Différences n°27 - octobre 1983

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Sommaire du numéro

n°27 de octobre 1983

  • A droite...droite: tentations racistes dans l'armée française par Catherine Helbert
  • A la votre: une ballade dans les vignobles algériens par François Savoy
  • Dreux, capitale de la douleur: le film des élections par Rachid Benallai
  • Et si les immigrés partaient? enquête de J.M. Ollé [immigration]
  • Babel sur Loing: La Chalette, près de 40 nationalités vivent dans cette petite ville près de Montargis par Pauline Jacob
  • Le Maroc: d'une médina à l'autre par Mariette Hubert
  • Chronique des années de cendres: René Vauthier fait le point sur sa production cinématographique par J.P. Garcia
  • Rue Cases-nègres: le film antillais récompensé à la Mostra de Venise par Véronoque Mortaigne
  • Maupassant en Afrique par Daniel Chaput
  • Les sociétés sont complémentaires: l'ethnologue J. Malaurie s'interroge sur l'avenir de nos relations avec les autres civilisations
  • Des macaronis aux beurs: plus d'un siècle d'immigration par Yveline Levy-Piarroux
  • Débat: le racisme est-il naturel? Réponses de Jean Daniel, Alain Finkielkraut, Albert Levy, Albert Memmi; Préparé par Dolorés Aloïa.
  • La parole à Lotus Engel; par Julien Boaz

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MAIASINS R UX vêtements BESANçoN: 1, rue Gambetta LA ROCHE.suR·YON: 11, rue Stéphane-Gulllemé BESANCON : 1 • rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11 . rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue GabrleJ.Pérl GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72. av. G.-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents" Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef "ean-Michel Ollé SB.MAIRE' OCTOBRE POINT CHAUD"""""""""""""""""""" 7 A droite ••• droite Tentations racistes dans l'armée française. Catherine HELBERT ACTUEL"""""""""""""""""""" 1 0 Alavôtre Une balade dans les vignobles algériens en vendanges. Dreux, capitale de la douleur Le film des élections. François SA VOY Il Secrétariat de rédaction/maquettes: PRÉJUGÉS ----------------------13 Véronique Mortaigne Et si les immigrés partaient? SERVICE PHOTOS: Abdelhak Une grande enquête Mosaïque/Différences. Senna Jean-Michel OLLE CULTURE: Daniel Chaput ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Dolorès ALOIA, Kilic ALI NAIL, Jean-Bertrand BAR Y, Rachid BENALLAL, Julien BOAZ, Bernard DELJARRIE, H.D.L., Jean-Pie"e GARCIA, Catherine HEL BER T, Mariette HUBERT, Pauline JA COB, Stéphane JAKIN, Yveline LEVY-PIARROUX, Robert PAC, POUB'S, François SAVOY. ADMINISTRA TION A dministration/ comptabilité : Khaled Debbah Relations extérieures: Danièle Simon Promotion/vente: Marle" eanne Salmon ABONNEMENTS 1 an : 150 F; 1 an à l'étranger: 180 F; 6 mois: 80 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 130 F, 6 mois : 70 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; abonnement d'honneur: 1000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression : Imprimerie Landais, 84, rue d'Hauteville - 75010 Paris. Commission paritaire nO 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal 3060 PHOTO COUVERTURE: Abdelhak Senna Différences - N° 27 - Octobre 1983 RENCONTRE 1 & Babel-sur-Loing La Chalette: près de quarante nationalités vivent dans cette petite ville proche de Montargis. Pauline JACOB DOSSIER ........................................ ·18 Le Maroc: d'une médina à l'autre Après l'Algérie. Différences vous présente le deuxième pays du Maghreb. Mariette HUBERT CULTURES .................................... 24 Chronique des années de cendre René Vautier fait le point sur sa production cinématographique. Rue Cases-Nègres · Le film antillais récompensé à la Mostra de Venise. Maupassant en Afrique Sur les traces d'un anti-colonialiste. Jean-Pierre GARCIA 2& Véronique MORTAIGNE 29 Daniel CHAPUT RÉFLEXION 31 Les sociétés sont complémentaires Le célèbre ethnologue Jean Malaurie s'interroge sur l'avenir de nos relations avec les' autres civilisations. HISTOIRE ..................................... 34 Des Macaronis aux Beurs Plus d'un siècle d'irmigration. Yveline LEVY-PIARROUX DEBAT 3& Le racisme est-II naturel? Jean DANIEL, Alain FINKIELKRAUT, Albert LEVY, Albert MEMMI Débat préparé par Dolorès ALOÏA 3 o ~ f\ tv\E ME PA"': 'l€ ~. An. to'\E()" ?ou Q St 1)t\-€\ÙbR.E ! ~ DEVANT R€\VT{LEL C. tit-L- \JOUS ET 0 t.J "0 VS Et0 \/€NbQ,«\ ~ POUB'S LA MONTÉE DU RACISME ARMEZ-VOUS PACIFIQUEMENT AVEC 1iHérences Je m'abonne à Différences, Le mensuel qui éclate. o 150 F (1 an) o 80 F (6 mois) 0 200 F (soutien) NOM ___________________________________ Prénom ________________________________ _ Adresse ________________________________________________________________________ _ Code postal _____________________ Commune ______________________________________ _ Profession ___________________________________________________________ __ Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à : Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS. Abonnement 1 an : étranger : 180 F ; chÔmeur et étudiant : 130 F. 4 ~ CHERS lECTEUR LE DEFI Si les immigrés partaient ? hômage, insécurité, déficits sociaux, misère de l'habitat, difficultés de l'école: veulent-ils vraiment résoudre ces problèmes, ceux qui n'apportent d'autre explication que la présence des immigrés et dont l'unique programme consiste à les chasser? n est permis d'en douter. Car le simple bon-sens et quelques chiffres inattaquables suffisent pour comprendre que le renvoi massif des travailleurs étrangers et de leurs familles, loin d'améliorer la situation, prendrait bientôt des allures de catastrophe nationale. C'est ce que démontre lumineusement l 'article-fiction publié dans ce numéro de Différences, en coordination avec l'émission Mosaïque du 9 octobre: « Si les immigrés partaient ... » Enfait, la campagne obsessionnelle sur l'immigration qui s'est manifestée spectaculairement à Dreux, après le banc d'essai des élections municipales dans toute la France, est avant tout un thème d'agitation démagogique utilisant à des fins politiques le racisme à fleur de peau. Nous ne ferons pas à ceux qui manipulent ainsi une partie de l'opinion, l'injure de croire qu'ils croient ce qu'ils disent. n n'empêche que leur opération a, pour une part, réussi. 17 % des électeurs drouais se sont convaincus que tout irait pour le mieux si, par un coup de baguette magique, on escamotait ces gens venus d'ailleurs: leurs voisins de palier, leurs compagnons de travail, les copains de jeu de leurs gosses. Et selon le sondage d'un quotidien, 51 % des Français pensent que le départ des immigrés mettrait fin au chômage. Inquiétantes aberrations. Ces attitudes sommaires, fondées sur des « évidences» qui n'en sont pas, traduisent, outre l'illogisme, une navrante dégradation des sentiments humains. Car comment imaginer sans sourciller l'exode dramatique de ces millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui ne pou"ait se comparer qu'à celui des juifs allemands au début de l'hitlérisme? Mutilation de l'esprit et du coeur, le racisme détourne d'une analyse et d'une action lucides. Au plan politique, c'est une funeste mystification. Les malheureux qui s'y laissent prendre sont ses victimes, tout comme ceux contre qui on les dresse. Et, pour la société dans son ensemble, il engendre la violence, la dérive vers le fascisme. Les immigrés qui vivent aujourd'hui en France ~ comme les Italiens, les Espagnols, les Polonais d'hier - partagent nos travaux, nos soucis, nos horizons. ns y resteront sans nul doute, s'attachant davantage à ce sol de génération en génération. Différents déjà de leurs compatriotes restés au pays, et différents aussi des Français de souche plus ancienne, ils conserveront longtemps ['attachement à leurs origines, comme une dimension variable de leur personnalité. n n ya là rien de nouveau: toute l'histoire de ce pays est faite d'apports étrangers successifs, de brassages de populations et de cultures, en un perpétuel mouvement d'échanges et d'enrichissement mutuel. n n'appartient à quiconque d'arrêter l'histoire. Alors, irons-nous maintenant - comme le souhaitent certains - vers un avenir de haines et d'affrontements? Ou saurons-nous vivre ensemble pour le plus grand profit et le progrès de tous? C'est le défi que nous devons relever. 0 Différences Différences - N° 27 - Octobre 1983 5 A l'occasion de la Joumée mondiale contre la faim (16 octobre) et de la Joumée du tiers-monde à l'école (24 octobre) Croissance publie un numéro spécial (20F-n0254) LES CHEMINS DE LA FAIM Bilan de la situation mondiale actuelle. Des situations concrètes au Sénégal, en Guinée-Bissau, au Chili, au Venezuela, en Inde, au Vietnam. Les « greniers» du monde: Etats-Unis, Europe, France. Propositions pour une nouvelle politique agro-alimentaire mondiale. Comment agir? En complément, 1ll1.e pochette (format 21 x 29,7) 60 F avec photos, commentaires, dessins exclusifs de Plantu et une carte détaillée. _._._.-._._._._._._._, •• I .............. ,~_._.'_'._,._._,··,·.····· •• ,1 POUR COMMANDER, RETOURNEZ CE BON A CROISSANCE-DEV., 163, bd Malesherbes 75859 Paris Cedex 17 RÈGLEMENT JOINT A L'ORDRE DE CROISSANCE Nom .......................................................................................................................................................................................................... . 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Armée française

A droite ... droite La défense nationale n'est pas chose facile. Surtout quand certains traÎnent les pieds « Q ue nous font ennuis et horions ... Un jour viendra où leurs auteurs paieront ... Qu'ils freinent donc s'ils l'osent notre ascension grandiose ... Nous luttons pour notre idéal Pour un ordre nouveau et impérial ». Il paraît que les militaires aiment chanter Les lansquenets. C'était très à la mode dans l'armée allemande en 1940. Seulement, avant que le ministère de la Défense ne réagisse en mai 1982, c'était aussi les appelés français stationnés à Pforzheim qui le chantaient. A l'E.O.R. de Saumur, on continuerait même de préférer un ancien chant de l'OAS, Les chacals: «Pour l'Europe c'est le réveil, Contre les rouges nous marchons, Aidés des Dieux que nous chantons ... Au fusil, au couteau Nous imposerons l'ordre nouveau ». La Légion étrangère en Corse La grande muette donne de la voix! Ces derniers mois plusieurs affaires ont ainsi mis l'accent sur l'attirance qu'éprouve une partie de l'armée française pour l'idéologie de l'extrême droite. Il peut s'agir du racisme d'un petit chef quand il inflige à un jeune appelé d'origine juive une marche forcée le soir de Noël : « Ce n'est pas une fête juive 1» (les brimades iront jusqu'au passage à tabac), ou de faits de propagande quand on lit à des élèves officiers un texte de l'ex-capitaine Sergent, dirigeant des commandos de tueurs de l'OAS. Nation armée On peut évidemment relier des faits de cet ordre aux mythes qui parcourent depuis beau temps l'institution :le mythe du chef, de la puissance, de l'unité ... Mais la question est plus d'actualité qu'il n'y paraît: le GRECE, 7 fer de lance de la nouvelle droite, a marqué depuis quelques années sa sollicitude pour l'institution militaire en finançant en sous-main (1) la création d'une luxueuse revue: Nation armée, qui sous des dehors impressionnants de sérieux et d'innocence ne sera rien d'autre qu'une courroie de transmission de son idéologie. Il lancera à la même époque, et ouvertement cette fois, un comité de liaison des officiers et sous-officiers de réserve, le CLOSOR. Ces derniers temps plusieurs députés de la majorité ont interrogé le ministre de la Défense sur les publications et les annonces publicitaires diffusées par le très officiel SIRPA (Service d'information et de relations publiques des armées), qui régulièrement accorde une large part à des ouvrages développant des thèses racistes. Enfin la polémique ouverte par la signature du «Protocole Armée-Education nationale », qui pour la hiérarchie militaire confirme l'incapacité du système édu- , • catif à enseigner le civisme, a fâcheusement alimenté une campagne dans la presse, Minute et Le Figaro réclamant une censure sur les manuels scolaires d'histoire. Et la République? L'amiral Sanguinetti écrivait récemment dans un article intitulé «L'extrême droite dans l'armée »: « Il est grand temps de réagir si l'on veut revoir une armée républicaine... Nous vivons une époque où il n'apparaît pas que tout le monde soit décidé à laisser le régime socialiste français courir normalement sa chance ... On ne doit pas prendre un pari même minime sur l'avenir et l'espérance d'un peuple ». Catherine HELBERT (1) Le droit de vivre. Septembre 79. lE MBIS La mort d'un poète reggae Lapidé à mort à Kingston, par trois hommes de main du Jamaican Labour Party de Eduard Seaga, Premier ministre de la Jamaïque (23 août), Michael Smith est enterré dans son quartier de Golden Spring en présence de ses parents et de quelques amis. (27 août). Une soirée commémorative à lieu à Londres, avec la participation des poètes Linton Kwesi Johnson, Oku Onuora et de musiciens jamaïcains. (29 septembre) Boeing 3 h 20 au nord du Japon (20 h 20 à Paris) : le pilote d'un Mig 23 soviétique dialogue avec sa base au-dessus de l'île de Sakhaline. La conversation est la suivante : « VISEZ LA CIBLE» - « CIBLE VISEE» - « TIREZ» - « FEU ». Quelques minutes plus tard, le Boeing 747 de la Korean Airlines (K.A.L.) assurant la liaison New York-Séoul via Anchorage avec 269 personnes à bord, disparaît des écrans-radar japonais . « L'objectif est détruit» communique alors le pilote à sa base. (31 août). Allemagne, année blafarde Accusé par le gouvernement d'Ankara de recel de malfaiteurs et de suppression de preuves dans l'affaire de l'assassinat de Gum Sarak, vice-président du Parti d'action nationaliste (extrêmedroite), Cemel Altun, un jeune Turc de 23 ans se jette de la fenêtre du sixième étage du tribunal administratif de Berlin-Ouest, suscitant une très vive émotion. Le ministère de l'Intérieur entendait faire droit à la demande d'extradition du gouvernement militaire turc concernant Altun . (30 août). Le mur 1 Une centaine de militants du Parti des travailleurs kurdes (P .K.K.), incarcérés à la prison militaire de Diyarbakir (Kurdistan turc), entament une grève de la faim iIlimitée pour protester contre les conditions inhumaines de leur détention. Les autorités pénitentiaires réagissent immédiatement, les visites sont interdites, et le même jour les tortures commencent. (2 septembre) La chasse aux clandestins Les principales mesures concernant l'immigration clandestines, annoncées par le gouvernement sont regroupées sous le titre « Contrôle des flux» : - renforcer et multiplier les contrôles, en vue de détecter les étrangers en situation irrégulière. - accélérer la saisine et les pro- 8 cédures des parquets lorsque des infractions sont constatées. - améliorer les conditions de reconduite à la frontière, dans le respect de la dignité de chacun ; les locaux prévus à cet effet seront améliorés. - dans le cadre de trois accords, signés ce jour avec l'Algérie et la Tunisie et d'ores et déjà paraphés avec le Maroc, les ressortissants du Maghreb devront désormais, pour des séjours en France de trois mois maximum, être titulaires d'une carte de débarquement à deux volets, diptyque mentionnant notamment le motif du voyage. (1er septembre). A propos de l'ensemble des mesures prises par le gouvernement en matière d'immigration, le Bureau National du M.R.A.P. souligne dans un communiqué : « L'affirmation que les immigrés {ont partie de la réalité nationale, la volonté d'améliorer plus rapidement leurs conditions de vie, en prenant en compte les caractères spécifiques de leurs problèmes, la recherche de la concertation avec les intéressés et du dialogue intercommunautaire vont dans le sens des analyses et des propositions du mouvement. Le M.R.A .P. déplore cependant que ces dispositions interviennent dans un climat gravement dégradé, du fait de la montée du racisme, insuffisamment combattue, ce qui permet de regrettables ambiguïtés dans leur présentation à l'opinion publique. Le M.R.A.P. estime que les contrôles doivent s'exercer avant tout sur les trafiquants et les employeurs qui trompent et exploitent les migrants clandestins; il importe de démanteler leurs filières et de sanctionner sans faiblesse leurs activités illégales qui constituent une pression permanente sur les salaires et les droits sociaux de l'ensemble des travailleurs. (3 septembre) Asile politique , Dennis Brutus vient d'obtenir l'asile politique aux Etats-Unis à la suite d'une longue bataiIle juridique. Cet homme de cinquantehuit ans, né en Rhodésie, mais élevé en Afrique du Sud, est le fondateur du S.A.N.R.O.C. (South african non-racial olympic committee), l'organisation qui a été la tête du combat pour l'exclusion de l'Afrique du Sud des grandes compétitions sportives internationales en raison de sa politique raciale. Emprisonné et torturé en Afrique du Sud, Dennis Brutus a vécu en exil à Londres avant d'aller enseigner l'anglais dans une université de l'Illinois aux Etats-Unis. Il est aussi poète. (3 septembre). cc 7746 " C'est le nombre des personnes exécutées par l'ayatollah Khomeiny depuis la destitution de Bani-Sadr le 20 juin 1981, selon une liste publiée par les moudjahidin du peuple iranien. Il s'agit d'une liste nominative établie par ordinateur avec les prénoms, âge, profession date et circonstances de la mort. Cette liste est adressée à Amnesty et à la Croix-Rouge. Elle n'est pas exhaustive. On estime à 30.000 le nombre d'Iraniens exécutés depuis l'arrivée au pouvoir de l'ayatollah. (11 septembre) La France coupée en Dreux Après la victoire de l'opposition, au second tour des élections municipales de Dreux (11 septembre), le M.R.A.P. appelle tous les républicains dans un communiqué «à s'opposer avec vigilance à toute manifestation de racisme, à exprimer leur soutien à la population immigrée, à développer une information objective sur l'immigration, à contribuer aux transformations des structures et des situations génératrices d'incompréhensions et de heurts entre communautés ». tI'l C ...l " -. - . ...... -.. .. . ' . .~ ... '" -",-.. .. -: ' - .. .. . ." .... -- 8z ~L-__________________________ ~ _____________________________________ ~ Et les Tchadiens? Un conflit qui s'enlise, un pays qui risque de se retrouver à la remorque des puissances étrangères. (lci, près du lac Tchad). Le M.R.A.P. souligne que « la France aujourd'hui comme hier ne peut que s'enrichir des échanges et de l'amitié entre les diverses communautés ethniques et culturelles qui forment notre société. Pour le présent et l'avenir, nous devons apprendre à ! mieux vivre ensemble, différents et solidaires ». (12 septembre) Opération cc Salubrité " 22 heures rue Saint-Denis, la police sort de l'ombre et boucle le quartier, la circulation est détournée. La masse se referme, « Hé, vos papiers », des groupes d'immigrés sont parqués ici et là. Cinq cents vérifications d'identité « au faciès », goût amer des années de braise. Soixante-seize personnes sont embarquées au commissariat. Bilan de l'opération «Salubrité» : six clandestins arrêtés. (13 septembre). Différences - N ° 27 - Octobre 1983 . Anouveau la guerre Walid Joumblatt, chef du parti socialiste progressiste (P .S.P.) et de la communauté druze, prend l'offensive dans le Chouf. Les Forces libanaises (FL-milices chrétiennes) résistent mal. (8 septembre) RavitaiIlement difficile, situation sanitaire précaire dans la bourgade chrétienne de Deir El Kamar, après l'avancée massive des forces militaires druzes depuis quelques jours. La vie continue cependant pour près de cent mille réfugiés chrétiens, prisonniers de la ville assiégée, dans la misère et la peur d'un massacre. (12 septembre). Le M.R.A.P. fait savoir dans un communiqué : «Il y a un an, dans le Liban, aujourd'hui encore déchiré, un drame se déroulait aux camps de Sabra et Chatila endeuillant la commu- 9 nauté palestinienne. Des milices dites «chrétiennes» avec la complaisance d'éléments de l'armée israélienne massacraient plusieurs centaines de Palestiniens sans armes, hommes, femmes et enfants. Pour le M.R.A.P., la paix au Proche-Orient passe par une reconnaissance mutuelle du droit à l'existence de chacun des peuples concernés (Israéliens, Palestiniens et Libanais), du droit à vivre indépendants à l'intérieur de frontières reconnues et acceptées pour tous. Le M.R.A .P. souhaite qu'un dialogue s'instaure entre les différentes communautés en vue d'une négociation pour aboutir à une solution juste et durable. (13 septembre). Désobéissance civile Un mois jour pour jour après le début de la campagne de désobéissance civile lancée au Pakistan le 14 août par le Mouvement pour la restauration de la démocratie contre le régime militaire du général Zia-UI-Haq, une quinzaine de personnes sont tuées par balles à Khairpur Nathan Shah, dans la province du sud au cours de l'attaque d'un poste militaire. (14 septembre) Le premier Noir de l'espace Après la première femme, Sally Ride, du dernier vol de Challenger, la navette spatiale s'offre un deuxième symbole, ou du moins s'en donne l'air en la personne de Guion Bluford dit « Bunny ». Selon de « Washington Post », il n'a pas du tout le sentiment de faire tomber une barrière raciale en participant à ce vol. Il est mis sur orbite avec quatre Blancs. (30 août) Dans la série des grandes premières, Miss America est noire. (15 septembre). Vendanges A la vôtre! . h' Sidi Siilem 1 A ge"r le 1959•· Le domazne Ort 0 a Une tournée des crus de l'Algérie Rien n'a la vie aussi dure, et n'est aussi faux que les idées reçues. Combien de Français, de bonne foi, et, les pieds-noirs en premier, ne s'imaginent-ils pas que l'histoire de la vigne, en Algérie, débute, en 1830, avec la conquête! Que le maréchal Bugeaud et le colonialiste Borgeaud ont « inventé» la culture de la vigne en Algérie ! Que Borgeaud et quelques autres y aient amassé des fortunes, d'accord. Créateurs ? Inventeurs? Allons donc! Même en dehors de leurs orgies, les Romains - ceux d'avant la décadence - faisaient grand cas des vins d'Algérie. Les Romains « désertant », arriva l'invasion musulmane. Et, bien sûr, l'interdiction du vin sous toutes ses formes. Mais, demeurèrent les vignes. Les raisins, de table ou secs, continuèrent d'être appréciés dans les desserts, le raisin Muscat connut alors une grande ferveur. Hélas, les «vignes à vin» n'avaient plus aucune raison d'être et n'allaient point tarder à disparaître. Franchissons, allègrement, quelques siècles: 1830. Un coup d'éventail, et le général de Bourmont, l'amiral Duperré, débarquent à SidiFerruch. C'est la première guerre d'Algérie. Mais longtemps durant il sera planté davantage de croix de bois que de vignes ! En fait, l'implantation nouvelle de la vigne en Algérie est l'oeuvre du Phylloxera Vast atrix qui, en 1865, dévastait les vignes françaises. Ce mal, venu des Etats-Unis, ruina beaucoup de propriétaires de chez nous. Alors, ils s'expatrièrent, s'en furent en Algérie où l'armée leur faisait cadeau des terres, les indemnités d'expropriations étant réglées à coups de bayonnettes ! Les Français n'étaient point partis les mains vides. Dans leurs bagages ils amenaient, sauvés du désastre, quelques plants français . Enfin, de France, du Chasselas, des Cabernet, des Aramon, des Pinot, des Gamay ... Hélas, ils apportèrent également ce diable de Phylloxera. Et le vignoble algérien, qui n'en demandait pas tant, fut à son tour dévasté. On se remis donc au travail. Colons français, ouvriers algériens replantèrent, greffèrent, choisissant les plants les plus résistants. Grenache, Morastel, Carignan étaient alors les plus 10 demandés. C'est pourquoi l'Algérie devint un pays de vins rouges, encore que producteur de quelques rosés de qualité et de vins blancs. Evidemment, lorsque l'on parle de vins d'Algérie le premier nom qui vient à l'idée est celui de Mascara. Ah ! celuilà, je lui en dois quelques « têtes lourdes» pour l'avoir pris un peu à la légère, là-bas, sur place, droit au sud de Mostaganem. La région de Mascara produit, on ne le sait pas assez, des vins blancs, des vins rosés, aux côtés, bien entendu, de ces vins rouges si connus. Des rouges et des rosés qui, jamais, ne titrent moins de 13° ! Rouge Mascara Menteur sera celui qui prétendra n'en avoir jamais bu. Enfin, même indirectement. Parce que les négociants en vin de Bourgogne le connaissaient bien, à une certaine époque, ce rouge de Mascara. Ce tirailleur que l'on appelait en renfort lorsque le vin de Bourgogne risquait d'être un peu pâle ... Mais il est aussi, dans le Constantinois et dans l' Algérois des «côteaux» qui savent flatter le palais ; avec un couscous, un poisson, ils sont des invités que l'on n'oublie pas. Les côteaux de Tlemcen, du Haut-Dahra, les côtes du Zaccar, les monts de Tassalah, les vins de Médéa sont toujours bien venus. On peut également rencontrer des vins légers. Enfin! légers ... oui, pour le pays. Disons que les vins rouges et blancs d'Aïn-Bessem-Bouira « descendent» jusqu'à Il °5. Et maintenant ? Vins de choix appréciés par les Romains, raisins de dessert ensuite, vins « de cavalerie » du temps de la colonisation

