelle à la modification de cette loi. 4/ l'accueil d'enfants isolés, mineurs non accompagnés, arrivant sur le ter- Différences n° 174 mai 1996 ritoire français suite à une décision gouvernementale (13 juillet 1995). Il s'agit ici de prévenir les problèmes juridiques, matériels et sociaux que pose l'arrivée sur décision du gouvernement français d'enfants victimes de conflits armés, de catastrophes naturelles ou d'autres événements tout aussi graves. La Commission rappelle que ces enfants bénéficient des dispositions de l'article 87 du Code de la famille et de l'aide sociale; dans ce cadre, elle estime indispensable de préciser le contenu de la Convention entre l'Etat et les départements quant à la prise en charge familiale, psychologique et sociale de l'enfant. Elle souhaite la création d'une instance consultative de coordination chargée de l'application et du suivi des mesures proposées. 5/ les mesures antiterroristes et la législation sur les étrangers (19 décembre 1995). La Commission tient à souligner son attachement à l'Etat de droit et conteste le rattachement du délit d'aide à l'étranger en situation irrégulière à la législation sur le terrorisme, et cela dans la forme comme dans le fond adoptés par le gouvernement. Sur la forme, la Commission regrette que « dans plusieurs communiqués du ministère de l'Intérieur relatifs aux résultats du plan Vigipirate, aient été mis en reliefles constats d'infraction à la législation sur les étrangers, alors même que ces infractions étaient sans aucun lien avec les menaces terroristes que le plan a pour objectif de prévenir ». Sur le fond, la Commission demande « solennellement » que soit retirée cette disposition du projet de loi car elle estime que « l'aide apportée à des étrangers, quelle que soit leur situation, ne saurait relever de la législation antiterroriste qu'au cas où elle constitue une complicité au sens défini par l'article 121-7 du Code pénal ». En somme, la législation est suffisante sur ce point. L'éthique 6 / la liberté de la presse et la responsabilité des journalistes (21 mars 1995). La Commission s'est assuré la collaboration de journalistes français et étrangers, de juristes, de magistrats, d'avocats, spécialisés dans le droit de la presse. L'idée maîtresse de cet avis est de créer des incitations à l'émergence formelle et pratique de principes déontologiques qui seraient définis par les intéressés eux-mêmes, soit les journalistes et les entreprises de presse, et consignés dans un code déontologique. La Commission préconise que l'attribution de la carte de presse soit subordonnée à une adhésion expresse aux principes de ce code et que sa « violation entraîne le retrait ou le non-renouvellement de la carte ». Les entreprises de presse sont elles aussi conviées à prendre leurs responsabilités éthiques

chaque journal préciserait les règles

déontologiques qu'il fait siennes et les ferait afficher dans les salles de rédaction. Les aides publiques accordées aux entreprises de presse qui peuvent y prétendre tiendraient compte de cette exigence déontologique. International 7 / Directive européenne relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (21 mars 1995). La Commission note avec satisfaction que le texte final de cette directive ait tenu compte des inquiétudes qu'elle avait exprimées dans un avis adopté le 22 septembre 1994, concernant par exemple le renforcement des normes de protections des données sensibles telles que « l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses »etc. Elle maintient cependant des réserves sur trois points dont la faculté laissée aux Etats de déroger à l'interdiction de traitement de données sensibles pour un « motif d'intérêt public important ». 8/ A propos du tribunal international sur le génocide commis au Rwanda (19 décembre 1995). Il s'agit ici de l'adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (8 novembre 1994) instituant un « Tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda, et s'agissant des citoyens rwandais sur le territoire d'Etats voisins ». La CNCDH souhaite d'une part que des instructions soient données par le ministère de la Justice aux procureurs généraux afin que des enquêtes soient entreprises; elle insiste d'autre part sur la nécessité pour la France de procurer à ce Tribunal les moyens humains et financiers indispensables à son fonctionnement. • Chérifa Benabdessadok CNCDH QUELQUES EXTRAITS DE L'AVANT-PROPOS Le constat 1) De façon générale, le constat révèle une réapparition des actes de violence meurtrière relevant du racisme ou de la xénophobie. Alors que les actes de violence contre les personnes et contre les biens avaient connu une diminution continue de 1983 à 1993, au point qu'on n'avait eu à déplorer aucun meurtre durant trois années consécutives, l'année 1994 avait dû inscrire un mort outre des blessés graves, à son tragique bilan. ' Or, ce sont sept morts qui figurent au bilan 1995, ce qui ramène à plus de dix ans en arrière. On relève, dans le même sens une nette augmentation des menaces ou actes d'intimidation, à l'inverse de la décrue constatée de 1991 à 1994. 2) De façon plus particulière, cette violence accrue vise, davantage encore que par le passé, les personnes d'origine maghrébine. Tel est le cas de six des sept morts recensés. . 3) Si le passage à l'acte que manifestent ces violences n'est le fait, sauf exception, que des tenants d'un racisme radical extrêmement minoritaire, la banalisation des opinions xénophobes se répand dans des couches de plus en plus larges de la population. Les choix nécessaires Le premier de ces choix concerne la lutte contre l'exclusion. Parce que l'exclusion - tout à la fois économique, sociale et culturelle - n'est pas seulement due à la conjoncture présente, elle ne saurait être combattue par des mesures purement ponctuelles, quel qu'en soit le mérite. Il est dès lors nécessaire qu'au-delà des interventions en faveur de telle ou telle catégorie défavorisée, soit enfin votée la grande loi d'orientation et de programmation destinée à garantir à tous le respect effectif des six droits fondamentaux dont la violation crée immanquablement l'exclusion. En deuxième lieu, le constat contre l'intolérance appelle également un choix. Le racisme et la xénophobie, dès lors qu'ils sont pénalement répressibles, doivent être poursuivis sans faiblesse et de façon exemplaire, toute complaisance à l'égard des extrémismes qui en font le lit étant interdite par les leçons de l'histoire. 1 Hors du champ de la loi pénale, la lutte contre l'intolérance qui chemine dans les esprits et dans les coeurs relève de l'éducation, de la formation, de l'information de l'argumentation, et non de ce qui serait une police de la pensée. ' Il y a lieu, enfin, de faire face aux doutes relatifs à la politique française d'intégration. Cette politique, fondée sur la promotion de l'égalité des individus indépendamment de leurs origines, est aujourd'hui confrontée, dans l'environnement international, à la conception plus ou moins communaufariste de pays qui, héritiers d'une histoire différente, entendent développer les droits collectifs des minorités. Il est de même indispensable d'éviter tout ce qui peut renforcer la tentation d'un repli identitaire frileux par perte de confiance dans la capacité de la nation à relever de nouveaux défis. Or, sur ce point, le langage officiel des Pouvoirs publics n'a pas toujours la force et la clarté nécessaires. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme a dû, à de trop nombreuses reprises, rappeler aux gouvernements et aux législateurs successifs l'impact . négatif de dispositions qui favorisent, à l'encontre des étrangers, un climat de méfiance qu'il faudrait au contraire combattre. 1 Le rapport est diffusé par la Documentation française: 29/31 quai Voltaire, 75344 Paris Cedex 07, tel: 40 157000; fax: 40 1572 30. Prix: 160 francs Différences n° 174 mai 1996 • Il Le rendez-vous de juin lE MRAP PARTICIPERA AU CONTRE-Gl ÀlYON De nombreuses associations préparent un contre-sommet à Lyon les 22, 23 et 24 juin. Il s'agit d'y dénoncer les conséquences de la mondialisation de l'économie chômage, pauvreté et racisme. NOUS SOMMES dans une situation paradoxale

