Dossiers thématiques - La loi de 1972 contre le racisme

De Archives
Aller à la navigation Aller à la recherche
ImageCD loi72.png

Archives numériques du MRAP: "La loi du 1er juillet 1972"

Un problème fondamental

Dès sa fondation, quelques années seulement après la fin de l'holocauste, le MRAP est conscient que seule l'institution d'une législation antiraciste efficace permettra d'éviter le retour de telles abominations.
Dans le numéro 3 de "Droit et Liberté" il relaie un appel des organisations juives de France vers l'ONU et le Président de la République.
"...Les organisations soussignées demandent que toutes les puissances adhérentes à. l'O. N. U. souscrivent dans le plus bref délai une convention Internationale dans le cadre de la déclaration internationale du 10 décembre 1948, par laquelle elles prendront l'engagement de s'opposer effectivement sous peine de sanctions pénales à toute propagande antisémite ou de discrimination raciale notamment par voie de presse..."

En 1958, un article de Me Georges Sarotte rappelle l'insuffisance des textes et la nécessité d'une législation contre toutes les formes de racisme.
"Le racisme et l'antisémitisme jouissent du rare privilège, dans notre pays, d'être une des manifestations anti-sociales et anti-républicaines qui demeurent impunies.

Les projets du MRAP

En 1958, le MRAP, qui compte plusieurs juristes en son sein, a élaboré le texte de deux avant-projets, destinés l'un par la réforme du décret-loi Marchandeau, à rendre plus efficace la répression de la propagande et des menées racistes, l'autre à sanctionner pénalement certains actes de discrimination raciale.
En mars 1959 le MRAP soumet au Parlement deux propositions de loi contre le racisme et l'antisémitisme.
Ces deux avant-projets qui venaient d'être adressés à tous les députés avec un troisième (sur l'interdiction des groupes racistes) qui fut ajouté ultérieurement, constitueront les trois titres de la loi qui sera votée le 7 juin 1972 par l'Assemblée Nationale et le 22 juin par le Sénat.

Pendant les années qui ont suivi l'élaboration de ces projets, jusqu'à ce que l'âge lui impose d'abandonner la présidence du MRAP, Léon Lyon-Caen a lutté pour l'adoption de cette législation nouvelle, qui était en grande partie son œuvre. A ses côtés, il convient de citer parmi les membres de la commission juridique du MRAP, Robert Attuly, conseiller honoraire à la cour de Cassation, l'avocat Georges Sarotte, le bâtonnier René-William Thorp, disparus eux aussi trop tôt pour voir aboutir leurs efforts.

Les projets du MRAP: (voir le document)
Une étude du Président Lyon-Caen est publiée dans "Droit et Liberté" "...Les deux projets que nous venons d'analyser, destinés à améliorer et à renforcer notre législation dans la lutte contre le racisme et antisémitisme, viennent d'être communiqués à divers membres des groupes parlementaires et au gouvernement. Exprimons l'espoir qu'ils feront l'objet du dépôt régulier d'une proposition ou d'un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée Nationale ou du Sénat et d'un vote favorable du Parlement.
Souhaitons aussi qu'ils recevront l'appui des personnalités et organisations soucieuses de combattre courageusement le danger social que représente l'actuelle aggravation du racisme sous toutes ses formes."

Une étude sur l'évolution de la prise en compte des projets: (voir le document)
Les 3 propositions de lois en 1967: (voir le document)

Une lutte de 13 années

Lors de la journée nationale contre le racisme de 1959, le bâtonnier Thorp et Me Lederman rappellent l'engagement du MRAP dans la lutte pour une législation antiraciste.

En 1961 Me Dymentsztajn constate l’inefficacité de la législation en cours.

Cette même année, un texte largement inspiré par les projets du MRAP est élaboré par le conseil d'état et commenté par Me Garidou dans "Droit et Liberté"

Le projet n'est pas présenté durant la législature en cours.
En 1963, devant la recrudescence de publications racistes, le MRAP demande une entrevue au ministère de l'intérieur et souligne inefficacité de la législation en cours.
Dans le même temps il s'étonne de l'attitude de la France lors des discussions aux Nations-Unies sur un projet de déclaration sur l'élimination de toutes les formes de racisme.

Le 20 novembre 1963, l'Assemblée générale des Nations-Unies adopte finalement à l'unanimité la déclaration sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales.
Dans les travaux préparatoires pour la XVe journée nationale contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix, le MRAP s'interroge sur la situation en France
« Des mesures spéciales concrètes, affirment les Nations Unies, devront être prises dans les circonstances appropriées pour assurer le développement ou la protection adequate des personnes appartenant a certains groupes raciaux, en vue de garantir a ces personnes la pleine jouissance des droits d'hommes et des libertés fondamentales ».
"EN FRANCE, cela suppose que cessent les brimades et l'arbitraire à l'égard des groupes tels que les Gitans, les Algériens les Africains, certains immigrés. Cela suppose aussi et surtout des mesures positives pour leur alphabétisation, leur formation professionnelle, l'amélioration de leurs conditions d'existence, Plus profonde est leur détresse, plus grands sont nos devoirs envers eux. Et les multiples initiatives privées qui témoignent d'une conscience aigüe de ces devoirs dans bien des milieux seraient insuffisants si les pouvoirs publics n'apportaient pas le concours des moyens dont ils disposent..."