les viticulteurs algériens

d'aujourd'hui ont le choix. Et pourquoi n'opteraient-ils pas à la manière de leurs voisins tunisiens pour une gamme de vins accessibles, certes, mais de qualité. Ils en ont les moyens. Sur les côteaux de Tlemcen, et d'ailleurs. 0 François SA VOY capitale de la douleur Tout a été dit sur Dreux. Place à l'image et à la réaction à chaud d'un jeune issu de l'immigration. reux, une ville comme les au- D tres ... Pourtant beaucoup de gens qui vivent là-bas se sentent menaçés, depuis la campagne politique de l'extrême-droite, qui visait les immigrés. C'était ça le message

« Si vous nous

donnez la majorité, nous vous garantissons le nettoyage tant attendu ». Que vont-ils devenir? J'ai été frappé par ce que m'a dit Robert, qui est à la police de Paris depuis dix ans : «On est bien obligés de tous les mettre dans le même sac, pour la bonne et simple raison que, dans la police, on ne fait pas de politique. On ne fait que suivre le courant établi ». Quand on entend ça, on voit ce qui pèse sur les immigrés de Dreux, puisqu'on va confier la police municipale à M. Stirbois. Bernard, étudiant : « Je trouve tout ça immoral. Les électeurs ont choisi un parti d'extrêmedroite pour exprimer leur racisme. Tous des pauvres cons. » Pour moi, cette campagne a fait des immigrés des boucs émissaires. Le pire, c'est qu'ils vont le rester pendant tout le mandat. Dreux, c'est un Ku-KluxKlan à la Française. o Rachid Benallal Jean-Pierre Stirbois, le soir de son élection. Pas vraiment à l'unanimité: la manifestation de soutien à Marcel Piquet avait réuni beaucoup de personnalités, dont Georgina Du/oix, Charles Palant, vice-président du MRAP, etc. Le soir du Il septembre, les protestations n'ont pas manqué. Différences - N° 27 - Octobre 1983 11 ---Masques--- (Nouveau) droit de réponse Le Club de l'Horloge et les C.A.R. nous accusaient de mensonge. Voici les preuves. es droits de réponse de LM. Yvan Blot se suivent et se ressemblent tous: M. Blot ne s'est jamais caché sous aucun pseudonyme, ne pratique pas l'entrisme et se veut (nouveau) «Républicain »; le Club de l'Horloge n'a rien à voir avec la «Nouvelle Droite» et son idéologie extrémiste et raciste ! Ce sont chaque fois de contrevérités délibérées. M. Yvan Blot s'est toujours dissimulé sous le pseudonyme de Michel . Norey au comité de rédaction de la revue «Nouvelle Ecole» et aux différents postes de responsabilité qu'il a successivement occupé au sein de GRECE: rédacteur du bulletin intérieur confidentiel

responsable du secrétariat

de l'union régionale Paris-Ile-de-France ; chargé de la coordination générale en relation avec le Burèau de Recherche; responsable du groupe GRECE Sciences-Pol, puis du cercle Pareto, responsable de la formation et de la doctrine du GRECE pour les questions politiques, économiques et sociales. M. Yvan Blot n'a d'ailleurs pas seulement utilisé son pseudonyme au sein de ce groupement pour signer ses articles dans «Nouvelle Ecole ». C'est sous le pseudonyme de Michel Norey queM. Yvan Blot a participé au colloque sur « la Région et l'Université» organisé par le Comité de Liaison Université à Nice, les 29 et 30 novembre 1972. Une photo de M. Blot à ce colloque a d'ailleurs été publiée par «Droit et Liberté» dans son numéro 399 de mars 1981 comme démenti cinglant des mensonges du Président du Club de l'Horloge. En fait d'extrémisme et de racisme, c'est sous le pseudonyme de Michel Norey que M. Yvan Blot déclarait le 2 mai 1974, à l'assemblée générale du GRECE : « Ethnie et dressage sont les deux fondements de l'humanité supérieure, c'est-à-dire de la forme de vie la plus élevée connue ( ... ) L'égalitarisme social ne peut donc, d'un point de vue scientifique, qu'être une régression. Plus une société est évoluée, plus elle est hiérarchisée. De même l'évolution de l'espèce humaine est liée à la différenciation raciale» (Etudes et Recherches n° 1, bilan des travaux du secrétariat Etudes et Recherches). C'est sous le même pseudonyme que M. Blot concluait ainsi son exposé «Nietzsche et l'histoire » lors du séminaire régional organisé par le GRECE à Paris le 16 août 1972 : « Il faut des esclaves Droit et Liberté, mars 81. Un article apporte la preuve, photos à l'appui, que M. Blot utilise le pseudonyme de Michel Norey. pour que resurgisse une nouvelle aristocratie ( ... ), il faudra préparer de grandes entreprises, de grandes expériences collectives de discipline et de sélection si l'on veut mettre fin à cette effroyable domination de l'absurde et du hasard qui a, jusqu'à présent, porté le nom d'Histoire ». Quant à l'entrisme, M. Yvan Blot l'a toujours brillamment pratiqué en dissimulant ses antécédents et ses attaches, et en oubliant qu'il a voté le Rapport d'Orientation adopté par le GRECE, lors de son troisième séminaire national, déclarant notamment: « Nous invitons nos membres à se mêler, à aller au Monde, comme dirait l'Eglise, à s'engager n'importe où pourvu que les possibilités y soient grandes; colloques, rédaction de journaux ou revues, débats, organismes à vocation scientifique ou tout simplement culturelle ( .. . ), (Bulletin intérieur confidentiel du GRECE). Les racines du futur Enfin pour le Club de l'Horloge, il suffit de lire ses deux premiers livres-manifestes «Les racines du futur» et «La politique du vivant» pour constater sa fonction de divulgation de l'idéologie de la nouvelle-droite en direction des milieux politiques et de la haute administration. M. Blot n'a jamais protesté lorsque « Eléments », publication mensuelle du GRECE, a 1 , 1 Horloge faisant la synthèse al/es '", de c nouveaux projets ., ,.; nouncuhurelle _, dune .. RévolutJon conserV8- 'lIen entendu avant .. / eté de la Nouvelle laralt .. n'être pas étranger ... à ce Qu '.1 dl- 7mges .. , et ne craignait pasde se ranger E CE, _parmi ces groupes QUI cont,,~ nOlst était alors avantageusement préants artisans de ce renouvellement des 979, alors Que la NouveUe DrOltedéchaÎent les paSSions, que le Club de 1 Horloge 'empressam de déposer les statuts d'une .. eaux RépublicainS " Dans une li vraison 12 ou était présemé l'ouvrage coll ectif ~nt ?o(Plon, 1979), etou ,'on saluait au ',1 avait _ouvert la vOIe - dans son livre dlgé avec l'aide du Club de l 'Horloge), o qUi représemalt les animateurs du réoccupations, le Club de l'Horloge se 'Iectuelle que le GRE CE " Un éml· louvelle Droite ". loUiS Pauwels. pou a commence parmJ les Intellectuels I]rs forums cercles de trava". ené C E ou les jeunes énarques et ISla5tra, p 33) On ne sache pas Jre démenti face à de telles afflr - relevé, dans son numéro 30 de juin 1979 que « par ses préoccupations, le club de l'Horloge se situe dans la même mouvance intellectuelle que le GREeE ». M. Blot ne s'est pas davantage offusqué de l'association de son Club avec la nouvelle-droite par Louis Pauwels dans le livre collectif (, Renaissance de l'Occident » ou dans un article publicitaire paru dans « L'Economie» de juin 1979 dont l'auteur n'est autre que ... le Club de l'Horloge lui-même. Enfin venons-en aux Comités d'Action Républicaine que M. Brunot Megret, président des CAR, présente comme étant indépendant de toutes organisations et au service d'aucune chapelle politique, mais simplement «Républicains ». « Républicains» comme l'entend la nouvelle-droite et particulièrement le Club de l'Horloge dont M. Megret était en 1981 membre du Conseil d'Administration. Son attachement à la République, le président des CAR a eu l'occasion de l'affirmer dans son exposé sur « Le droit et la République» donné en remplacement de M. Yvan Blot, momentanément empêché, au colloque du Club de l'Horloge le 1er décembre 1973. Il l'a aussi clairement exprimé dans le numéro spécial de la lettre d'information du Club de l'Horloge (n° 3) qui proclamait la fin du socialisme et traçait une voie nouvelle qui n'a rien de républicaine. 0 Bernard DELJARRIE Différences - N° 27 - Octobre 1983 13 ___ Coproduction __ - Certains réclament le départ des immigrés. Différences et Mosaïque vont au bout de cette idée absurde. Nous publions un texte de politique-fiction, Mosaïque rassemble un plateau de personnalités, le 9 octobre à 10 h 30 (FA3). Des files d'attente intermi nables sur les quais de Marseille. Roissy, Orly submergés par ces familles qui attendent les avions affrêtés spécialement. Destination Tunis, Rabat, Alger, Ankara, Lisbonne ... Des camps de transit où attendent les candidats au départ. Ca fait trois mois que la télévision nous abreuve de ces images. Commentaires attristés des journalistes: « c'est terrible mais c'est mieux comme ça ». Après une campagne sans précédent dans le pays, lancée avant les municipales de 1983, le nouveau gouvernement a décidé de renvoyer les étrangers à leur pays. Beaucoup ont pensé que c'était nécessaire, qu'en temps de crise, la France ne pouvait se payer le luxe de 4,5 millions de bouches étrangères. Aux premiers temps de l'expulsion, on a cru que les deux millions d'emploi libérés allaient définitivement régler le problème du chômage. Ca avait été le sens de la campagne. Un premier sondage publié dans «Le Parisien Libéré» en septembre 1983 avait montré qu'en tous cas 51 070 des Français le pensaient, et depuis les pourcentages n'avaient fait que croître en ce sens. De fait, seuls 150000 emplois libérés ont été pris par les Français (1). Depuis, la situation s'aggrave de jour en jour. La production automobile est paralysée, il manque près de la moitié de la main-d'oeuvre . Renault-Billancourt vient de fermer, après Aulnay et Poissy, précipitant dans la faillite les milliers d'entreprises qui vivent de la soustraitance automobile (2). Des milliers d'entreprises de travaux publics ont dû fermer leurs portes : plus de travailleurs et une baisse considérable du marché du logement social, naguère financé pour une part par les cotisations des travailleurs étrangers (3). L'éternel problème de la sidérurgie est en train de se régler par le vide : plus de la moitié des hautsfourneaux français sont éteints, des régions entières comme la Lorraine sont sinistrées (4). La SNCF, Air France vivent des crises extrêmement graves. Après les derniers départs, la compagnie aérienne prévoit une baisse de 5 0J0 du nombre de ses voyageurs, alors que son fragile équilibre ne peut supporter une baisse supérieure à 3 0J0. L'Etat a dû dégager des aides supplémentaires. Il n'empêche qu'on abandonne la construction en cours du TGV Atlantique, et que Concorde est mis à la ferraille (5). L a réduction drastique des activités industrielles a mis au chômage une grande partie de la population française qui y était employée. On n'en mesure pas encore tous les effets, mais tous les jours se multiplient les faillites de petites et moyennes entreprises qui employaient naguère de la main-d'oeuvre immigrée qu'ils ne trouvent pas à remplacer, ou qui subissent la réduction brutale de la demande (6). D'autant plus que la baisse des exportations a considérablement déséquilibré notre commerce extérieur. La montée du chômage, les désiquilibres financiers, les aides massives de l'Etat pour maintenir les entreprises laissent prévoir une hausse de la ponction fiscale. L'annonce faite récemment par l'Algérie de la cessation de toutes les relations commerciales avec la France va priver le pays d'un partenaire privilégié, puisque la balance des échanges avec lui nous était largement favorable (7) ; on craint la même réaction de la part des autres pays du Maghreb et des pays arabes exportateurs de pétrole, ce qui serait une catastrophe. Paris privé de ses immigrés a pris paradoxalement l'aspect d'une capitale du Tiers-Monde. On s'aperçoit maintenant de l'importance des étrangers dans la vie des étrangers dans la vie des quartiers. Impossible de trouver un litre de lait après la 14 fermeture des hypermarchés : tous les petits commerces tenus par des immigrés sont fermés. Impossible de manger un couscous ou une pizza. Les dernières boîtes de salade chinoise se vendent déjà au marché noir. On prévoit qu'un certain nombre de produits considérés comme typiquement français viennent à manquer. C'est que l'importance antérieure de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière dans les récoltes de pommes de terre ou les vendanges laissent présager une disette pour l'hiver: le steack-frites accompagné d'un ballon de rouge va devenir un plat de luxe. La charcuterie industrielle a d'ores et déjà disparu des sandwiches dans les bistrots (8). La plupart des grands restaurants parisiens ont fermé leurs portes, Maxim's le premier