plus une partie du

monde s'enrichit, plus l'autre s'appauvrit; plus les capitaux génèrent de profits et plus de gens dans le monde sont exclus du bien-être. La fracture se fait entre les continents, entre les nations et entre les individus au sein d'un même pays. Fracture économique, mais aussi sociale. Les individus, les groupes, les peuples, les continents, sont dressés les uns contre les autres. misère, à laquelle aucun remède sérieux n'est apporté, sert de prétexte à désigner des boucs émissaires et àjustifier de nouvelles discriminations institutionnelles et! ou sociétales. Depuis longtemps le MRAP dénonce cette pratique en France. Elle alimente un racisme différencialiste fondé sur l'ignorance et sur une perception irrationnelle de l'autre, à travers le prisme des fantasmes. Ces fantasmes, rarement réglementation systématisée génèrent ces inégalités. Le G7 est un des outils pour « faire passer» cette forme de mondialisation normalisée des rapports humains par le marché. Parallèlement, les discours et les pratiques sécuritaires se développent. Par l'insuffisance de la lutte contre les inégalités, et donc contre ceux qui en sont responsables, le politique cède le pas aux intérêts économiques. Foin du développement aidé et partagé, fini le partage des richesses, il suffit de satisfaire sa conscience par de l' « humanitaire» sélectif au secours de causes très ciblées et gratifiantes par leur médiatisation. Que sont devenus les Kurdes si chers à monsieur Kouchner ? Comment 100 000 personnes sont-elles mortes en Irak dans l'année qui a suivi la guerre du Golfe? Thèmes et questions Dans le monde occidental riche où nous vivons, on se propose d'arrêter toute immigration par la mise en place d'un dispositif réglementaire et policier, au nom du repli sur soi et de la préservation d'une identité figée. C'est bien la pauvreté qui détermine les flux migratoires, alors que nos sociétés proIls se nourrissent d' exclusions, de replis amers, de nationalismes et d'intégrismes. La perte de repères et de droits s'effectue dans une précarisation de la situation de tous. Les Cette campagne est raffaire de tous. duisent des fantasmes d'invasion dévastatrice et montent un spectacle de défense policière qui permet de faire l'économie de questions essentielles . N ous voulons lier mobilisation et réflexion collective durant la période à venir pour mieux renforcer les solidarités que nous exprimerons à Ly on. Le travail des ateliers Pourquoi y a-t-il immigramédias offrent le spectacle . d'une société dans laquelle l'abondance ne masque mais aussi celui des collectifs régionaux, tion? Quelles sont les raisons qui poussent des millions d'hommes à quitplus les couteaux tirés; la charité médiatisée occulte la solidarité; le pouvoir politique parle et gesticule sans prise sur le réel, tandis que les rênes sont passées aux mains des multinationales. Ce constat partagé par un grand nombre d'organisations progressistes, motive la tenue d'un contreG7 en juin à Lyon. Dans ce cadre, le MRAP se doit d'apporter une analyse spécifique au regard de la lutte contre le racisme tant dans sa dimension nationale qu' internationale. Contre la pauvreté et le racisme Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler une évidence trop souvent occultée : le racisme se nourrit de la fracture sociale. La locaux ou sectoriels doivent y contribuer. combattus et souvent débités à longueur d'écrans, enchaînent notre société à grands coups de haine. Ils légitiment les pratiques sécuritaires et la course derrière les thèses les plus traditionalistes et les plus extrémistes, dans un lâche consensus. Mondialisation et inégalités Pourtant, beaucoup de gens s'accordent à dire que la résolution tant de la fracture sociale que du racisme et des phénomènes qui s'y apparentent passe par l'arrêt du scandale des inégalités en France et sur le plan international. La mondialisation de l' économie, le libéralisme triomphant et la dé- Différences n° 174 mai 1996 ter leurs attaches pour tenter de survivre dans nos pays riches? Quelle misère peut être assez forte pour pousser des hommes à vouloir vivre dans des pays où on les méprise et d'où on cherche à les rejeter par tous les moyens? Pourquoi l' esclavage, dans ses formes modernes, concerne-t-ilIO à 12 fois plus de personnes qu'il y a un siècle et demi alors qu'il est officiellement aboli? Il est nécessaire de poser quelques questions complémentaires: pourquoi les pays riches, n'agissent-ils pas contre cette misère ? Sans même parler de la nécessaire solidarité, pourquoi ces pays sont-il aveugles au point d'ignorer leurs intérêts à moyen terme? Quels intérêts précisément les poussent à maintenir des dictateurs au pouvoir, à opposer des gens dans de prétendus conflits interethniques comme au Rwanda, plutôt que de favoriser la démocratie ? Questions essentielles que nous poserons, et auxquelles nous tenterons modestement d'apporter des réponses, lors du contre-sommet qui se déroulera à Lyon le week-end des 22, 23, et 24 juin et durant le sommet la semaine suivante. Au total, une semaine d'initiatives avec meetings, forums, débats et une manifestation nationale le samedi 22 juin à Lyon. Initiatives et actions de préparation Ces actions sont préparées par d'autres initiatives: un week-end de débats à Paris, un autre à Lyon les 4 et 5 mai avec des ateliers travaillant sur différents thèmes : « endettement et système financier international », « mondialisation et déstructuration sociale - dérégulation - chômage », « conséquences écologiques de la mondialisation », « guerres, surarmement et internationalisation des conflits », « oppression politique, culturelle et idéologique et formes de résistance ». Le MRAP peut se retrouver à l'intérieur de certains de ces grands thèmes et participer aux ateliers avec la spécificité de son approche. Mais il est également possible d'organiser un atelier qui aurait pour axe de réflexion« le racisme et les rapports NordSud ». Ceci contribuerait d'une manière peut-être plus explicite aux résultats du contre-sommet. Les marches d'AC! (Agir contre le chômage), qui partent le 1 er mai, convergeront vers Lyon. Un appel de personnalités sera rendu public début mai. Des collectifs, comme à Rennes, Grenoble, Saint-Etienne, Saint-Nazaire, Nice, organisent des actions régionales (débats et manifs à Lille). D'autres sont en cours de préparation dans d'autres villes. La place du MRAP Cette campagne est l'affaire de tous. Nous voulons lier mobilisation et réflexion collective durant la période à venir pour mieux renforcer les solidarités que nous exprimerons à Lyon. Le travail des ateliers, mais aussi celui des collectifs régionaux, locaux ou sectoriels, doivent y contribuer. Le MRAP y a toute sa place et se doit d'enrichir la réflexion et l'action par une présence constructive au regard de sa spécificité. • Alain Callès L'appel des organisations Chômage, dette, guerre, ça suffit! Nous vivons dans un monde où le chôma- tre l'économie de ces pays sous tutelle. Ils ge et la misère ne cessent de croître. Nous dictent des « plans d'ajustement structuvivons dans un monde dominé par le grou- rel»: démantèlement des services de sanpe des 7 pays les plus riches, le G7. Cha- té et d'éducation, privatisations, que année, leurs chefs d'Etat se réunissent orientation forcée des économies vers l'expour faire leurs comptes et chercher les portation, empêchant l'autosuffisance alimoyens d'accroître leur emprise. Avec le mentaire. De gigantesques programmes, Fonds monétaire international, la Banque dits de développement, chassent les paymondiale et l'Organisation mondiale du sans de leurs terres et détruisent les équilicommerce, le G7 met en place la mondia- bres écologiques. lisation de l'économie. Plus de guerres et de racisme Privatisations, démantèlement des services Plutôt que d'oeuvrer au désarmement et à publics, déréglementation, le modèle uni- la paix, les grandes puissances poursuivent que libéral met en péril les acquis sociaux leurs ventes d'armes et une course aux et les droits des femmes. Il entraîne la su- armes nucléaires qui favorise leur proliférexploitation des richesses naturelles et une ration. Leur politique renforce l'apartheid dégradation généralisée de l' environne- social, l'intolérance et le racisme. En guiment. Les populations paient le prix fort de se de «nouvel ordre mondial », les conflits la politique du G 7. Seuls les transnationa- s'exacerbent: guerre du Golfe, purification les et quelques privilégiés y trouvent leur ethnique en ex-Yougoslavie, génocide au • compte. La démocratie ne pèse pas lourd Rwanda, massacres en Tchétchénie, guerdans la balance de leurs comptes: le sou- re civile en Algérie. tien à des régimes autoritaires garantit la D'autres voies pour la planète stabilité de leurs affaires. De plus en plus Dans le monde entier, des voix s'élèvent, éloignés des centres de décisions, les peu- des résistances s'organisent contre cet orpIes voient se restreindre leur espace dé- dre marchand qui prétend imposer un momocratique. dèle unique et tire profit de l'exploitation Plus de chômage et d'exclusion des peuples. Face au G7, nous en appelons Le « libre marché» et la compétitivité rè- à l'union sans frontières de toutes les forgnent en maîtres absolus. Des millions ce solidaires pour exiger d'êtres humains, au Nord comme au Sud, - le droit au travail pour tous sont privés de travail et de revenus décents - l'abolition du système de la dette,

