Différences n°224 -décembre 2000

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Sommaire du numéro

n°224 de décembre 2000

  • Mouvement: Pyrénées orientales, capitale Perpignan. Carnet de bord
  • Rivesaltes: lieu de mémoire et centre de rétention
  • Objets nazi sur internet: Yahoo condamné par G. Kerforn
  • Dossier: 100 ans de vie associative
    • La liberté d'association a bientôt 100 ans et toutes ses dents par C. Benabdessadok
    • Il faut poursuivre la réflexion au sein du MRAP par D. Brendel et G. Kerforn
    • Mesures et perspectives depuis les assises de la vie associative
    • Table ronde avec J.M. Belorgey, M. Barthélémy, C. Wihtold de Wenden
  • Frantz Fanon: un homme, une œuvre, une cause par Aude Matignon

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Texte brut du numéro

'Différences Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples Décembre 2000 - W 224 Sommaire Carnet de bord du comité de Perpignan page 2 • Télex de la fédération de l'Isère page 3 Justice: à propos de Yahoo page 4 • L'agenda du Mouvement page 5 Édito page 5 • Kiosques page Il Échos page 12 • FrantzFanon, l'homme et l'oeuvre page 12 Dossier Juillet 2001 : la loi sur les associations soufflera ses cent bougies. l'année 2001 sera l'occasion d'une évaluation en profondeur des pratiques et des théories. Différences ouvre le débat avec notamment une table ronde réunissant Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat et président de la Mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi de 1901, Catherine Wihtol de Wenden et Martine Barthélémy, chercheuses et écrivaines. LA LIBERTÉ ASS CIATI A 1 ANS ET UTES SES DE 1901· 20 Mouvement Pyrénées-Orientales, capitale Perpignan. Carnet de bord ~ Le Mrap des Pyrénées-Orientales mène une riche activité qui se décline dans toutes sortes de domaines, en particulier sur les discriminations. Carnet de bord à partir de documents rédactionnels et iconographiques que nous a fait parvenir Marie-José Salmon. PERMANENCEJURIDIQUE tous les vendredis aprèsmidi. Ecoute, confection et traitement des dossiers (regroupement familial, titres de séjour, nationalité). Les personnes concernées sont mal informées, ou elles se heurtent à des difficultés linguistes, ou sont illettrées ou essuient un refus de la part de l'administration. Délégations à la préfecture, rédaction de recours, assistance. Or~anisation de la SEMAINE NATIONALE D'EDUCATION CONTRE LE RACISME avec les syndicats enseignants, les fédérations de parents d'élèves, l'ARAC , la MJC, les Francas, les radios. Projections de filmsvidéo, débats dans les écoles, collèges et lycées. Week-end de clôture de la Semaine d'éducation contre le racisme (20/26 mars 2000). Rencontre sportive le samedi 25 mars sur la terrain de la Garrigole à laquelle ont participé des membres du Mrap, de TONG (collectif Tolérance nouvelle génération) et de l'association sportive Grande la Réal. Ce ENF/ND.E. S -P--URIT ENTRE LES ~ -VPLiS! 2 Différences nO 224 Décembre 2000 même jour, inauguration de l'exposition sur montée des fascismes et clôture de l' exposition « Lettres algériennes» dans les locaux de l'Université. Réalisée par le Mrap de Clermont-Ferrand, cette dernière exposition qui connaît un grand succès dans tous les lieux d'accueil, est une oeuvre croisée de dialogues entre peintres, artistes, poètes et écrivains d'Algérie. Grande fête musikaléïdoscopique le 26 mars qui a duré jusqu'à 2 heures du matin: dans le hall d'entrée étaient installés les stands des associations et celui de Karine qui s'occupait du maquillage des enfants. Aide substantielle des amis du Mrap pour organiser la journée, installer la sono, décorer la salle. Ce fut aussi l'occasion de voir se renouveler les activités de la commission Ecole qui ont continué au-delà de la semaine. Les membres du Mrap ont invité toutes les personnes qui les ont aidés à un dîner qui a eu lieu le 15 avril dans les locaux du Secours populaire. Le 8 avril, le Mouvement de la paix, l'Appel des cent et le Mrap ont animé à l'université une JOURNÉE DU FORUM POUR LA PAIX qui a débuté par une série d'interventions. Elle s'est poursuivie par un travail en commissions et une mise en commun après le dîner. Le 22 avril, les militants de TONG ont organisé une grande journée intitulée L'ODYSSÉE DE LA TOLÉRANCE. Le Mrap Y a par- Carte postale éditée par le comité avec l'aide du Conseil général et du FAS ticipé et a été sollicité pour s'exprimer sur l'extrême droite et le racisme. Le 22 mai, les militants du Mrap se sont réunis pour faire un bilan financier de leurs actions. Nous avons décidé de répondre aux sollicitations de France-Cuba et de participer aux Etats généraux de la Jeunesse (qui ont pris l'initiative d'alerter les élus sur la discrimination à l'entrée dans les boîtes de nuit) et à un débat sur le chômage. Importante journée le 27 mai: remise des coupes d'un CONCOURS DE POÉSIES ET D'AFFICHES (reproduites en cartes postales), sur le thème de la fraternité organisé par le Mrap en collaboration avec les enseignants et les parents d'élèves. Manifestation pour les femmes, contre la précarité, pour le droit de vote des étrangers. Depuis l'hiver dernier, s'est constitué un collectif local pour le droit de vote des étrangers, MÊME SOL,MÊMESDROITS,MÊME VOIX: de nombreuses réunions ont eu lieu, une conférence de presse, et de multiples actions auprès des élus. Semaine nationale d'éducation contre le racisme Festival Ida y Vuelta les 1 er, 2 et 3 juin qui se déroule sur la place Jean Moulin, VILLAGE ASSOCIATIF et apéritifs-concerts tous les soirs. Le Mrap tient la buvette et anime un stand où il fait connaître son action et signer ses pétitions. En bref, liens associatifs nombreux, présence et représentation auprès des associations communautaires. Travail en commun avec structures officielles pour l'intégration, l' emploi, le logement, l'éducation, la santé et la culture. Actions et recours contre toutes formes de discrimination. Confection de cartes postales d'après reproduction des meilleures affiches sélectionnées dans le cadre du concours du Mrap «Fraternité» diffusées dans tous les secteurs Jeunesse .• Reproduction en cartes postales d'affiches réalisées par de jeunes scolaires des PyrénéesOrientales dans le cadre de la Semaine nationale contre le racisme Rivesaltes, lieu de mémoire et centre de rétention LE 17 JUIN DERNIER, une convention était signée par le préfet, le président du conseil général, les maires de Rivesaltes et de Salses-le-Château, ainsi que le président du collectif du camp de Rivesaltes, pour faire du camp de Rivesaltes un lieu de mémoire, en présence de Serge Klarsfeld, président de l'Association des fils et filles des déportés juifs de France. Classé monument historique depuis le 4 mai 2000, ce camp a accueilli simultanément ou successivement des Républicains espagnols, des juifs, des Tsiganes, des harkis et des membres du FLN algérien. Pour un budget de 30 millions de francs, ce mémorial comportera une médiathèque, une salle de conférence, un centre de recherche universitaire. La remise en état de certaines baraques permettra de créer un lieu de mémoire avec reconstitution du "décor". Ayant milité depuis de nombreuses années pour que ce camp devienne un lieu de mémoire, le Mrap et l'ARAC (l'Association républicaine des anciens combattants) et Les Amis du maquis Henri Barbusse sont satisfaits que cette démarche ait abouti. Ils ont néanmoins tenu à rappeler dans un communiqué commun leur revendication de fermer l'autre partie du camp qui sert de centre de rétention et ont fait signer une pétition. En voici un large extrait: « Ce qui doit être rappelé, car beaucoup l'ignorent, c'est que cet espace fonctionne encore en camp sous l'appellation "centre de rétention". Celui-ci continue à recevoir ceux que les lois Pasqua, Debré et Chevènement ont condamné par avance à devenir des sans-papiers, venus pour une bonne part constituer une main-d'oeuvre bon marché et qui se trouvent, comme en 1940, "indésirables" dans notre société. Il ne s'agit pas seulement de clandestins (ceux-là étant dans la plupart des cas refoulés à la frontière), ni de délinquants (ils sont envoyés en prison), mais aussi des gens qui, bien qu'ayant grandi et travaillé en France, n'ont pas obtenu leur régularisation et souhaitent y rester parce qu'ils sont intégrés, ont fondé un foyer, ou sont enfants de l'immigration venus en France après l'âge de dix ans avec leurs parents et sans attaches dans leur pays d'origine. Dans bien des cas, il s'agit de la négation même des droits à la liberté, à l'égalité et à la dignité reconnus à tous, sans distinction par la Déclaration des droits de l'Homme, d'actes qui portent atteinte à la vocation de la France, terre d'asile. A quoi bon construire un mémorial qui dénonce les erreurs du passé, si nous les laissons se reproduire dans le présent? » Info du comité Nord-Isère Le Comité Nord-Isère - Bourgoin Villefontaine La Tour du Pin - a dénoncé les écrits scandaleux du conseiller municipal FN de la commune de Villefontaine, Hugues Girard. Dans le bulletin municipal de janvier 2000, il avait écrit un article intitulé « Villefontaine, c'est Minguettes sur Isère» dans lequel il évoquait la ghettoïsation des banlieues, les « extraeuropéens ». Le Mrap a porté plainte. Le 12 septembre, Maître Nelly Seloron, avocate grenobloise, a plaidé devant le tribunal de Vienne