Au cours de cette journée, le bâtonnier Arrighi insiste sur la nécessité pour la France d'adopter une législation antiraciste.

Toujours en 1964, à l'occasion de l'ouverture de la XIXe session de l'Assemblée Générale des Nations-Unies, le MRAP rassemble en une brochure les différentes résolutions et déclarations des Nations-Unies contre le racisme.

La Convention internationale sur l'élimination du racisme

La Convention internationale sur l'élimination du racisme est adoptée par L'O.N.U. le 21 décembre 1965 (voir le document)

Lors de la journée nationale contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix de 1966, le MRAP souligne l'importance pour la France de signer cette Convention et d'adapter sa législation en conséquence.

A la fin de l'année 1966, le MRAP lance une pétition nationale pour l'adoption d'une législation antiraciste

Cette pétition est proposée en encart dans Droit et Liberté de février 1967

En avril 1967 à l'occasion de la nouvelle législature, le MRAP réaffirme ses projets de loi et s'adresse aux différentes formations politiques.
"Le M.R.A.P. s'est adressé à la direction ·et aux élus des différentes formations politiques, leur demandant de se prononcer. Les réponses reçues montrent d'ores et déjà que les textes élaborés par le M.RA.P. peuvent être à nouveau déposés par des députés de tendances diverses, comme ce fut le cas en 1959 et en 1963. Il faut souhaiter en outre que, contrairement à ce qui s'est passé lors des précédentes législatures, ils seront discutés et adoptés.
Cela dépend du gouvernement, maître de l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale."

Au début de l'année 1971, année internationale de lutte contre le racisme, "Droit et Liberté" publie des extraits de la Convention internationale contre la discrimination raciale

Le 18 avril 1971, l'Assemblée Nationale adopte la Convention Internationale contre la discrimination raciale.

"Il reste à la France à se donner les moyens juridiques permettant de mettre en application cette Convention."

En février 1972, "Droit et Liberté" publie un dossier: "Le racisme devant le loi" établi par Me Hermantin, Me Dimet et Me Imerglik

En mars, le MRAP manifeste son espoir.

Le vote de la loi

Et le 7 juin 1972, la loi est enfin votée, à l'unanimité, à l’Assemblée Nationale. "Droit et Liberté" consacre son numéro de juillet-août 1972 à cette victoire
"En votant à l'unanimité la loi relative à la lutte contre le racisme , l'Assemblée nationale et le Sénat ont doté la Justice française de moyens d'action particulièrement efficaces contre les discriminations, les injures, diffamations et provocations à la haine, qu'elles se fondent sur des différences raciales, ethniques, religieuses ou nationales. Il s 'agit véritablement d'un texte d'avant-garde, par rapport aux législations existant ailleurs dans le monde, et qui renoue avec les plus généreuses traditions de notre pays.
'Ainsi s'achève sur une victoire pleine et entière, une bataille de treize années.
En dépit de diverses péripéties et de quelques modifications mineures, c'est le projet élaboré par la Commission juridique du M.R .A.P., sous la direction du président Léon Lyon-Caen, qui s'inscrit aujourd'hui dans le' Droit.
Ainsi, dans les années futures , proches et sans doute lointaines - car le racisme, hélas! n'est pas près de disparaître - les victimes de ce fléau disposeront de cette arme forgée pour elles. Le M.R .A.P. peut être fier d'avoir mené jusqu'à l'accomplissement, cette tâche qu'il s'était fixée dès 1959, et avec lui tous ceux, militants, comités, parlementaires , élus municipaux, signataires d'appels et de pétitions, syndicats, associations , qui ont concouru d'une façon décisive à ce succès. La preuve est faite une fois de plus, s'il le fallait, que l'action paie."

  • Droit et Liberté n°313 - juillet-août 1972 (voir le document)
  • Extraits du journal officiel du 8 juin 1972, débat au Sénat (voir le document)
  • Extraits du journal officiel du 23 juin 1972, débat à la chambre des députés (voir le document)

La loi dans les faits

En mars 1973, "Droit et Liberté" publie une étude de Me Imerglik: "La loi contre le racisme: comment s'en servir..."

En mars 1974, "Droit et Liberté" publie un dossier: "le racisme en justice", la commission juridique du MRAP établit un premier bilan.

Dans le numéro spécial célébrant les 25 ans du MRAP, Louis Mouscron retrace la lutte du MRAP pour la loi.

La revue Droit Social publie en 1976 un article de Jacqueline Costa-Lascoux relatif à la loi de 1972.