plus de 60 millions de chômeurs dans les - le refus du racisme et des logiques de

pays les plus industrialisés, plus d'un mil- guerre. liard de personnes dans les pays du Sud survivant avec moins d'un dollar par jour. Ensemble, nous voulons créer et renfor- Plus de dettes et de pauvreté cer les liens entre toutes les r ésistances, La dette des pays du Sud ne cesse d'aug- les mouvements sociaux, les initiatives menter : chaque année, les pays pauvres citoyennes. Par tous les moyens nécesremboursent plus que les pays riches ne leur saires, cont re-sommet, manifestation, prêtent. A leur tour, les peuples de l'Est concert, rassemblons et amplifions les entrent dans ce terrible engrenage. La ges- voix de ceux qui luttent pour changer le tion de la dette permet au G7 et au FMI, monde et pour que la justice, l'égalité et avec l'aide de régimes corrompus, de met- la paix soient l'avenir commun. Quelques-uns des signataires: Assemblée européenne des citoyens, Association contre la misère et l'exclusion, France Cuba-Lyon, Centre culturel oecuménique, Confédération paysanne, FFACE, CRC 1 Santé, FlDH, Cedetim, Cimade, Solidaterre, Les amis de la Terre, MAN, Appel des cent, Mouvement de la Paix, ACCA, AFEI, Survie, INTI, EPA, REAS, FlAN, Ecopora, Centre Interpeuples-Grenoble, Maison de l'écologie-Lyon, Les amis de l'Arche-Lyon, CNlD, Afaspa, Cosopac, France Amérique Latine, Utit, ARMF, MDMF, AFJD, Observatoire des libertés publiques, Collectif de Paris contre la purification ethnique, UFF, Ligue internationale des femmes pour la paix et les libertés, Femmes et changements, Cadac, Solidarité Enfants Nord-Sud, Sos enfants du Sud, 50 ans ça suffit, MIR, CGT, SNPTAS, Syndicat national des chercheurs scientifiques, Syndicat unitaire de l'éducation populaire, Sud PTT, Sud Rail, Snes, SNUIP, ACI, Droit devant, Mrap, JEC, Joc 1 Jocf, MRJC, PCF, Les Verts, LCR, CAP, AREV, Convergence Ecologie solidarité, Alternative libertaire, JCR Red, Ecolo J, Fram, Les Marie pas claires, MAD, Mûc-Lyon, MPFP-Rhône, Pax Christi-Lyon, Sos Racisme, UDB, Fetaf, France Tibet, Unef, Unef Id. Différences n° 174 mai 1996 Il Immigration: la treizième loi en douze ans BOURRASQUE JURIDIQUE SUR LES ÉTRANGERS Une commission d'enquête parlementaire a rendu public le 16 avril un rapport sur « l'immigration clandestine et le séjour irrégulier des étrangers ». Depuis, associations et personnalités ont exprimé leur hostilité ou leur inquiétude face aux mesures législatives qui y sont préconisées et que Le Monde n'a pas hésité à comparer à la thématique du Front national. Ce rapport est d'autant plus alarmant qu'il survient au moment où le gouvernement annonce qu'il va réformer une fois de plus (ce serait la 13ème loi depuis 1984 !) la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers. Le Premier ministre a déclaré le 23 avril que ce rapport contenait de bonnes choses mais n'était qu'un « élément de réflexion ». Il n'exclut cependant pas d'y revenir lorsque les passions se seront tues. Analyse de quelques points parmi les plus graves par Sophie Pisk, du service juridique du MRAP. L es propositions du gouvernement et de la commission d'enquête se présentent comme un ensemble d'outils pour lutter contre l'immigration clandestine; elles vont en fait, si elles devaient être adoptées, fragiliser les possibilités d'intégration des personnes étrangères résidant régulièrement en France, et ce, au mépris des principes qui fondent notre droit interne et international. Le droit de visite Pour un étranger soumis au visa, venir rendre visite à un proche en France relève déjà du parcours du combattant. De lourdes démarches sont à la charge de l'hébergeant: il doit retirer un formulaire d'hébergement, produire de nombreux justificatifs (de son état civil, de son droit sur son logement et de la nature de celui-ci...), fournir un timbre fiscal de 100 francs qui ne lui est pas restitué quelle que soit l'issue de sa demande. Si le maire signe le certificat d 'hébergement, le visiteur devra encore obtenir un visa d' entrée, que le consul est libre de lui refuser (sans délai ni motivation). Aucune garantie qu'il puisse venir en France, même si toute la procédure est scrupuleusement respectée. Ce droit de visite nouvelle version relèverait de l'impossible. L'hébergeant serait soumis à un contrôle draconien et à des conditions dissuasives. Il devrait souscrire une assurance (dont le montant est en moyenne de 1000 francs par mois) couvrant les éventuels frais de maladie de l'hébergé. Son nom serait inscrit sur un fichier national (ce qui pourrait permettre une limitation du nombre des visites sollicitées). Il serait tenu de déclarer le départ de l 'hébergé, à défaut sa responsabilité pénale pourrait être engagée. La Commission propose de surcroît d'exiger de l'hébergeant qu'il dispose de revenus au moins équivalents au SMIC et qu'il soit titulaire d'une carte de résident. L'accès aux soins médicaux Aujourd'hui, un étranger en situation irrégulière peut bénéficier de l'aide médicale hospitalière s'il ne dispose pas de ressources suffisantes et s'il a fixé sa résidence en France (cette dernière condition exclut les touristes). La Commission d'enquête propose de restreindre considérablement l'accès aux soins médicaux des étrangers sans papier. Ainsi ne pourraient être soignés que les étrangers atteints de pathologies nécessitant des soins d'urgence ou présentant des risques de contagion. Par ailleurs, les médecins ne pourraient plus prescrire des traitements à moyen ou long terme, ni préconiser des placements dans des établissements de convalescence. Autrement dit, un étranger sans papier devra être à l'article de la mort pour pouvoir recevoir des soins élémentaires. Le droit d'asile Aujourd'hui, il est possible de refuser l'admission au séj our en Différences n° 174 mai 1996 France d'un demandeur d'asile, si sa demande relève d'un autre Etat ou si elle est considérée comme « manifestement infondée ». Demain, le caractère abusif du dépôt d'une demande d'asile deviendrait la règle, son bienfondé l'exception. Le demandeur d'asile sera tenu de se présenter régulièrement à la préfecture : qu'il manque à deux reprises cette convocation sans « motif valable» et sa demande sera considérée comme abusive. Il devra de plus faire la preuve qu'il est entré depuis moins de deux mois en France, sinon sa demande sera également considérée comme abusive. Cette preuve sera difficile à rapporter dans la mesure où la plupart des demandeurs d'asile pénètrent sur le territoire français sans visa, ni passeport, ils ne disposeront d'aucun élément attestant de la date de leur entrée en France. Cette condition est donc par nature impossible à remplir pour un réfugié et devrait être écartée en vertu de l'article 6 de la Convention de Genève. Précarité des résidents Aujourd'hui, le refus de renouvellement d'une carte de résident de 10 ans ne peut être opposé que si son titulaire s'est absenté plus de trois ans consécutifs du sol français ou s'il vit en état de polygamie en France. Demain, la préfecture pourra refuser de renouveler sa carte de résident à une personne en invoquant le fait qu'elle représente une « menace à l'ordre public ».Cette notion aux contours flous va élargir le pouvoir discrétionnaire des autorités préfectorales et créer une nouvelle aberration législative: des individus résidant depuis 1 0 ans en France n'auront plus droit à un titre de séjour, mais ils ne pourront pas être expulsés. ) Précarité des jeunes Les propositions du gouvernement et de la Commission d' enquête tendent à fragiliser la situation des jeunes. 1) L'obtention d'un titre de séjour par le jeune étranger sera plus difficile. Aujourd'hui, unjeune peut obtenir un titre de séjour à sa majorité s'il est entré avant l'âge de six ans hors regroupement familial, ou s'il est entré pendant sa minorité dans le cadre du regroupement familial. Cette procédure est lourde