« Les termes utilisés suscitent rejet, haine

et violence contre une partie de la population facilement identifiable. Ce racisme est inacceptable, c'est la rupture du pacte social. C'est un appel à la violence contre une partie de la population. C'est un problème de société, de paix civile et pas seulement un débat philosophique ou politique ». Le tribunal de Vienne ayant mis le jugement en délibéré, le 3 octobre, H. Girard a été condamné aux dépends, à des dommages et intérêts, une amende et à la publication du jugement dans les médias de la commune. Il a fait appel. Le Mrap est satisfait: la justice a défendu les droits de tous les êtres humains. Toujours dans le Nord-Isère, une« Quinzaine sans fascismes» s'est déroulée du 13 au 27 octobre: spectacles, films, conférences, débats. Vendredi 20 octobre, le Théâtre J. Vilar de Bourgoin-Jallieu réunissait à l'appel de Ras L'Front et du Mrap, un public restreint mais attentif autour d'un résistant, Henri de Marchi, des FTP-MOI, et de son compagnon déporté à Mathausen Auguste Selgrade. Présentés par le trésorier de Ras l'Front et par le président du Mrap Nord-Isère, ils évoquèrent les années noires et lancèrent un vigoureux appel à la vigilance contre les idéologies racistes et fascisantes. Précédant leur intervention, la conteuse Rose Marie Labalestra avait dédié son spectacle « à tous les immigrés ». La semaine suivante, le 27 octobre, en association avec la FCPE, Ras l'Front, les DDEN et la MJC turripinoise, le Mrap a réuni dans la salle Equinoxe de LA TOUR DU PIN, ses nombreux sympathisants pour écouter le groupe Evasion: six voix pour 5 continents. Six chanteuses talentueuses qui interprètent dans diverses langues des chants traditionnels originaux. Dans l'agglomération de Pont de Chéruy, la MJC de Charvieu a ouvert sa salle pour un spectacle de Michelle Bernard, spectacle symbolique qui a rassemblé une centaine de personnes dans une commune où le premier magistrat, étiqueté RPR, affiche des idées proches de l'extrême droite et crée dans sa commune un climat de discrimination .• Différences nO 224 Décembre 2000 3 Mouvement Objets nazis sur Internet, Yahoo condamné S DITE À LA PLAINTE déposée par la Licra, l'UEJF et le Mrap, le tribunal de grande instance de Paris, a confirmé le 20 novembre son ordonnance prononcée à l'encontre de la société Yahoo. Les faits sont les suivants: Yahoo assure, sur son site d'enchères basé aux Etats-Unis, la vente de centaines d'objets nazis. Considérant que la société enfreint les lois françaises qui interdisent la promotion des ces objets chargés des drames de l'Histoire, le juge a donné trois mois à la société pour rendre impossible l'accès, par les internautes français, aux pages web concernées. Plusieurs types de moyens ont été imposés à la société Yahoo-inc dont le filtrage par les adresses «IP » des ordinateurs (70 % d'entre eux peuvent être localisés géographiquement par ce code). Il appartiendra alors aux internautes non identifiables de déclarer leur provenance géographique lors de la connexion afin que la société effectue le filtrage ... Faute de prendre ces mesures, la société (qui a trois mois pour s'exécuter) devra verser 100000 F d'astreinte par jour de retard. Cette décision a le mérite de rappeler à une entreprise sans principes qu'internet n'est pas une zone de non-droit. Il faut en effet souligner que la société Yahoo est particulièrement laxiste en matière de respect de la personne humaine. Déjà la métropolitan police britannique s'était indignée du laxisme de « chats rooms» yahoo, qui offrent, de fait, un espace possible aux pédophiles. De même l'ADL (Anti-defamation league aux EtatsUnis) a déjà signalé, qu'au mépris de sa charte qui refuse le racisme, Yahoo ouvre des clubs de discussion dans la catégorie « fierté blanche et racisme» où l'internationale brune s'exprime en toute liberté. Yahoo ne peut donc invoquer l'accident ou l'ignorance et une complaisance aussi active ne doit pas rester sans réactions. La victoire juridique serait de portée limitée si une réflexion de fond ne s'engageait pas afin de définir un ensemble de règles internationales permettant d'interdire l'expression du racisme. Pire, l'acceptation de réactions au racisme, différenciées selon les législations nationales, laisserait entendre que la lutte contre le racisme peut s'adapter à des spécificités juridiques qualifiées de « culturelles». La vocation d'une organisation antiraciste n'est La caravane est à Roubaix le 13 ianvier La fédération Nord-Pas-de-Calais organise un important colloque sur les discriminations à l'école et dans la formation, le l3 janvier de 9 h à 18 h au Centre des archives du monde du travail. L'objectif de cette rencontre est de faire le lien entre l'analyse des processus de discrimination et les situations vécues par les élèves et les enseignants. Les travaux se dérouleront autour de six ateliers

• la scolarisation des Tsiganes • l'accès aux stages • ladiscriminationsociale • l'accueil des primo-migrants • l'orientationscolaire • l'ethnicisation des rapports scolaires. 4 Différences n° 224 Décembre 2000 .~ pas d'enfermer son action dans les carcans