En 1977, J.L. Sagot-Duvauroux établit un bilan pour le cinquième anniversaire de la loi,
"...Nul ne pensait, en 1972, que la loi ferait disparaître le racisme. Pourtant, son efficacité s'est révélée au cours des nombreuses affaires qu'elle a permis de traiter depuis. Il faut notamment insister sur son aspect préventif. Évidemment, le souci du m.r.a.p. n'a jamais été d'étendre pour le plaisir une répression qui ne pouvait qu'aller à contre-sens des buts du Mouvement. Il a pourtant fallu, dans les cas les plus flagrants, ou lorsque toutes les solutions de « persuasion » avaient échoué, recourir à l'action judiciaire pour préserver la société et les individus des atteintes de ce mal..."
"...Cinq ans d'une loi ! On mesure mieux maintenant l'apport très positif de ce texte à la législation française en ce qui concerne la défense des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Il ne faut pas oublier cependant que la lutte ne se mène pas uniquement dans les prétoires, et que ces cinq ans ne peuvent se mesurer à la simple comptabilité des décisions de Justice."

puis un an plus tard une nouvelle analyse pour les six ans de la loi, complétée par une rubrique: "que faire?".

En juillet 1981, "Droit et Liberté" retrace les péripéties de l'adoption de la loi.

En 1982, à l'occasion des dix ans de la loi, le MRAP organise un colloque dressant un bilan de son application, de ses effets et de ses limites. Me Pudlowski parle de la loi dans "Droit et Liberté" de juillet 1982.
"...Le MRAP a été le principal auteur du projet de loi rédigé pour l'essentiel par Léon Lyon-Caen, à l'époque président du MRAP, et premier président honoraire de la Cour de Cassation. Pour ses promoteurs, ce texte n'avait pas seulement un but de répression, mais surtout d'éducation . Il signifiait: pouvoir expliquer, à l'occasion d'un procès public, les dangers du racisme, la nécessité du respect du droit à la différence et non pas se venger.
En tout cas, cette loi redonne une dignité aux victimes."

En 1985 est votée une extension de la loi, dont se félicite le MRAP

En 1987, "Droit et Liberté" publie un nouveau dossier bilan, dans lequel sont commentés des projets de modification de la loi.

Le MRAP et la LICRA organisent conjointement un colloque

Le dossier du MRAP: la loi, le racisme, les étrangers en France.

Un dossier-pochette consacré à la loi contre la discrimination raciale, et les lois régissant le séjour des étrangers en France est édité par le MRAP.

Les évolutions

En juillet 1987 trois articles de la loi sont modifiés, le MRAP dans "Différences" de octobre 1987 exprime sa réserve.

En 1989, "Différences" dans son numéro d'octobre s'interroge sur "l'esprit de la loi et son application".
"Tout se passe comme si la conscience des magistrats était elle-même émoussée par la banalisation du racisme. La manière dont ils traitent ces « affaires » ressemble fort à celle dont on peut aborder les troubles de voisinage ... La banalisation sociale et politique du racisme semble confiner la pratique judiciaire au consensus mou qui fait de l'opinion raciste une opinion comme une autre au lieu de la traiter (avec tous les moyens nécessaires déjà existants) comme un délit."

Une nouvelle modification intervient en 1991 commentée dans "Différences" de mai-juin-juillet 1990.

Le MRAP publie un communiqué relatif à cette évolution.

En 1992, le MRAP lance un appel pour la célébration des vingt ans de la loi, "Différences" publie une analyse.

En 1994, conscient des limites de la loi, le MRAP lance une réflexion pour une réforme et propose des textes de modification.

Le MRAP revient sur ce sujet dans un texte préparatoire au congrès de 1995.

En 1996, le projet de loi "Toubon" vise à modifier substantiellement la loi. Me Pierre Mairat s'exprime à ce sujet.

Le projet ne sera pas adopté.

En 1997, "Différences" publie un avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme concernant la législation antiraciste.

En 1998, le service juridique du MRAP exprime ses arguments pour une réforme.
"Le MRAP se préoccupe depuis plusieurs années des lacunes de la législation de lutte contre le racisme et de son inadaptation aux manifestations nouvelles du racisme..."
"Face à la recrudescence des provocations des « professionnels du racisme », qui exploitent les failles de la loi pour diffuser leur propagande raciste en toute impunité et pour tenir compte des engagements européens et internationaux souscrits par la France, le MRAP estime qu'il est temps de se donner les moyens d'engager une campagne nationale autour de la législation en question...."

En 2001 intervient un renforcement significatif de la législation, dont le MRAP souligne le caractère positif.

En juin juillet 2002, "Différences" consacre un numéro spécial aux 30 ans de la loi.

En avril 2012, Différences célèbre le 40ème anniversaire de la loi.
"Rappeler l'historique de la loi française contre le racisme, c'est en premier lieu l'occasion de rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, dans le MRAP (alors : Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix, créé officiellement en 1949 et devenu en 1977 Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples) et autour du MRAP, se mobilisèrent en plusieurs étapes pour qu'une telle loi puisse voir le jour..."

Les affiches du MRAP