elle dure au minimum 6

mois, elle ne peut être engagée que si l'un de ses parents vit régulièrement en France depuis au moins 18 mois; s'il justifie de ressources stables et suffisantes et dispose d'un logement confortable. Demain, le jeune venu dans le cadre du regroupement familial se verrait refuser un titre de séjour à sa majorité s'il ne peut justifier d'une résidence continue sur le sol français depuis sa première entrée. 2) La levée de l'immunité des mineurs en matière d'éloignement. La Commission propose de remettre en cause l'immunité des mineurs contre une mesure d'éloignement dans deux hypothèses. La première opèrerait un retour à la loi du 9 septembre 1986 qui permettait de reconduire un enfant lorsque la personne subvenant à ses besoins faisait elle-même l' 0 bj et d'une mesure d'éloignement. La seconde permettrait la reconduite à la frontière d'un enfant qui aurait commis un délit en France à la seule condition que des structures d'accueil et d'encadrement du mineur existent dans le pays d'origine! Des lois, encore des lois ... 3) La remise en cause de l'accession à la nationalité française. Persuadée que l'étranger porte en lui le germe de la fraude, la Commission d'enquête propose de modifier les conditions d'acquisition de la nationalité française des enfants nés en France de parents étrangers. Aujourd 'hui, depuis la réforme du Code de la nationalité opérée par la loi Méhaignerie du 22 juillet 1993, si les jeunes nés en France de parents étrangers désirent obtenir la nationalité française doivent en manifester la volonté entre 16 et21 ans (cf Différences n° 173 avril 1996). Désormais ils devraient en plus apporter la preuve de la résidence régulière de leurs parents durant les cinq années précédant leur naissance. Cette nouvelle condition est d'ailleurs contraire à l'esprit de la réforme Méhaignerie, qui soulignait l'intérêt de la démarche volontaire dans le processus d' intégration des jeunes nés en France de parents étrangers. La Commission d'enquête pose un nouvel obstacle à l'acquisition de la nationalité, beaucoup de jeunes ne pourront apporter la preuve de la régularité du séjour de leurs parents avant leur naissance. Cette législation génèrerait des « apatrides de fait », non reconnus par l'Etat dans lequel ils sont nés et ont été élevés et ignorés d'un Etat dont ils ne seront ressortissants que sur le papier. Si ces mesures étaient adoptées, l'expression « droits des étrangers» serait comp l ète ~ ment dévoyée. Ces droits ne seraient plus qu'inscrits en filigrane dans un arsenal répressif. Un simple palimpseste .• Sophie Pisk Lorsque la solidarité devient un crime Les associations appellent à une manifestation nationale le 15 juin à Paris pour protester contre la loi Toubon, adoptée le 18 avril dernier par l'Assemblée nationale. LA SOLIDARITE est un de- « voir, pas un crime! », tel a été le message récurrent adressé au garde des Sceaux lors du rassemblement de protestation contre ce projet, rassemblement au cours duquel le secrétaire général du MRAP a pris la parole. Ce rassemblementaeulieule 15 avril, soit trois jours avant la deuxième lecture du texte à l' Assemblée nationale. Rappelons que ce projet de loi vise à renforcer la répression anti-terroriste en reprenant l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 45 concernant le délit d'aide au séjour irrégulier pour l'appliquer à des personnes appartenant à des réseaux terroristes. La réforme de cet article en décembre 94 avait déjà suscité la controverse car elle permettait de poursuivre quiconque venait en aide à des étrangers en situation irrégulière y compris à titre humanitaire ou familial. La colère des militants La loi Toubon criminalise ce délit dans les cas où l'aide est apportée à des personnes susceptibles d'appartenir à des réseaux terroristes. Les forces de l'ordre pourront procéder à des perquisitions, interpellations et saisies nocturnes . « Cela donnera droit aux policiers d'appliquer des méthodes qui leur sont pour! 'instant interdites », s'inquiète Pascal Lacroix, du comité local de Saint-Denis, lors du rassemblement devant l' Assemblée. « Ce projet favorise l'amalgame entre terroristes et personnes en situation irrégulière. Il faut arrêter de considérer les immigrés comme des terroristes en puissance! », conclut-il. Un responsable de l'association « Jeunes contre le racisme» s'est exclamé au micro: « Le gouvernement cherche à mettre en place un arsenal qui vise à faire de l'immigré le bouc-émissaire de la colère sociale ! » Après avoir appelé à une manifestation nationale le 15 juin, les militants se sont dispersés calmement mais décidés à ne pas en rester là. Cette loi a malgré tout été adoptée en deuxième lecture à l'Assemblée. Le MRAP a aussitôt réagi en exprimant « sa Différences n° 174 mai 1996 colère face à l'adoption en deuxième lecture de la disposition du projet de loi Toubon, qui cultive l'amalgame entre le terrorisme et l'immigration. En criminalisant le délit d'aide au séjour irrégulier, la solidarité pourrait être demain considérée comme un crime. » L'ultime recours Le texte sera discuté prochainement en deuxième lecture au Sénat. Si la loi est votée, le seul recours serait la saisine du Conseil constitutionnel par au moins soixante députés ou sénateurs, ou bien par le président de l'Assemblée ou du Sénat, ou par ... Alain Juppé lui-même .• Nathalie Berthier • Le 21 mars et la semaine d'éducation UNE RÉUSSITE INCONTESTABLE l'extrême droite créée à Bobigny ou spectacle théâtral. Il est bien sûr impossible de citer dans cet article toutes les manifestations qui se sont déroulées dans le cadre de cette campagne de sensibilisation. Nous remercions les comités locaux ou responsables de secteurs qui nous ont envoyé articles de presse, tracts, invitations ou affiches. Il est en effet nécessaire que nous ayons le plus grand nombre de renseignements pour dresser un bilan complet de cette semaine. Nous invitons donc tous les comités qui ne l'ont pas encore fait à nous envoyer les informations et documents qu'ils possèdent. La semaine nationale d'éducation contre le racisme qui s'est déroulée du 18 au 23 mars a connu un franc succès. Liliane Lainé, responsable de la commission Education du MRAP trace ici les premières grandes lignes du bilan et propose quelques perspectives de travail. L E PREMIER BILAN - non exhaustif - des initiatives concernant cette période fait apparaître une forte implication de notre mouvement dans des activités très diverses. Le coup d'envoi a été donné par la présentation du fihl L'esclavage hier et aujourd'hui qui a réuni le 20 mars, à la mairie du lue arrondissement de Paris, environ 300 personnes dont de nombreuses personnalités. La soirée s'est prolongée par un débat avec M. Aounit, Marie-Victoire Louis (de l' AVFT), Dominique Torrès et Daniel Kupferstein. Dans toutes les régions se sont multipliés conférences, projections, expositions, débats, spectacles et manifestations diverses, notamment en direction des enseignants et des jeunes. Les outils du MRAP Bien souvent, le MRAP était, grâce aux outils pédagogiques qu'il offre, la cheville ouvrière de ces interventions : nos cassettes vidéo et nos expositions, anciennes ou plus récentes, connaissent en effet toujours le même succès. Toutes ces démarches, qu'elles prennent comme point d'appui un établissement scolaire, une commune ou tout un département, ont été l'occasion de rassembler localement un très large éventail de partenaires : élus, municipalités, syndicats, associations d'immigrés, FNDIRP ... mais aussi bibliothèques et même librairies. Les débats ont montré l'intérêt ou les préoccupations que suscitent des sujets tels que le code de la nationalité, l'immigration, le respect des différences, le mode de vie des gens du voyage, la résurgence des idéologies fasciste et néo-nazie, le rôle de l'école dans l'éducation du citoyen. D'autres initiatives ont pris des formes particulières et ont donné lieu à des émissions de radio, des concours de dessins, des fêtes multiculturelles voire à des créations : exposition sur Poursuivre l'action La semaine d'éducation est pour beaucoup de comités locaux l'occasion de se faire connaître et de présenter le matériel et les outils pédagogiques du MRAP. Elle est dans bien des cas le point de départ d'interventions multiples qui se prolongent au-delà du mois de mars. Le travail en profondeur réalisé dans certains établissements scolaires ouMJC contribue à l'éveil des consciences et à la formation du citoyen. Il est évident que l'action éducative ne saurait être limitée dans le ANNONCE DU COMITE LOCAL PARIS 18e Une soirée d'information et de débats aura lieu le jeudi 23 mai à 19 heures autour du thème « Les circuits de la drogue et le dérapage xénophobe », au Centre interculturel du 18e arrondissement. Un film-vidéo sur la géopolitique de la drogue sera projeté. Marie-Agnès Combesque du MRAP et auteur du livre Aux deux bouts de la chaîne, Ricardo Parvex de la Cimade et JeanLuc Sallé du collectif« Stop la drogue! », spécialistes de la question, seront présents pour animer le débat. La participation est de 1 0 francs; elle est gratuite pour les chômeurs et les étudiants. Centre interculturel, 28 rue Laghouat, 75018 Paris. Pour toute information complémentire, joindre les membres du comité au 42 54 44 36. Différences n° 174 mai 1996 temps et constitue un domaine privilégié de l'intervention permanente des comités locaux. Le rôle de la commission nationale La commission « Education du citoyen» - à laquelle peut participer quiconque est adhérent de l'association - s'est réunie à plusieurs reprises. Elle a pour rôle d'une part de coordonner les actions menées dans le domaine éducatif par les CL et les fédérations, d'autre part d'élaborer des perspectives d'action pour l'avenir. Le bilan de cette semaine 96 , dont la réussite est incontestable, fait néanmoins apparaître quelques lacunes, notamment en ce qui concerne la maternelle et le primaire pour lesquels nous ne possédons pas d'outils largement utilisables. En outre, l'éducation contre le racisme est devenue partie intégrante de l'éducation à la citoyenneté