~ nationaux et les cadres juridiques ou techniê

ques. Q) Les droits de l'homme sont des droits unie;: c ..~.., versels. Entre l'action en justice déterminée par la législation française et une mondialisation du racisme dictée par les Etats-Unis, dont beaucoup trop de sites constituent le dépotoir internet du racisme, il existe une autre voie à explorer aujourd'hui. Elle exige la répression, dont les procès ne sont pas la seule expression, mais aussi une politique de prévention associant tous les partenaires concernés, pouvoirs publics, associations et professionnels. Il faut frapper à la caisse. Des sociétés comme Yahoo ne connaissent qu'une logique, celle de l'argent sans odeur et sans principe, aussi leurs reculs seront d'autant plus affirmés que la pression économique aura été plus forte. Le boycott, le refus de permettre l' implantation de filiales sur notre sol si les maisons mères véhiculent le racisme, mais aussi la pédophilie ou l 'homophobie, constituent des moyens d'action encore inexploités qui relèvent d'une pression citoyenne. Un document de fond sur cette question est en cours d'élaboration par le Mrap tandis que les troisièmes assises de l'internet non marchande et solidaire sont organisés le 16 décembre au Centre européen Paris La Chapelle. L'objectif est de réfléchir aux moyens de lutte contre l'incitation à la haine dans le respect des libertés et droits fondamentaux sur Internet: c'est le thème du débat co-animé par le Mrap avec la participation d'autres associations de lutte contre le racisme .• Gérard Kerfom Mission d'information pour l'Anafe Une réunion le 6 novembre à l'Anafe (Association pour l'assistance nationale aux Frontières - le Mrap est membre du CA) a décidé la création d'une mission d'observation, du 15 décembre 2000 au 31 janvier 2001, dont: une campagne de visite des zones d'attente (le Mrap n'est pas concerné par ce point, n'étant pas habilité à entrer dans ces zones) et une campagne d'observation des auditions du 35 quater (de l'ordonnance de nov. 1945 - passage devant les tribunaux, des personnes placées en zones d'attente, pour décider de leur maintien éventuel en zone d'attente), pour laquelle le Mrap pourrait apporter sa contribution. Une formation des observateurs assurant cette présence au tribunal devait se dérouler le 12 décembre à Amnesty, cela pourrait être possible dans d'autres villes de France. Pour de plus amples informations, prendre contact avec Jacques Mignot au siège du Mrap. Exposition de Iloeuvre photographique de Rosette Coryell Vernissage le 4 janvier 2001 à 18 h 30, jusqu'au 3 février Bibliothèque féministe Marguerite Durand, 79 rue Nationale 75013 Paris. En collaboration avec l'Association pour le réexamen de l'Affaire Rosenberg et le Mrap. 12 regards sur le racisme au quotidien Rosette Coryell, récemment décédée, a laissé derrière elle une collection de photographies prises sur le vif dans les rues de Paris ou de sa ville natale, Istanbul. Images de gens riches ou pauvres, puissants ou écrasés sous le poids des tâches quotidiennes, mais aussi aperçus de manifestations publiques féministes ou antiracistes. Elle aimait photographier des personnes « ordinaires» rencontrées par hasard, telle cette vieille marchande de bois, plantée imperturbablement devant une boutique de la rue Mouffetard, ou des personnalités engagées dans les combats qu'elle partageait. Rosette Coryell, qui était chercheuse en psychologie sociale et traductrice avant de s'adonner à la photographie, a été publiée dans les journaux contestataires en France et aux Etats-Unis où elle s'était mariée avec Schofield Coryell, avant que le couple ne s'installe définitivement en France. Sous le titre générique« Pas d'histoires, 12 regards sur le racisme au quotidien », les douze courts-métrages de DFCR (auquel le Mrap est associé) sortiront en salles le 17 janvier à Paris et dans les grandes villes. Les comités Mrap de Metz, Nancy, Les Landes et Nîmes ont déjà préparé l'événement. La série se décline également en version courte (8 films, 40 mn) en direction des enfants de six à dix ans. La série sera programmée sur les chaînes de télévision (France 2 et la 5e ) durant la seconde quinzaine de ce mois. Si vous voulez organiser un événement autour de cette sortie, contacter le Secteur Education. Après les films, Le Livre ! « Sans l'autre, t'es rien» (éditions Mango), est un recueil de vingt récits qui n'ont pas été retenus lors de la sélection des scénarios par DFCR (Dire, faire contre le racisme). Récits écrits dans l'urgence, pleins de spontanéité ... Des textes que DFCR a tenu à faire connaître. Ces textes sont ponctués et enrichis par l'analyse de personnalités impliquées dans la lutte pour la défense des droits de l'Homme. La« confrontation» de ces deux points de vue est plutôt séduisante. Si les scénarios sont inégalement inspirés, on retiendra parmi ces vingt textes quelques véritables perles telles « Le mât de Cocagne », ou « Contre le racisme de toutes sortes» concluant sur une note pleine d'espoir ... Et il y a « Esclave» ! : ce récit bref et délicat fonctionne à merveille. Il est cinglant comme une gifle. Connaît-on la situation de la personne humiliée et qui a peur? Ce texte est évident et troublant de vérité, car« Le silence tue » pourtant : c'est ce que vient nous rappeler Ricardo Montserrat, écrivain qui a passé plusieurs années de sa vie au Chili à lutter sous le régime dictatorial de Pinochet. Il signe là un texte essentiel ... Et rien que pour cela, ce recueil mérite ct' être entre toutes les mains ... Offrez le ! Fabrice Verrier , Editorial ['appel du 31 octobre de personnalités pour la reconnaissance de laréalité de la torture en Algérie restera comme un de ces moments où l'Histoire veut s'écrire au présent. Quarante ans après, l'exigence de vérité est un espoir et un réconfort pour tous ceux qui n'ont eu de cesse de s'obstiner à dénoncer ce crime d'Etat. C'est aussi la reconnaissance du courage de ceux qui ont osé · désobéir, refuser de se rendre complices de ces exactions, et ce au prix fort de condamnations, y compris à mort, et d'emprisonnements. L'appel, les témoignages, les multiples rencontres et débats, ne peuvent s'arrêter au milieu du gué. Désormais la reconnaissance, au plus haut niveau de l'Etat, de la responsabilité des autorités politiques d'alors, s'impose comme un acte de justice, de cohérence. Justice à l'égard des victimes des tortures ' et de leurs proches. Comment peut-on aujourd'hui intervenir dans les Balk- · ans contre des exactions, et couvrir ce que certains militaires ont fait, presque à l'identique, pendant la guerre d'Algérie ? Comment être crédible, dans notre légitime dénonciation des tortures appliquées dans certains pays, si la France refuse elle-même la reconnaissance de ses propres exactions ? Comment expliquer à ces milliers de jeunes Français qu'ils sont des Français à part entière, si au nom de la République, on absout les tortures faites à leurs parents ou à leurs grands-parents ? Enfin, au nom de quelle équité le Président de la République, qui a soulagé les consciences par la reconnaissance des crimes de Vichy, est-il resté aphone devant ceux de l'Algérie française? Pour tourner la page de cette sale guerre, il est indispensable de la lire attentivement, sans haine ni esprit de vengeance. Et aussi reconnaître les taches qu'il s'agit d'effacer par la réparation. Réparer les dégâts de la guerre, c'est s'assurer les moyens, pour les Français et les Algériens, de devenir · des peuples partenaires. C'est édifier des lieux de mémoire communs. ['H istoire nous enseigne que la reconnaissance des fautes libère et grandit. Qu'elle permet aussi d'affronter l'avenir en le bâtissant sur des fondations d'une humanité rendue véritablement plus humaine. ____ ---.;Mouloud Aounit Différences nO 224 Décembre 2000 5 oss La liberté d1asociation a (bientôt) cent ans et toutes ses dents LE MONDE associatif représente aujourd'hui 700 000 structures, un budget annuel de 230 milliards de francs, 1,3 million d'emplois salariés (dont 70 % de femmes), 10 millions de bénévoles et20 millions d'adhérents. Voilà qui donne tout son poids à la célébration du centenaire de la loi relative au contrat d'association (1 er juillet 1901) dont relève le Mrap, siège national et comités locaux. Comme l'indiquent Dominique Brendel et Gérard Kerforn dans leur contribution ci-contre, le Mrap ne peut laisser passer un tel rendez-vous sans s'atteler à une évaluation et à une réflexion en profondeur; c'est dans cet obj ectif que Différences a quelque peu anticipé la date anniversaire et propose ici une introduction à un sujet complexe mais fondamental. Il faut bien constater avec le Conseil national de la vie associative (lire encadré page 7), que si les associations se sont considérablement diversifiées depuis le milieu des années soixante, palliant en particulier aux effets de la crise, du chômage et de la précarité, elles sont aujourd'hui « confrontées à la montée en puissance des médias, à la technicisation de la gestion et de l'animation, à la logique du marché. »De plus, comme l'explicite Catherine Wihtold de Wenden (dans la table ronde pages 8 et suivantes), les administrations ont trop souvent tendance à les instrumentaliser, les percevant plus comme des exécutants ou des compléments des politiques publiques que comme des partenaires à part entière. On assiste du fait des transformations politiques et comportementales des citoyens, à un émiettement des pratiques associatives, les jeunes en particulier n'envisageant plus de la même façon que leurs aînés l'idée de s'engager dans le champ « politique ». Mais, précise le CNVA, « la difficulté des associations à assurer leur double mission de reconstitution du lien social et de construction d'une citoyenneté active dans le champ politique tient aussi à leurs propres pratiques internes. Les défaillances de la relève ne sont pas étrangères aux insuffisances du fonctionnement démocratique. En raison du poids des Cadres et espaces de décision et de concertation • LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À L'INNOVATION SOCIALE ET À L'ÉCONOMIE SOLIDAIRE (DIES) coordonne au niveau gouvernemental tout ce qui a trait au monde associatif. • LE CONSEIL NATIONAL DE LA VIE ASSOCIATIVE (CNVA) a été créé par décret en février 1983 et manifestait la volonté de reconnaissance et de participation du monde associatif auprès des instances décisionnelles. Un autre décret (31 décembre 85) a élargi les secteurs associatifs qui y sont représentés tandis que celui du 13 mai 96 actualisait la répartition des sièges entre les secteurs associatifs, rendait les représentants des ministères concernés membres de droit du Conseil (sans y disposer de voix délibérative). La mission générale du CNVA est d'être l'interprète auprès du gouvernement des préoccupations et des attentes de l'ensemble des associations. Il se doit notamment de proposer des mesures utiles au développement de la vie associative et d'établir un bilan triennal de la vie associative. Des groupes de travail regroupant représentants des associations et administrations concernées travaillent sur les thèmes suivants: promotion du bénévolat et statut du bénévole, financement des association, développement de l'emploi associatif, associations et Europe. Des commissions se déroulent autour de: l'action internationale, le bénévolat, le volontariat, la décentralisation, le droit et la fiscalité, la formation professionnelle, le FNDVA (Fonds national de développement de la vie associative). • LE FONDS NATIONAL POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA VIE ASSOCIATIVE a pour principale mission le financement de la formation des bénévoles. Conformément aux orientations des Assises nationales des 20 et 21 février 1999, le gouvernement a souhaité impulser la vie de cette structure en facilitant l'engagement bénévole. Une réforme de la gestion du Fonds est en cours tandis que les crédits ont été portés de 24 millions de francs en 1998 à 40 millions en 1999 et en 2000. 6 Différences nO 224 Décembre 2000 structures et valeurs étatiques dans la tradition républicaine, les associations se sont organisées en contre-pouvoir du politique. Elles n'échappent pas aux défauts qui affaiblissent actuellement la démocratie représentative