les mitrons, voire le chef, étaient

arabes. Les rues de la ville sont engorgées de tas de détritus qui atteignent parfois le premier étage des immeubles (9). L'armée réquisitionnée dans un premier temps s'est ensuite récusée, ne pouvant accomplir le ramassage des poubelles de façon durable. Les couloirs du métro sont quasiment impraticables tant s'y entassent les ordures. Tous les lieux publics qui faisaient naguère appel à des entreprises de nettoyage privées employant essentiellement des immigrés ont dû fermer leurs portes: derrière les glaces fumées de Beaubourg, on distingue de grands espaces vides, souillés de papiers gras. La dernière exposition du rez-dechaussée n'a pas été démontée. Les pompiers ont été plusieurs fois alertés par émanations de gaz en provenance des égoûts, la surveillance n'est plus assurée. Certains quartiers parisiens se sont désertifiés: Barbès, la Goutte-d'Or, villes mortes. Le XVIo arrondissement, qui comptait le plus grand pourcentage d'étrangers ressemble à un décor abandonné. ' Plus de concierges, plus d'employés de maison. Loin de diminuer la délinquance s'accroît. Si l'on en croit le ministère, la prochaine rentrée scolaire va poser d'énormes problèmes. Le départ du million d'élèves étrangers, sur les 12,5 scolarisés a d'abord été applaudi par beaucoup qui en espéraient « un relèvement du niveau des classes ». Or ce départ va surtout provoquer la fermeture de nombreuses classes, et des regroupements d'établissements. Une étude du ministère constate qu'il faudrait théoriquement s'attendre à la suppression de 40.000 classes et au licenciement de 50.000 membres du personnel enseignant. La disparité de l'implantation des populations étrangères fera que nombre d'établissements disparaîtront, par exemple dans les quatre arrondissements de Paris qui rassemblaient le plus d'enfants étrangers (10). De nombreux enfants parisiens ou banlieusards seront scolarisés très loin de leur domicile. Enfin, une déclaration récente des syndicats de l'enseignement supérieur s'inquiète de la disparition de nombreux enseignements assurés par des professeurs étrangers associés. Depuis quelque temps, les stades sont vides. La baisse de fréquentation est telle, après le départ des supporters étrangers qui venaient voir leurs compatriotes jouer au football, que les clubs ne font plus recette. Il faut dire que l'intérêt des matches a bien baissé : toutes les équipes de première division, privées de leurs vedettes étrangères, sont désorganisées (11). Le peu de qualité des prestations en championnat ne permet plus aux équipes de s'entraîner valablement, de sorte que Henri Michel, qui a succédé à Michel Hidalgo à la direction de l'équipe de France, n'est pas à même d'aligner une formation compétitive. Le ministre de la Santé a lancé un cri d'alarme: la disparition d'un dizième de la population a complètement perturbé l'assistance publique, en particulier le secteur hospitalier et les maternités. La sécurité sociale, en perdant les cotisations d'une catégorie qui versait plus qu'elle ne coûtait, accusera un déficit supplémentaire, qu'il faudra financer en augmentant le désormais traditionnel prélèvement exceptionnel sur les revenus des Français (12). A plus long terme, c'est l'avenir même du pays qui est en jeu, dans la mesure où l'on s'attend à une chute vertigineuse des naissances (13). Le sursaut national enregistré à l'annonce des mesures d'expulsion s'est un peu calmé. Si l'on déplore les difficultés de la Haute-Couture où manquent les petites-mains étrangères, si l'on a versé quelques larmes sur le départ de Paco Rabanne, Anna Prucnal, et beaucoup d'autres, on s'habitue à la disparition de tout ce que le monde littéraire et artistique comptait d'étrangers. La crise aidant, le nationalisme et la xénophobie se sont transformés en repli sur soi, sur la pensée bien de chez nous et les valeurs qui ont fait la France. Seule Barbara a modifié, dans un spectacle à Bobino, les paroles d'une de ses chansons: «Dis, quand reviendrontils ? ». Aux dernières nouvelles, elle serait interdite d'antenne. 0 Jean-Michel OLLE Différences - N° 27 - Octobre 1983 Beaubourg: les musiciens sont partis, la place est vide. « Dis, quand reviendront-ils ? » chante Barbara. SOURCES (1) Rapport d'Anicet Le Pors (La documentation française, 1977) et rapport de la commission de l'Assemblée nationale consacrée à l'emploi (président: P. Seguin, Journal Officiel du 22 juin 1979) : le départ de 150 000 travailleurs étrangers ne permettrait qu'à 13 000 chômeurs français de retrouver du travail. Le chiffre ici cité se base sur une population active étrangère d'environ deux millions de personnes et néglige les effets de masse créés par l'abandon d'autant de postes de travail. (2), (3), (4) 25 % de travailleurs étrangers dans la construction automobile, 44 % dans le bâtiment, 16 % dans la sidérurgie (Données sociales, INSEE 1981). (5) Annuaire statistique des transports, Ministère des Transports. (6) Pas de statistiques globales pour l'emploi étranger dans les PME, mais du textile au bâtiment cela peut aller jusqu'à 80 %. (7) Statistiques du commerce extérieur de la France, Ministère du Commerce extérieur. (8) Enquête sur l'emploi, INSEE mars 1981. (9) Mairie de Paris, Direction de la Propreté. (10) 10229367 élèves à la rentrée 1980, dont 912008 élèves étrangers. Direction des écoles - CNDP. (11) 5 joueurs étrangers dans l'équipe première de Paris-Saint-Germain. (12) A. Cordeiro estimait en 1978 à 1,5 milliards de Francs le bénéfice acquis à la sécurité sociale grâce aux étrangers, à partir, entre autres, de la non-reversion des allocations familiales aux familles restées au pays d'origine. (13) Bilan démographique 1981 INSEE. Voir la brochure du M.R.A.P. :« Les immigrés en France. Ce que vous devez savoir». 15 RENCONTll


Coexistence pacifique -------

BABEL-SUR-LOING Quarante nationalités pour La Chalette, près de Montargis. Comment vivre ensemble. v ésines. Le quartier ouvrier de Chalette-sur- Loing, petite ville industrielle du Loiret. Le Café Turc affiche complet et le salon de thé Istambul n'affiche rien. Rien ne transpire de la devanture coquette, tout en rideaux de dentelle et bois peint. Rien ne transpire? On murmure que l'usine va bientôt fermer ses portes. Au coin de la rue, l'ancien cinéma vient d'être transformé en mosquée. Des hommes vont et viennent avec échelles, pots de peinture ... A Chalette, quarante nationalités se sont succédées en trois générations ... Une petite Babel industrielle accollée à la bourgeoise et catholique Montargis. La ville - 15 000 habitants - compte 28 % d'immigrés: 1.800 Portugais, 1.350 Turcs, 372 Tunisiens, 308 Marocains, 246 Algériens, 231 Espagnols, 60 Italiens, 59 Yougoslaves ... puis, perdus dans la foule, quelques Haïtiens, Sénégalais, Béninois, Indiens, Russes ... Babel-sur-Loing accueille les étrangers depuis la nuit des temps industriels. « Cela a commencé en 1900 avec les Kalmouks, ce peuple de Mongols persécuté par le Tsar. Un diplomate de l'ambassade de France à Moscou fit d'une pierre deux coups. Un de ses parents industriel à Chalette avait besoin de main-d'oeuvre à bas prix... il Y expédia les Kalmouks menacés de génocide» raconte M. Jean Louis, maire communiste de Chalette. En 1919, arrivèrent les Russes blancs et les Koulaks ukrainiens chassés par la Révolution d'octobre. Puis ce furent les Républicains espagnols de 1936, les Portugais fuyant les guerres coloniales des '" années 1960, les Maghrébins et ainsi de 8 suite jusqu'aux Turcs des années 70. :;; '----"""'--~--& « Je me souviens» dit en souriant M. de Châtillon, médecin « en 1950, les gens La Chalette: 15 000 habitants dont 28 % d'immigrés. 16 de Montargis appelaient V ésines "V ésinoff" ». C'étaient les temps des reconstructions et de la croissance. Quand l'usine drainait sa main-d'oeouvre au gré des conjonctures politiques dans le monde. C'était le temps où Saint Gobain s'installait où les entreprises de maçonnerie italiennes et les ateliers de mécanique espagnols prospéraient. E t comment vivait tout ce monde ? «Les vieilles cités ouvrières n'étaient pas belles à voir .•. II Y avait le « Camp des Anglais» où vivaient, entassés près du canal, les ouvriers espagnols et russes, « le Vieux rang», baraques de bois attenantes à l'usine, et aujourd'hui détruites» raconte M. de Châtillon. Un programme de rénovation des ilôts insalubres a progressivement fait disparaître le « Vieux rang » et autres camps. A présent, Chalette est couverte de H.L.M. répondant aux jolis noms de Primerose, Primevère, Courbet... Les Russes, anciens immigrés, ont construit de belles maisons ... Leurs enfants sont devenus fonctionnaires : directeurs d'école et... du personnel... Intégrés, voire assimilés jetant parfois un regard condescendant sur les nouveaux venus. Pour les Turcs arrivés de fraîche date, l'intégration se fait plus difficilement... Venue de régions pauvres et rurales, cette communauté conserve des habitures de vie où l'honneur et la solidarité sont des vertus cardinales. Honneur : une femme ne sort jamais seule. Solidarité

la communauté entière se cotise

pour payer le retour d'un corps au pays ... (plus de 10.000 F). Il y a bien des bagarres de temps à autre entre partisans du pouvoir militaire et les réfugiés politiques, mais ... E t de quel oeil les Français voient -ils leurs voisins bigarrés? Pas toujours bon. Les Turcs, jardiniers dans l'âme font descendre leurs cultures jusqu'à la rivière et on ne peut plus pêcher tranquille. L'abattage des moutons dans la cage d'escalier n'est pas non plus toujours très apprécié. Pour pallier ce genre de difficulté, M. Louis a obtenu des abattoirs de Montargis que les fidèles musulmans viennent une fois par semaine abattre leurs bêtes dans de bonnes conditions sanitaires. De fait, les frictions entre Français et immigrés sont fort rares. Seul véritable point noir, l'école. Le pourcentage d'enfants étrangers dans les établissements scolaires de V ésines atteint 85 0/0. On trouve parfois dix nationalités différentes dans la même Différences - N° 27 - Octobre 1983 classe. Nombreux sont les parents français qui, craignant une baisse du niveau scolaire, inscrivent leurs enfants à Montargis. « A la rigueur, je peux comprendre cette réaction» admet M. Louis. « Au-delà de 30 % d'enfants étrangers, il est bien difficile d'assurer une homogénéité de niveau, à 50 % on s'en sort encore, mais au-delà ..• ». Et puis, il y a les réflexions ... « Vous comprenez docteur, cela m'ennuie d'attendre dans votre salon .•• tous ces étrangers, il y a de ces odeurs !» raconte, navré M. de Châtillon. Plus préoccupantes sans doute, les accusations portées à la suite d'une grève de travailleurs en majorité turcs et soutenue par la C.G.T. D'aucuns, l'ont bâptisée « la grève des turcs ... ». 1 1 faut dire que le spectre du chômage hante Châlette. L'usine Hutchinson, spécialiste des articles de caoutchouc, comptait 5.000 tôt que d'empêcher à tout prix des licenciements, il faut créer des emplois. La municipalité prépare un plan de redressement en collaboration avec la Commission de l'emploi... L'usine doit vivre, produire pour des secteurs de pointe, tels la recherche pétrolière, l'informatique, les énergies nouvelles. L'atelier de cycles d'Hutchinson devrait connaître un regain d'activité et se consacrer à l'exportation. Lutter sur le front de l'emploi mais aussi sur celui de la « coexistence » pacifique. Un ouvrier est aussi voisin de palier. De tous les paliers? « Nous nous efforçons de disperser la population migrante à travers tout le tissu urbain, cela ne va pas sans mal » explique M. Louis. « II y a un mouvement de regroupement spontané qui tient aux affinités culturelles. Afin d'éviter toute friction, nous ne souhaitons pas que la population migrante excède 15 à 20 % dans un même immeuble ••. ». L'école: le véritable point noir. Comment assurer l'homogénéité d'une classe où se mêlent parfois dix nationalités ? ouvriers en 1950, ils sont aujourd'hui 1.200 et l'on prévoit 400 licenciements pour l'année prochaine. D'autres entreprise sont atteintes ; les Affineries du Loiret, Sotramex, Sovirel. La crise du bâtiment et des travaux publics a durement frappé les petites et moyennes entreprises. Aujourd'hui Châlette compte 850 chômeurs dont 10 % d'immigrés. Fini le temps où Hutchinson puisait sa main-d'oeuvre de par le monde. Aujourd'hui on parle seuil de tolérance, de retour ... De fait, nombreux sont les manoeuvres turcs et maghrébins qui cherchent à se qualifier pour rentrer au pays. Mais les places en stage sont chères, aussi chères que les places tout court. M. Louis, conscient du danger raciste, essaie de prendre le mal à la racine. Plu- 17 Certains pensent au retour. .. Si les femmes éloignées de leurs pays et socialement isolées, présentent des symptômes dépressifs, les jeunes, surtout maghrébins, vivent une profonde crise d'identité. Victimes du racisme anti-arabe et à la fois critiques vis-à-vis de leur propre culture - les jeunes filles, notamment, aspirent à plus de liberté - les Maghrébins de 'la deuxième génération se sentent à Châlette, comme ailleurs, « mal dans leur peau ». Mais Babel-sur-Loing en a vu bien d'autres : petit grain de poussière parmi les 4.500.000 immigrés (ou 3.600.000, peu importe), la petite ville a franchi « le seuil de tolérance » maintes et maintes fois. Mais qui va franchir le seuil de l'usine agonisante? 0 Pauline JACOB .z.: z ~ L-________________________________________________________________________________ -----------------------------------------______________________________________ ~-I 18 Différences - N° 27 - Octobre 1983 19 Le Maroc traditionnel. Dans la médina de Fes un tanneur et une femme voilée. Le tombeau de Moulay Driss, le fondateur de la ville de Fes. affluèrent pendant des siècles des étudiants de tous les pays, désireux d'y apprendre la théologie, le droit coranique, les sciences et la grammaire. C'est la plus ancienne université du monde, et la ville lui est, en grande partie, redevable de son rayonnement culturel. Le souk des dinandiers où des mains habiles cisèlent des plateaux d'argent, le souk de la maroquinerie où les sacs de cuir livrent leur odeur sauvage, le souk des teinturiers où pendent des filets de laine rouge, le souk des menuisiers qui gravent de fins dessins dans le bois de cèdre. Je reçois pêle-mêle les couleurs, les odeurs pestilentielles des cuves de Chouara, le quartier des tanneurs où des hommes pataugent jusqu'à mi-cuisse dans la teinture rougeâtre. Un guide, revêtu d'une djellaba blanche, un médaillon doré sur la poitrine indiquant qu'il appartient au personnel municipal, promène un troupeau de touristes, l'air supérieur et naïf, lunettes de soleil, chapeau, bermuda et appareil photo en bandoulière. Le tourisme constitue une importante source de devises pour l'économie. En 1981, 1.500.000 touristes sont entrés au Maroc, dont 400.000 Français. Ils béent d'admiration devant les frises de plâtre sculptées qui décorent la Médersa Bou Inania. Dans cette matière facilement malléable, les arabesques se renouvellent, utilisant les thèmes floraux, géométriques et épigraphiques. Partie au hasard des venelles qui m'engloutissent les unes après les autres, je suis invitée par un jeune homme à visiter une fabrique de tapis. Après un couloir sombre, j'arrive dans un atelier où la patronne m'explique les méthodes de fabrication. Près des oeuvres en cours de réalisation, de petites filles, âgées à peine d'une 20 dizaine d'années travaillent sur les trames. L'atelier où s'activent les petites ouvrières n'a aucun point commun avec les salles d'exposition où les tapis sont présentés aux touristes émerveillés: entre 4.000 et 8.000 dirhams. Un dixième de la population marocaine est employé à cette industrie. Bab Ftouh ! Des autobus venus des confins du Rif et de la province d'Oujda, n'en finissent pas de déverser des armées de paysans ruinés par la sécheresse, prêts à s'entasser dans les bidonvilles. Il faut trouver du travail coûte que coûte, même sil est mal rémunéré. Les cafés sont bondés. Des hommes... rien que des hommes, les yeux hagards sous le capuchon de la djellaba de grosse laine marron, sirotent entre deux Sebsi un thé à la menthe. Dehors, des brochettes persillées de feuilles de menthe fraÎche grillent sur un feu de charbon de bois. Sur une étagère traîne un portrait d'Hassan II, jeune homme aux cheveux gominés, entre deux bouteilles de coca-cola ... On joue aux cartes, un peu partout, en attendant. .. Un gosse en haillons vend des cigarettes et des chewing-gum à l'unité. Souvent, il insiste pour qu'on lui achète un peu de hasch ... La vie est dure à Bab Ftouh, La Medina se meurt. Les maisons tombent en ruines. La population de Fez-el-Bali atteindrait plus de 350.000 habitants. Taudifiée, surpeuplée, la Medina appelle au secours. Le gouvernement marocain et l'UNESCO ont mis en projet un plan de sauvetage pour rénover la vieille ville. Les vagues d'émigrés ruraux qui l'assaillent provoquent des problèmes de logement. Il est courant de voir patios ou étages partagés par des couvertures de toile pour que plusieurs familles trouvent à se loger. Ces familles, le plus souvent fort déshéritées, sont des paysans chassés de leurs terres par la sécheresse et des difficultés financières. Les campagnes se dépeuplent au profit de la ville qui supporte mal ces nouveaux arrivants. La masse paysanne constitue 60 070 de la population totale. Le Maroc précolonial, essentiellement rural, s'est appuyé sur une féodalité politique et religieuse. Les chefs locaux (caïds, cheiks) choisis par une assemblée rurale (la jmââ) et désignés par le pouvoir central avaient des attributions à la fois très restreintes et très étendues. Ils étaient tous-puissants, surtout au sein de la communal,lté rurale, mais toutefois ne devaient pas chercher à rivaliser avec les dirigeants politiques de la capitale, risquant de contester le pouvoir central. Aussi, limitaiton leurs ambitions en leur concédant quelques privilèges. Le protectorat ne fit que perpétuer ce système. La pénétration coloniale eut pour conséquence l'expropriation des petits propriétaires. Les terres appartenant à la communauté furent soumises au contrôle étatique et de vastes propriétés latifundiaires se constituèrent. Pour protéger ses Différences - N° 27 - Octobre 1983 21 acquisitions, le pouvoir colonial préféra conserver l'ancien réseau de contrôle constitué par les caïds, plutôt que de créer une administration française tentaculaire. Les apparences étaient sauves. Le caïd apparaissant comme le parfait agent d'exécution des décisions du pouvoir français. Lors de l'Indépendance, Mohamed V refusant de se compromettre avec ces anciens notables, comprend toutefois que celui qui réussira à établir une alliance durable avec le monde rural dominera le système politique marocain dans son ensemble. Après avoir éliminé les caïds « collaborateurs », il laisse se rétablir un système d'élites locales qui lui est favorable et qui existe encore aujourd'hui. Casablanca, la ville folle, vit à l'européenne si l'on en croît ses larges avenues et ses immeubles qui abritent les sièges administratifs de nombreuses sociétés marocaines et étrangères. Même si la Medina s'essoufle. Ce port est le deuxième d'Afrique après Durban, la ville vit aujourd'hui au rythme de son activité économique particulièrement dense, puisque la plupart des industries y sont regroupées. Capitale économique du Maroc, abritant 4 millions de personnes, Casablanca est devenue l'une des plus grandes villes du continent africain où se mêlent à la fois le modernisme et l'archaïsme, la richesse et la misère, le laxisme et la révolte. L'autoroute a été creusée à travers un bidonville. Des gosses y traversent anarchiquement au risque de leur vie. A la fin Entre le Moyen-Age et la modernité: un cap difficile à passer. Rabat: de jeunes enfants se prostituent. Fes : l'ancienne capitale. dé la journée scolaire, des groupes d'enfants l'envahissent. On n'y voit jamais l'ombre d'un agent de la circulation. On est loin des villas luxueuses du quartier d'Anfa, des palais rutilants construits en bord de mer pour quelque richissime Saoudien. Après la sécheresse, le deuxième fléau du Maroc est sa démographie galopante. Les jeunes qui 'devraient être la richesse d'un pays en voie de développement, constituent un facteur de pauvreté et de ce fait une sérieuse menace pour le gouvernement. La situation sociale est explosive, particulièrement à Casablanca, comme en témoignent les événements de juin 1981 où les gens des quartiers populaires descendirent dans la rue crier leur indignation et leur faim. Parmi les manifestants, se trouvaient des adolescents et des enfants. Il y eut des morts par balles. Le Rif, c'est le pays du Kif (le haschich) mais c'est aussi le pays du farouche montagnard Abd-EI-Krim qui mena l'insurrection contre la • ~ colonisation espagnole et le royaume chérifien. Dans les années 20, il fonda la République confédérée des Tribus du Rif qui rassemblait les populations montagnardes autour d'un programme de libération politique et militaire. En 1921, sur le plateau d'Anoual, 60.000 soldats espagnols furent écrasés par son armée composée seulement de 2.500 hommes. Il fallut l'appui des Français pour que les Espagnols en viennent à bout. L'affaire rifaine avait soulevé l'opinion publique française. Une grève de protestation avait entraîné le 12 octobre 1925 près d'un million d'ouvriers pour protester contre la guerre du Maroc. C'est pourtant l'époque de la pacification du Maroc, menée tambour battant par Lyautey. Afin de canaliser toute dissidence militaire chez les Berbères, en 1930 fut promulgué le Dahir berbère sorte de Charte. Il fut ressenti comme une tentative pour séparer les Berbères de l'Islam, et l'émotion fut grande. Ce dahir berbère fut, en fait, l'acte de naissance du nationalisme au Maroc. Il crée 22 « en zône berbère» des tribunaux coutumiers, composés et contrôlés par les officiers des Affaires indigènes devenus commissaires du, gouvernement et compétents en matière personnelle, mobilière et immobilière, alors que les tribus dites « arabes » gardent le droit musulman et relèvent du tribunal du caïd. C'était la manière pernicieuse de la France de pratiquer une assimilation éhontée qui aurait pu déboucher sur une christianisation des Berbères. Se désignant par le terme Imazighen « hommes libres », « hommes nobles », ils constituent un groupe ethnique très important. Des trois pays de l'Afrique du Nord, le Maroc est celui où subsiste le plus grand nombre de berbérophones. Ce sont les plus anciens habitants du pays. Leur origine reste incertaine. Judaïsés ou christianisés, ils furent islamisés lorsque le premier chef musulman Oqba Ben Nafi foula le sol marocain. Cependant seule une minorité de Berbères judaïsés se convertirent à la nouvelle religion. Il n'en fut pas de même pour les christianisés qui ne résistèrent pas à la nouvelle foi. Toutefois, le peuple marocain donne l'image d'une osmose araboberbère parfaitement réussie depuis que le premier roi de la dynastie des Idrissides qui était arabe eut un fils avec sa concubine berbère. Des mots berbères ont pénétré la langue arabe. Un troisième élément concourt à la formation de l'ethnie marocaine, les juifs. Communauté forte d'à peu près 50.000 personnes dans les années 60, elle s'est trouvée fortement réduite par l'émigration vers Israël, à environ 15.000 personnes. La moitié de cette communauté est constituée par les descendants de juifs expulsés d'Espagne lors de la reconquête chrétienne, qui se fixèrent à Fez, Tanger, Tétouan, Meknès, Rabat, Safi. L'autre moitié provient de ces Berbères judaïsés qui seraient parmi les plus anciens habitants du Maroc. Bien que la condition des Marocains de confession israélite n'ait pas toujours été brillante selon les époques, ils sont aujourd'hui considérés comme des citoyens marocains à part entière. Chaque Marocain porte en lui au moins deux cultures. Un tel est Arabe et Berbère, celui-ci est Berbère et Juif, celui-là est Arabe et Juif. Toutefois, la langue arabe est la seule reconnue comme langue nationale. Hassan Il, le Commandeur des Croyants règne sur vingt millions de sujets Lorsque Mohamed V mourut (1961), son fils âgé de 32 ans lui succèda sous le nom d'Hassan II. Il règne depuis, sans partage, sur ses vingt millions de sujets tout en ayant « réussi» à établir une monarchie parlementaire. C'est un chef doté d'un pouvoir spirituel et temporel. Cette unité est consacrée par la Constitution qui décrit le Roi comme le Commandeur des Croyants (A mir el Mouminine). La Constitution promulguée en 1972 déclare que le Royaume du Maroc est « un Etat musulman souverain - l'Islam est la religion de l'Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes (art. 6), assure à l'homme et à lafemme des droits politiques égaux et leur égalité devant la loi (art. 5 et 8), garantit la liberté d'opinion, d'expression et d'association, y compris celle d'adhérer à des syndicats (art. 9) l'immunité contre les arrestations arbitraires (art. 10) ainsi que le droit de grève (art. 14) ». Dans la réalité, les choses se passent quelque peu différemment. Les prisonniers politiques sont encore nombreux. Lors des événements de Casablanca (1981), des syndicalistes appartenant à la CDT et à l'USFP (Parti socialiste marocain) ont été arrêtés. Le leader de l'USFP, Abderrahim Bouabid a lui-même été emprisonné. La situation au Maroc est difficile. Les masses se paupérisent de plus en plus et les partis politiques de l'opposition semblent être dans l't'xpectati\(', Un prOCl'\\lI' dl' démncra- Différences - N° 27 - Octobre 1983 23 ODEURS DE CUISINE La Bastela Pour une douzaine de personnes: 8 pigeons, 3 bols de persil haché, J kg et demi d'oignons râpés, 450 g de beurre, 8 oeufs, 1/2 cuillère à café de cannelle, 1 cuillérée à café de poivre, 1/2 cuillère à café de safran (fleurs de safran pilées), 300 g d'amandes, 1 verre à thé de sucre en poudre. Laver les pigeons et les mettre dans une cocotte avec le sel, le persil haché, les oignons râpés, le poivre, le safran, la cannelle et le sucre. Cuire sur un bon feu en remuant de temps à autre. Retirer les pigeons quand ils sont cuits. Laisser la farce sur le feu en remuant continuellement jusqu'à évaporation complète de l'eau. Ajouter alors 8 oeufs battus en omelette, en versant petit à petit tout en remuant. Retirer du feu. Couper les pigeons en morceaux sans les désosser. Emonder les amandes et les faire cuire dans 1 'huile, puis les piler grossièrement au mortier avec le sucre en poudre. Ajouter à la farce de pigeon trois cuillères à soupe d'huile de fritures d'amandes et réserver l'huile restante. Garnir la Bastela avec 40 feuilles de ouarka (sorte de crêpes très fines que l'on peut acheter dans des épices orientales). Beurrer et tapisser le fond d'un plat rond (fn aluminium de feuilles de ouarka, en les laissant dépasser du plat afin de recouvrir la farce. Disposer dessus les pigeons et les amandes sucrées et pilées. Une fois les feuilles repliées, on doit obtenir une sorte de galette dont le dessus devra être enduit de jaune d'oeuf. Faire cuire au four (modéré) pendant 40 minutes. A mi-temps, retourner la Bastela. Servir chaud. 0 tisation avait cependant été engagé. Les partis politiques ont été autorisés. Des élections municipales, provinciales et législatives ont été organisées. Cependant, le changement ne semble pas avoir fait son apparition. Le Maroc est toujours un pays en voie de développement qui, faute de pouvoir donner du travail à ses habitants, exporte la main-d'oeuvre vers les pays industrialisés. Les émigrés marocains sont plusieurs millions à s'être expatriés à l'étranger. En France, ils sont 440.000. La plupart, d'origine paysanne, ont contribué à alimenter l'exode rural. Dans les années 60, des démarcheurs sillonnaient le pays pour recruter des hommes en bonne santé, à qui l'on promettait un bon salaire, un logement décent, enfin, une nouvelle vie. Une simple inscription sur une liste d'attente coûtait 100 dirhams, un passeport pouvait alors se vendre jusqu'à 3.000 dirhams. Chaque année, les Marocains qui retournent au pays sont en proie aux tracasseries administratives de la part des douaniers notamment. Un journal marocain a relaté le fait suivant