cela nous amène à

exercer un rôle de plus en plus important dans la formation du citoyen et à nous interroger sur les institutions - en particulier l'école - où cette formation est censée s'acquérir. Des ateliers pour avancer C'est pourquoi nous avons décidé d'ouvrir deux ateliers: l'un sur l'élaboration d'outils pédagogiques destinés aux jeunes enfants, l'autre sur l'éducation à la citoyenneté et la formation du citoyen. Nous vous invitons à vous inscrire dans l'un de ces groupes en précisant la forme que vous pouvez donner à cette contribution: envoi de textes et de documents, participation aux réunions de travail. Ainsi nous espérons pouvoir avancer sur la voie d'une politique efficace d'éducation contre le racisme . • Liliane Lainé Des livres pour savoir L'ESCLAVAGE AUJOURD'HUI tous âges réduits au plus effroyable servage ... : la démonstration est étayée et convaincante. L'esclavage n'a rien d'une réalité marginale : il atteint une ampleur sans doute jamais connue dans l'Histoire. Il ne s'agit Selon une récente estimation de l'ONU, pas non plus d'une simple surquelque 200 millions d'individus subissent aujourd'hui une situation de dépendance assimilable à de l'esclavage. Voici le compte-rendu de deux livres écrits par des journalistes Esclaves Dominique Torrès Ed Phébus sur cette question. DOMINIQUE TORRES est journaliste; elle a déjà consacré deux films au thème de l'esclavage contemporain. Ce livre, qui rassemble le fruit de plusieurs années d'enquête menée à travers le monde, permet de prendre toute la mesure du phénomène, d'en distinguer les diverses formes et d'en disséquer les principaux mécanismes. De la Mauritanie au Koweit, de la Suisse au Maroc, de la Sierra Leone au Royaume IQBAL L 'ASSASSINAT du jeune Pakistanais, Iqbal Masih, a fait l'année dernière la une de la presse et des émissions télévisées. Le destin tragique et fulgurant de ce garçon fut présenté durant quelques mois comme la figure emblématique de la condition des enfants esclaves à travers le monde et plus particulièrement dans le sous-continent indien; ils seraient plusieurs millions à travailler dans les filatures, les briqueteries et les champs. Ce destin tient en une rapide chronologie

probablement né en

1976 (ou 1974 selon les sources)

« vendu» par sa mère à

l'âge de neuf ou dix ans à un tisserand; entré en rébellion trois ans plus tard à l'instigation d'une association pakistanaise de lutte contre l'esclavagisme Uni ou à la France, la description des pratiques des « maîtres » et la multiplicité des cas évoqués ont de quoi laisser pantois le lecteur le plus sceptique. Esclaves de caste telles qu'il s'en rencontre encore en Afrique saharienne, «prises de guerre» au Soudan, esclaves pour dettes en Asie ou dans les latifundios d'Amérique latine, prisonniers des bagnes birmans ou du système concentrationnaire chinois, domestiques de dont il devient un membre actif

tué par balles dans un village

chrétien d'où sont originaires ses parents. Il faut ajouter à cela un épisode déterminant: recruté par le Front de libération du travail forcé (BLLF), qui posssédait de solides relais en Europe et aux Etats-Unis, il en devient une sorte de porte-parole charismatique, jusqu'à lancer d'une tribune des Etats-Unis où il recevait l'un des prix Reebok des droits de l'homme: «Je vous demande d'empêcher l'utivivance, du vestige d'une époque en passe d'être révolue: il prend désormais des formes renouvelées, souvent intégrées dans les circuits de l'économie moderne. Bien souvent, ces pratiques n'ont même plus besoin de se dissimuler derrière l'alibi de conceptions racistes, elles se contentent d'obéir aux froides logiques de l'intérêt. Enfin, l'esclavage n'a rien d'une réalité exotique: on le débusque au coeur même de nos sociétés « développées» lisation des enfants comme main-d'oeuvre esclave. » L'un des mérites de ce livre de Richard Werly, chef du service Iqbal, l'enfant esclave Richard Werly Editions Fayard société à l'hebdomadaire La Vie, est d'avoir exhumé l'histoire d'Iq bal du caractère éphémè- L'esclavage, ____ _ hier et aujourd'hui Le film -vidéo réalisé par Daniel Kupferstein et produit par le MRAP sur les formes contemporaines de l'esclavage est à votre disposition au siège de l'association. Ce documentaire de 35 mn peut constituer un bon support aux débats que vous organisez avec des jeunes ou des adultes. La cassette coûte 150 francs + frais de port. Différences n° 174 mai 1996 soit qu'elles tolèrent les plus immondes trafics soit qu'elles en tirent un profit immédiat. L'auteur ne sous-estime pas les difficultés pour vaincre des habitudes, des préjugés, des attitudes que des siècles de tradition ont parfois enkystés au plus profond des mentalités: on s 'habitue si vite aux privilèges et aux injustices dès lors qu'on a quelque avantage à en tirer ... Salutairement elle nous renvoie à nos responsabilités: le silence de nos Etats, l'indifférence de nos lois, l' assoupissement de nos consciences s'avèrent tout aussi criminels que le cynisme des marchands ou le sadisme des « maîtres ». Au total un ouvrage engagé, militant, mais qui évite l'écueil de la simple dénonciation sensationnelle et incantatoire: remarquablement documenté, précis et rigoureux sous l'écriture fluide du reportage, le réquisitoire invite autant à la réflexion qu'il convoque à l'action . • Alain Pellé re de l'intérêt médiatique pour tracer une biographie circonstanciée malgré certaines lacunes. On comprend notamment en quoi consiste le processus de la« vente» : il s'agit en fait d'un prêt consenti par l'employeur aux parents de l'enfant en échange de sa force de travail, corvéable à merci durant de longues années; ce moyen de survie pour de nombreuses familles porte le nom de « paishgee ». C'est en fait la puissante industrie pakistanaise du tapis qui est mise en accusation tout au long de ce reportage-enquête et à laquelle le responsable du BLLF impute le meurtre d'Iqbal, sans qu'aucune preuve ne puisse être avancée par ailleurs. Un livre un peu bavard (près de 400 pages) mais le style est alerte et l'enquête sérieuse .