cumul des mandats, faible taux de renouvellement

des dirigeants, insuffisante présence des femmes aux postes de responsabilité. » Aussi, alors que la vie associative a longtemps représenté un puissant levier de promotion individuelle et collective, « cette fonction de promotion collective et de renouvellement des élites sociales et politiques a régressé ». La reconnaissance des associations en tant qu'acteurs du mouvement social devrait être une priorité mais l'articulation entre les deux types de légitimité, élective et participative, demande à être travaillée, avec en particulier un engagement plus grand des responsables associatifs à préserver la vocation civique et solidaire originelle et à canaliser les nouvelles pratiques militantes. Du côté des pouvoirs publics, il est impératif que les associations soient consultées sur les politiques qui les concernent, que les modalités de leur participation aux Conseils économiques et sociaux régionaux soient examinées, que les instances de concertation ne soient pas des coquilles vides. Il faut enfin noter ici l'excellent ouvrage « Faire société, les associations au coeur du social » (Syros, 1999) coordonné par FrançoisBloch Lainé, qui a exercé entre autres fonctions la direction administrative de la Fondation de France et a créé le Comité de la charte de déontologie des associations et fondations faisant appel à la générosité publique. Y sont notamment analysés l'évolution du rôle des associations, les relations entre dirigeants bénévoles et dirigeants salariés dans les associations, les rapports entre l'association et l'argent. Des problèmes sont soulevés, des questions sont posées, des propositions et solutions proposées au débat. • Chérifa Benabdessadok La plupart des informations synthétisées ici provient du site internet: www.vie-associative.gouv·fr lequel présente une documentation substantielle sur toutes ces questions et renvoie vers d'autres sites. Il faut poursuivre la réflexion a,u sein du Mrap AL' ANNONCE DES ASSISES de la Vie Associative en février 1999, le Mrap s'était mobilisé pour, à la fois, participer aux forums départementaux préparatoires aux Assises Nationales, et pour élaborer un texte de revendications communes à plusieurs associations de Défense des Droits de l'Homme ( Licra, Gisti, DAL) . li s'agissait alors de faire état des difficultés que rencontraient nos mouvements à, d'une part, garantir et stabiliser leurs finances, et, d'autre part, faire face à leurs nombreux engagements dans le temps compté des activités bénévoles (hors temps de travail). Cela s'était traduit par une plate-forme de revendicationS d'une loi de financement des associations de défense des Droits de l'Homme, et d'un statut de l'élu associatif. Les publications du Mrap à l' époque s'en sont fait largement l'écho. La place du Mrap, aux Assises, fut limitée à un strapontin, malgré l'engagement d'un grand nombre de militants dans les forums départementaux. Mais nous avons eu, malgré tout, la satisfaction de voir que la plupart de nos revendications étaient également portées par de grandes organisations présentes à la tribune, en particulier Le Secours Populaire. En décembre 1999, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a diffusé une circulaire auprès des préfectures (Journal officiel nO 302 du 30 décembre 99 p.19765) à propos des relations entre l'Etat et les associations. Il y renforce le rôle du Délégué départemental de la vie Associative (DDVA), et instaure un système d'information et d'aide aux associations dans chaque département. Tous les dispositifs ainsi créés doivent faciliter la vie et le fonctionnement des associations, dans la continuité des forums départementaux, et dans le cadre de la politique de la Ville. Qu'en est-il dans la réalité? Depuis, les informations disponibles sur Internet semblent aller dans le bon sens puisqu'il y est question: - de conventions pluriannuelles qui garantiraient une relative stabilité des financements en échange d'objectifs sur lesquels l'association s'engagerait. - de la publication d'un guide du bénévolat Dessin de Jean-Pierre pendant qu'une mission étudie la possibilité d'instaurer le congé de représentation poùr les militants associatifs. - de la reconnaissance éventuelle du temps consacré par les salariés à des activités associatives (dans le cadre de la seconde loi sur les 35h). Ces trois points correspondent aux problèmes que nous avions soulevés et d'autres pistes sont ouvertes (la formation des militants, un statut européen des associations, la création d'un Observatoire de la vie associative ... ) dans le cadre de cette préparation du centenaire de la loi 1901. Nous étions quelques uns à regretter, lors de la préparation des Assises en 1999, l'absence de réflexion collective au Mrap sur cette question pourtant fondamentale pour la vie du Mouvement. Nous lançons un nouvel appel pour que ce dossier soit repris et suivi par une nouvelle équipe. C'est urgent, 2001 est à notre porte .• Dominique Brendel et Gérard Kerforu Mesures et perspectives depuis les Assises nationales de la vie associative ~ Création d'un comité de suivi des Assises en mars 99 composé des présidents des 14 coordinations de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), du bureau du CNVA et des représentants des ministères concernés. ~ RenouvellementduCNVA: 70 % denouveaux membres et un tiers de nouvelles associations (cfliste dans le JO du 21 janvier 2000). ~ Une circulaire engageant 7 ministères ~ (22 déc. 99) définit le cadre des relations entre l'Etat et les associations dans les dépar,1 tements ; elle met en place des Missions d'ac. cueil et d'information des associations (MAlA), elle renforce le rôle des délégués départementaux à la vie associative (DDVA) qui doivent établir un état des lieux dans leur département et qui seront les interlocuteurs privilégiés représentant l'Etat dans les départements. Ils ont notamment pour rôle de mobiliser les politiques publiques et les financements publics, et d'organiser un réseau de compétences en matière d'accès aux fonds européens ou de formation des bénévoles. Les MAlA ont notamment pour tâche de simplifier les relations entre l'Etat et les services de l'Etat. ~ Une instruction fiscale du 15 septembre 98, complétée par celle du 19 février 99, est entrée en vigueur le 1 er janvier 2000. Elle conforte le principe selon lequel les associations à but non lucratif dont la gestion est désintéressée sont exonérées des impôts commerciaux et précise les conditions dans lesquelles une association peut être soumise aux impôts commerciaux lorsqu'elle exerce une activité commerciale. Des mesures favorisant le mécénat d'entreprises ont été instaurées. ~ Concernant un statut juridique des organismes d'utilité sociale, on s'orienterait vers une labellisation devant permettre l'octroi d'un certain nombre d'avantages juridiques (notamment emplois aidés), sociaux (exonérations de cotisations sociales) ou fiscaux plutôt que vers la création d'un nouveau statut juridique. ~ Une mission sur le congé de représentation pour les militants associatifs est à l' oeuvre. Les ministères doivent faciliter l' application du « congé de représentation» accordé par les entreprises aux bénévoles qui sont convoqués par les instances administratives où ils siègent (instruction du 12 octobre 1999 de Marie-Georges Buffet sur les instances ouvrant droit à l'utilisation de ce congé). D'autres améliorations sont à l'étude. ~ Formation à la gestion des dirigeants bénévoles: congé-formation et droit de réduction d'impôt; ces mesures devraient permettre à des dirigeants occupant des fonctions de gestion à titre bénévole la possibilité d'obtenir un congé individuel de formation. La seconde loi sur les 35 heures (article 15-V) ferait avancer vers la reconnaissance du temps consacré par les salariés à des activités associatives. ~ La délégation interministérielle à l' économie sociale (DIES) a mis en place avec le Centre d'études européennes de Strasbourg un séminaire expérimental de formation sur la construction européenne en direction des responsables associatifs qui s'est déroulé en juin 2000 à Strasbourg: des ateliers leur ont permis d'étudier la manière de monter un projet européen dans les secteurs social, éducatif, culturel. ~ Hypothèse de travailler à un statut européen des associations dans le cadre du « paquet » réglementaire englobant le projet de statut européen de la société anonyme. ~ Un Observatoire de la vie associative devrait être créé à l'image de l'Observatoire de lutte contre les exclusions. Différences nO 224 Décembre 2000 7 ~ DOSSI Jean-Michel Belorgey Président de la Mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association M. Belorgey, pouvez-vous définir le rôle de la Mission et ses perspectives de travail ? Jean-Michel Belorgey : La Mission a pour objet de commémorer, c'est-à-dire de faire mémoire, regarder vers le passé, observer un siècle d'interprétation et d'application de la loi de 1901 par ses principaux usagers et par les pouvoirs publics. Il s'agira aussi de regarder vers l'avenir, d'évaluer en quoi l'ensemble des dispositifs et des pratiques doit évoluer: simplement sous forme de prolongement des grandes tendances, ou bien, au cours des dernières décennies, des faits nouveaux majeurs se sont-ils dégagés qui appellent des infléchissement significatifs, voire des ruptures par rapport à l'évolution précédente de l'engagement associatif. Par conséquent, en dehors de la commémoration purement institutionnelle, nous souhaitons réunir des praticiens associatifs, des chercheurs, et des communicateurs. Avec une quinzaine de manifestations thématiques, le but sera d'examiner comment cela se passe dans les différents secteurs, tels que le social, les libertés, ou quels sont les grands problèmes transversaux communs (le temps associatif, l'association alternative aux marchés économique et politique). Ces actions devront servir à éclairer l'opinion: mettre en présence ceux qui agissent, ceux qui réfléchissent, et ceux Différences nO 224 Décembre 2000 ronde avec Martine Barthélemy Directrice de recherche au Centre d'études de la vie politique française (CEVIPOF) qui parlent, permettra au public de mieux connaître la réalité de la vie associative, sa diversité, ses contradictions, en somme de s'en faire une idée moins naïve. Martine Barthélemy: La loi 190 1, qui a été acquise de haute lutte, favorise l'éclosion de la vie associative. Elle a établi un compromis fondamental au coeur de la démocratie républicaine entre tradition des Lumières et reconnaissance de la contribution des groupes à la démocratie. Elle est assez souple pour s'ouvrir à toutes les formes puisqu'elle n' exige rien sur le plan de l'organisation de l'association, ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres pays européens. Je pense donc que c'est au niveau des pratiques qu'il faut essayer de changer, d'évoluer, en particulier quand il y a utilisation abusive de la loi par la puissance publique ou par des entreprises déguisées. Je me demande si une nouvelle loi sur l'utilité sociale des associations ne serait pas un bon complément à la loi 1901. Dans ce sens, le Conseil national de la vie associative a défini les critères de l'utilité sociale. Il s'agit notamment de bien mettre l'accent sur l'apport particulier de l'association qui ne doit pas être centré uniquement sur des activités mais aussi sur un projet associatif global, c'est-à-dire bien sûr le fonctionnement dé- ~ o