« Pour éviter la longue (et voulue) queue aux passeports,

ils remettent à un jeune homme (de service) 50 ou 100 dirhams. Leurs passeports reviennent très rapidement! Puis le même « complice» demande quelque chose pour le douanier responsable de la fouille des voitures (100 ou 150 dirhams) ». Qui dit argent dit efficacité. Les Facanciers, comme disent, par dérision, les Marocains restés au pays (les immigrés reviennent de France avec une voiture où est apposée à l'arrière la lettre F) ont rapporté au Maroc la coquette somme de 6 milliards de dirhams, l'équivalent de la facture pétrolière du pays. Le Maroc immuable, nobles vieillards au visage buriné par le soleil, enturbanné de blanc, femmes en djellabas, murailles ocres, fantasias éperdues, amandiers en fleur des vallées d'Atlas, celui des dépliants touristiques, ne peut plus cacher le bouleversement qu'il est en train de vivre. Sa jeunesse ardente aspire à un monde nouveau qui ne s'essoufle plus entre le Moyen-Age et la modernité. 0 Mariette HUBERT Différences : René Vautier, pour nombre de nos lecteurs, vous êtes le réalisateur d'Avoir 20 ans dans les Aurès. Peu connaissent l'ampleur de votre engagement contre le racisme, contre le colonialisme, pour l'amitié entre les peuples. Votre filmographie, c'est l'histoire des luttes de libération nationale sur tout le continent africain depuis une trentaine d'années. En 1973, le MRAP vous avait d'ailleurs décerné le prix du cinéma contre le racisme pour l'ensemble de votre oeuvre. Aujourd'hui, une petite rumeur traverse le milieu du cinéma militant (du cinéma d'intervention si l'on préfère) : « René Vautier prépare un coup d'éclat ». Pouvez-vous faire quelques « révélations» aux lecteurs de Différences? René Vautier : Avant de parler de Cinémavec, ce projet qui fait jaser, je voudrais dire quelques mots sur le sens de ma démarche cinématographique. Au début de la guerre d'Algérie, j'ai essayé de comprendre le sens profond du combat des Algériens. C'était, exprimé en d'autre termes que ceux qui ont cours aujourd'hui, ma reconnaissance du droit à la différence. J'ai été amené à faire avec des copains qui s'appelaient Jean Lodz, Sylvie Blanc, Eric Fluet un film intitulé Une nation, l'Algérie. Ce film ayant été interdit en France, je me suis posé la question : quoi faire avec une caméra si on interdit toute possibilité de diffusion? J'en ai conclu: il faut aller du côté des Algériens écouter


Cinéma------

Chronique des années de cendre. On vient de revoir à la télévision « Avoir vingt ans dans les Aurès» Mais son réalisateur, René Vautier, a d'autres projets. ce qu'ils ont à dire et voir dans quelle mesure en leur donnant la parole, on ne pourrait pas créer un dialogue qui permettrait d'arriver à une solution négociée plus rapidement. Je voulais faire, à ma mesure, quelque chose qui aurait contribué à ce que la guerre soit terminée le plus rapidement possible. C'est comme ça que je me suis retrouvé en Algérie où j'ai découvert que pas un seul Algérien n'avait été formé au cinéma. ~'ai rejoint le maquis Caméra au poing, j'ai rejoint le maquis du côté algérien pour essayer de montrer ce qu'était cette guerre. Pour le vingtième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, on m'a demandé en France s'il était possible d'avoir pour une émission de télévision le film que j'avais tourné dans les maquis, Algérie en flammes. J'ai demandé ce qu'on allait faire de mes images, on m'a répliqué que je n'avais pas à le savoir, car c'était le commentateur - un des meilleurs m'assurait-on - de la télé qui en était le maître. J'ai demandé qui était ce commentateur, quand on m'a dit «c'est Léon Zitrone », j'ai stoppé l'échange avec la télévision française. C'est alors que j'ai proposé à l'Algérie la réalisation d'un film sur les conditions dans lesquelles s'était opéré un dialogue cinématographique franco-algérien pendant leur 24 lutte de libération nationale. Ils ont accepté et Images pour la liberté a été diffusé à la télévision algérienne le 29 juin 1982. On peut même dire qu'avec ce film nous avons contribué à enrichir l 'histoire de la guerre d'Algérie puisqu'on a pu savoir quels étaient les services mis en place par le Deuxième bureau pour lutter contre l'image au service de la révolution algérienne, et pour interdire par ailleurs la production de films français sur la guerre d'Algérie. Cà a bien marché, puisqu'il n'y a pas eu un seul film français sur ce sujet tourné à cette époque. On a donc fait une petite enquête. J'ai demandé et obtenu les droits d'utilisation de ces images pour en faire des films à destination des Français. Car c'est ahurissant de voir que vingt ans après l'indépendance presque tout ce qui passe à la télévision française, TF. l, A2, et FR.3, sur la guerre d'Algérie sont des choses faites par des Français dont la plupart - ce n'est pas une critique, c'est une constatation - ne connaissaient pas l'Algérie. Différences: Pouvez-vous nous parler du projet Cinémavec ? René Vautier : Ce film tourné vingt ans après a été pour moi l'occasion d'une réflexion importante. J'ai voulu réaliser quelque chose qui serve à l'histoire et en même temps, j'ai décidé de tenter une formule qui pourrait changer l'orientation du cinéma. Car s'il est vrai que cer- Algérie 1960: « Comprendre le sens profond du combat des Algériens» tains se battent pour la liberté d'expression par l'image, on peut se demander pour qui ils le font. Il y a combien de gars en France qui se servent du cinéma? Il y en a très peu. J'ai donc décidé de lancer une formule de cinéma fait avec le public. Ce sera Cinémavec. Certains pourront dire que c'est encore une expression bretonne que je ressors de dessous une casquette. Cinémavec, c'est un cinéma fait avec le public. Au départ, il y a un film plate-forme qui va introduire la réflexion sur un thème donné. Cinémavec pourra démarrer à partir de quatre films: une plate-forme d'une heure sur le cinéma et la guerre d'Algérie pour le premier; pour le deuxième, ce sera le cinéma et le colonialisme

le troisième, les premiers pas du

cinéma en Algérie après l'indépendance; le quatrième, sur le cinéma d'exil et de lutte, c'est-à-dire sur des efforts faits en France par des cinéastes pour parler de la guerre d'Algérie pendant la guerre. A partir de ces films plate-forme, on va organiser des diffusions et on va amener le public à dire ce qu'il pense, à poser des questions qui complètent les réponses apportées dans le film. A partir de ces questions que l'on filmera, de ces critiques, de cette expérience amenée par le public, on complètera le film en mettant en scène la partie information ou critique amenée par le public. On aura de la sorte quatre autres films beaucoup plus complets que ceux que l'on peut faire tout seul. Différences - N° 27 - Octobre 1983 On essaiera d'être pluraliste, de donner la parole à beaucoup de gens, mais en gardant le côté expression cinématographique. On fera un essai de mise en scène de ces informations en accord avec les gens qui les formulent. Voilà, ce sera quelque chose que j'espère on pourra sortir fin 1983 en France. Différences : Quel sera le contenu des quatre plates-formes proposées? Les lecteurs de Différences pourront réfléchir un peu à cette formule cinématographique originale et vous proposer de venir les voir pour faire ce nouveau film, plus riche, plus authentique peut-être. René Vautier: Images pour la liberté raconte la façon dont certains, face à l'abstention des «grands cinéastes de gauche» en France, se sont efforcés de mettre, de 1955 à 1958, l'image au service de la compréhension de la lutte du peuple algérien. Et comment les services secrets français ont réagi. Bilan: un film, Algérie en flammes, et, sur quinze cinéastes ayant tenté de mettre leur technique au service de leur conviction, sur quinze « hommes et femmes d'images» tant Algériens que Français, neuf morts et six emprisonnés. Nous le racontons à partir de documents, de souvenirs, avec Mohamed Yazid, qui était à l'époque responsable Information du F.L.N. Le film, qui « dit tout» - ou du moins beaucoup ! - sur cette période, a été projeté à la télévision algérienne en pleine soirée du Ramadan, avec un 25 impact extraordinaire. Il existe en version française 16mm double bande. Le deuxième, Le bail/on colonial va raconter les obstacles opposés devant la volonté de certains cinéastes français de refléter la réalité du colonialisme. A partir de Les statues meurent aussi, avec Alain Resnais et Chris Marker, de Afrique 50 que j'ai réalisé, de LibertéAlgérie de Sacha Vierny, - négatif saisi au laboratoire -, de Bel-Ami de Louis Daquin, nous essaierons de sonder la connerie du colonialisme et sa puissance obscurantiste. Le troisième, Cinéma d'exil et de lutte montrera, avec les interviews de Mohamed Yazid, et des réalisateurs algériens travaillant avec lui au Service Cinéma à Tunis, les réalisations à la fois des Algériens, de 1960 à 1962 : Yasmina, Djezaironna, Les fusils de la liberté, et des Français travaillant pour la paix en Algérie: J'ai 8 ans de Yann Le Masson, Olga Poliarov, Jacqueline Meppiel et moi-même, et Octobre à Paris, de Jacques Panigel. Le quatrième, Images des premiers pas montrera les tentatives d'utilisation du cinéma en Algérie, en 1962, 1963, 1964, pour refléter et faire avancer les choses, sous la devise qui était celle des Ciné pops à l'époque: Vers le socialisme, par le cinéma - avec l'abondants extraits de Peuple en marche, premier film algérien, dont les négatifs ont été détruits au laboratoire L.T.C. à Paris, et que nous sommes en train de reconstituer. 0 Propos recueillis par Jean-Pierre GARCIA RUE CASES-NEGRES Tendre, émouvant Jusqu'aux larmes, dur comme l'esclavage et la colonisation française, le film d'Euzhan Paley remue l'âme antillaise avec une parfaite réussite. Révolté, avec un zeste de fraîcheur et une touche d'innocence, la Rue Cases-Nègres, premier film d'Euzhan Palcy, incarne à merveille l'âme antillaise. Tiré du roman autobiographique de Joseph Zobel, qui obtient en 1950 le prix des Lecteurs, mais fut aussitôt interdit Outre-mer, le film nous raconte l'histoire d'un gamin, José, orphelin élevé par sa grand-mère, M'an tine. La Rue Cases-Nègres, ce sont deux rangées de cases de bois, au milieu de la plantation de canne à sucre, où se rejoue, chaque jour, toute l 'histoire de la colonisation française. Tandis qu'à six mille kilomètres de là, la Métropole prépare l'exposition coloniale de 1931, José apprend à lire et à écrire, grâce à M'an tine qui n'a qu'une idée en tête: « le sortir de la canne ». Intelligent, José passera avec succès le concours des bourses: il ira au lycée de Fort de France. Avec l'aide de M'an tine qui usera ses dernières forces à laver du beau linge et celle d'un professeur directement sorti d'un roman de Pagnol, il continuera ses études. Euzhan Paley, jeune réalisatrice martiniquaise, a su retranscrire le roman à merveille et surtout admirablement camper les personnages qui constituent l'univers de José, et qui sont autant de symboles de la société antillaise. Le vieux Médouse, fils d'esclave, conteur et magicien, Monsieur Roc l'instituteur, parlant un français impeccable, Léopold, le camarade de classe de José, enfant mulâtre illégitime que son père - blanc - rejette avant de mourir, Carmen, un beau jeune homme chauffeur de maÎtre, ouvreur de cinéma qui rêve d'Hollywood et de savoir écrire. Darling Légitimus et Ga"y Cadenat, interprètes du/ilm. Les acteurs professionnels , (Darling L egitim us, ancienne interprète de Jean Genêt, en M'an tine, à la fois si dure et si tendre, Douta Seck, en Médouse, présent comme un vieux sage) côtoient les nouveaux venus au cinéma comme Garry Cadenat (12 ans) dans le rôle de José. Ce dosage a certainement beaucoup contribué à la sincérité ressentie tout au long du film. Savant dosage également entre les parlers Français et Créole (sous-titré). Equilibre entre le sentiment de la révolte, la tristesse devant la misère, l'exploitation ou la mort, et l'espoir jamais absent. Sélectionné à la Mostra de Venise, ce qui est déjà une surprise, Rue Cases-Nègres a obtenu le Lion d'Argent, et Darling Legitimus a été justement récompensée par un prix d'interprétation. Conçu, tourné et produit (par Max Elisée, également producteur des films de Christian Lara) en Martinique; Rue Cases Nègres concrètise le désir profond des Antillais de regagner le pays. « Avant, explique Euzhan Palcy, la réussite passait par la France. Maintenant, c'est le contraire, et j'ai du mal à l'expliquer». 0 Véronique MORTAIGNE Cinéma du voyage Des films d'imagination (les plus connus du grand public n'étant pas forcément les meilleurs .. . ) ; des documentaires purs:« Terrain des Molines» « Mour Djiben » - film d'un réalisateur japonais sur les Manouches de Touraine ; ou encore des récits tous proches du documentaire, tel ce film ,suisse « Tendresse et Colère ». du rêve! Il ne faut guère connaître les gens du voyage pour croire qu'ils accoureraient pour voir des films où on les mettait en scène. Ils sont très méfiants lorsqu'on les prend pour « objets» de spectacle ou d'étude! Ce Festival ne les concernait pas: il était fait pour nous , les sédentaires - les « gadjes» comme nous appellent les Tziganes. Il aura atteint son but s'il a donné le désir de connaître, d'une connaissance sympathique, cette «minorité nationale» méconnue - pire: si souvent méprisée. L e Festival de Douarnenez était consacré cette année aux gens du voyage. C'est d'abord un programme extraordinairement copieux: 32 films, si mon recensement est exact. Jamais je n'aurais cru que tant de cinéastes s'étaient intéressés aux Tziganes! Pendant six jours, les séances se succèdent avec parfois salle archi-comble. Quelques personnalités du monde tzigane étaient présentes: les écrivains Matéo Maximoff et Gérard Gartner ; Vanko Rouda et Charles Reinhardt, du Comité culturel Rom. Certains journaux régionaux ont cru devoir déplorer l'absence de la «base»: le terrain prévu pour les voyageurs était quasi-vide. A mon avis, ce regret relève 26 Jean-Bertrand BARY N.B. : Nous n'aurions garde d'oublier qu'une séance par jour, et une journée entière étaient consacrées au « peuple breton » avec produclions des divers pays celliques. ,1 Cinémois __ _ Ce mois-ci, à la suite d'Equateur, le film de Serge Gainsbourg, quelques films à guetter dans les ciné-clubs, qui constituent la panoplie du cinéphile anti-colonialiste. Le Diamant Noir d'Alfred Machin (France 1911) : le continent noir sert de lieu de refuge au héros faussement accusé d'un vol de bijoux. On retrouvera vers la même époque cette confrontation de l'Afrique au mythe de la rédemption dans de nombreux films, plus particulièrement dans le décor des colonies d'Afrique du Nord: c'est le cas de l'A venturier de Maurice Mariaud (France 1923), où, à propos de la légion, de Beau Geste, dans la version d'Herbert Brennon (U.S.A. 1926), puis dans celle de William A. Wellman (U.S.A. 1939), avec Gary Cooper, ou encore du Grand Jeu de Jacques Feyder, (France 1934). Le héros du Diamant Noir fut le premier d'une longue parade d'hommes au désespoir d'euxmêmes, venus projeter sur les écrans leur mal de vivre. La nostalgie des romanciers américains pour les espaces primitifs africains, lieux privilégiés de l'interrogation de l'homme sur ses origines, inspira beaucoup les réalisateurs. Henry King met en scène Les neiges du Kilimandjaro (1952), tiré d'Hemingway, où Gregory Peck attend patiemment la mort sous l'arbre aux vautours en évoquant l'histoire de sa vie. John Huston réalise en 1959 Les racines du Ciel où la surprenante Juliette Gréco soutient corps et âme le combat d'Errol Flynn contre le massacre d'un des compagnons originels de l'homme: l'éléphant. Le même John Huston avait traité l'image avec plus de vérité et de simplicité dans African Queen (1952) ; là, pas d'exaltation des héros pour des causes impossibles, pas d'image de la « splendide sauvagerie orchestrée» de la faune africaine. Au pittoresque animalier du traitement classique du film d'aventures se substituent le moustique et la sangsue, personnages omniprésents d'une interminable avancée vers une étonnante histoire d'amour. L'idée de traversée et de conquête de territoires est une des clés de la vision occidentale de l'Afrique. Filmée par Léon Poirier, La croisière noire (France 1924) retrace l'expédition Citroën de Colomb-Béchar à Tananarive. Ce film marque le triomphe du colonisateur motorisé. Le tracé de l'expédition sur la carte, grosses zébrures verticales au Différences - N° 27 - Octobre 1983 coeur du continent symbolise l'apparent abandon par l'Afrique de son identité encore secrète. Quelques dizaines d'années encore pour la partager aux convoitises des uns .et des autres, quelques centaines de bobines pour Fexpurger de sa culture, la banaliser nécessairement dans ses seuls rythmes et danses et l'imprégner enfin du ' profit des colons, l'estampiller de notre seule image. Au tournant des années vingt, d'objet des luttes politiques entre puissances européennes, l'Afrique devient objet d~ pillage économique organisé. Les possessions allemandes sont partagées entre les vainqueurs sous le regard américain. L'Allemagne supportera mal de se voir privée de sa part du gateau africain. Tout en relevant surtout de la propagande nazie (antisémitisme, culte de la jeunesse qui se sacrifie, antiparlementarisme), deux films d'Ho Selpin témoignent de la revendication allemande des territoires perdus: Les Cavaliers d'Afrique Orientale Allemande (1934) (la Tanzanie) et Carl Peters (1941). Le cinéma français ne s'est pas beaucoup penché sur les données écoriomiques de la colonisation. On retiendra pourtant la comparaison entre L'Homme du Niger de Jacques de Baroncelli (1934) qui nourrira, à l'époque, le mythe colonial de la mise en valeur désintéressée de l'Afrique à travers le personnage de Victor Françen, donnant sa vie pour ériger un barrage sur le Niger, et Noirs et Blancs en couleurs (la Victoire en chantant) de J. J . Annaud (1977) où un curé, un sergent de la coloniale, un professeur et un épicier se livrent avec bonne conscience aux rivalités impérialistes avec l' Allemand sur un morceau d'Afrique en 1915. Comme des milliers de coloniaux, ils avaient fait leur cette maxime: « Dans l'air que respire tout homme civilisé, il y a quelque chose de la France ». H.D.L. ESPACE.Un film d'animation sur Chronopolis, cette immense cité perdue dans l'espace aux antipodes de notre monde. Ville complexe et décisive avec ses silences et ses passions, son mutisme et son empressement, ses rites et son ennui. Où les habitants n'ont qu'une chose à faire, fabriquer du temps entre magie et savoir, cruauté et plaisir, planant sur toute chose avec une liberté d'oiseau. Histoire d'éternité et de désir, conjonction du rêve et du mythe, c'est à la fois 27 très plastique et métaphysique. Un être humain finira par entrer dans la ville, à la suite d'une longue chute dans le vide. L'événement tant attendu, se prépare ... C'est particulièrement beau, invités que nous soimnes à porter sur le monde un regard différent. OD.C. « Chronopolis », de Piotr Kamler. Les films du Sémaphore UNE FEMME. Les evenements témoignent quotidiennement de la complexité de la situation au ProcheOrient. Dans son dernier film, Hanna K, Costa-Gavras prend position en légitimant la logique du terrorisme palestinien, engendréparla présence de l'occupant