• Chérira Benabdessadok • EN BREF • M. Wattez, élu FN à Lens a été condamné le 5 mars à 50 000 francs d'amende et deux ans d'inéligibilité par le tribunal de Béthune pour avoir apposé sur les murs de la ville des affiches à caractère raciste lors de la dernière campagne pour les élections municipales. Le Mrap, la LDH et la Liera étaient parties civiles. • Relaxés en première instance, Patrick Le Lay, PDG de TF1, Philippe Bouvard, animateur des Grosses têtes et Vincent Perrot, animateur de télévision, ont été condamnés le 27 mars par la cour d'appel de Paris pour provocation à la haine raciale. Il s'agissait d'une blague proférée au cours de l'émission du 28 décembre 1994. Schengen La France a levé le 26 mars dernier les contrôles aux frontières qu'elle avait maintenus aux frontières terrestres avec l'Allemagne et l'Espagne après avoir obtenu que soient mis en place des commissariats de police mixtes à ces mêmes frontières. Ces contrôles n'ont pas été levés avec le Benelux en raison du désaccord qui oppose la France et les Pays-Bas sur la lutte contre les trafics de drogue. La Convention de Schengen était en principe entrée en vigueur le 26 mars 1995 entre sept pays sur les neuf signataires, les deux autres, la Grèce et l'Italie, avaient reporté à une date ultérieure leur implication pratique. Un Front à Lyon Plus d'une trentaine d'organisations politiques et associatives de droite et de gauche ont appelé à une manifestation le 29 mars pour protester contre la tenue d'un forum organisé par un journal de l'extrême droite ultra-nationaliste Jeune Nation qui devait se tenir dans cette ville les 29 et 30 mars. Conférence sur l'immigration La huitième conférence sur l'immigration organisée par la CGT s'est tenue les 4 et 5 avril à Montreuil. Les travaux ont porté sur la montée du racisme et de la xénophobie, l'affaire des sans-papiers de SaintAmbroise, les lois Pasqua renforcées par Debré et Toubon, le CHRONO PO droit à l'emploi, les effets de la convention de Schengen, et le malaise dans les banlieues. Il a été constaté une montée inquiétante de la xénophobie et du racisme sur les lieux de travail. « On voit, en effet, se multiplier parmi les salariés les discours, les actes, les attitudes qui ne sont pas loin d'être des manifestations racistes », a déclaré Gérard Chemouil, responsable CGT du secteur« salariés migrants ». Atterrissage forcé Un Congolais de 32 ans a été condamné à trois mois de prison ferme le 12 avril. Expulsé le 11, il se trouvait dans un avion d'Air France à destination de Brazzaville, encadré de deux policiers, menottes aux poignets, quand des passagers ont pris sa défense. Le pilote a décidé d'atterrir d'urgence sur l'aéroport de Marseille. Parmi les passagers, sept personnes ont été interpellées et placées en garde à vue. Elles risquent d'être poursuivies pour « rébellion, outrage et entrave à l'exécution d'une décision de justice. » De Clovis à Pétain Les militants du Front National se sont réunis à la Mutualité le 13 avril pour fêter le 1500e anniversaire du baptême de Clovis. Jean-Marie Le Pen en a profité pour inviter les politiciens à se retirer « pacifiquement tant qu'il en est encore temps ».Cette réunion teintée de nostalgie à l'égard du régime de Vichy, a permis au président du Front National d'exprimer tout son rejet, pour ne pas dire sa haine à l'égard des francs-maçons, des communistes et bien sûr des immigrés. A u temps de l'apartheid La commission « Vérité et réconciliation» présidée par Desmond Tutu a commencé ses travaux le 15 avril. Elle est chargée de rendre compte de la violation des droits de l'Homme et des crimes politiques perpétrés sous le régime de l'apartheid. Son souci d'impartialité, notamment en émettant la possibilité d'amnistier certains criminels, a donné lieu à une polémique. Des familles de militants assassinés estiment que la commission va les empêcher de poursuivre les coupables. Elles ont déposé un recours devant la Cour constitutionnelle. Grève de Rapport Cuq, une curieuse coïncidence Les foyers de travailleurs immigrés sont dans le collimateur. Henri Cuq, député RPR des Yvelines, a présenté un rapport à Alain Juppé dans la semaine du 10 avril qui préconise la destruction de vingt d'entre eux. La critique porte moins sur les mauvaises conditions de vie dues à la baisse constante des subventions qu'au fait que M.Cuq y soupçonne la présence d'un nombre important de clandestins (il parle de « suroccupation ») et de délinquants qui se livreraient à des « trafics en tous genres ». Présentant ces foyers comme de véritables repaires de gangsters, le député estime que la modicité des prix favorise l'immigration car les résidents peuvent envoyer de l'argent à leur famille. Curieuse déduction car, bien au contraire, si ces travailleurs parviennent à envoyer de l'argent « au pays» c'est pour permettre à leur famille de survivre là où elles sont. Dans un communiqué de presse, le MRAP a dénoncé le contenu de ce rapport qui « affiche clairement dans ses intentions le souci de traquerles "clandestins". C'est une mauvaise intention qui ne peut donner une bonne politique. Surtout lorsqu'il crée une ambiguïté, qui n'est pas innocente, entre "clandestins" et occupants surnuméraires ». Tous les arguments du rapport Cuq se retrouvent dans celui de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Curieuse coïncidence. Selon le journal La Croix, un collectif de soutien aux foyers s'est constitué et compte élaborer un contre-rapport. Nathalie Berthier Différences n° 174 mai 1996 UR MÉMOIRE lafaim Huit parents étrangers d'enfants français ont commencé une grève de la faim le 15 avril dans la cathédrale SaintLouis à Versailles. Après un an de démarches vaines auprès de la préfecture, ils réclament la régularisation de leur situation ainsi que celle de l30 personnes habitant dans le département des Yvelines. Pour la préfecture, il n'y aurait aucune solution envisageable