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1il ü ~ ________________________ ~-w ___ @ Catherine Wihtold de Wenden Directrice de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CNRS) mocratique, la gestion désintéressée et la capacité à mobiliser des dons et du bénévolat. Parmi les problèmes cruciaux des associations, il y a les rapports avec l'Etat et avec les collectivités locales. Il reste nombre de points à clarifier et d'améliorations à apporter. Il est certes indispensable que les associations soient contrôlées mais il faut y introduire de la souplesse. Depuis une vingtaine d'années, la reconnaissance des associations par l'Etat est allée croissant, mais des effets pervers se sont développés: la décentralisation ne s'est pas toujours réalisée au profit des associations, et les pouvoirs publics sont loin d'accepter le rôle de contre-pouvoir des associations

les collectivités publiques oscillent

entre indifférence et instrumentalisation. Jean-Michel Belorgey : Le thème de la reconnaissance de l'utilité sociale est intéressant: on créerait là quelque chose qui ressemblerait, en mineur, au statut d'utilité publique ou, en mieux, à ce qu'on appelle la «petite reconnaissance» », c'est-à-dire la possibilité de recevoir des dons et des legs lorsqu'on oeuvre dans certains secteurs et que l'on présente des garanties suffisantes. Mais ça n'a de sens que si cela entraîne le déclenchement simultané de différentes catégories de possibilités: la possibilité d'ob- 1 1 tenir des financements non pas au « projet» mais à une activité globale pérenne; la possibilité de libérer du temps pour les militants associatifs, un statut fiscal de faveur et des privilèges au regard du droit de la concurrence. Mais j'ai le regret de dire que le déclenchement automatique d'un certain nombre d'avantages, ça ne marche pas. Par exemple, la libération du temps sera toujours conditionné par des données touchant à la situation propre des personnes, la fiscalité sera toujours conditionnée par le réalisme du droit fiscal, le statut en matière de concurrence sera toujours soumis aux règles européennes transcrites dans le droit français, il ne faut pas rêver. L'idée de« statut» d'utilité sociale est donc une idée creuse, un faux espoir. L'engagement associatif semble avoir changé de forme et de nature ces dernières années ... Martine Barthélemy: C'est exact. L'engagement se fait aujourd'hui plus facilement de manière transversale, les mobilisations sont souvent ponctuelles, autour de questions concrètes, avec des objectifs précis. On n'est plus, ou de moins en moins, dans la mobilisation idéologique. Catherine Wihtol de Wenden : Il faut égaiement évoquer la baisse significative d'intérêt pour la chose publique. Dans le mouvement civique immigré ou issu de l'immigration, on est face à un problème de relève: l'âge moyen des leaders associatifs dépasse la quarantaine. Jean-Michel Belorgey : Vous avez raison. A titre d'exemple, on trouve de plus en plus difficilement des administrateurs pour les associations. Le monde associatif occupe à la fois des salariés et des bénévoles. Se posent parfois des problèmes de frontières entre les deux statuts. Le monde des salariés associatifs est extrêmement diversifié mais cela crée aussi parfois des situations ambiguës. Autrefois, on avait des objecteurs de conscience, maintenant on a des volontaires du Service national. Il y a aussi pas mal de contrats aidés. Certains salariés sont rattachés à des conventions collectives avantageuses, mais d'autres personnels associatifs risquent d'être enfermés dans les segments les plus bas du marché du travail. Au niveau macroéconomique et macro-sociologique, on peut dire que les associations contribuent à renouveler l'image de l'emploi et du travail dans la société, mais ce n'est pas forcément vrai si l'on regarde les choses de plus près. Le monde associatif est gros consommateur de contrats aidés et c'est un des lieux de l'exploitation d'une couche du marché du travail. Il y a une demande de participation bénévole de la part des citoyens mais qui n'emprunte pas forcément le chemin de l'association. Il y a souvent trop de pesanteur dans le fonctionnement associatif. On peut dire que les associations sont l'antidote du politique, mais du point de vue de nombre de militants associatifs, l'association et la politique c'est pareil. Et nombre de candidats bénévoles veulent s'engager sans avoir à vivre la lourdeur d'un enrôlement. Il faut se préoccuper de cela, proposer à certains bénévoles des engagements concrets, sinon ils seront découragés. Catherine Wihtol de Wenden : Je voudrais rappeler qu'un changement important a eu lieu en 1981 avec l'acquisition de la liberté d'association par les étrangers: ce fut à partir de 1983 un moment d'explosion et d'espoir pour les associations d'immigrés ou de personnes issues de l'immigration, avec en particulier la Marche des beurs qui a été un moment fécond. Cela a déclenché une nouvelle génération associative et une forme de militance qui s'apparente plus à un mouvement social qu'à une vie associative classique. Deux grandes associations ont été créées, Sos Racisme et France Plus, mais aussi de très nombreuses petites associations dont on parle malheureusement beaucoup moins. Pourtant, cette kyrielle de petites associations a apporté une nouvelle forme de militantisme axé sur la citoyenneté. Il ne faut pas oublier qu'un débat comme celui sur le code de la nationalité a duré six ans, de 1987 à 1993, au cours duquel on a demandé aux gens de répondre à la question: « comment être français et musulman? », ce qui a provoqué un double mouvement de recentrage et d'allégeance dans le mouvement associatif civique issu de l'immigration. Avec la crise et la chute du mouvement beur à partir des années 90, nombre d'associations se sont inscrites dans un partenariat avec les pouvoirs A . savoir Cent ans de vie associative publics autour du social. Les associations qui ont joué avec une image très médiatisée se sont épuisées, et la figure du citoyen qui veut être en phase avec les débats de société se trouve aujourd'hui davantage dans les associations musulmanes qui font du social, elles ne sont d'ailleurs pas forcément prosélytes. Ainsi, la mosquée de la rue Tanger à Paris est remplie de jeunes qui ont le profil des leaders beurs du milieu des années quatre-vingt. La mobilisation autour de la nouvelle citoyenneté, l'intervention des intermédiaires culturels, et toute une série de nouvelles figures sociales qui sont nées autour de cette période d'intrumentalisation d'une partie du mouvement associatif, s'inscrivent aujourd'hui dans une sorte de « faire faire» par les pouvoirs publics dans le cadre de la politique d'intégration au quotidien. Ils jouent le rôle de pompiers de service face notamment à ce qu'on appelle les violences urbaines. En fait, on a affaire, à la fois, à une professionnalisation du mouvement associatif issu de l' immigration' une municipalisation des leaders associatifs (qui ne se reconnaissent absolument pas dans les grands leaders médiatisés des années quatre vingt) et à une implantation locale des structures et des actions. On peut se demander si l'on n'est pas dans une sorte de gestion coloniale de l'immigration ... C'est une façon d'acheter un peu de paix sociale. Jean-Michel Belorgey : Il y a dans la loi de 1901 quelque chose de profondément lié à la laïcité. Mais cette laïcité a, au temps des soubresauts de la décolonisation et de ses lendemains, été rudement mise à mal : on n'a pas voulu ouvrir la porte de la laïcité à l'islam comme on l'a fait plus facilement au bouddhisme et à 1 'hindouisme. Ainsi, il a été très difficile pour ceux qui voulaient s'associer