c'est là que c'est pertinent.

Une femme est de plus partagée entre deux hommes, l'un est palestinien, l'autre israélien. Nous sommes au coeur de ,la ' douleur" du déchirement, de l'absurdité de la guerre, là où Costa Gavras concentre son regard. Il était ,sans aucun doute plus facile de faire l'unanimité avec Z ou bien encore L'Aveu, c'est quand même un film à voir. 0 J.B. Hanna. K, de Costa Gavras ~APON. La ballade de Narayama, de Shohei Imamura est une chronique villageoise dans un Japon primitif, là où la coutume règle l'essentiel du comportement des membres de la communauté. Où voler pour manger est puni de mort, où les petites filles sont vendues et où enfin on abandonne les vieillards aux corbeaux dans les hauteurs de Narayama, la montagne sacrée. Un très beau film, très réaliste, très naturaliste, où les images sont parfois d'une cruauté extrême. Shohei Imamura signe une oeuvre, un manifeste contre notre société moderne, tout aussi violente que cette société archaïque, où l'individu n'est plus qu'un petit engrenage dans une société déshumanisée. Là est l'essentiel du message, cela valait bien la Palme d'Or. La Ballade de Narayama, de Shohei Imamura. CULTURES Méli-mélomanie ROUGE ET ROSE. Dans son premier album, Jean Guidoni marchait déjà dans les villes en quête de l'inaccessible. La morgue, les bistrots louches, la drague, les cinémas pornos, tout un univers tragique et dérisoire nous prenait à la gorge. « Pareil à toi, frère de la Goutte d'Or ... je veux aimer ce monde, mais ce monde est contraire ». Avec son deuxième 33 T, Crime Passionnel, véritable opéra pour un homme seul, on touche au tréfonds du réalisme concentrationnaire. Il articule, il testicule, la folie, l'homosexualité, il combat la pénombre et l'angoisse avec des motslumière aux accents de tendresse et de peurs mélangées. Comme un funambule, il avance l'oeil au fil du rasoir sur des chemins de renverse. Après le noir, Jean Guidoni, persiste et signe avec le Rouge et le Rose, son dernier disque. Il ouvre les fenêtres pour aller au-devant de ses propres horreurs, et chante l'oppression que les hommes ont à connaître en raison de la couleur de leur engagement, de leur sensibilité: « Ecoute donc la voix des peuples qui grondent regarde ces feux qu'il nous faut attiser et tout autour du monde aux poings martyrisés ces chaînes qui nous restent à briser» Il chante le Rouge dans la grande tradition, «du bon côté de la barricade », « Ils ont parqué les rouges au Palais des Congrès ». Il s'en prend au fascisme dans « Tout va bien », au Maréchal et au temps de la francisque martiale sous les couverts d'argent, dans «Le Bon Berger» : « Car mon grand-père est mort fusillé pour l'exemple, sur l'ordre du bon berger, sur l'ordre de Pétain ». Il chante aussi le Rose, avec des mots qui osent, avec « la grâce du flamant» : « J'aime bien la couleur rose c'est une couleur si triste c'est la moindre des choses quand on a l'âme artiste ». Il crie la déchéance et tourne le manège, c'est« L'amour monstre» le fait divers de la femme sans corps, dans une baraque de foire. Jean Guidoni, c'est d'abord un tout, un talent fou. Les très beaux textes de Pierre Philippe et l'affriolant bandonéon d'Astor Piazzola, ne font qu'un avec lui. C'est ensuite une voix tendre et amère, celle des eaux vagabondes, des marées solitaires. Du Théâtre en Rond à l'Olympia, des Bouffes du Nord au Printemps de Bourges, la critique s'est Jean Guidoni frotté les yeux comme Bernadette à Lourdes, un genou en terre en criant au miracle. La grande lignée des Piaf, des Brel, des Trénet a trouvé un héritier qui sème avec le même bonheur et les mots de tous les jours, l'amour et la chaleur, l'émotion et l'espoir, d'une voix qui incite aux larmes avec le rire au coeur. o Stéphane JAKIN Jean Guidoni à l'Olympia du 8 au 20 novembre 1983 TENDRESSE. Ca sent le poulet rôti, le mouton, le pipi, c'est - Samedi midi, Barbès» où la banlieue descend pour un peu de chaleur et quelques odeurs. Pour Hamou Chebeb, le Higelin de la Goutte d'Or natif de Sidi Bel Abbès, « Le rouge du drapeau américain, c'est le sang des Indiens» et au« quartier des Halles, le racisme est banal ». Dans les « Mille et une nuits », il chante la misère des déracinés, « ceux qui crèvent doucement faute de place à l'hôpital et qui n'ont ni piston ni sécurité sociale », il chante la douleur« desfemmes complètement esquintées par des grossesses trop souvent répétées ». De la chanson crue, un regard lucide sans concession, les bordels, la rue, la nuit, les sans-papiers, les expulsions, « mon pays aujourd'hui c'est une valise à la main ... et le Français pour dire ... ras le bol de l'exotique ». C'est très pro, très musical, Hamou Chebeb explose littéralement pour « un p 'tit bout de tendresse », ça pousse au cri, à l'amitié. 0 S.J. li ci «Un p 'tit bout de tendresse », de Hamou Chebeb, distribué par S.F.P.P. 28

Lever de rideau::

MARCHER. Toujours marcher entre la farce et la tragédie. Fuir Thèbes, tel est le destin d'OEdipe coupable d'avoir devancé le jugement des hommes, et d'Antigone sa fille qui lui prête ses yeux sur le chemin du couchant. Deux voix, deux personnages à la fois cruels et tendres. Un OEdipe insensible à la mémoire du jour, à qui il ne reste que le pouvoir d'errer de ville en ville sur le sillon tracé par le remord. Une Antigone révoltée, étouffée dans sa rancune de vivre qui finira cependant par conduire son père jusqu'au buisson ardent, c'està- dire à la mort. Un beaù spectacle, très dépouillé. 0 D.C. « Mourir à Colone », de Yves Martin au Théâtre des Déchargeurs avec Katia Bielli et Vicky Messica. PERPÉTUITÉ. Dans la prison la plus sévèrement gardée d'Afrique du Sud, Robin Island, deux prisonniers politiques dont je vous laisse deviner la couleur, vivent d'étranges rapports, réels et imaginaires, entre les quatre murs de leur cellule et les travaux forcés. Winston est condamné à perpétuité pour avoir brûlé sa carte d'identité. John lui a été condamné à dix ans, pour « délit d'opinion ». Les autorités pénitentiaires cherchent à « casser » les prisonniers en les soumettant aux pires humiliations. John et Winston, battus, amers, résistent avec la seule force qui leur permette de tenir, la fraternité. Ils décident de jouer Antigone, de réincarner Créon. Ils transforment leur cellule en scène de théâtre. Cette tentative mettra en évidence l'idée qu'ils se font l'un et l'autre de leur engagement politique et de violents conflits les opposeront dès lors. Sur une mise en scène de Amit Gazit, Youssef Abou Warda et Makram Khoury donnent le meilleur d'euxmêmes au cours d'une expérience théâtrale impressionnante, jouée uniquement en langue arabe au tréfonds de la psychologie de l'univers carcéral. C'est fascinant, c'est presque trop court. OD.C. Le Théâtre municipal de Haifa, joue «['Ile» d'Athol Fugard, John Keny, Winston Natoshna. Au Lucernaire Forum 53, rue N.D.-des-Champs 75006 Paris.


Littérature-----

Maupassant en Afrique Deux recueils de textes de Guy de Maupassant Au soleil et La vie errante viennent d'être regroupés dans Maupassant au Maghreb par les éditions du Sycomore. A lire, malgré les cc écarts de langage n: « Nous sommes restés des conquérants brutaux ... ». Suivre Maupassant au pays du Couchant, c'est suivre un homme attiré vers l'Afrique par la « nostalgie du désert ignoré », comme par le pressentiment d'une passion qui va naître. « Alger, la ville de neige sous l'éblouissante lumière, le sud, le désert, les nomades, les terres inexplorées et puis les Nègres, tout un monde nouveau, quelque chose comme le commencement d'un univers ». C'est assister dès la fin du dix-neuxième à la naissance de l'Insurrection. Prison, prison En tant que journaliste du Gaulois, il fait la chronique du soulèvement de Bou-Amana, célèbre marabout de la tribu des Ouled Sidi Cheikh du SudOranais, contre la domination française. L'année même de la publication de son premier grand succès littéraire, Boule de suif en 1881. La révolte gronde. Maupassant pose ses yeux sur les pentes de l'Atlas, dans le détail au coeur des moeurs villageoises. Il saisit à l'occasion quelques ambiances du Ramadan. « Toutlejour ces malheureux méditent, l'estomac tiraillé, regardant passer les roumis conquérants qui mangent boivent et fument devanl eux ». lisation occidentale. Mais il est cependant très introduit dans les milieux officiels, que ce soit à la table du Bey ou à celle du Contrôleur civil de France et son écriture s'en ressent un peu, même si, à bien des égards, elle reste d'avant-garde dans le contexte de l'époque. Il y est question de la « fourberie des Arabes ». Tandis que le charme des belles femmes juives est loué par les conspirations de l'amour, certains légers accents antisémites ne trompent guère à l'encontre des usuriers juifs:« Quand une colonne française va razzier quelque tribu rebelle, une nuée de Juifs la suit, achetant à vil prix le butin qu'ils revendent aux Arabes, dès que le corps d'armée s'est éloigné ». Dès le début du voyage, la mer à Marseille sentait déjà « les innomables nourritures que grignotent les Nègres, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Espagnols, les Anglais, les Corses et les Marseillais aussi, couchés, assis, roulés, vautrés sur les quais ». Un livre au bout du compte qu'il faut lire, malgré ses quelques « écarts» de langage, car c'est de la très belle littérature qui témoigne des pratiques et des mentalités coloniales, même si on est en droit de reprocher à Maupassant de ne pas avoir mis les deux pieds au vingtième siècle avec plus de détermination encore. Mais le pouvait-il, lui, bourgeois libéral dans une France qui devenait peu à peu celle de l'affaire Dreyfus? 0 Daniel CHAPUT LE SECRET. Les « deux épouses » d'Amin lui demandèrent un jour d'avoir la gentillesse de leur dire laquelle d'entre elles il préférait. Remettant sa réponse au premier soleil, il appela séparément ses deux épouses à la nuit et offrit à chacune d'elles un anneau d'or, obtenant de l'une comme de l'autre, qu'elle ne parlerait pas à sa rivale de ce cadeau. Le lendemain il déclara avec sérieux: « celle que j'aime le plus est celle à quij'ai offert en secret un anneau d'or », et c'est ainsi que les deux femmes imaginèrent chacune être la préférée. Il s'agit d'un ensemble de seize contes, qui témoignent de la façon dont s'est forgée la personnalité arabe à partir des croyances, de la sagesse et des coutumes des tribus bédouines de l'Arabie antéislamique sur lesquelles est venu se greffer l'Islam, qui est à la fois dogme, loi et philosophie. Cest vraiment très agréable à lire, juste le soir avant d'éteindre la lumière. 0 D.C. Lire Guy de Maupassant, c'est entendre le hurlement des chiens déchirés, le silence de l'aurore qui se lève sur le douar, et le chant des femmes chargées de bijoux qui dansent dans les cafés maures. C'est regarder «le mulet, le chameau, tirer du matin au soir l'eau du puits dans une baudruche de cuir ». Cest partager la proximité d'un peupie: «rues populeuses pleines d'Arabes, couchés en travers des portes, de la route, accroupis, causant à voix basse ou dormant ». Voyager avec Maupassant au Maghreb, c'est tourner les pages d'un livre en feu. Maupassant trouve au Maghreh «Contes du monde arabe », de Jean l'expression d'un colonialisme brutal et Muzi. se livre à une critique radicale de la civi- Castor-poche, Flammarion. ~----------------------------~----------~ Différences - N° 27 - Octobre 1983 29 ___ Lectures __ _ LES REVIREMENTS D'UN dEUNE LOUP. Sur les thèmes du déracinement et de la perte essentielle, Gloire des sables trace l'itinéraire spirituel d'un homme, Youcif Muntasser. Celui-ci, enfant algérien, fut abandonné sous la contrainte de la misère par sa mère, et recueilli, en Algérie toujours, par un couple d'instituteurs français qui l'élevèrent comme leur fils tout en respectant son appartenance et sa culture algérienne et coranique. Brutalement privé d'eux qui sont tués dans un attentat, il assume dès l'adolescence la pleine maîtrise de sa vie, choisissant de poursuivre ses études dans un lycée de province français, puis émigrant aux Etats-Unis où il fait de brillantes études. Il y amorce ensuite une carrière politique pleine de promesses, s'attachant à redonner vie au mouvement des jeunes Démocrates. Comment ce jeune loup parfaitement américanisé retrouve ses racines, cette partie refoulée de lui-même qui lui est rendue lors d'un pélerinage à la Mecque

comment il est alors recruté par le

Comité Supérieur pour la Révolution en Arabie; comment plus tard encore, bouleversé par l'attentat qui coûte la vie à sa femme Ann, puis par la menace constante pesant sur la vie de sa fille Amel, il se retourne contre l'organisation en laquelle il a cru et laisse l'enfer se déchaîner en lui et hors de lui dans une tentative d'insurrection dont le siège n'est autre que la Mosquée sacrée de La Mecque - voilà qui constitue la partie la plus intéressante d'un roman d'espionnage international dans lequel nous séduit la voix qui nous explique comment un homme en vient au terrorisme. 0 CM Mustapha Tlili, Gloire des sables, JeanJacques Pau vert. Alésia. DOMINOS. Il y a des amours de toutes les couleurs, ensuite hélas, viennent les préjugés. «Les Noirs font mieux l'amour, il paraît que les Noirs ont le sexe plus fort, plus gros, plus ... ». En fait l'acte d'amour n'est pas seulement la rencontre de deux corps innocents, mais de deux personnalités déterminées par leurs caractéristiques raciales et culturelles. L'individu véhicule dans les fragments de son discours amoureux, tout autant par son regard et ses caresses les angoisses attachées à sa race ou à sa condition. Les stéréotypes, les mythes, les représentations racistes se bousculent au portillon dans le livre de Thérèse KuohMoukoury, qui soulève le voile des paradoxes, des contradictions et des déchirements des couples dominos. Les relations sexuelles inter-raciales, impliquent des sexualités prises respectivement par le poids de leurs tabous. A l'évidence, le couple domino est le lieu où se cristallise bon nombre de résistances. Beaucoup de Blancs voient dans le Noir le descendant de l'esclave et de l'ancien dominé, à l'inverse les Noirs voient dans le Blanc l'enfant de l'ancien dominateur ou du colonisateur. Histoire oblige, le sexe noir reste très lié au culte de l'argent blanc, partout à travers le monde. Aujourd 'hui ces couples dominos, aux baisers bicolores, flanqués de leurs enfants aux sangs mêlés, nous-rappellent qu'au-delà des frontières de la peau, l'homme et la femme de cette humanité si tragiquement compartimeQ-tée peuvent se reconnaître, tisser des liens et s'engager dans une relation unique où les guident le désir, le plaisir et l'amour, c'est-à-dire l'essentiel. o D.C. « Les Couples Dominos, Noirs et Blancs face à l'amour », Thérèse KuohMoukoury. L'Harmattan. Ed. ERRANCE. «Dépasser les apparences, vaincre le mépris et l'indif- . férence », voilà un combat auquel nous sommes invités au fil des pages de L'Entonnoir par Chérif Loueslati. Issu d'un milieu relativement protégé, l'auteur nous fait partager les étapes de sa prise de conscience, à travers la souffrance des hommes les plus démunis, dans la clandestinité, sur le chemin de l'usine en butte à l'exploitation, à la solitude, à l'hypocrisie et au mensonge. « Dernier avis avant saisie ». Les trois-huit, un mariage, les travaux pénibles, un divorce, l'action syndicale, la grève, l'occupation de l'usine, une écriture sobre et efficace qui nous porte au coeur de quinze années d'exil et d'une réalité sociale dans laquelle beaucoup d'entre nous se retrouveront. Il s'agit là d'une tentative d'expression, car au bout du compte c'est l'impuissance la tristesse et l'errance à nouveau. OD.C. « L'Entonnoir », de Chérif Loueslati. Ed. Les lettres libres. L'ESPRIT DE LA LETTRE _parole écrite, la parole chantée, librement tressées à l'instar du Groupe Khamsa (1). « Le mouvement du pinceau, du calame ou de la plume est réglé par le souffle qui emprunte sa puissance à l'esprit ». cc La pertinence de la plume, dépassera toujours le tranchant de l'épée n e livre a toujours été le chemin privilégié de la con- Lnaissance. En effet c'est par l'intermédiaire des manuscrits arabes que la science et la sagesse antique sont parvenues de la lointaine Mésopotamie dans l'Occident chrétien. A l'heure où les débats sur la communication, le langage, la sémiologie, l'image vont bon train, la calligraphie arabe demeure le témoin du long passé culturel et artistique de la grande civilisation islamique, alors que d'une certaine façon Gutenberg a brisé les mains de l'Occident. Traditionnellement le calligraphe avait pour fonction unique, de signer et d'inscrire la parole divine dans le définitif. Ode permanente à la pensée profonde, poésie de la connivence entre le regard et le dedans, voix intérieure de l'instinct, la calligraphie s'empare du temps et de l'espace pour en faire une matière spirituelle toujours en expansion, jusq~'à l'absolu de la musique. La calligraphie est la mémoire de l'écriture dans sa dimension sonore, c'est par exemple la parole dite, la 30 « Ni l'art gothique, ni le romain, n'ont atteint en Occident cette souplesse, cette virtuosité, ce mouvement, ces compositions et ces jeux qui font d'un seul signe, un objet de beauté ». (2) En fait, très nombreuses sont les écoles de cet art, qu'il s'agisse de celles de Koufa, de Bagdad, de l'école turque ottomane ou de celles du Maghreb et de l'Afrique. Ne manquez pas le rendez-vous que vous donne l'association PA LM cet automne (3). Elle organise une grande rencontre entre les calligraphies arabe, chinoise, japonaise, latine, et même imaginaire, à laquelle participeront Ghani Alani, Ung-no-lee, Kanno, Jean Larcher, Donald Jackon, José Mendoza, Quotbi et Claude Meulun. 0 D.C. (J) Groupe Khamsa - Boîte postale 335 - 75229 Paris Cedex 05 Contact: Catherine Nasser - Tél.: 557.56.40 (2) Pierre Seghers (3) PALM : «Calligraphies et Ecritures» du 4 octobre au 8 novembre 1983 - 75, rue du Temple 75003 - du mardi au samedi de 14h à 19h. ,-