ils sont à la fois

« inexpusables et irrégularisables ». Plusieurs associations sont venues les soutenir afin que leur voix soit entendue. Les grévistes ont également reçu le soutien de l' évêque de Versailles, Mgr Thomas ainsi que du député-maire de Versailles Etienne Pinte (RPR). Ce dernier a d'ailleurs déclaré « ne pas se sentir solidaire» avec le rapport de la commission d'enquête sur l'immigration. Négationnisme Roger Garaudy a été mis en examen le 25 avril pour contestation de crimes contre l'humanité à propos de son dernier livre Les mythes fondateurs de la politique israélienne, édité par la Vieille Taupe, connu pour diffuser les écrivains négationnistes. Reprenant ces thèses négationnistes, il évoque notamment la « Shoah business », «Le journal d'Anne Frank ou le mythe dégUlse en histoire », « L'interminable navet Shoah» le film de Claude Lanzmann ainsi que « Les faux apocalyptiques » d'Elie Wiesel. Garaudy a reçu le soutien de Robert Faurisson, mais aussi de l'abbé Pierre dont la lettre de soutien a été diffusée par Garaudy et son avocat, Jacques Vergès, lors d'une conférence de presse tenue le 18 avril à Paris. Le MRAP engagera les poursuites judiciaires qui s'imposeront. Auschwitz Le centre commercial qui devait s'installer à proximité du camp de concentration d' Auschwitz ne se construira pas. Le principal promoteur a fait savoir le 22 avril qu'il renonçait à ce projet qui avait provoqué la protestation d'associations juives et d'anciens détenus du camp de Birkenau. Liban, escalade meurtrière « Après les bombardements israéliens à Nabatieh et à Cana, qui ont tué plus de cent civils, réfugiés et casques bleus, et fait de très nombreux blessés, le MRAP s'incline devant les victimes et exprime sa solidarité à l'égard du peuple libanais. Il appelle solennellement à l'arrêt immédiat des bombardements. Cet engrenage de haine et de violence conduit à une tragique impasse. Elle nourrit la haine et le racisme et donne des armes aux fanatismes et intégrismes de tout bord. Devant une situation qui représente une grave menace pour le processus de paix, l'expression et le soutien des démocrates s'imposent pour exiger un règlement politique de la crise. Dans cet esprit, le MRAP appelle à un rassemblement le 22 avril, place de la République à Paris. ». Communiqué du MRAP du 19 avril. Un juré raciste La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France le 23 avril à verser 60 000 francs d'amende de dommages et intérêts à Saïd André Remli. Ce Français d'origine algérienne avait été condamné à perpétuité le 14 avril 1989 pour avoir tué un gardien de prison lors d'une évasion. Durant le procès, un membre du jury s'était ouvertement déclaré raciste. Cinq ans après, la Cour européenne a finalementjugé que l'article 6 de la convention européenne qui garantit l' impartialité des tribunaux avait été bafoué. L'accusé n'aura néanmoins pas droit à un autre procès. Lois-cadenas Le rapporteur spécial de l'ONU, Maurice GléléAhanohanzo (Bénin) a critiqué la sévérité des lois françaises sur l'immigration dans un rapport présenté au cours de la séance plénière de la Commission des droits de l'homme qui s'est tenue du 18 mars au 26 avril à Genève. Dans ce rapport, l'expert onusien désigne les lois Pasqua comme étant des « lois-cadenas». Il considère qu'elles ont alimenté la xénophobie en France et qu'elles sont « d'application difficile et d'interprétation fort Différences n° 174 mai 1996 malaisées. »Il dénonce également l'atteinte au droit d'asile lors des rapatriements forcés des immigrés en situation irrégulière. Il s'insurge contre les difficultés d'obtention des visas et désapprouve les pratiques discriminatoires en matière de logement et d'emploi. Enfin, il s'inquiète de l'existence de centres de rétention provisoire dans les aéroports et les ports de certaines villes côtières. On est bien d'accord avec lui. Lourd débat aux Etats-Unis Un grave débat oppose depuis le 23 juillet les partisans et les détracteurs de ce qu'on appelle aux Etats-Unis la « discrimination positive ». A cette date, une initiative a été lancée par des universitaires de Berkeley et huit autres campus californiens pour soutenir une proposition d'amendement destinée à interdire la discrimination positive instaurée par la loi sur les droits civiques de 1964 pour tenter de remédier aux profondes inégalités raciales. Ce document sera présenté au vote des Californiens le 5 novembre prochain, en même temps qu'ils choisiront entre Clinton, opposé à l'abolition de l'affirmative action, et Dole qui lui en est partisan. Neuf autres Etats ainsi que le Congrès ont des projets similaires à l'étude. Eléments d'information rassemblés par Nathalie Berthier et Chérifa Benabdessadok EN BREF • Inauguration par la mairie de SaintMartin- d'Hères et les anciens combattants de la résistance d'une « place du 24 avril 1915 )) et d'une plaque à la mémoire de Manouchian. Une contre-manifestation était organisée le 30 mars rassemblant 500 Turcs venus de toute la région pour crier « mensonge du génocide )). • 49 Maliens et 19 Zaïrois ont quitté la France en charter le 18 avril. C'est la seizième opération d'expulsion depuis le début de l'année. En tout, 3 878 