pour organiser l'exercice du culte, de s'appuyer sur ~ Le président de la Mission interministérielle est assisté d'un conseil d'orientation composé des représentants des ministères de l'Emploi et de la Solidarité, de la Jeunesse et des Sports, de l'Intérieur ainsi que de quinze personnalités du monde associatif. La Mission coordonne les projets de manifestations qui lui sont proposés par les associations, les partenaires publics ou privés. Elle labellise les projets les plus significatifs et peut accorder une aide financière à certaines initiatives. Une manifestation européenne est prévue pour février 2001 et des manifestations nationales en juin ... Jean-Michel Belorgey est également conseiller d'Etat, auteur d'un rapport sur les discriminations remis à Martine Aubry le 6 avril 1999. Catherine Wihtol de Wenden est membre du comité d'orientation et de rédaction de la revue Hommes et Migrations, auteure de nombreux articles et ouvrages dont « Faut-il ouvrir les frontières? », Presses des sciences politiques, collection La formation du citoyen. Martine Barthélemy est l'auteure d'un livre de référence « Associations, un nouvel âge de la participation », Presses des sciences politiques. Différences nO 224 Décembre 2000 D SSIER -+ les dispositifs de la loi de 1905. Et ces personnes ont recouru au cadre de la loi 1901 qui leur pennettait de faire à la fois du cultuel et du social. Même si le Conseil d'Etat a parfois, et en toute légitimité, réagi négativement, car « la République ne salarie aucun représentant du culte ». Je dois encore signaler que lorsque je présidais le Conseil d'administration du FAS,je n'arrivais pas à faire financer d'association musulmane y compris lorsqu'elle faisait un travail social. Ce fut par exemple le cas d'une association à Gennevilliers qui s'occupait des vieillards musulmans: onn'ajamais réussi à la fmancer alors que l'on fmançait des structures semblables, protestantes, ou juives, ou catholiques. On nous a également demandé de ne pas financer l'accueil des personnes en situation irrégulière au regard du séjour, notamment en matière de fonnation professionnelle, ce qui était assez scandaleux. On nous invitait à ne financer que le travail relevant du « droit commun ». Pourtant, et je l'ai fait prévaloir, il faut souvent que des petites structures à caractère spécifique existent et agissent en donateurs ou en convertisseurs pour que le droit commun marche. Comment la question se pose-t-elle au niveau européen? Catherine Wihtol de Wenden : La Commission et le Parlement européens demandent au monde associatif d'être une force de critique ou de proposition sur l'immigration, un groupe de pression, et en face il y a un manque de savoir faire associatif considérable, y compris de la part du Forum européen, ne disposant pas de relais ni d'expertise suffisants. On risque de recréer des machines à assurer une légitimation, mais qui ne sont pas en mesure d'apporter une vraie critique et d'asseoir un vrai contre-pouvoir concernant tout ce qui se passe en Europe en matière d'immigration. Il y a un manque de compétences aussi parce que les associations sont nationales et le plus souvent locales. Au niveau européen, on fait du bricolage, la demande européenne ressemblant en fait à quelque chose qui serait entre la militance européenne et le travail de lobbying. Jean-Michel Belorgey : Nous croyons à la nécessité de confronter l'expérience des associations françaises et les structures parentes à l'étranger. L'enjeu majeur n'est pas, dans l'immédiat, celui d'un statut d'association européenne, mais de cerner comment les autorités européennes envisagent leur stratégie de relation avec les associations, soit pour leur donner de l'argent, soit pour les consulter ... Car s'il y a des aspects positifs, il y a des aspects inquiétants: ainsi pour exister face aux institutions européennes, il faut quasil 0 Différences nO 224 Décembre 2000 ment que les associations s'organisent en consortium, ce qui est dangereux pour les petites associations qui ont du mal à percer. Il faudra aussi voir la stratégie européenne sur le terrain de l'organisation du marché: qu'est-ce qui relève de la concurrence et qu'est-ce qui doit y échapper? Des associations se sont affolées après la sortie de la directive européenne sur les services parce qu'elles se sont vu soumises à la concurrence ou à des appels d'offres en amont ou en aval pour tous les services qu'elles achètent ou qu'elles vendent, sauf dans les domaines explicitement protégés tels la santé publique ou la protection sociale. Il y a lieu de réfléchir sur cette notion d'intérêt général, et de voir si les opérateurs associatifs pourront ou non bénéficier des mêmes privilèges que ceux créés par la puissance publique, lorsque les structures associatives répondent à des besoins que le marché ne peut satisfaire. A mon avis, tout l'avenir de cette fraction du tierssecteur ou de l'économie intennédiaire se joue davantage au niveau européen qu'au niveau national. Tout ce qui concerne le statut fiscal et le mode d'assujettissement à l'impôt va, un jour, converger avec les réflexions européennes sur l'application du droit à la concurrence et ses nécessaires limitations. Il faudra bien admettre que, si l'idée de service d'intérêt économique général a un sens, cela peut valoir non seulement pour les structures publiques, mais aussi pour les structures associatives ou apparentées. Et cela implique le vieux conflit franco-français consistant à savoir si l'intérêt général est réductible au service public ou s'il est de l'intérêt général hors du service public. Mon idée est qu'il est hors de question d'inventer un système de tri à l'intérieur de la loi 190 l, entre des associations qui seraient a priori considérées comme d'un intérêt général ou d'une utilité collective spécifique et d'autres; cela tuerait la richesse de cette loi qui est d'une totale ouverture, y compris aux administrations qui se dotent ainsi d'un faux nez ou aux opérateurs qui veulent faire de l'économique en commençant petit, sur le mode associatif, quitte à changer ensuite de statut. Aux administrations qui se déguisent en associations, il suffira d'appliquer, le moment venu, les règles de la gestion de fait; et aux associations qui, en fait, agissent comme des entreprises, on appliquera les règles ordinaires de la fiscalité. Mais il ne faut pas appliquer des quadrillages à l'intérieur de la loi 1901. Il est normal que la puissance publique contrôle les activités des associations qui posent des problèmes de police, mais elle ne doit pas empiéter sur le droit d'être ou de ne pas être une association. Le travail des associations avance-t-il vers Cent ans de vie associative plus d'internationalisation? Catherine Wihtol de Wenden : Dans l'immigration ce qui fonctionne le mieux au niveau transnational ce sont les associations religieuses. Ainsi chez les Turcs, qui représentent la nationalité numériquement la plus importante en Europe, les associations fonctionnent peu avec les pouvoirs publics des pays d'installation. Au point de vue religieux, ils sont très bien organisés au niveau transnational et européen, en particulier grâce au rôle des confréries. Jean-Michel Belorgey : En effet, mis à part quelques grandes ONG, en particulier dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et des intérêts familiaux, il y a peu d'associations de dimension européenne ou internationale. Il y a davantage de « plates-fonnes », mais plus ou moins cohérentes. Catherine Wihtol de Wenden : Deux phénomènes que l'on a vu apparaître dans les années quatre-vingt n'ont finalement pas donné les résultats que l'on avait escomptés. Il y a d'une part le passage de l'associatifà l'économique