Civilisation -----

« Les sociétés sont complémentaires » ~ean Malaurie s'entretient avec Différences « ne longue réflexion de géogra- UPhe, l'étude de certaines civilisations traditionnelles, - très particulièrement celle. des sociétés arctiques -, m'ont conduit à toujours raisonner en considérant que, de principe, toutes les civilisations sont d'égale importance. La notion de civilisation «supérieure» ou « inférieure» ne résiste pas en effet à l'examen scientifique, car on ne peut omettre sur le même plan réalisations techniques et faits spirituels. L 'histoire est longue: une civilisation se construit au fil des siècles avec des chances géographiques et historiques qui varient au · cours des temps. Une société close ne peut être que répétitive. L 'histoire de l'homme est faite de ces emprunts, répétés entre nations qui s 'enrichissent mutuellement: il ne peut y avoir dialogue que lorsqu'il y a différence. » Différences: A propos de l'observation des Esquimaux par les Blancs, vous dîtes dans votre livre Les Derniers Rois de Thulé que « se dévisager, c'est se défigurer mutuellement ». Quel regard l'Occident peut-il porter sur des civilisations qui se déforment à son seul contact ? Jean Malaurie: Votre question va loin... et je préciserai : oui, hélas, se dévisager, c'est trop souvent se défigurer mutuellement. Dans toute observation rapide - et c'est le cas d'ailleurs lorsque l'on dévisage n'importe qui - il ya souvent une indiscrétion qui établit des rapports de force. Le regard n'est jamais totalement innocent et, de ce fait, il met aussitôt l'autre en position de défense. Le réflexe immédiat de l'observateurobservé e~t de se masquer. Mais une double impression et une trace demeurent d'autant que si l'on a voulu détailler l'autre, c'est en général pour chercher ce qu'intituivement on avait déjà « trouvé ». «L'intuition de l'instant », comme dirait Bachelard. Dans mes tous premiers rapports avec les Esquimaux polaires, je ne pouvais Différences - N° 27 - Octobre 1983 me défaire totalement de l'idée que ces hommes habillés de fourrures (pantalon d'ours, veste et bottes de phoque) qui se déplaçaient dans la brume entre des icebergs et des banquises dérivantes dans de fragiles kayaks en peau et couraient derrière des traîneaux à qhiens, en poussant des cris d'animaux, répondaient au surnom (donné par les Blancs lors de leur découverte) « d'animaux humains »! Cette évocation - même consciemment refusée - ne pouvait manquer - je le savais - de déclencher involontairement, mais sûrement, des sortes de « flasches archetypiques » sur les lointains ancêtres de ma propre préhistoire: Lascaux, Chancelade, le paléolithique supérieur ... C'est sans doute la conviction de ces jugements préétablis, accusés par le contraste de nos tailles - la mienne assez grande, la leur de 1,60 m -, leurs moyens techniques - ils chassent au harpon le morse, le phoque et le narval, le fusil étant naturellement connu d'eux, mais utilisé seulement à certains moments précis - qui m'a obligé, par honnêteté, à vivre seul parmi eux, pauvre comme eux, mangeant comme eux, m'immergeant dans toute la mesure du possible dans le groupe, et tentant de le ressentir comme une éponge Si ce peuple m'a tant donné, en particulier par son assistance dans l'expédition que j'ai menée dans les régions du nord du Groenland, en Terre d'Inglefield, et dans mes recherches anthropogéographiques et géomorphologiques, c'est, j'en suis sûr, parce qu'il a compris la volonté dont j'ai fait preuve d'abolir au maximum du possible nos différences et la distance qui nous séparaient. Terre Humaine a d'abord été créée pour rendre compte, dans le détail, de cette dialectique JE-IL. Sans doute y a-t-il d'autres voies en sciences humaines pour atteindre à l'objectivité - et je les respecte -, mais ce n'est pas ma propre voie. A ce propos, je dirais qu'en France, quand deux hommes, venus de sociétés 31 aussi différentes que la société française et la société maghrébine par exemple se -rencontrent, ils ne se rendent pas compte à quel point - et si vive soit leur bonne volonté - ils sont les acteurs de pièces qui n'ont pas été écrites par eux. Pour éviter de n'être que des récitants, il leur faudrait d'abord essayer de sortir de scène, de se retrouver eux-mêmes dans une sorte d'innocence et tenter, après en avoir pris conscience, de rejeter, autant que faire se peut, préjugés et contentieux historiques. Différences : A la faveur de la crise vécue par l'Occident, l'opinion commence-t-elle à se convaincre de cette « valeur ajoutée» qu'une culture représente pour une autre et que vous avez souvent évoquée dans vos livres ? Jean Malaurie: Je vous ferai remarquer que ce n'est pas première crise vécue par la vieille Europe ... Toutefois, en effet, c'est peut-être une des plus graves. Le monde économique - à l'est et à l'ouest - s'aperçoit qu'il risque d'être plongé dans une impasse. Mais cette impasse n'est-elle pas directement liée à sa difficulté de considérer ses partenaires du tiers-monde comme ses égaux ? Les termes de l'échange, comme vous le savez, sont faussés : le tiers-monde tropical, endetté, n'est en mesure d'acheter nos réalisations techniques que si nous acceptons de payer plus cher ses matières premières. Une nouvelle division du travail est une nécessité vitale pour lui - tout comme elle l'est pour nous. Il est également capital que le tiersmonde ne soit pas considéré comme un marché, mais aussi comme un espace humain qui doit connaître son propre développement et qui apporte, en effet, une immense valeur ajoutée - hélas, trop souvent encore ignorée de nos économistes - : sa culture. Toutefois, la prise de conscience de la complémentarité du monde fait son chemin difficultueusement, mais sûrement, grâce aux sciences sociales, aux médias et surtout aux jeunesses du monde qui se témoignent une profonde curiosité les unes pour les autres. Et cette découverte respective de nos cultures n'a plus lieu seulement au-delà des mers, mais dans nos rues, notre vie quotidienne. Voyez les jeunes Européens dans leur musique, leurs danses, leurs vêtements, leurs coiffures, bientôt leur éthique, ils cherchent à trouver « d'autres» valeurs « à ajouter » aux leurs ... Et pour les Maghrébins, les Ivoiriens, les Camerounais, les Espagnols, les Portugais, les Vietnamiens, les Cambodgiens, les Laotiens et tant d'autres, il en va de même, réciproquement dans leur fascination pour notre pays, sa liberté de vivre et son luxe. Et ce melting-pot, dont les Etats-Unis sont le modèle vivant, est également vrai avec, entre autres, les Chicanos ou les Porto-Ricains et il commence à l'être en Europe de l'est et dans les grandes villes de l'URSS occidentale. Différences : Quelles sont les conséquences actuelles de la nouvelle occupation économique de l'Arctique? Jean Malaurie : Les civilisations Inuit que j'ai connues avant cette occupation dans les années 1948, 1949, 1950 étaient encore - en raison même des contraintes géographiques de ces déserts froids (- 40° l'hiver, 3 mois de nuit polaire, pas d'agriculture) et de leur isolement historique - conservatrices. Elles avaient accédé ainsi à un équilibre très impressionnant entre leur milieu et leur morphologie sociale. Dans leur communalisme égalitariste, leur malthusianisme démographique et économique, ces sociétés, dans des conditions très dures, avaient réussi à créer, dans un combat permanent, une sorte de bonheur de vivre ... une civilisation étrangement moins fragile dans sa simplicité apparente que nos grands empires. Aujourd'hui, l'Occident conquiert l'Arctique et défie ces « hommes par excellence », comme se nomment les Inuit, sans se soucier de l'incomparable originalité de leur apport culturel et humain. Est-ce que les sociétés Inuit groenlandaises, canadiennes, alaskiennes, nordsibériennes et les sociétés lapones seront en mesure de relever le défi ? Seul le temps le dira. Mais les difficultés de l'ajustement sont extrêmes et, bien évidemment, du fait de notre hâte à vouloir changer ces peuples. Insatiable, le Gulliver industriel veut, envers et contre tout, se nourrir du pétrole, des gaz et des minerais du grand nord, à tout prix et toujours plus vite, aux dépens de la nature et au mépris des populations. Et comme toujours dans ce cas, la « région» du plus fort est toujours la meilleure. Bien des peuples, avant les Inuit, ont été obligés de rejoindre cette « région » ... même à reculons et jusqu'à leurs propres tombes ... comme nombre de groupes indiens. L 'histoire est jalonnée de ces cimetières! Mais, je veux croire dans l'avenir des Inuit. Dans ces peuples, on compte tant de sages et cette culture si nous ne l'altérons pas au point de la dénaturer, peut réserver au monde surprises et richesse. Avant tout, il convient de souhaiter que les peuples qui accèdent actuellement à l'autonomie interne fondent très vite des Instituts de Prospective et évitent que leurs jeunes élites ne soient progressivement occidentalisées en oubliant leurs racines. 32 Jean Malaurie avec un Evenki, éleveur de rennes en Sibérie nord-orientale. Différences : A vez-vous le sentiment que l'opinion française soit aujourd'hui à même de comprendre qu'il en va, dans l'avenir, de son propre intérêt d'estimer et d'accepter la notion de différence? Jean Malaurie : Nous vivons encore mal les idées nouvelles, et cela malgré les sciences sociales qui, je vous le rappelais, ont joué depuis un siècle, et particulièrement depuis vingt ans, un rôle moteur dans la découverte de la richesse et de la complexité des civilisations traditionnelles et de leur utilité réciproque. Les sculptures canaques, l'art de vivre polynésien, le jazz, la vision spirituelle indienne, ont pour beaucoup une valeur ludique, objet de curiosité quand ils sont évoqués dans les journaux, les films, vus dans les musées, mais inquiétants quand ils semblent mettre en cause, à travers leurs représentants et dans une réalité vécue, l'immense effort individuel accompli par l'occidental grâce à son intelligence, sa curiosité, son travail, pour en être arrivé là où il est, dans sa promotion sociale et technique, qui le place au tout premier rang civilisationnel, du moins en est-il convaincu. Repenser la distribution économique du monde et envisager de partager notre richesse avec le tiers-monde, au risque de diminuer notre niveau de vie, voilà qui choque aussi bien nos ouvriers que nos ingénieurs : celà leur semble profondément injuste. A leurs yeux, de telles notions sont utopiques, relevant des ronrons de l'ONU et des bonnes oeuvres. Et, pourtant, la sauvegarde de l'Occident est là, le vrai danger, bien plus que de la bombe atomique, risque de venir d'un Tiers-Monde affamé, méprisé et vengeur. Un danger d'autant plus grand que ce Tiers-Monde est déjà dans nos murs et que, de tout près, il nous regarde vivre ... et manger. C'est pourquoi il est urgent de faire de nos immigrés des alliés pour préparer un avenir économique qui a tout à gagner d'une meilleure compréhension de notre complémentarité. Comment ? Par la connaissance mutuelle et l'information . Il n'y a pas d'autre voie: faire appel à l'intelligence de l'autre. Différences: Que pensez-vous de ce qu'on a baptisé en France la « seconde génération» ? Jean Malaurie : La seconde génération est celle qui imite le Blanc, renie certaines de ses propres valeurs, s'en trouve humiliée, souffre de cette humiliation et finalement, dépossédée de ce qui fonde son altérité, se met à haïr au lieu d'assumer sa différence. La solution de ce problème, délicat s'il en est, serait peut-être, pour ceux qui le souhaitent et en toute liberté, de faire d'abord vivre parallèlement (mais pas ensemble) des groupes structurés avec leurs propres traditions, leurs règles, leur langue, avant de les contraindre à cohabiter sans préparation culturelle et dans n'importe quelles conditions. La connaissance progresserait dans le respect mutuel et le métissage éventuel - et désiré (l'amour existe !) - entre certains membres de ces groupes pourrait créer une zone de neutralité et de rapprochement des communautés dont le temps et l'estime réciproque faciliteraient la rencontre. Mais la réussite d'un tel rapprochement repose sur la conservation de l'identité culturelle. Les Juifs, les Tziganes ... d'autres peuples y sont parvenus - avec quelle ténacité -, pourquoi pas tous les autres? L'histoire de la France, sa civilisation si riche, si complexe est faite d'abord de dialogues permanents entre ses provinces. Et d'ailleurs les « différences » sont de plus en plus recherchées dans ce monde où tout est plus proche, où tout se banalise ... C'est la différence qui donne son goût au voyage, c'est pour changer d'univers que l'on se déplace aujourd'hui. « L'exotique est quotidien », selon le beau titre du livre de Georges Condominas dans Terre Humaine. En fait, la crainte exprimée par une bonne part de la société française face aux immigrés est dûe au nombre d'abord - il est des seuils -, en partie, au malaise ressenti par les immigrés qui perdent douloureusement leur identité. Dépossédés de leur culture, comment s'étonner qu'ils ne respectent plus la nôtre? Lorsque l'on ne prend pas garde à de telles évidences, voyez les lendemains que l'on se prépare: la Corse et ses résistances, les Basques en Espagne. Les villages ethniques ouverts - il n'est pas question de ghetto - juifs, chinois, italiens, dont New-York tire sa prodigieuse vitalité, devraient nous donner à Différences - N° 27 - Octobre 1983 réfléchir et être pour nous un premier exemple de mode de vie. Le n'importe quoi actuel ne peut que conduire à des lendemains difficiles. C'est en respectant l'identité de nos immigrés, en leur permettant de vivre ensemble dans des conditions décentes - songeons au comportement habituel des ruraux à l'égard des gitans ou nomades - à leur rythme et selon leurs coutumes, qu'ils respecteront d'avantage notre icientité et nous l'envieront peutêtre. Mais, si notre « politique nationale » vise à altérer les différences et à imposer unilatéralement sa culture, elle risque de déclencher des révoltes de générations d'humiliés et de condamner de surcroît le génie français à la stérilité. Il est stupéfiant, par exemple, qu'il n'existe pas encore en France de lycée portugais qui permette aux enfants immigrés de ce pays d'être parfaitement bilingues (1). Comment imaginer qu'au siècle de la pédagogie, on ne donne pas la possibilité en priorité à un jeune immigré d'apprendre dans sa langue maternelle aussi bien qu'en Français, afin de lui permettre, quand il sera adulte, de choisir son pays et sa culture d'élection. On n'assimile pas dans la contrainte, mais en suscitant le désir. L'intelligence est une des grandes chances de la France ... Quelle lui serve donc à organiser le dialogue avec ceux auxquels elle offre (ou a proposé) l'hospitalité de son sol ! La France, du reste, vit un changement d'époque. Elle ne veut plus d'enfants, un ou deux par famille, ce qui ne permet pas le renouvellement. Ce refus de transmettre la vie est bien là un signe de changement propre de mentalité. Le refus d'assumer des travaux physiquement trop pénibles se traduit, dans le même temps, par un appel massif à une main-d'oeuvre étrangère pour faire tourner plus vite la machine économique et favoriser pour tous un niveau de vie élevé. Dans cette politique de l'insertion des immigrés, il est, sans nul doute, d'autres solutions que celles prises comme au hasard, au jour le jour, dans l'imprécision, l'improvisation et le désordre, et sans le conseil des sciences sociales les plus avancées. A grand problème - et il est essentiel, urgent -, décision la plus haute s'impose. Différences: Est-ce avec cette préoccupation de faire mieux comprendre les différences entre les sociétés, les ethnies et les hommes que vous avez créé la célèbre collection Terre Humaine ? Jean Malaurie : Sans nul doute. C'est en effet après mes premiers contacts avec le groupe des Esquimaux de Thulé, 33 puis des Inuit du Canada, de l'Alaska et des Nord-Sibériens, (à cet égard, au cours de voyages d'études en URSS trop rapides et pas assez libres) que j'ai ressenti le besoin de faire connaître, de l'intérieur, aux Français, soit à travers des témoignages, soit à travers des récits ethnologiques ou littéraires, d'autres sociétés, d'autres mentalités inconnues, d'autres philosophies de la vie, bien que parfois toutes proches des nôtres. Quarante livres, presque un mouvement d'idées qui ont contribué à modifier un certain regard. Terre Humaine a été « pionnier ». Et, pour nous Français, cette découverte de l'autre est d'autant plus nécessaire que ces ethnies étrangères, regardées avec sympathie lorsqu'elles étaient loin, sont maintenant dans nos rues et nos villes ... Leurs enfants sont les compagnons de nos enfants dans nos écoles, des voisins de palier. Qui n'a mesuré - et souvent douleureusement - combien il est malaisé de se faire entendre de son propre père, de son propre milieu ? Il est parfois plus difficile pour un Parisien de comprendre un Bigouden qu'un Indien Hopi, et plus difficile pour un bourgeois de comprendre un serrurier qu'un paysan turc ... C'est pourquoi, tout en accueillant dans Terre Humaine des ouvrages sur des ethnies lointaines, je suis particulièrement en quête de récits populaires vécus, à l'écoute de ce peuple du silence que sont les travailleurs français ou immigrés qui, les uns et les autres, n'ont pas - ou si rarement - droit à la parole. Pourtant nombre d'entre eux savent parler, merveilleusement conter et même s'ils n'en sont pas conscients (parce qu'ils n'ont pas essayé) savent écrire. Terre Humaine souhaite les en convaincre. Voilà longtemps que j'aimerais publier, par exemple, le témoignage d'un immigré à Paris. Nous avons eu des essais de livre, des débuts de témoignage