personnes ont d'ores et déjà été reconduites aux frontières. • Le Conseil national palestinien a voté le 24 avril la suppression de la Charte de l'OLP de tous les articles niant le droit à l'existence de l'Etat d'Israël. • Divers GENS DU VOYAGE: U PROPOSITION DE LOI SCANDALEUSE UNE PROPOSITION DE LOI a été dépo- « sée au Bureau de l'Assemblée Nationale le 7 février par M. Paillé, député des Deux-Sèvres, renforçant le contrôle du stationnement des Gens du Voyage. L'exposé des motifs constate que « la loi de 1990 n'a pas eu les effets escomptés)} etque « l'aménagement d'aires de stationnement reste en-deçà des nécessités ». Il est proposé par 2 additifs à J'article 433 du Code pénal des sanctions contre le fail de stationner sur le domaine public et de s'y Il KURDISIAN maintenir plus de 24 heures après la mise en demeure par J'autorité administrative. Les sanctions préconisées par les 2 alinéas sont extrêmement graves: - 6 mois de prison, - 50000 francs d'amende, - confiscation de la « chose » : c'est-àdire de la caravane-habitation, - cinq ans de retrait de pennis de conduire. Le MRAP, stupéfait, s'élève contre cette proposition marquée du sceau du tout répressif au détriment du droit au stationne- Une adhérente du MRAP s'est rendue au Kurdistan à l'occasion du nouvel an kurde. Bref témoignage. Nous avons pu constater que la situation est encore plus précaire que l'an dernier et la surveillance plus forte. Etant donné le fort pourcentage de chômage, la police arrive à embaucher des indicateurs qui bénéficient de nombreux avantages. Les Kurdes résistent face au déploiement des forces turques et ce malgré leur manque de moyen. Les familles signalent à Hadep, parti démocratique pro-kurde, ou à la ligue des droits de l'homme les disparitions et les arrestations et ce malgré la peur. Nous avons pu parler avec certaines personnes et recueillir des témoignages sur les arrestations, disparitions, tortures ... Les marchés et les magasins sont bien achalandés mais les familles modestes ne peuvent pratiquement pas faire d'achats car le coOt de la vie pour un Kurde est très élevé. L'inflation a pratiquement doublé depuis l'an dernier. Les Kurdes savent qu'ils devront affronter de nombreuses difficultés avant d'obtenir leur liberté. Si nous voulons que l'identité kurde soit reconnue, il faut que les personnes influentes de notre pays obligent la Turquie à re- Xavier Schapira a rencontré le président du Conseil exécutif du Parlement en exil du Kurdislan. x. Schapira : Le PKK a décrété le 15 décembre dernier un cessez-le-feu unilatéral. Quels en ont été les effets sur le terrain? Zübeyr Aydar : Le gouvernement turc a refusé de reconnaître ce geste de bonne volonté et a poursuivi les opérations militaires . Le cessez-le-feu pouvait être un point de départ pour l'ouverture de négociations

malheureusement, on peut craindre

une intensification de la guerre si des pourparlers ne s'engagent pas. x. S. : Qu'attendez-vous des ONG et du MRAP en particulier? Zübeyir A. : Les ONG peuvent sensibiliser l'opinion et exercer une pression sur les gouvernements. Or notre problème, c'est de ne pas pouvoir faire connaître les souffrances terribles qui nous sont infligées. Par exemple, malgré le cessez-le-feu, onze villageois de Simak: ont été massacrés récemment; au Kurdistan, quotidiennement, des personnes sont portées disparues; dans la région de Sivas, en plein hiver, des centaines de personnes ont été obligées de quitter leur village. Les grands médias ne reflètent pas la gravité de la situation. Différences n*174 ma; 1996 ment. Ce texte est inacceptable politiquement car il porte une atteinte grave au droit reconnu au Voyage. Outre qu'il marque une méconnaissance totale des Gens du Voyage, il a un objectif central : attaquer l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 (dite « loi Besson )}) qui oblige les communes à aménager des aires de stationnement. Par ai lleurs, le MRAP s'inquiète d'une mentalité diffuse de suspicion et de rejet. Ce projet de loi, loin de lutter contre les préjugés à l'encontre des Gens du Voyage, les entretient dansereusement. En 1994, les propositions de loi 517, 521, 889 avaient déchaîné une unanime protestation de toutes les instances concernées, protestation qui fut efficace. Le MRAP attend de l'opinion publique, des parlementaires, des députés, qu'ils fassent obstacle à cette proposition de loi. » Communiqué du 27 mars 1996. connaître qu'un peuple kurde existe et à dialoguer avec le PKK (Parti des travail leurs kurdes). Il faut que l'opinion soit sensibi lisée à ce problème car c'est un des moyens de faire avancer l'idée de la paix. Arlette Oster 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex II Tél.:43 148353 Télécopie: 43 148350 , Directeur cie la publication Mouloud Aounit , Gérant bénévole Martial Le Nancq , Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok , Administration - gestion Patricia Jouhannet , Abonnements Isabel Dos Martires 120 F pour II numéros/an 12 F le numéro • Maquette Cherifa Benabdessadok , Impression Montligeon Tél.: 33 85 80 00 , Commission paritaire n" 636341SSN 0247·9095 Dépôllégall996-5 1 1

Notes

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