des réseaux transnationaux ont été

tissés en particulier dans l'espace euro-méditerranéen, mais l'activité reste tout à fait marginale. Un autre espoir avait été fonnulé, celui de voir naître un vaste mouvement antiraciste européen. Le fait est que ça ne fonctionne pas notamment parce que chaque pays dispose de traditions qui lui sont propres. Ainsi, la France est dans une sorte de partenariat avec ses ex-colonies, alors que dans d'autres pays on est dans la configuration du multiculturalisme. Ce qui conduit à des philosophies et à des pratiques différentes. Je voudrais aussi souligner que le mouvement des sans-papiers a fonctionné selon des modalités très modernes en tennes de réseaux, de sites web, téléphones portables, etc. C'est aussi un mouvement transnational: les collectifs français sont en contact avec ceux d'Italie, d'Espagne, du Portugal... Ils ont tenté de répondre aux mêmes interrogations: comment s'organiser d'une façon légère et efficace? quels rapports développer avec le monde associatif? Martine Barthélemy: L'action sur le plan international a gagné en légitimité, et cela me semble en partie lié à l'évolution des modes d'engagement, le modèle classique de militantisme étant défini dans un cadre national. Aujourd'hui, on est face à des modes d'engagement qui impliquent pour les individus la référence à l'immédiateté et au local mais aussi à l'intérêt général, et donc à l'horizon européen, voire planétaire .• Table-ronde organisée par Cathie Lloyd (avec Chérif a Benabdessadok) G..uù!.' l lAUzt' Passeurs de rives Challs"",""t. d',dmtitf dalls le MaghrdJ colonial Kiosques « Allah n'est pas obligé », Ahmadou Kourouma, Ed. Seuil Ahmadou Kourouma n'est pas né AHMADOU KOUROUMA Allah n'est pas obligé « indigénophiles » ; déracinés, résistants battus et ralliés comme Abd-el-Kader; apôtres de la tolérance, comme monseigneur « Mohammed » Duval, et Berenguer « l'abbé fellaga » (élu à la Constituante en 1962); FadhmaArnrouche, convertie au christianisme à seize ans ; Lucien Ferré, fonné à Langues 0' puis sous-préfet dans les Aurès où il se convertit à l' islam, mit à la retraite d'office après le 13 mai 1958 ; ou Emilie Busquant, fille d'un sidérurgiste lorrain, devenue Emilie Messali Hadj, et qui confectionnera le drapeau algérien en 1937. En ces temps coloniaux, où la pression et la hiérarchie sociales s'appuient sur la terre, l'argent, la religion ou la couleur de peau, mais aussi sur l'Etat et la loi, l'écart est souvent perçu comme trahison, la mixité comme tabou, le naturalisé un « m'tourni », De Ferhat Abbas à Rabah Zenati en passant par Hemi Alleg, une galerie de portraits que l'on découvre comme on ouvre une porte sur un monde oublié. Livre du métissage et de l'altérité, mais aussi livre des haines et des passions sanglantes. A lire inconditionnellement. .. de la dernière pluie, sa plume acer- ._~_ be et cynique porte la vivacité de son riche parcours. Son dernier roman dont le titre complet est « Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes ses choses d'ici-bas» se déroule en Afrique de l'Ouest où le narrateur- personnage central est un enfant-soldat perdu dans les guerres dites tribales ou ethniques. On voit très intimement se construire le « destin» d'un enfant de la brousse, devenant progressivement mais inéluctablement un voleur, un assassin et un drogué, un destin détenniné par les effets combinés du libéralisme sauvage, de la misère endémique pour la majorité, de la corruption, des préjugés, des traditions surannées, et des folies mégalomaniaques. « Allah n'est pas obligé» n'est pourtant ni un journal ni une chronique politique, mais un vrai roman écrit dans une langue superbe. Celle-ci participe de la vie et de l ' histoire, elle seule reste humaine et parfois drôle, quand tout fout le camp dans une débauche de génocides à petite ou grand échelle, « Passeurs de rives - Changements d'identité dans le Maghreb colonial », Claude Liauzu, L 'Harmattan, collection Histoire et perspectives méditerranéennes Claude Liauzu choisit, avec ses « passeurs de rives », d' arpenter les itinéraires personnels, faits de marges et de ruptures, de ceux qui sont sortis de leur « groupe d'origine ». A l'opposé de l'histoire quantitative, c'est l'individu, dans sa complexité et son ambivalence, qui fonne le coeur du récit, entre biographie et étude de cas. Seule une vie d'études et de lectures pouvait rassembler et ciseler cette galerie de portraits en mouvement. On découvre ces bâtisseurs de ponts: intellectuels Mra Laurent Canat En finir avec la guerre contre les pauvres ! Le racisme a partie liée avec l'histoire; il a partie liée aussi avec l'espace; avec une dimension internationale, planétaire ; les problèmes de pauvreté que nous constatons autour de nous sont en phase avec le fossé qui continue de se creuser entre les pays riches et les pays pauvres; c'est dire que l'analyse du racisme et la lutte contre ce fléau dépassent le cadre hexagonal ou européen, On utilise parfois l'expression de « village planétaire» parce que des nouvelles peuvent traverser la planète en quelques minutes ou secondes; ce n'est pas pour autant que les inégalités, ou la profondeur du fossé que crée la « guerre contre les pauvres» sont reconnues comme des interactions entre toutes les populations de la Terre. En entrant dans la connaissance de cette histoire et de ses dimensions, nous pouvons nous donner les moyens de mieux agir pour la paix et la justice, parce que la paix et la justice sont inséparables l'une de l'autre et qu'elles vivent collectivement. « Merci à Paul Muzard de nous avoir brossé la sombre histoire de l'esclavage et des guerres coloniales. Ce passé dramatique ne peut que nous tourner vers l'avenir dans un sursaut citoyen. Quand on lutte, on gagne souvent. » Jacques Gaillot Parution mi-décembre 2000. Prix public 120 F Prix de souscription Mrap jusqu'au 15 janvier: 100 F+ 8 F de port. Passez vos commandes auprès du siège du Mrap. et c'est par la langue que chacun des protagonistes - personnage ou arrière-fond politique, historique et religieux - en prend pour son compte, Une charge radicale contre la corruption des régimes politiques africains, contre le racisme et contre la politique africaine de la France, mais aussi une précieuse auscultation des mécanismes qui font d'une personne ordinaire un bourreau qui méprise l'Autre autant qu'il se méprise lui-même, Un roman parfaitement maîtrisé, construit d'une main d'orfèvre ou d'acupuncteur qui plante les aiguilles partout où ça fait mal. Prix Renaudot 2000. C. Benabdessadok Différences nO 224 Décembre 2000 l l Actualités ÉChOS • Une circulaire (non publiée) datant du mois d'août dernier relative au renouvellement des cartes de résident obtenues par des ressortissants étrangers polygames avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993, allège l'application de la loi et protège les parents comme les enfants de toute mesure d'éloignement. Décision a été prise de leur accorder un titre permettant de travailler. • Après l'arrestation des auteurs