mais, très vite les auteurs se sont

découragés. Il faut garder la porte ouverte et recommencer. On ne pense pas, on ne dit pas assez que ce sont de tels témoignages qui peuvent aider à renouveler la culture occidentale. Aussi, je profite de l'occasion que vous me donnez pour lancer cet appel plus haut aux immigrés. dans le vif espoir d'être entendu. Ecrivez-nous. 0 Propos recueillis par Jean-Michel OLLE (1) Il est, en revanche, un lycée espagnol. Jugeraiton que les Portugais et leur grande civilisation ne méritent pas une égale attention ? Terre Humaine, Editions PLON, 8, rue Garancière, 75285 PARIS Cedex 06 Peuples en marche ----- DES CARONIS AUX BEURS L'Immigration n'a pas commencé le 10 mai 1981 'étranger en France a une longue histoire. Il n'a pas L toujours été basané ou noir de peau; ça ne l'empêchait pas d'être souvent mal reçu là où il s'installait... Les flux migratoires sont liés à de nombreux facteurs, parmi lesquels la situation économique et sociale du pays d'origine, mais aussi des besoins du pays d'accueil; leur ampleur et leur durée dépendent des traditions culturelles respectives, et des mesures institutionnelles prises par l'un ou l'autre pays. L'histoire de l'immigration est donc extrêmement complexe, et il ne peut être question ici que d'un rappel succinct. .. Les premiers « travailleurs étrangers », ce sont des Français. Au cours du 19° siècle en effet, le développement industriel suscite dans les centres urbains des demandes en main-d'oeuvre qui provoquent l'exode rural, d'autant qu'on vit bien mal à la terre. Cet exode massif créée ce qu'on a pu appeler le « désert français », et provoque dans les villes des regroupements« régionaux» souvent liés à la gare d'arrivée (Bretons de Montparnasse par exemple), dont Paris porte encore aujourd'hui les traces sensibles. La première immigration étrangère, de 1850 à 1906 environ, n'est guère différente. On parle à son sujet d'« immigration de voisinage », puisque ce sont des paysans belges et italiens, mais aussi espagnols, suisses ou allemands, chassés par la misère de leur terroir, qui viennent en France chercher à la ville mais aussi à la campagne, une misère moins grande. Les Italiens, par exemple, sont employés dans diverses branches: bâtiment, industrie, et agriculture. Dans les années 1922-1925, ils sont nombreux à exploiter des fermes dans le Sud de la France, chassés de chez eux par la pauvreté autant que par le fascisme. Plus tard, à la Libération, beaucoup rentreront chez eux, pour revenir peu après, selon ce schéma: les Italiens du Nord viennent en France, et sont remplacés chez eux par des migrants du Mezzogiorno ! es Italiens semblent un bon exemple d'une immigra- L tion « réussie », au sens où les problèmes posés par le déracinement sont moins aigus parmi eux, peut-être parce que les migrants sont venus en famille, ou ont pu rapidement faire venir leurs femmes. Selon certains auteurs, cela tient aussi à la proximité linguistique et culturelle entre l'Italie et la France. D'ailleurs le Général de Gaulle n'envisageait-il pas, en 1945, de faire appel uniquement à des travailleurs de cette nationalité précisément pour cette raison ? Cela dit, les communautés italiennes ont conservé des particularités bien à elles que le terme de « Macaronis» 34 contribue à décrire, en même temps qu'il témoigne, comme « Ritals» de l'hostilité au moins verbale des Français à leur égard. Jusque dans les années 40, si on excepte l'époque 14-18 où des Maghrébins et des Africains noirs sont venus combattre et travailler en France, ce sont essentiellement des Européens qui y émigrent. L'avance industrielle de la France et une certaine faiblesse démographique en font un pays d'accueil. Beaucoup de Belges passent la frontière du Nord (en 1886 déjà, ils sont 482.000, ils contribueront à construire le métropolitain), des Espagnols, des Polonais. Dès 1919, les Polonais émigrent dans le Nord es Polonais, qui sont 507.000 en 1931, émigrent dans L Ie nord dès 1919, à la suite d'accords conclus entre la Pologne et le patronat français, qui organise des convois par wagons à bestiaux pour les engager dans les mines et dans les fermes. Ceux qui sont disséminés dans les campagnes et soumis à l'arbitraire de leurs employés, esseulés, ont un bien plus triste sort que les ouvriers d'industrie que les patrons regroupent dans des cités où ils peuvent fonder des familles et conserver leurs traditions. C'est parmi ces paysans, ces« sales Polaks » qu'on trouve, c'est un fait attesté par les chercheurs, très souvent des délinquants et des malades mentaux. Les ouvriers, eux, luttent aux côtés de leurs camarades français, dans des grèves par exemple, et s'engageront très souvent dans la Résistance. Après la guerre, beaucoup rentrent chez eux. La Pologne a alors trop besoin de bras pour que la politique d'émigration ne soit pas freinée. Ainsi, la communauté polonaise diminue sensiblement après 1945. Mais beaucoup ont été naturalisés. C'est à la suite de la défaite républicaine, en 1936, que les Espagnols sont les plus nombreux à venir en-deçà des Pyrénées, et on sait dans quelles conditions ils ont été reçus, parqués dans des camps comme au Vernet. Mais on ignore plus souvent que dès la fin du 19° siècle, ils cultivaient la terre dans le Sud de la France. . près 1945, l'immigration change de nature. D'abord, Ales pays européens décimés et partiellement détruits par la guerre ont besoin de leur main-d'oeuvre, d'autant qu'un fort mouvement d'immigration des Européens vers les deux Amériques se produit en m~me temps. Ils font donc presque tous appel à des travailleurs étrangers, et chacun va puiser dans ses réserves coloniales ou ce qu'il en reste. En France, jusque-là, les colons du Maghreb avaient refusé 1'« envoi» de travailleurs arabes en France : les salaires y étaient plus élevés que dans la colonie, ils craignaient des mouvements de protestation. Après la guerre, le mouvement s'inverse. Ce qui change aussi, c'est la façon dont l'Etat se met à intervenir plus directement sur la politique d'immigration. On a vu les patrons organiser des convois de Polonais en 1920 ; c'est en 1924 qu'est fondée la SGI, Société Générale de l'Immigration, dirigée par des lobbies industriels comme les Houillères du Nord-Pas-de-Calais, qui a la main-mise sur la venue des travailleurs étrangers par négociation directe avec les pays concernés. Le premier organisme officiel est un Secrétariat d'Etat à l'Immigration, fondé en 1938 par le gouvernement Blum, confié à Philippe Serre. Son existence est éphémère. Mais les ordonnances de l'automne 1945 mettent en place l'ONI, Office National d'Immigration

il s'agit de confier à l'Etat, par son intermédiaire,

toutes les tâches inhérentes au recrutement, à l'accueil, à la formation des travailleurs étrangers, pour permettre un meilleur contrôle sanitaire et social de ceux-ci, et éviter le phénomène de la clandestinité. l'ONI perd en fait une partie de ses prérogatives peu après, mais son existence joue cependant un rôle important dans la venue de telle ou telle nationalité, selon qu'il a des bureaux dans les pays susceptibles d'envoyer des travailleurs à l'étranger. On connaît mieux l'histoire récente de l'immigration. Les années 58-68 sont une période d'expansion économique pour l'Europe, on a besoin de travailleurs. En France, la guerre d'Algérie provoque d'abord le maintien en France des Algériens qui s'y trouvent déjà, puis, après 62, les arrivées que l'on sait. Mais la France puise aussi dans les « réserves» que constituent pour elle les pays des ex-AOF et AEF, Sénégal, Côte d'Ivoire, etc .. . La venue des travailleurs marocains et tunisiens date aussi pour l'essentiel de cette période, et il faut encore rappeler la venue de plus en plus massive des Français des Antilles, chassés par les difficultés économiques de leurs îles. Ainsi, les immigrés se « voient» beaucoup plus dans les rues de Paris et d'ailleurs: la couleur de leur peau y contribue pour une bonne part, mais aussi leur habillement et leurs coutumes, plus différentes des nôtres que celles des Européens de la période précédente. Non, l'immigration n'est pas un phénomène nouveau en France. En 1850, date du premier recensement décomptant les étrangers à part, ils sont 1,06 070 de la population totale. Ce chiffre ne cesse d'augmenter. Le seuil des 3 % est atteint en 1886, et, en 1930 et 31, ils sont trois millions d'individus, c'est-à-dire 7 % de la population totale, c'est-à-dire plus qu'en 1983 ! La France est un vieux melting-pot, en fait, plus que bien d'autres pays et presque autant que les USA. De même que 4 Parisiens sur 5 sont d'origine provinciale, de même un Français sur 5 a parmi ses quatre grands-parents au moins un étranger - et la proportion augmente beaucoup si l'on remonte un peu plus haut, bien sûr. Pourquoi certains immigrés, parce qu'ils sont venus il y a plus longtemps et de plus près, auraient-ils mieux été tolérés? En fait, la xénophobie est une vieille hlstoire en France. Les « Espingoins », les « Portos », les « Yougos » peuvent en témoigner avant les « Bougnoules» et les « Beurs ». Yveline LEVY-PIARROUX

  • Les travailleurs immigrés en France, B. Granotier, éd. Maspéro Paris

1979. ' ,

  • Dossiers E •.. comme Esclaves, J. Benoît, éd. Alain Moreau, Paris, 1980.
  • . L'iml!ligration en France depuis 100 ans,A. Prost, revue Esprit, n° spéCial

avnl 1966.

  • Le P.S. et l'immigration (1920-40), M. Lévian éd. Anthropos, Paris

1982. ' Différences - N° 27 - Octobre 1983 35 Mineurs dans le Nord (ici, des retraités polonais), maçons plus tard, mais toujours contrôlés ..• IDEAL CUIR 41, Avenue Mathurin Moreau 75019 Paris 205.90.80 290163 - Porte 122 EN DEBAT LE RACISME EST-IL NATUREL ? • Ah la la! Tout le monde est un peu raciste, ça fait partie de la nature humaine ... Pas si sûr! Albert MEMMI écrivain Le terme racisme n'existe ni comme concept ni comme théorie. xcusez-moi de commencer par un reproche Evotre question est tendancieuse. Vous a vez évidemment envie que l'on vous réponde: non! non, le racisme n'est pas inscrit dans la nature humaine! Et l'affaire est réglée. Je ne sais même pas, pour ma part, ce que signifie cette « nature humaine », et je suis même sûr que la notion de racisme est faussement claire. Je crains que notre problème soit plus compliqué, et plus grave. C'est ce que j'ai essayé de dire, depuis 30 ans, dans une quarantaine de publications (1). Très brièvement, il faut distinguer, me semble-t-il, deux niveaux : - le premier est celui de ce que l'on appelle le racisme: c'est une planche pourrie. Rien n'y résiste à l'examen : ni les prétendues races humaines, ni leur prétendue parité, ni la supériorité qui découlerait de cette parité, ni les privilèges qui devraient découler de cette supériorité. A la limite, on devrait abandonner même ce terme plein d'équivoques: il n'existe pas de théorie scientifique ainsi nommée. Donc, tout est dit? Hélas, non, car il existe, par contre, un trait, plus dramatique peut-être, commun à la quasi totalité de l'espèce humaine: un refus agressif d'autrui, que j'ai proposé de nommer d'un nouveau mot l'hétérophobie. C'est une conduite à base de peur et de concurrence vitale. Voulant, pour survivre, défendre ses biens, et s'approprier 36 ceux d'autrui, biens mobiliers ou immobiliers, nourriture, matières premières, femmes, biens réels ou imaginaires, religieux, culturels, l'homme est à la fois agresseur et agressé, terrifiant et terrifié. On comprend que chaque fois que la conjoncture devient difficile (crise économique ou politique, raréfaction des biens, changement trop rapide, etc ... ) ce refus agressif d'autrui d'exaspère sous divers alibis ; dont le racisme, c'est-à-dire sous le prétexte de différences biologique, ou d'ailleurs culturelle ou psychologique. C'est ainsi que les faux problèmes du racisme ont obscurci ce problème fondamental de l'hétérophobie. Il nous faut donc bien distinguer ce sens large, qui appelle une vigilance intellectuelle et pratique de tous les instants, du racisme proprement dit, qu'il faut dénoncer avec mépris. Sans doute il faut punir ceux qui se laissent aller à cette agressivité contre autrui, surtout par des actes. Mais si nous n'abordons pas enfin le fond du problème, le racisme aura encore de beaux jours. D (1) Voir la plus récente: « Le racisme », Editions Gallimard, Collection Folio, 1982. Albert Lévy Secrétaire général duMRAP On ne peut parler d'une fatalité de l'existence du racisme Qu'est-ce que la nature humaine ? On ne peut juger scientifiquement qu'à partir des hommes réels tels qu'ils nous apparaissent dans l'Histoire et le présent. De ce point de vue on observe que le l'influence de ces facteurs s'atténue et le racisme recule: on peut donc imaginer que dans certaines circonstances, il pourrait être réduit considérablement sinon supprimé. A l'inverse, nous voyons bien aujourd'hui ce quifavorise les attitudes racistes : les situations de frustration et de peur résultant de la crise, les difficultés de cohabitation dûes à la mauvaise qualité de l'environnement dans les « cités ghettos », les inégalités entre groupes humains que l'on veut justifier par des différences ethniques, les incitations de ceux qui utilisent cyniquement le racisme à des fins politiques . Donc on ne peut pas parler d'une fatalité de l'existence du racisme et de ses méfaits. [ J Alain FINKIELKRAUT philosophe Le racisme est une forme parmi 5 d'autres de la !Jl tu haine du prochain ..J tu :z: u o0: """''''_.011. ...._ 1 1 y a à cette question deux réponses possibles, une de droite et une de gauche. La réponse de droite consiste à dire, oui le racisme est inscrit dans la nature humaine. C'est bien ou c'est mal mais de toutes façons c'est comme cela on n'y peut rien. La réponse de gauche consiste à dire il n'y a pas de nature humaine. Ce que nous prenons pour notre nature n'est que le résultat de notre conditionnement. On peut lutter contre le racisme en combattant ces conditionnements. Je crois qu'aucune de ces réponses n'est tout à fait satisfaisante. Le racisme est une forme parmi d'autres de la haine du prochain. Le prochain, c'est l'intrus, l'indésirable, celui qui m'empêche de persévérer dans mon être en toute bonne conscience. Par la haine raciste, on essaie d'échapper à ce lien d'obligation, à cette mauvaise conscience qui nous attache, malgré nbus aux autres. Je crois donc que le racisme n'est pas inscrit dans la nature humaine mais que ce qui se manifeste, à travers lui, c'est le désir en l'homme d'être une pure nature, libre de se déployer comme elle le veut. D Assurances: l'assuré d'abord 'Avant de proposer des assuranees, un assureur doit en donner. L a Caisse Nationale de Prévoyance vous donne l'assurance de sa compétence : une expérience plus que centenaire et dix millions d'assurés. .. ' La CNP vous donnp l'assurance de la proxirrùté: des eentaines de points de vente, et des conseillers dans tous les bureaux de Poste et du Trésor Imblic. ---- L a CNP vous donne l'assurance du choix : une gamme de produits très large, étudiée pour protéger votre famille et répondre à vos besoins de ouscn\lt\ons , , . enlS et s de poste prevoyance. \t .n. cw;netn . bureaU,," . 'U' e toUS \es pub\lC. l' oilà pOurqUOI la CNP peut dan' et du 'frésot vous proposer ses assurances. Caisse Nationale de Prévoyance L'Assurance-vie Différences - N ° 27 - Octobre 1983 37 Jean DANIEL journaliste Le racisme est une donnée de la nature humaine lusieurs générations de gens que l'on dit révolution- P naires, progressistes, libéraux ont vécu sur l'idée que le racisme était an ti-naturel et que l'anti-racisme, au fond, un acquis. C'est le contraire. Tout ce que nous voyons, dans tous les domaines, toutes les études des spécialistes en ethnologie, en biologie, toutes les extrapolations des sociologues nous montre qu'il y a dans la nature humaine un phénomène d'auto-protection, de peur de l'autre, de refus de la dissemblance, de repli sur le groupe, le clan, la famille, l'individu. Ce repli, comme tout repli est fait d'exclusion. Et quand il y a exclusion, il y a un cheminement vers le racisme. Ce qu'il y a de nouveau dans notre époque, après tout ce qui s'est passé, et qui devrait mieux nous armer pour lutter contre le racisme, c'est précisément de savoir que l'antiracisme est une conquête, une bataille, une lutte, et que le racisme ne doit pas être seulement un sujet de surprise et d'indignation. A vant, nous n'étions pas armés car à chaque fois qu'il y avait un phénomène raciste on se disait: comment est-ce possible? C'est affreux, scandaleux. Et on condamnait, et on jugeait. Bien sûr, il faut toujours le trouver scandaleux et le condamner, et, pour lutter contre lui il faut maintenant savoir qu'il existe en chacun de nous et quelque fois, bien pire, chez les victimes même du racisme. Le racisme est donc un mal d'autant plus grave, d'autant plus énorme, d'autant plus dangereux que c'est une donnée de la nature humaine et c'est pourquoi toutes ces manifestations doivent rencontrer une vigilance, une mobilisation qui ne doit pas désarmer. Dès qu'on en aperçoit le symptôme, on doit se mobiliser, mais en même temps, on doit en analyser l'éclosion, l'essor, les conditions de maintien, de survie. Il y a des choses difficiles à admettre, par exemple que c'est un mal qui commence à naÎtre chez les pauvres, dans les classes les plus défavorisées chez ceux dont on croyait, dans notre grandeur progressiste ancienne, qu'elle devait normalement y être complètement hostile. C'est la promiscuité, les différences culturelles, l'urbanisation, la misère, la compétition du chômage qui tout d'un coup fait prendre la valorisation des différences culturelles pour une sorte de supériorité sur le voisin, même s'il est aussi malheureux qu'eux et même plus. Une fois que l'on a dit cela on risque d'encourager un certain nombre de thèses en vogue qui sont légitimes mais qui risquent de nourrir indirectement le racisme: c'est la nouvelle affirmation de la différence. Car si le racisme, d'un côté, c'est le refus de la différence, d'un autre côté, l'exhaltation de la différence nourrit le racisme. Parce que c'est une donnée naturelle et parce qu'elle se nourrit en même temps parfois d'éléments progressistes, à aucune époque nous avons été plus armés plus conscients _ des moyens de lutter contre le racisme. LA PARBLE A ••• Lotus Engel Notre société est comme un arbre mort Poètesse, animatrice de l'association PALM, née aux Antilles d'une mère indienne et d'un père breton Notre monde est à l'image d'Osiris, découpé en morceaux: « Tournant d'un doigt de son livre songeur les pages Isis la belle Isis se souvient d'Osiris» (1) Notre civilisation est à l'image des tours de la Défense, nous sommes en train de perdre le contact avec les éléments et l'eau particulièrement. Ce qui est beau, c'est le mouvement de la liane autour du tronc, notre société est comme un arbre mort complètement sec et sans sève autour duquel la liane ne s'enroule plus et qui peut continuer de se maintenir en apparence. C'est parce que nous avons perdu le sens de la parole libre, de la poésie, que nous avons perdu le sens de l'humain, le sens de l'autre. L 'homme était poème du ventre, le verbe était de chair, aujourd 'hui il est cher sur le divan du psychanalyste. La poésie est une parole, un chant, une naissance livrée sous un voile. Avec Freud la poésie a basculé dans le champs de la psychanalyse, avec Lacan la psychanalyse est redevenue poème, parole errante. La poésie est la parole de l'ailleurs, le poète est Arc-en-ciel entre le matériel et le sacré, il lui appartient de bâtir la vie sans bruit comme une cathédrale. La psychanalyse est ce moment de la parole emmurée, dont l'Occident a bien du mal à se remettre. Je crois à l'Amour-miroir, au sens ou l'autre est toujours le miroir dans lequel on peut lire sa propre différence. C'est là que peut-être l'essentiel se joue de l'essentiel. Le lotus qui est la fleur de la sagesse, ne pousse-t-elle pas dans la vase ? . Pour l'instant c'est la traversée de l'enfer, l'homme doit à nouveau se laisser pénétrer par la sève, par l'élément féminin, car « la femme est l'avenir de l'homme ». Isis a sauvé Osiris son frère et son époux défunt en le ressuscitant de son souffle, tandis qu'Orphée en se retournant sur le chemin n'a pu ramener Eurydice, la femme du royaume des morts. « Je m'achemine patiemment Du fond des siècles et des mémoires Pour enfanter vos songes et hanter vos Destins Et tel l'étrange Sphinx des antiques cités Je suis tout à la fois la réponse et l'Enigme ».(2). Propos recueillis par Julien BOAZ (1) Extrait de « L'Amour devint aveugle» (2) Extrait de « Et plus vif est le trait, plus se creuse le vide» - Association PALM, 42, rue des Perchamps 75016 Paris 38 CBURIIE Père et fils Votre parution de juin-juillet a provoqué en moi une réflexion plus profonde qu'à l'accoutumée au travers d'un courrier de M. Labeyrie de Sarcelles, intitulé « Place aux autres ». A la lecture de la première partie de sa lettre, j'ai pensé: « voilà une opinion qui me plaît: les médias, en général, insistent lourdement sur l'antisémitisme en omettant l'oppression des autres ethnies ». Cependant la suite m'a paru, à l'image de la presse que critique M. Labeyrie, commettre la même faute de vision: « l'acte gratuit dans une société capitaliste n'existe pas: rien n'est fait pour rien. Le but du capital étant le profit et son accroissement constant, il serait bon, au sujet du racisme, de se poser la question