présumés d'actes antisémites commis en France, le Mrap a décidé de porter plainte le 20 octobre el a confié à son président, Pierre Mairal, la coordination de l'ensemble de ces poursuites. Il a également saisi le 7 novembre les procureurs des villes concernées ainsi Que les ministres de l'Intérieur et de la Justice. Il faut noter que la vitrine du siège national a été saccagée dans la nuit du 7 au 8 octobre. • Le Mrap a appelé a participer à la manifestation du 4 novembre « Pour les prisonnierS) l en appelant à se mobiliser contre toutes les formes de racisme et de discrimination dans la justice comme dans les prisons. • En réponse à une question d'un député au sujet du débat sur la torture en Algérie, M. Jospin a déclaré le 28 novembre à l'Assemblée nationale: «Je n'oublie donc en rien les crimes, les exactions perpétrés de 'l'autre côté, mais je considère qu'une démocratie est d'abord comptable du rapport à ses propres valeurs d'actes qui ont été commis en cette période par de hauts responsables. Quarante ans après les faits, un travail objectif d'explication et de compréhension est évidemment nécessaire sur ces événements particulièrement dramatiques pris dans toutes leurs dimensions. Ce travail ne relève pas pour moi - j'ai déjà eu l'occasion de le dire - d'un acte de repentance. Le gouvernement, comme il l'a fait au cours de ces trois dernières années pour l'accès aux archives de la seconde guerre mondiale ou aux documents relatifs aux journées d'octobre 1961, est prêt à favoriser un tel travail scientifique et historique ». Mais on ne sait pas ce que pense le Premier ministre de l'opacité dans laquelle continue de fonctionner la préfecture de Paris et l'interdiction faite à Jean-Luc Einaudi d'accéder à ses archives, interdiction que plusieurs associations ont dénoncée le 17 octobre dernier. • Le Mrap a participé le 4 novembre à la journée nationale pour la libération de Mumia Abu-Jamal et Leonard Peltier. Un rassemblement a lieu chaque mercredi de 18 à 20 heures face au consulat des Etats-Unis à Paris à l'initiative du Collectif unitaire national de soutien à Mumia Abu-jamal et du Groupe de soutien à Leonard Peltier. • La CNCDH a publié les actes du colloque des 6 et 7 juillet sur le combat au quotidien contre le racisme (à La Documentation française). Recension dans notre prochaine édition. 12 Différences nO 224 Décembre 2000 Fran tz Fanon, un homme, une oeuvre, une cause Alice Cherki est médecin psychiatre et psychanalyste. Jeune AIe .... ' .. géroisejuive, imeme auprès du docteur Frantz Fanon dans l'Algé- .., rie des années 50, elle est restée son amie jusqu'à sa mort. Son ouvrage (1) n'est pas une biographie exhaustive mais un « portrait », ce qui implique choix et relative subjectivité du peintre, dont on sent ici [a passion, contenue mais vibrante. Le héros est l'objet d'une évocation savamment et abondamment documentée, écrite dans un style d'un classicisme raffiné. Pourtam, il incitait au romantisme facile, à l'image d'Epinal de gauche, comme le Congolais Lumumba, son exact contemporain, mort peu avant lui, comme l'Argentin Guevara, son cadet de trois ans, son admirateur: sa vie, comme la leur, a été tendue et brève, on serait tenté de dire « tragique )). Seul des trois, il n'est pas mort de mort violente. Ni Premier ministre ni guerillero, il n'a joué qu'un petit rôle politique, parfois de diplomate,jamais de décideur. Son métier? simplement médecin des âmes - c'est le sens du mot « psychiatre)) - et écrivain: il a réfléchi sur les interactions entre l'oppression sociale, notamment raciste, et les troubles mentaux, accumulant articles, essais et livres contre le racisme et la colonisation. Alice Cherki trace le portrait d'un homme mais aussi révèle son oeuvre, une terre, une guerre, une cause. L'homme, né en 1925, mort en 1961, est un Français de Fort-de-France, Antillais descendant d'esclaves noirs, qui, à dix-huit ans, découvre le racisme des Français de la métropole quand il s'engage contre le nazisme, avec son ami d'enfance Marcel Manville, futurcofondateur du Mrap, dans les Forces Françaises Libres; il nes'en remettra jamais. L'oeuvre culminera en 1961 avec « Les Damnés de la terre )), réquisitoire éclatant et terrible contre la colonisation européenne, au titre magnifique, aux accents parfois proches de ceux de Rimbaud. La terre, cc fut l'Algérie, patrie d'adoption de Fanon, où il arriva en 1953 comme médecin-chefde l'hôpital psychiatrique de Blida, où il entra en rébellion contre la France légale. La guerre, qu' à l'époque les Français refusaient d'appeler de ce nom, ,( sale guerre)) s'il en fut jamais de propre, toute tissée de tortures, de haine fratricide, guerre civile en même temps que guerilla, parfois même pogrom. Tout cela est éclairé par la documentation généreuse et précise d'Alice Cherki. Elle fait la part belle,en particulier, dans leurs relations avec Fanon, aussi bien aux personnalités du Tiers-Monde qu'aux intellectuels français qui gravitaient dans la mouvance existentialiste des années 50, celle de Fanon, un peu rebelle au marxisme. Alice Cherki dissipe quelques malentendus et soulève des questions d'actualité, celle-ci, par exemple: [e racisme de l'an 2000 envers les immigrés est-il de même nature que celui du colon des années 50 envers les colonisés ? J'avoue cn être moins sûre qu'clic, tout en reconnaissant que mon optimisme relatif tient à une intuition floue, que j'aimerais voir vérifiée par un débat au Mrap Fanon, scion Alice Cherki, « était sceptique vis-à-vis des institutions qui commençaient à se créer en Europe, comme le Mrap. )). Sur ce point au moins, il avait tort: ,( la cause de la justice et de la liberté )), c'était la sienne, mais c'est aussi la nôtre, que son exemple ct son oeuvre nous aideront à faire progresser. Lisons Alice Cherki sans scepticisme. (1) « Frantz Fanon, Portrait )), Seuil Aude Matignon Paroles de Palestine A l'heure où la violence et la déraison l'emportent sur le réalisme et la fratern ité, il faut lire ou relire ce numéro spécial de Différences publié au mois de janvier et rédigé par deux militants du Mrap, Alexandrine Vocaturo et Yves Marchi, du comité de Menton. Les principales questions de fond qui bloquent le processus de paix et poussent les Palestiniens à la révolte y sont clairement présentées

l'histoire d'une négociation largement freinée par les gouvernements

israliens, les colonies, l'eau, la confiscation des ter- 1;23 janvier 2012 à 12:53 (UTC):~~1~~; res, les droits de l'Homme, etc. Ce numéro est toujours en vente

au Mrap. Comprendre pour mieux agir dans l'intérêt des peuples

israélien et palestinien. ~IIA".AA 43 bld de Magenta 75010 Paris - T : 01 53 38 99 99 1'"II"'lH~ Télécopie: 01 404090 98· E.mail : joumal.differences@free.fr 13 F le numéro - Abonnement 135 F (II n"'Jan) Directeur de publication: Mouloud Aounit. Gérante bénévole: Isabelle Sirot. Rédactrice en chef _ mise en page : Chérifa 8enabdessadok. Directrice administrative : Florence Festas. Abonnements

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