« A qui profite-t-il ? »

Les Noirs et les Indiens d'Amérique latine ont fourni aux exploitant s capitalistes blancs, de la main-d'oeuvre quasiment gratuite et corvéable à merci. Les faire considérer par l'opinion publique comme des êtres inférieurs proches des animaux, permettait leur exploitation en toute impunité. Les Maghrébins, sous le joug colonialiste, se sont vus dépossédés de leurs terres : un être inférieur ne peut que travailler la terre, pas la posséder. Le racisme fait passer le bidonville, le salaire de misère et la trique. Les exemples ne manquent pas, malheureusement, reproduisant le même schéma:« le racisme d'aujourd'hui, c'est le fils de celui d'hier; le petit-fils du capitalisme en somme ... ». Le titre auquel . j'ai pensé est :« Capitalisme et racisme, père et fils !» [J Gérard CHERADAME 84400 Apt Nostalgies ? J'ai lu avec étonnement l'article de Jean Michel Olle dans le numéro 24-25 de Différences. Habitant l'Ile de Ré à longueur d'année, j'ai appris avec surprise qu'il y avait des « textiles» et des « tous-nus» et que ces «tousnus » étaient ceux qui connaissaient l'île «quand elle n'était encore qu'une côte d'azur atlantique réservée aux privilégiés. Double affirmation fausse, car depuis longtemps l'île rassemble des riches et des moins riches et même des gens arrivés avec leur seule chemise comme bagage. Je n'ai jamais constaté de mépris, même quand, en août, la côte est sursaturée. Chacun vit ses vacances, son rêve, seul ou en groupe, sans s'occuper inutilement des voisins. Il y a bien longtemps que les nudistes ne se cachent plus dans des coins secrets ! Cela était bon du temps de la jeunesse de Suzy Solidor, au clair de lune, à la plage du Marchais! Je n'ai jamais vu depuis quelqu'un s'étrangler d'indignation! Quant aux propos sur la « réserve », il est scandaleux ( mettre les beaux les riches à Ré et les autres sur Oléron »). Je suis non moins étonnée quant aux comparaisons entre le nord et le sud de l'île. Les gens aiment cette île. Ils viennent pour elle, pour sa mer, son soleil, son côté encore un peu rence symbolique, faire de Ré un Oléron ou un Noirmoutier. Pourtant, le pont est devenu une nécessité, et sera d'ailleurs construit. Mis à part l'inquiétude des gardiens de la réserve ornithologique (réelle celle-là) des Portes, il n y a d'ailleurs plus grandmonde, pour s'y opposer. La grand-peur, c'est que le pont en finisse avec la légendaire douceur de l'Île, et que celle-ci devienne la banlieue-dortoir de La Rochelle, la métropole qui la guette ». J.M.O. Hémisphère sud On ne peut les orienter en sections de BEP en L.E.P. ni en lycée classique, en seconde. Là ces heureux jeunes gens qui auront « bénéficié» pendant plusieurs années d'un enseignement totalement inadapté et étranger à leur langue, leur peuple, leur civilisation, vont entrer dans «la vie active », autre euphémisme pour désigner le chômage, et, peut-être, la petite délinquance (elle est en train d'augmenter, proportionnellement aux difficultés économiques et aux échecs scolaires). Je doute fort que ces jeunes-là apprécient une « culture française» à laquelle ils ont l'impression à juste titre d'avoir été idiotement sacrifiés. Le racisme ? Nous vivons dans une société pluriethnique. OK. Donc, le racisme, ça n'existe pas, me répond-on (côté Européens ... ). Mais, mais ... j'ai vu, entendu, enregistré bien des choses, des réflexions, qui me font penser que le racisme, ici, il existe bel et bien. Esther LOUIS Nouméa sauvage, et pour les rhétais qui de Ici, dans l'hémisphère sud, nous ,--------------'----------------1 tous temps les ont attendus parce sommes en plein deuxième tri- tuellement le fait des conserqu'ils apportent leur animation, mestre de l'année scolaire 1983. LES vateurs et des réactionnaires. leur gentillesse, un parfum cita- J'enseigne dans des classes de 5e DIFFICULTÉS din, voire leurs petits cadeaux. et de 3e , les classes-charnières du DU DÉBAT Ouvert quand il s'agit de Que les uns en tirent bénéfice, premier cycle, celles justement où l'extrême droite, plus feutré n'est-ce pas le but du tourisme? l'on « oriente» les élèves, et ce, et plus hypocrite dans la Qu'il n'y ait plus de terres dispo- dès le deuxième trimestre. droite parlementaire ou léganibles, n'est-ce pas le résultat Le plus souvent, à ce moment-là, Le mois dernier, le débat nous liste, il prend toujours pour d'un succès? Peu de terres ont les profils scolaires sont assez a donné bien du mal. Non cible celui qui est dé]' à la vic- connu la misère comme celles-ci nets, les dès sont jetés, les échecs time des pré]'ugés de la ou, , au d e'b ut d u sl"e' c1 e d ans cer- entérinés ... Le collège est une des seulement les déclarations de société, le Noir, le Juif, taines familles pauvres, on parta- plus grandes entreprises indus- Georges Marchais et Lionel geait un oeuf en trois pour les trielles d'évacuation des JOSpI.D ont e' te' I.D t erver tI'S , l'Arabe. Dans tous les pays, enfants: le jaune pour le plus «déchets ». Je m'étonne encore mais en plus nous n'avons pas du Klu Klux Klan à Hitler, les jeune, la moitié du blanc pour les et toujours de ne pas me retrou- eu la place de donner celle de exemples abondent. La enfants plus âgés. ver au CNPF... Mme Arlette Laguillier, que France n'en a pas été exempte Que les prix aient monté, est-ce Evidemment, comme par hasard voici: et il n'est pas nécessaire de réservé à l'île? Que les uns puis- (un hasard de plus en plus remonter bien loin pour le sent manger du filet et que les contesté, heureusement, tant par trouver. Sous couleur de autres à la fin du séjour achètent les militants Kanaks indépendan- « sécurité» nous voyons se 400 grammes de chair à saucisses tistes que par les enseignants développer aujourd'hui des pour cinq, est-ce propre à notre conscients de leurs lourdes res- île? Que des snobs parfois e,V .I - ponsabilités, surtout les membres campagnes de ce genre. tent les gens du mois d'août un des G.A.P.P.) la majorité des Malheureusement il n'est pas peu bruyants parce que trop élèves mélanésiens, et de nom- seulement le fait de la droite. nombreux, mais bien sympathi- breux Wallisiens, n'accèdent Ces derniers temps on a vu ques dans l'ensemble, n'est-ce jamais à l'enseignement secon- aussi en France des politiciens pas universel? Les gens du XVIO daire. qui se disent de gauche jouer n'invitent pas les ouvriers chez Première voie de garage: les clas- avec le feu. Ainsi, naguère, le eux, que je sache! ses dites « de fin d'études» (ô Parti Communiste lui-même, Pour garder le « charme de l'île euphémisme!) qui pourtant pour plaire à un électorat non de Ré » il fallait tout garder. On débouchent tout de même sur aurait eu à jamais d es gens cour- une structure bien critiquée, mais débarrassé de préjugés racisbe" s a perpe"t ue sur 1a t erre, sur 1e qui a le mérite d'exister: les tes, entreprit de s'attaquer à sable, marchant nu-pieds, avec A.L.E.P., où les adolescents certains foyers d'immigrés. leur maison au sol de terre bat- peuvent préparer un CAP en Ainsi, il y a encore moins tue. Et l'été, des riches bien no ur- quatre ans (au lieu des trois ans longtemps, Pierre Mauroy, ris, bien vêtus, venant voir ces de L.E.P. ordinaire). pour stigmatiser une grève de gens si pittoresques ICa ne serait Deuxième voie de garage: les « Le racisme « ordinaire », travailleu rs de Renault, pas du racisme? L.E.P. après la se, où l'on place celui des gens du peuple n'hésita pas à insinuer qu'elle M. Ollé devrait savoir que la jus- les élèves non dans les sections comme des classes bourgeoi- pouvait être inspirée par les tice sociale ne passe pas par des qui les intéresseraient, ou qui ont nostalgies. C'est incompatible. économiquement des « débou- ses, est haïssable. Il est le pro- intégristes musulmans et Kho- Germaine MAILHE chés» sur le territoire même, duit des préjugés, de la sottise meiny. Ni le PCF ni Mauroy Saint Clément des Baleines mais dans les sections où il reste et du manque de culture. Le ne sont racistes, mais ils ont Mme Mailhé fait référence à ce de la place, parce qu'on n'a pas racisme politique est odieux. montré là qu'ils pouvaient passage de mon article: voulu d'eux ailleurs, étant donné C'est celui des notables ou des céder à la pression ou même « C'est là que se pose la question leurs moyennes catastrophiques politiciens qui, racistes eux- jouer des préjugés racistes . du pont. Parce qu'au-delà des un peu dans toutes les disciplines. mêmes quelquefois, mais le L'exploitation politique du sentiments de différence, très Troisième voie de garage: après plus souvent sans l'être, racisme, qu'elle soit le fait de marqués entre les touristes et les la troisième, ils ont largement misent sur les préjugés des la droite ou de la gauche, va Rhétais, et entre les touristes eux- atteint l'âge de fin de scolarité autres, exploitent le racisme forcément à l'encontre des mêmes, il existe une différencia- obligatoire (la plupart des Mélation encore plus forte, celle qui nésiens et Wallisiens arrivent en ambiant, non parce qu'ils y intérêts des travailleurs. Et oppose les Rhétais, de souche, de 6e avec déjà deux à trois ans de croient eux-mêmes mais parce dans tous les cas elle est à choix ou de passage, au «conti- retard sur l'âge scolaire « nor- qu'ils y ont intérêt, et du coup combattre sans concession ». nent », pensé comme le lieu de la mal »). Alors là, on les met à la contribuent à le conforter et Arlette LAGUILLIER foule et du vulgaire. Construire porte. Dossiers minables, résul- même à l'étendre. Responsable à Lu_n_p~o_nt_,_c_~_s_t_d_h_r_ul_r_e_ce_t_oe m~i ffi~e_~ __ta_ t_s_m_i_n_a_bl_e_s~p_a_rt_o_u_t._ ________l _C_e_r_a_c_is_m_ e~ p_o_l_it_iq~u__e _e_ st h_ a_b_i-_______________L _u_t_t_e_O__u vr _i_è_re~ Différences - N ° 27 - Octobre 1983 39 LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, . du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT: SULLY, 85 rue de Sèvres, Paris 6° 5 % sur présentation de cette annonce ~ les editions ouvriëres ~~ ~c:, \.\) \\~ .a.HaJlS;oe-- ~ '\, c:, ~ ~ ~~\c:,' Jean-Louis DUCAMP racontés LES DROITS DE L'HOMME aux enfunts RACONTES AUX ENFANTS -"77:." , t~:: : . .'.! ~..'..,- ~'. 1..1 . , .. ' .. :~: ~ • t __ - . 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(1) 322.74.84. 0 La Compagnie des quatre 12 chemins présente à 22 h, au Théâtre les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris 1 er, Va ma terre, quelle belle idée, d'après Le Chemin des Ordalies d'Abdellatif Laâbi, jusqu'au 7 novembre. Rens. (1) 236.00.02. 0 Quinzaine du cinéma 14 espagnol à la M.J.C. des Marquisats d'Annecy. Un panorama d'une trentaine de films sera présenté, avec des débats et discussions en public. La présence de plusieurs réalisateurs est prévue. Parallèlement aux expositions

La guerre d'Espagne et sa

mémoire cinématographique et Le Cinéma espagnol des années 70/80: Carlos Saura et ses héritiers. Les ballets Carmen et Noces de sang seront présentés par le Centre d'Action Culturelle d'Annecy les 20, 21 et 22 Octobre. La M.J.C. de Novel (près d' Evian) programme également une courte rétrospective de Bunuel et une exposition de cinq artistes espagnols vivant en France. Rens, M.J.C. des Marquisats, 52, rue des Marquisats, 74000 Annecy, tél. (50) 45.08.80. Daniel Partour. 0 14 Concert Henri Guedon à la Maison de la Culture de Tourcoing suivi de stages de percussions les 15 et 16. Rens. (1) 203.41.34. 0 15 De 14 à 22 h. à la faculté de Droit Paris 1 er, 12 place du Panthéon, Paris 5e , Journée ET ENCORE Voyages. Du 4 au 17 Février 1984, l'Association culturelle et de loisirs des Antillais de Sevran (ACLAS) et le Centre culturel communal de Sevran organise un séjour de deux semaines en Guadeloupe, pour une somme de 7.520 F. par personne. Date limite pour les inscriptions : 31 octobre 1983. Rens. Centre culturel communal de Sevran (1) 384.93.50 poste 478. 0 Lecture. Liberté . .. Justice, le combat de Daniel Mayer, livre de Claude Juin, préface de Vercors, est en vente à la Ligue des Droits de l'Homme, 27 rue Jean Dolant, 75014 Paris, pour la somme de 125 F. Daniel internationale de solidarité avec des peuples indiens des Amériques organisée par le CISA, Diffusion Inti et le MRAP, avec la participation de délégations indiennes et projections de films et de montages. 0 15 ge Fête du Peuple Breton, pendant deux jours, à Brest Penfeld avec la participation entre autres de : Pierre Akendengue, Glenmor, 1 Muvrini, Lamine Konté, Lluis Llach, Steve Waring, Didier Lockwood. Rens. pour la région parisienne: UDB - l3 rue Albert Thomas 91200 Athis-Mons, ou Brest (98) 46.18.24. 0 18 A 21 h., le Théâtre de Sartrouville présente, dans le cadre du Festival de l'Ile de France, Le Deller Consort musique vocale anglaise à la cour d'Henri VIII et d'Elisabeth 1. Rens. Théâtre de Sartrouville, rue Louise Michel. Tél. (1) 914.23.77. 0 18 Jusqu'au 23, à la Maison des Jeunes et de la Culture de Malakoff, annexe de la mairie, exposition sur le 40' anniversaire du Ghetto de Varsovie, le 19 et le 22 soirée débat à 20 h, avec projection de films, organisée par le MRAP de Malakoff. Celui-ci participera également le 26 à un gala Tzigane, au Théâtre 71, place du Il Novembre. 0 18 Jusqu'au 5 novembre, à 21 h au Théâtre du Forum des Halles (niveau 3) Una Ramos et sa kena, du 9 au 26 novembre : Nazaré Pereira. Rens. Isabelle Campet (1) 297.53.47. 0 19 Au centre social de la ville nouvelle du Vaudreuil dans l'Eure, exposition La rupture Mayer, ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme vient d'être nommé président du Conseil constitutionnel. 0 Tziganes. Création d'un prix littéraire Tziganes, le Prix Romanes. Ce prix sera décerné le 14 novembre à 16 h. à l'Espace Gaîté, 35, rue de la Gaîté Paris 14". Il s'agit d'un prix décerné chaque année à un écrivain tzigane, ou à un écrivain ayant écrit sur les Tziganes. Date limite de dépôt des manuscrits le 30 octobre 1983 chez M. Matéo Maximoff, 61 bd Edouard Branly 93230 Romainville . Tél. (1) 857.39.45. 0 Humour. Pour 60 représentations supplémentaires Guy Bedos est revenu le 27 sep- 42 ( .. . dialogue avec la différence, particulièrement l'immigration). Voir Différences n° 23 de mai 83. 0 Jusqu'au 25 octobre , 19 à 20 h., une semaine cinématographique au cours de laquelle seront projetés six films sur le monde ouvrier en liaison avec les représentations au petit TEP de Clair d'Usine de Daniel Besnehard Gusqu'au 4 décembre) et 6 films sur la Révolution de 1789 qui précéderont les représentations, au TEP, de la Mort de Danton de Georg Büchner (à compter du 8 novembre). Petit TEP, 15 rue Malte Brun, TEP, 159 av. Gambetta, 75020 Paris. Rens. tél. (1) 363.20.96. 0 Jusqu'au 23, l'Ecole des 20 jeunes cinéastes hongrois, le studio Bela Lalazs, à la petite salle du Centre Georges Pompidou. Une quinzaine de courts et longs métrages documentaires de 1962 à aujourd'hui. La plupart des films présentés seront inédits. Rens. Centre Georges Pompidou, tél. (1) 277.12.33 p.44.49 et 45.41. 0 Jusqu'au 27, Cheikh Iman, 21 chanteur égyptien, accompagné du poète-parolier Fouad Negm, et du 3 au 6 novembre : Musiciens de Syrie (nay, 'oud, bouzouk et percussions) à l'occasion de l'exposition 10.000 ans d'art en Syrie au Petit Palais. Théâtre de l'Alliance, Maison des Cultures du Monde. Tél. (1) 544.72.30. 0 22 Jusqu'au 19 novembre, Le cadeau de l'empereur de Giovanna Marini, operatorio pour fanfare et voix naturelles, du mardi au samedi à 20 h 30 (ditembre au Théâtre du GymnaseMarie- Belle, 38 bd de Bonne Nouvelle, à 21 h. Rens . (1) 246.79.70. 0 Langues. Le Service de Formation Continue et d' Edu- i cation Permanente de l'Unisersité de Haute Bretagne, Rennes Il, organise des cours à distance d'enseignement du portugais par l'écrit et l'oral (cassettes). Un diplôme universitaire de Formation Continue est délivré en fin de cycle de perfectionnement. Rens. Université de Haute Bretagne, SEFOCEPE, Rennes Il, 6 av. Gaston Berger, 35043 Rennes Cedex, tél. (99)59.09.40 ou 54.99.55 poste 1912. 0 manche matinée à 17 h.), aux Théâtre des Bouffes du Nord. Rens. (1) 325.99.55 et 508.17.60. 0 Au Palace, 8 rue du Fg 24 Montmartre à Paris, Apartheid Not en concert, à 21 h. Rens. Tél. (1) 770.44.37. 0 24 Journée Tiers-Monde, organisée par le Ministère de l'Education, dans les maternelles, écoles, collèges et lycées . 0 29 Clôture des expositions : Arts d'Afrique Noire et de Madagascar, Lire l'Afrique et Peinture populaire d'Ethiopie avec conférences, animations, cinémas, musique et danse à la Maison de l'Etranger, 16 rue Antoine Zattara, Marseille 3e . Rens. Tél. (91) 95.90.15. 0 NOVEMBRE A la Galerie municipale de 2 Photographie de Montpellier, exposition d'une trentaine de photos effectuées en Egypte et dans les Iles Baléares par Liliane Bagnol, jusqu'au 30 novembre. Rens. Françoise Amal, tél. (67) 64.34.34. 0 Agenda réalisé par Danièle SIMON Vous êtes impatients et rusés ..• Achetez d'avance le calendrier 1984, composé des meilleurs dessins du Concours international de dessins d'enfants, organisé par le MRAP, Radio-France Internationale, et Différences. Vous le paierez ainsi 20 francs au lieu de 35. Offre valable jusqu'au 31 octobre 1983 ••. Répondez vite! Maisons recommandées Créations Nory 249, Rue Saint-Denis 75002 PARIS Thérèse Baumaire Prêt-à-porter 7, rue des Filles du Calvaire 75003 PARIS 1 "\a v\.e " ne prêche pas mais informe, ne tranche pas mais expHque, n'impose pas mais révè\e. "la vie" : / un regard différednt / sur notre mon e. , daire chrétien d'ac,tualité - "la vie' - hebdoma chand de Journaux, d, hez votre mar , " chaque mercre 1 c 'méros de "la Vie Demandez à recevoir W~~iCharlesn~~ %OCharlesICharlesU PARIS CEDEX 17 . onse ci-dessOUS a en adressant le coupon-rep , "à ' 3 n0 5 gratuits de "la vie ' Envoyez Nom, prénom: ..... .. ...... .. ............


Notes

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